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Le Groupe d’experts sur le Yémen appelle le Conseil de sécurité à saisir la CPI et soutient la création d'un mécanisme d'enquête du Conseil des droits de l’homme

Arrière

29 septembre 2020

29 septembre 2020

Il soutient également la poursuite des discussions sur la possibilité de créer un tribunal spécialisé pour traiter des crimes internationaux commis pendant le conflit au Yémen

 

Le Conseil des droits de l'homme a tenu, cet après-midi, son dialogue avec le Groupe d’éminents experts internationaux et régionaux sur le Yémen, dont le Président, M. Kamel Jendoubi, a présenté le troisième rapport en date, intitulé : «Une pandémie d’impunité sur un territoire torturé».  Le Conseil a ensuite achevé son débat général – entamé ce matin – au titre des organismes et mécanismes de protection des droits de l'homme, en entendant les interventions de plusieurs délégations**.

Présentant le rapport du Groupe d’éminents experts qu’il préside, M. Jendoubi a insisté sur l'échec des parties concernées à tenir pour responsables les responsables des violations au Yémen, alors même qu’après six années de conflit armé incessant, l'ampleur et la nature des violations commises au Yémen devraient choquer la conscience de l'humanité.  Les violations du droit international humanitaire que le Groupe d’experts a identifiées peuvent être assimilées à des crimes de guerre, a-t-il assuré. 

Aussi, le Groupe d’experts appelle-t-il le Conseil de sécurité à saisir la Cour pénale internationale de la situation au Yémen et à élargir la liste des personnes responsables de violations dans le cadre de son régime de sanctions.  Le Groupe soutient en outre la création d'un mécanisme d'enquête analogue aux organes créés pour la Syrie et le Myanmar, ainsi que la poursuite des discussions sur la possibilité de créer un tribunal spécialisé pour traiter des crimes internationaux commis pendant le conflit au Yémen, a précisé M. Jendoubi.  Il a ajouté que le Groupe avait identifié, dans la mesure du possible, les auteurs potentiels des crimes qui ont été commis et qu’une liste des noms de ces personnes avait été soumise à la Haute-Commissaire aux droits de l'homme sur une base strictement confidentielle afin de contribuer aux futurs efforts de responsabilisation.

La délégation du Yémen est intervenue suite à cette présentation, avant que de nombreuses délégations ne prennent part au débat*.  Il a notamment été demandé aux belligérants de garantir l’accès du territoire yéménite aux organisations humanitaires.  De nombreux intervenants ont repris à leur compte les recommandations du Groupe d’éminents experts s’agissant de la nécessité d’établir les responsabilités des crimes commis au Yémen, et ont plaidé pour le renouvellement du mandat de ce Groupe.  Plusieurs délégations ont dénoncé la vente d’armes à des parties au conflit par plusieurs pays occidentaux.  Durant le dialogue, auquel ont participé plusieurs membres du Groupe d’éminents experts, il a été rappelé que la livraison d’armes et le soutien logistique à des belligérants pouvaient entraîner la responsabilité des États fournisseurs en cas de violations des droits de l’homme.  Les États tiers doivent s’abstenir de toute activité risquant d’alimenter le conflit, a-t-on insisté.  Les auteurs des pires crimes commis au Yémen doivent savoir qu’ils seront un jour appelés à rendre des comptes, a conclu M. Jendoubi.

L’Iran et l’Iraq ont exercé leur droit de réponse au sujet de déclarations prononcées pendant le débat général et au sujet du rapport du Groupe d’éminents experts. 

 

Demain matin à partir de 10 heures, le Conseil doit tenir ses débats généraux sur l’Examen périodique universel et sur la situation des droits de l’homme en Palestine et dans les autres territoires arabes occupés.

Les séances de la quarante-quatrième session du Conseil sont retransmises sur le site UN Web TV.

 

Dialogue sur le rapport du Groupe d’éminents experts internationaux et régionaux sur le Yémen

Présentation du rapport

Le Conseil était saisi du troisième rapport du Groupe d’éminents experts internationaux et régionaux sur le Yémen, intitulé : «Une pandémie d’impunité sur un territoire torturé» (voir sur la page Web du Groupe d’experts la version préliminaire en anglais et en arabe du document). 

Présentation

M. KAMEL JENDOUBI, Président du Groupe d’éminents experts internationaux et régionaux sur le Yémen, a indiqué que ce rapport, le troisième en date et portant sur la période depuis la mi-2019, était intitulé : « Une pandémie d'impunité sur un territoire torturé ».  Ce titre souligne l'échec des parties concernées à tenir pour responsables les responsables des violations au Yémen, alors même qu’après six années de conflit armé incessant, l'ampleur et la nature des violations commises au Yémen devraient choquer la conscience de l'humanité, a expliqué M. Jendoubi. 

Il a souligné que nombre des violations du droit international humanitaire que le Groupe d’experts qu’il préside a identifiées peuvent être assimilées à des crimes de guerre.  Ainsi, les frappes aériennes sont menées par les forces de la coalition sans tenir compte des principes de distinction, de proportionnalité, ni de précaution, a précisé M. Jendoubi.  Les houthistes tout comme les forces de la coalition utilisent des mortiers et des roquettes dans des zones très peuplées, a-t-il insisté.  Le Groupe d’éminents experts a aussi constaté que toutes les parties, en particulier les houthistes, entravent l’acheminement des fournitures et les opérations de secours humanitaires. 

D’autre part, a poursuivi M. Jendoubi, loin des lignes de front, de graves violations sont commises par toutes les parties au conflit.  Le Président du Groupe d’éminents experts a cité à cet égard des exécutions sommaires par des policiers ou des groupes armés, ainsi que des détentions arbitraires, des disparitions forcées et des cas de torture.  Les personnes perçues comme dissidentes ou opposées à la partie qui contrôle telle partie du territoire – comme les défenseurs des droits de l'homme et les journalistes – sont particulièrement menacées. 

Alors que le système juridique interne du Yémen devrait servir de voie de recours en cas de violation, le Groupe a constaté que l'administration de la justice au Yémen est gravement compromise, avec de graves conséquences pour le droit à un procès équitable, a par ailleurs indiqué M. Jendoubi. 

Pour ces raisons, le Groupe d’experts appelle le Conseil de sécurité à saisir la Cour pénale internationale de la situation au Yémen et à élargir la liste des personnes responsables de violations dans le cadre de son régime de sanctions, a déclaré M. Jendoubi.  Le Groupe soutient la création d'un mécanisme d'enquête analogue aux organes créés pour la Syrie et le Myanmar, ainsi que la poursuite des discussions sur la possibilité de créer un tribunal spécialisé pour traiter des crimes internationaux commis pendant le conflit au Yémen, a-t-il ajouté. 

Le Groupe d’experts réitère son appel aux États tiers pour qu'ils cessent de transférer des armes aux parties au conflit et appelle les membres du Conseil des droits de l'homme à maintenir la situation au Yémen au premier rang de leurs priorités. 

M. Jendoubi a précisé que le Groupe avait identifié, dans la mesure du possible, les auteurs potentiels des crimes qui ont été commis.  Une liste de noms de ces personnes a été soumise à la Haute-Commissaire aux droits de l'homme sur une base strictement confidentielle afin de contribuer aux futurs efforts de responsabilisation, a-t-il indiqué.

Pays concerné

Le Yémen a déploré que le Groupe d’experts continue de produire des rapports basés sur des allégations infondées émanant d’organisations non gouvernementales (ONG) ou reprises dans la presse.  Le Yémen, qui n’a pas appuyé la résolution ayant prolongé le mandat du Groupe d’experts en septembre dernier, estime que la situation devrait être examinée par le Conseil au titre de l’assistance technique. 

La délégation yéménite a en outre rappelé qu’il existait déjà une commission d’enquête nationale, travaillant sur le terrain et chargée d’aider les tribunaux à rendre justice.  Le Gouvernement du Yémen ne voit aucune raison de renouveler le mandat du Groupe d’experts, a conclu la délégation.

Débat

Un groupe de pays a estimé que la fin du conflit et l'instauration d'une paix durable au Yémen ne pouvaient être obtenues que par des moyens politiques, et a réaffirmé son soutien total au processus mené par les Nations Unies en vue d'une solution négociée, notamment l’action menée par M. Martin Griffiths, l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen. 

Cette année, la crise humanitaire de très grande ampleur que traverse le Yémen est aggravée par l'insécurité alimentaire, des inondations, la COVID-19 et même une invasion de criquets, ont déploré les délégations.  Il a été demandé aux belligérants de garantir l’accès du territoire yéménite aux organisations humanitaires.  M. Jendoubi a été prié de préciser quelles étaient les conséquences de la COVID-19 sur la situation humanitaire au Yémen.

Les belligérants ont été appelés à libérer les personnes qu’ils détiennent de manière arbitraire.  Les violences sexuelles et les violences envers les personnes LGBTI au Yémen ont été dénoncées à plusieurs reprises.  L'attention du Conseil a été attirée sur le travail du Groupe d'experts pour documenter la violence sexuelle et sexiste ainsi que les violations des droits humains des femmes.

De nombreux orateurs ont demandé que les auteurs de crimes de guerre au Yémen rendent compte de leurs actes.  Ont par ailleurs été dénoncées les attaques contre des journalistes – en particulier la condamnation à mort de quatre journalistes par les houthistes – et contre des personnes appartenant à des minorités. 

La nécessité de défendre les droits des enfants a aussi été soulignée, des délégations dénonçant à cet égard les attaques perpétrées par les belligérants contre des hôpitaux et contre des écoles.

De nombreux intervenants ont repris à leur compte les recommandations du Groupe d’éminents experts s’agissant de la nécessité d’établir les responsabilités des crimes commis au Yémen, et ont plaidé pour le renouvellement du mandat de ce Groupe. 

Une délégation a dénoncé le blocus et les attaques aériennes dont souffre la population du Yémen six ans après le début de la guerre lancée par l’Arabie saoudite.  Plusieurs délégations ont dénoncé la vente d’armes à des parties au conflit par plusieurs pays occidentaux. 

*Liste des intervenants : Union européenne, Norvège (au nom d’un groupe de pays), Irlande (au nom d’un groupe de pays), ONU Femmes, Qatar, Allemagne, Japon, Chine, Australie, Suisse, Croatie, République tchèque, Royaume-Uni, Nouvelle-Zélande, Iran, France, Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté, Alliance internationale d'aide à l'enfance, Bahaï International Community, Défense des enfants - international, Institut du Caire pour les études sur les droits de l’homme, Reporters sans frontières International, Human Rights Watch, Amnesty international, Lawyers' Rights Watch Canada et Association Ma'onah for Human Rights and Immigration.

Réponses et conclusions du Groupe d’éminents experts

MME MELISSA PARKE, membre du Groupe d’éminents experts, a affirmé que les experts du Groupe travaillaient en toute indépendance et en gardant toujours à l’esprit les souffrances du peuple yéménite.  Toutes les parties au conflit au Yémen se livrent à des crimes, au mépris complet du droit international et du droit international humanitaire, a-t-elle ensuite souligné.  Le Groupe d’experts continuera de documenter toutes les atteintes aux droits fondamentaux de la population, a-t-elle assuré, avant de regretter l’échec de la communauté internationale à ramener le Yémen sur le chemin de la paix.  L’instauration d’un cessez-le-feu est la première priorité, afin que les secours humanitaires puissent être acheminés. 

M. ARDI IMSEIS, membre du Groupe d’éminents experts, a jugé indispensable que les responsables des violations des droits de l’homme commises au Yémen rendent compte de leurs actes.  Pour cela, le Conseil de sécurité doit saisir la Cour pénale internationale et élargir à d’autres parties au conflit la liste des personnes figurant sur sa liste de sanctions.  Il convient aussi de créer un mécanisme international de justice pénale.  Quant aux États tiers, ils doivent poursuivre ou extrader les responsables de crimes qui se trouveraient sur leur territoire, a préconisé M. Imseis.  Il faut également envisager la création d’un tribunal hybride pour poursuivre les auteurs des pires violations des droits de l’homme. 

L’expert a ensuite rappelé que la livraison d’armes et le soutien logistique à des belligérants pouvaient entraîner la responsabilité des États fournisseurs en cas de violations des droits de l’homme.

M. JENDOUBI a indiqué que l’objectif du Groupe d’experts était d’aider la population civile et de faire en sorte que le droit international s’applique au Yémen.  Les États tiers doivent s’abstenir de toute activité risquant d’alimenter le conflit, a-t-il insisté.  Les auteurs des pires crimes commis au Yémen doivent savoir qu’ils seront un jour appelés à rendre des comptes, a conclu M. Jendoubi.

Fin du débat général sur les organismes et mécanismes de protection des droits de l’homme

De nombreuses délégations ont reconnu le caractère indispensable du travail des procédures spéciales pour la protection, la promotion et le renforcement des droits de l’homme partout dans le monde.  Les procédures spéciales permettent de faire entendre une voix indépendante au sein du Conseil, a-t-il été souligné.  Il faut préserver cette indépendance et éviter les attaques à l’encontre des titulaires de mandat, a insisté une délégation.

Une délégation a plaidé pour une coopération accrue entre New-York et Genève afin d’éviter les doublons dans les travaux des procédures spéciales et améliorer ainsi l’efficacité du pilier « droits de l’homme » des Nations Unies. 

Plusieurs délégations ont rappelé l’importance des visites in situ des titulaires de mandat, dans les pays, ce qui – a-t-il été affirmé – constitue même l’essence de leur travail.  Nombre d’intervenants ont plaidé pour que tous les pays adressent une invitation ouverte (c’est-à-dire permanente) à toutes les procédures spéciales. 

Le Conseil devrait veiller à ce que ses mécanismes coopèrent avec les États, en particulier qu’ils tiennent compte des informations fournies par les États ainsi que de leurs particularités, a-t-il par ailleurs été estimé.  Certains ont regretté que le code de conduite applicable aux titulaires de mandat ne soit pas toujours respecté.

Les procédures spéciales doivent traiter tous les États sur un pied d’égalité, a rappelé une délégation, avant d’ajouter qu’elles doivent aussi éviter de transmettre des informations, notamment via des communiqués de presse, sans avoir pris le temps de bien vérifier les sources de ces informations.  Plusieurs délégations ont dénoncé le manque d’impartialité de certaines procédures spéciales qui, selon ces délégations, ne tiennent pas compte des informations officielles fournies par les États.  Certaines procédures sont intervenues dans le processus législatif d’États et sont alors sorties du cadre de leur mandat, a déploré une délégation.  Certains titulaires de mandat ne sont pas à la hauteur de leur fonction, a-t-il même été affirmé.

Plusieurs délégations ont par ailleurs dénoncé un manque de représentation de certaines zones géographique et de certains systèmes juridiques parmi les titulaires de mandats. 

Il a d’autre part été demandé aux procédures spéciales de s’attaquer aux causes profondes de la montée de l’islamophobie dans le monde ainsi que des déplacements forcés. 

Les critiques à l’encontre des procédures spéciales ne doivent pas remettre en cause le système général de ces procédures, a-t-il toutefois été souligné. 

Plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) ont dénoncé les pressions et les représailles à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme qui coopèrent avec les mécanismes des droits de l’homme des Nations Unies.

D’autres organisations ont déploré le caractère excessif des mesures prises dans le cadre de la réponse à la pandémie de COVID-19, dénonçant celles de ces mesures qui sapent le travail de la société civile et l’empêchent de s’exprimer, y compris au Conseil. 

**Liste des intervenants : Indonésie, Mexique, Venezuela, Népal, Uruguay, Japon, Israël, Cuba, Chine, Iran, Algérie, Fédération de Russie, Bélarus, Azerbaïdjan, Jordanie, Liban, Conseil de coopération du Golfe, Suisse, Amnesty International, Associazione Comunita Papa Giobanni XXIII, Universal Rights Group, Fondation Alsalam, Khiam Rehabilitation Center for Victims of Torture, Réseau international des droits humains, Organisation internationale pour les pays les moins avancés, Congrès du monde islamique, International Council Supporting Fair Trial and Human Rights, Al Baraem Association for Charitable Work, Global Welfare Association, Partners for Transparency, Mother of Hope Cameroon Initiative Group, World Barua Organization, Liberation, Association pour l’intégration et le développement durable au Burundi, Iraqi Development Organization, Commission internationale de juristes, iuventum e.V., Maat for Peace – Development and Human Rights Association, CIVICUS: Alliance mondiale pour la participation des citoyens, Health and Environment Program, Center for Gender Justice and Women Empowerment, Association Thendral, ABC Tamil Oli, Tamil Uzhagam, Commission africaine des promoteurs de la santé et des droits de l’homme, Center for Organisation Research and Education, Prahar, African Green Foundation International, Association culturelle des Tamouls en France, International Buddhist Relief Organisation, Association solidarité internationale pour l’Afrique.

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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel


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