Le Conseil des droits de l'homme tient un débat interactif sur la situation des droits de l'homme en Libye
10 juin 2011
Conseil des droits de l'homme
MI-JOURNÉE 10 juin 2011
Il tient aussi un débat général sur le suivi des résultats de la Conférence mondiale des droits de l'homme (Vienne, 1993)
Le Conseil des droits de l'homme a tenu, à la mi-journée, un débat interactif sur la situation des droits de l'homme dans la Jamahiriya arabe libyenne organisé à sa demande par la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Mme Navi Pillay, qui a présenté un rapport sur la question. Le Conseil a ensuite tenu son débat général sur le suivi et l'application de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne, adoptés en 1993 à l'issue de la Conférence mondiale des droits de l'homme.
Ouvrant le débat sur la situation en Libye, Mme Pillay a indiqué que, si le Haut-Commissariat n'a pas été en mesure de vérifier toutes les allégations ni procéder à une évaluation sur le terrain. Mais toutes les informations qui lui ont été communiquées concordent quant au nombre important de violations flagrantes des droits de l'homme, du droit international et du droit humanitaire. Mme Pillay a aussi décrit la situation dramatique à Misrata assiégée par les forces gouvernementales, qui illustre, si besoin était, l'étendue et la gravité des crimes qui auraient été commis en Libye depuis le début du conflit. Les allégations de crimes commis par les forces insurgées sont considérablement moins nombreuses, a ajouté Mme Pillay. La Haut-Commissaire a également évoqué la situation dramatique des refugiés accueillis par les pays voisins. Elle a insisté sur la responsabilité de tous les États de prendre les mesures nécessaires pour que les réfugiés et migrants soient traités dans le respect de leur dignité humaine et conformément aux normes du droit international.
Le débat a également compté avec la participation de M Rashid Khalikov, Directeur de l'Office de Genève du Bureau de la coordination des affaires humanitaires, et de M. Yacoub El Hillo, Directeur du Bureau régional du Haut Commissariat pour les réfugiés pour l'Afrique du Nord et le Moyen Orient.
M. Khalikov a pour sa part indiqué que l'insécurité et l'absence d'accès aux zones les plus sévèrement touchées par le conflit continuent d'entraver les évaluations et la fourniture de l'assistance à tous les civils qui en ont besoin. Le représentant du Bureau de la coordination des affaires humanitaires a donné des informations chiffrées sur les importants déplacements de population dans le pays et vers les pays voisins, s'agissant des Libyens qui fuient les combats mais aussi des Tunisiens, Égyptiens et Tchadiens touchés par la situation en Libye. M. Khalikov a déclaré que le dialogue avec le Gouvernement et le Conseil national de transition a été constructif et a espéré une solution rapide à cette crise car la situation est évolue constamment sur le terrain. Il a exhorté au respect de la neutralité et de l'indépendance des organisations qui travaillent sur le terrain.
Le Haut Commissariat pour les réfugiés estime à plus de 50 000 le nombre de personnes coincées en Libye et qui attendent aide et assistance humanitaire, a déclaré M. El Hillo. De plus, près d'un million de personnes ont fuit le pays pour se réfugier dans les pays voisins. Il a souligné que la situation est aujourd'hui marquée par un accès limitée et des contraintes importantes en raison des combats qui se poursuivent. Il a aussi souligné qu'il est important que la communauté internationale augmente son aide pour trouver des solutions de réinstallations à de nombreux réfugiés de la région. Il a insisté sur la pression qui pèse en particulier sur la Tunisie et qui risque encore s'accroître.
Dans le débat qui a suivi, les délégations se sont déclarées préoccupées par la situation humanitaire dégradée depuis le début de la crise. Elles ont réitéré leur condamnation de la violence à l'égard des civils, notamment de la part des forces gouvernementales, ajoutant que des enquêtes doivent être menées et des poursuites engagées contre les auteurs de ces actes. Cependant, deux délégations ont aussi souligné que les forces insurgées se rendent elles aussi coupables de violations des droits de l'homme, notamment en l'endroit de migrants noirs africains accusés de mercenariat.
Les délégations suivantes ont participé à ce débat interactif: États-Unis, Argentine, Union européenne, Jordanie, France, Palestine (au nom du Groupe arabe), Royaume-Uni et Espagne.
Les organisations non gouvernementales suivantes ont aussi pris la parole: Amnesty International, International Educational Development, CIVICUS: Alliance mondiale pour la participation des citoyens, Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme (au nom également de l'Agence des cités unies pour la coopération Nord-Sud) et Presse Embleme Campagne.
Dans le cadre du débat général sur le suivi de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne, les délégations ont souligné que ces textes ont fait de la promotion et de la protection des droits de l'homme une préoccupation légitime de la communauté internationale et ont affirmé que tous les droits de l'homme sont interdépendants et intimement liés. Le potentiel de ces principes a été amplement démontrée par la propagation incroyable et l'utilisation des technologies modernes de communication qui permettent à des citoyens ordinaires dans tous les coins du monde de diffuser leurs opinions et de communiquer. Il a par ailleurs été souligné que davantage d'attention doit être portée sur les groupes marginalisés, qui sont encore mal protégées.
Les délégations suivantes se sont exprimées dans le cadre de ce débat: Hongrie (au nom de l'Union européenne), Paraguay (au nom du MERCOSUR), Suède (au nom d'un groupe de 41 pays), États-Unis, Chine, Fédération de Russie, Pologne, Brésil (au nom du Groupe des États d'Amérique latine et des Caraïbes et pays associés), Algérie et République islamique d'Iran. Les organisations non gouvernementales suivantes ont aussi pris la parole: International Educational Development (au nom également de Fondation Marangopoulos pour les droits de l'homme et Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - MRAP), Association lesbienne et gay internationale - Europe, Fondation Marangopoulos pour les droits de l'homme (au nom également du Comité inter-africain sur les pratiques traditionnelles ayant effet sur la santé des femmes et des enfants en Afrique), Union mondiale pour le judaïsme libéral, France Libertés – Fondation Danielle Mitterrand, United Nations Watch, Amnesty International, Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP), Libération, Centre for Human Rights and Peace Advocacy, Union de l'action féminine, Mouvement international de la jeunesse et des étudiants pour les Nations, Indian Council of South America, Organisation pour la communication en Afrique et de promotion de la coopération économique internationale - Ocaproce International, et Agence internationale pour le développement - Aide-Fédération.
En fin de séance, le Président a fait savoir que suite à la réunion privée du Conseil consacrée à sa «procédure de requête» sur l'examen de situations qui semblent relever de «violations flagrantes et attestées par des éléments dignes de foi des droits de l'homme et des libertés fondamentales», le Conseil a décidé de rester saisi de la situation du Tadjikistan au titre de cette procédure.
Le Conseil des droits de l'homme poursuit à partir de 15 heures ses travaux dans le cadre de la journée de débats consacrés aux droits fondamentaux des femmes en tenant une deuxième réunion-débat, qui porte sur la violence à l'égard des femmes dans les situations de conflit armé.
Débat interactif sur la situation des droits de l'homme dans la Jamahiriya arabe libyenne
Déclarations liminaires
MME NAVI PILLAY, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a présenté son rapport sur la situation des droits de l'homme dans la Jamahiriya arabe libyenne, conformément à la résolution S-15/1 du 25 février 2011, en indiquant qu'elle attend avec intérêt le dialogue interactif qui se tient aujourd'hui conformément à la même résolution.
Depuis la quinzième session extraordinaire du Conseil des droits de l'homme, la situation des droits de l'homme dans la Jamahiriya arabe libyenne n'a cessé de se détériorer, a-t-elle constaté. Elle a rappelé qu'en mars dernier, parallèlement à l'établissement d'une zone d'exclusion aérienne, le Conseil de sécurité a appelé à un cessez-le-feu en Libye, mais cet appel n'a pas eu d'écho, a déploré la Haut-Commissaire, observant que le Gouvernement libyen a poursuivi ses opérations militaires et que des attaques aveugles contre les civils continuent actuellement, faisant de nombreux morts et blessés.
Le rapport de la Haut-Commissaire fait état, en outre, de violations graves des droits de l'homme et du droit international humanitaire, dont la majeure partie est attribuée aux forces gouvernementales. Dans l'impossibilité d'un déploiement du personnel du Haut-Commissariat aux droits de l'homme et étant donné la situation volatile en Libye, le Haut-Commissariat n'a pas été en mesure de vérifier toutes les allégations ni de procéder à une évaluation sur le terrain. De ce fait, le rapport communique ces allégations telles qu'elles ont été transmises au Haut-Commissariat, et se base en grande partie sur les informations fournies par les agences des Nations Unies et sur les réponses aux notes verbales que le Haut-Commissariat a adressées à la Libye, à ses voisins et aux organisations régionales. Mme Pillay a ajouté que son rapport contient également des informations fournies par les organisations non gouvernementales et par la société civile, ou extraites de rapport issus d'organisations internationales, y compris des agences des Nations Unies, des équipes spéciales inter-institutions et des couvertures des médias.
D'autres informations ont été recueillies à la mi-mars lorsqu'un haut représentant du Haut-Commissariat a accompagné, à Tripoli et à Tobrouk, M. Abdul Ilah Al-Khatib, Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Libye. Les deux responsables se sont entretenus avec des représentants du Gouvernement et des dirigeants de l'opposition. Par ailleurs, une mission menée sous l'égide de la Haut-Commissaire s'est rendue, du 23 au 30 mars, dans les régions de la frontière libyenne avec l'Égypte, à Saloum, dans le but d'épauler le travail du Secrétariat de la commission internationale indépendante mandatée par le Conseil des droits de l'homme pour établir les faits sur les violations présumées des droits de l'homme dans la Jamahiriya arabe libyenne. Toutes les informations communiquées par ces sources concordent quant au nombre important de violations flagrantes des droits de l'homme, du droit international et du droit humanitaire, ce qui contrevient aux engagements et obligations internationaux de la Libye. parmi les violations dénoncées figurent la privation arbitraire de la vie, la torture et les mauvais traitements, comme la violence sexuelle, les détentions arbitraires, les disparitions forcées et la violence à l'égard des enfants.
Mme Pillay a en particulier décrit la situation dramatique à Misrata, ville de 300 000 habitants assiégée par les forces gouvernementales et soumises à des attaques constantes depuis plusieurs semaines. Cette situation illustre, s'il en était besoin, l'étendue et la gravité des crimes qui auraient été commis en Libye depuis le début du conflit. Bien qu'l ne dispose pas de description exacte des faits, le Haut-Commissariat estime que de centaines de civils ont été tués et des milliers blessés durant le siège de cette ville. Les allégations de crimes commis par les forces insurgées sont considérablement moins nombreuses, a ajouté Mme Pillay. Elle a en outre indiqué avoir demandé à l'OTAN de faire preuve de la plus grande circonspection dans les opérations menées par la coalition.
La Haut-Commissaire a souligné la dimension internationale du conflit en Libye. Les institutions humanitaires et les pays voisins de la Libye ont réagi de manière coordonnée en évacuant des milliers de ressortissants de pays tiers et de blessés par air et par mer. Il est évident en outre que la plupart des personnes ayant fui la Libye sont accueillies par les pays voisins: la Tunisie accueille – avec un sens admirable de l'hospitalité – près de 400 000 réfugiés, l'Égypte 285 000. Par comparaison, 13 000 personnes ont atteint l'île de Lampedusa, en Italie, et 1100 l'île de Malte, a relevé la Haut-Commissaire. Mme Pillay a déclaré tenir compte des difficultés des pays européens dans l'accueil des personnes réfugiées, mais a insisté sur la responsabilité de tous les États hôtes de prendre les mesures nécessaires pour que les réfugiés et migrants soient traités dans le respect de leur dignité humaine et conformément aux normes du droit international.
Le rapport intérimaire de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme sur la situation des droits de l'homme dans la Jamahiriya arabe libyenne (A/HRC/17/45, version préliminaire en anglais seulement) conclut que les manifestations pacifiques qui ont éclaté en février 2011 ont été violemment réprimées par l'usage excessif de la force contre l'opposition, y compris l'utilisation de balles réelles par les forces gouvernementales. La situation des droits de l'homme en Libye reste très préoccupante. Les informations reçues laissent penser que de graves violations des droits humains ont eu lieu sur une base généralisée et prolongée, et se poursuivent. Depuis l'aggravation de la situation dans un conflit armé, de graves allégations de torture, de mauvais traitements et d'arrestations arbitraires et la détention de personnes ont eu lieu dans le cadre de ce conflit. Toutes ces allégations doivent faire l'objet d'enquêtes approfondies.
M. RASHID KHALIKOV, Directeur du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies à Genève, a dressé le bilan de la situation humanitaire en Libye et fait part de ses préoccupations sur l'impact cumulatif de trois mois de conflit sur la population civile, notamment sur les Libyens, les réfugiés, et les citoyens de pays tiers dans la région occidentale du pays. S'exprimant au nom de M. Panos Moumtzis, Coordonnateur humanitaire pour la Libye, il a fait le point sur la situation s'agissant des déplacements, des mesures de protection, du financement des activités humanitaires, avant d'axer son intervention sur les conclusions des missions interorganisations dans les régions orientales et occidentales de la Libye. Après avoir souligné la difficulté de mesurer l'impact à court et à long terme, il a indiqué que l'insécurité et l'absence d'accès aux zones les plus sévèrement touchées par le conflit continuent d'entraver les évaluations et la fourniture de l'assistance à tous les civils qui le nécessitent. Le nombre total des personnes ayant fui la Libye et n'y sont pas retournées dépasse 635 000, dont 280 000 appartiennent à des pays tiers et plus de 250 000 sont des citoyens de pays voisins. Environ 56% des Libyens qui ont traversé la frontière à Ras Ajdir, en Tunisie, et 87% des Libyens qui sont allés à Saloum, de l'autre côté de la frontière en Égypte, sont retournés depuis. En outre, plus de 106 000 Libyens vivent en Tunisie et en Égypte depuis l'avènement de la crise en février 2011. La plupart d'entre eux vivent avec des familles d'accueil ou louent des maisons.
D'autre part, le nombre total des déplacés à l'intérieur s'élève à environ 250 000, en provenance de Misrata et des montagnes de Nafusa. Parmi eux, 160 000 sont dans des zones contrôlées par le Gouvernement, tandis que 90 000 se trouvent dans les zones sous contrôle non gouvernemental. Dans le sud du pays, l'Organisation internationale pour les migrations a pu avoir accès aux Tchadiens et aux Nigériens, et a mis sur pied des centres d'accueil aux frontières. Environ 25 000 Tchadiens sont toujours bloqués dans la ville de Gatroum, au sud-ouest de la Libye, a informé M. Khalikov. L'OIM vient de recevoir le feu vert du Gouvernement pour se rendre dans cette région et organiser les évacuations vers les Tchad, a ajouté le Directeur du Bureau d'OCHA à Genève. Il a ensuite abordé la question de l'accroissement, la semaine dernière, du nombre de migrants qui fuient à bord d'embarcations. Au moins 150 personnes ont péri noyées au large de la côte tunisienne, a informé M. Kalikhov, en exhortant la communauté internationale à ne pas ignorer de telles tragédies.
M. Khalikov a indiqué que 15% de la population, libyenne ou non, aurait été déplacée par la crise et que l'Appel d'urgence de fonds humanitaires demandait aux bailleurs de fonds et autres parties de fournir environ 407 millions de dollars pour répondre aux besoins humanitaires les plus urgents à l'intérieur et à l'extérieur de la Libye.
À Tripoli, les missions de l'ONU ont pu observer de longues files d'attente, ainsi qu'une pénurie de sucre, de vaccins et d'autres médicaments essentiels, a poursuivi M. Khalikov. Le Gouvernement rapporte que la population dépend des mouvements transfrontaliers pour s'approvisionner, le système bancaire s'est complètement effondré dans le pays et il y a un manque de liquidités. Il a fait état d'autres missions de différentes agences des Nations Unies et de rapports informant d'enlèvements présumés d'enfants, notamment. Le dialogue avec le gouvernement et le Conseil national de transition a été constructif, a estimé M. Khalikov, qui a espéré une réponse rapide à cette crise car la situation est constamment changeante sur le terrain. Il a exhorté au respect de la neutralité et de l'indépendance des organisations internationales en toutes circonstances et relevé que toutes les parties, particulièrement la population libyenne, ont des attentes à l'égard des organisations de l'ONU car elles considèrent que les travailleurs humanitaires sont les seuls à pouvoir fournir une assistance d'une telle envergure.
M. YACOUB EL HILLO Directeur du Bureau régional du Haut-Commissariat pour les réfugiés pour l'Afrique du Nord et le Moyen Orient, a déclaré qu'avant la crise, il y avait 11 000 refugiés recensés par le Haut-Commissariat en Libye. Depuis le début de la crise, le nombre a considérablement cru et aujourd'hui, on compte plus de 50 000 personnes coincées en Libye et qui attendent aide et assistance humanitaire. De plus, près d'un million de personnes ont fuit le pays pour se réfugier dans les pays voisins. M. El Hillo a souligné que la situation est aujourd'hui marquée par un accès limité et des contraintes importantes en raison des combats qui se poursuivent.
S'agissant de la situation ceux qui ont pu fuir le pays et en particulier vers la Tunisie, M. El Hillo a chiffré cette population à près de 70 000 personnes. Ce qui constitue un lourd fardeau et met à l'épreuve la générosité du peuple tunisien. Il est important que l'on aide la Tunisie et de se tourner aussi vers l'Europe et vers l'Australie qui ont des structures d'accueil et de réinstallation, a poursuivi le fonctionnaire du HCR. Aujourd'hui, neuf pays ont offert leur aide et M. El Hillo a lancé un appel aux autres pays qui le peuvent de le faire. Il a indiqué avoir demandé 6000 places, mais seules 900 sont aujourd'hui disponibles. Ce qui prouve que beaucoup reste encore à faire. Il a de nouveau insisté sur la pression qui pèse sur la Tunisie et qui risque encore s'accroître. La générosité dont les partenaires ont fait preuve jusqu'à présent doit se poursuivre, a conclu M. El Hillo.
Débat
MME EILEEN CHAMBERLAIN DONAHOE (États-Unis) a observé avec satisfaction que les événements en Libye mobilisent depuis quatre mois la communauté internationale autour de l'incrimination de M. Kadhafi pour les crimes qu'il a commis et qu'il commet contre son peuple. M. Kadhafi et son régime font désormais l'objet de sanctions économiques et politiques, s'est félicitée la représentante. Elle s'est aussi réjouie que le Conseil des droits de l'homme ait assumé ses responsabilités en suspendant les droits de la Libye en tant que membre du Conseil. La représentante américaine a condamné les agressions commises ce jour encore par les autorités de M. Kadhafi contre son peuple, et le «refus du dictateur de céder un pouvoir qu'il accapare depuis quarante ans». Le Gouvernement des États-Unis estime que le peuple libyen a le droit de jouir des libertés fondamentales, notamment la liberté d'expression et d'opinion. La représentante a enfin estimé «crédible» l'autorité de transition dont s'est dotée l'opposition au «régime de M. Kadhafi».
M. GONZALO M. JORDAN (Argentine) a réitéré l'opinion selon laquelle l'État avait en dernier ressort la responsabilité de protéger les droits. Des enquêtes doivent être ouvertes afin de traduire les responsables d'exactions, ce qui est du ressort exclusif des États et non pas des acteurs non-étatiques. L'Argentine estime que le Conseil doit demeurer saisi de la question libyenne.
MME MARIANGELA ZAPPIA (Union européenne) a déclaré que les Vingt sept continueront à fournir l'aide et l'assistance nécessaires pour aider les refugiés et renforcer les mesures de rapatriement dans les pays d'origine. Si le Bureau de la coordination des affaires humanitaires le demande, l'Union européenne est prête à mener des actions humanitaires dans la région, a poursuivi la représentante. Elle a en outre déclaré que l'Union européenne a toujours condamné les violences en Libye et soutenu que tous les auteurs de violation des droits de l'homme doivent être traduits en justice. Dans ce contexte, elle soutient la prorogation du mandat de la Commission d'enquête.
MME MAJD HATTAR (Jordanie) a remercié la Haut-Commissaire de sa mise à jour au sujet de la situation en Libye. La Jordanie prie Mme Pillay de préciser les mesures qui doivent être prises pour venir en aide aux femmes et aux enfants en Libye, compte tenu notamment des informations faisant état de violences sexuelles systématiques perpétrées contre des femmes.
M. JEAN-BAPTISTE MATTÉI (France) a déclaré que la liste et l'étendue des violations commises par le «régime du colonel Kadhafi» étaient accablantes. La France est particulièrement choquée par les informations faisant état de viols de femmes et d'attaques contre des personnes hospitalisées. Il s'agit de violations flagrantes et massives, a-t-il estimé. La décision du procureur de la Cour pénale internationale de poursuivre trois responsables du régime de Tripoli s'inscrit dans le droit fil de la lutte contre l'impunité que la France soutient fermement. Les engagements pris par le Conseil national de transition sont ceux que l'on attend d'une autorité fondée à représenter les droits légitimes du peuple libyen. La France a par ailleurs largement participé à l'effort humanitaire, dans le cadre d'un pont humanitaire qui lui a permis d'évacuer 4000 Égyptiens et 150 Maliens, a-t-il précisé.
M. IMAD AL ZUHAIRI (Palestine au nom du Groupe arabe) a déclaré apprécier le rôle constructif joué par le Haut-Commissariat aux droits de l'homme auprès de la Commission d'enquête sur la situation des droits de l'homme en Libye avant de se déclarer prêt à poursuivre la collaboration du Groupe arabe. S'adressant à Mme Pillay, il a souhaité savoir quelles sont les priorités pour s'assurer que les auteurs des violations des droits de l'homme seront traduits en justice et quels sont les bons moyens pour assurer recours et réparation aux victimes?
MME MELANIE HOPKINS (Royaume-Uni) a fait part de la préoccupation de son pays devant les très nombreuses victimes civiles des bombardements sur les villes de Misrata et de Zawiya, ainsi que sur d'autres cités des montagnes de Nafusa, où des informations font état d'attaques et du blocage de l'aide humanitaire par les forces de M. Kadhafi. La représentante s'est aussi préoccupée des conséquences des effets du conflit sur les enfants, victimes directes des attaques aveugles contre les populations civiles, et dont les mères et les sœurs sont victimes de traitements inhumains et dégradants, notamment de violences sexuelles. Le Royaume-Uni estime indispensable que le Conseil des droits de l'homme continue de soutenir le peuple de Libye en exigeant le libre accès des organisations humanitaires internationales aux populations civiles touchées par le conflit. La représentante britannique a aussi demandé à Mme Pillay de faire connaître son évaluation des besoins prioritaires de la population libyenne en matière de droits de l'homme.
M. MANUEL ALHANA (Espagne) a déploré que la situation régnant dans le pays ait empêché la Haut-Commissaire de vérifier une partie des informations relatives aux allégations d'exactions contenues dans le rapport et qui plongent dans l'effroi. L'Espagne reconnaît la légitimité du Conseil national de transition. Pour empêcher toute nouvelle violation des droits de l'homme par le «régime de Kadhafi», l'application des résolutions 1970 et 1973 du Conseil de sécurité demeure nécessaire. En outre, l'assistance humanitaire demeure vitale et la communauté internationale doit faire tout son possible pour qu'elle parvienne aux populations. Il a demandé à la Haut-Commissaire comment elle voyait le rôle du Haut-Commissariat et de son antenne régionale pendant la période de transition à venir.
Organisations non gouvernementales
M. PETER SPLINTER (Amnesty International) a déclaré que les agissements et le recours à la force disproportionnée par le régime Kadhafi peuvent être assimilés à des crimes de guerre. Son organisation a aussi répertorié des agissements criminels commis par des personnes appuyant la révolution, dont des cas de torture, de meurtre de personne suspectées de soutenir le régime Kadhafi ou des exécutions de personnes d'origine noire africaine suspectées d'être des mercenaires. Amnesty International est d'autant plus préoccupé par le fait que ces abus se produisent dans un contexte de suspension de processus judicaire et d'absence de structure interne de sécurité. Dans ce contexte, Amnesty International soutient l'extension du mandat de la Commission d'enquête afin qu'elle mène les enquêtes nécessaires. Elle encourage en outre la Haut-Commissaire à visiter d'autres endroits de Libye comme Misrata, Zawiya ou encore Nafoussa Sabha et Kufra.
MME KAREN PARKER (International Educational Development) s'est dite préoccupée par le fait que ni l'Organisation de la Conférence islamique, ni l'Union africaine, ni l'Union européenne ni la Ligue arabe n'aient répondu aux notes verbales du Haut-Commissaire demandant des informations sur la situation en Libye. La représentante est aussi préoccupée par le fait que le Haut-Commissariat, pas plus que les autres institutions des Nations Unies, ne dispose pas d'une présence permanente dans les régions touchées par le conflit. La représentante a relevé que la situation des droits de l'homme en Libye est catastrophique: comment le Haut-Commissariat pourrait agir pour faire appliquer les principes du droit international aux milliers de personnes qui fuient le pays? La représentante a regretté que le système d'alerte rapide des Nations Unies ne semble pas fonctionner, comme en a témoigné la multiplication des violations des droits de l'homme en Libye pendant de nombreuses années.
MME RENATE BLOEM (CIVICUS: Alliance mondiale pour la participation des citoyens) s'est interrogée sur la façon dont se serait déroulé le soulèvement en Libye sans les nouvelles technologies d'information et de communication, se demandant si, sans elles, la population aurait trouvé le courage de se lever contre une dictature incarnée par un seul homme qui a aboli toute société civile et institution législative, judiciaire ou médiatique indépendante depuis 1969, en recourant à la peur, l'intimidation et au clientélisme. CIVICUS appuie la demande de prorogation du mandat de la Commission d'enquête.
M. BIRO DIAWARA (Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme, au nom également de l'Agence des cités unies pour la coopération Nord-Sud) s'est déclaré préoccupé par le sort de centaines de milliers d'Africains pris en otage dans la razzia entre l'armée libyenne et les insurgés. Ils sont accusés par les deux parties en conflit d'être des mercenaires. Depuis le début de la crise, le racisme antinoir a pris une dimension extraordinaire, a poursuivi le représentant, citant des cas rapportés de torture, d'exécutions sommaires et de disparitions forcées. Pour mieux protéger ces personnes, le représentant a demandé aux organismes des Nations Unies pertinents de mieux coordonner leurs actions de terrain en ce qui concerne l'assistance aux migrants et réfugiés, dans le but d'éviter une catastrophe humanitaire à grande échelle. Il a en outre demandé aux État africains de s'investir pour protéger leurs concitoyens et aux États membres de la coalition internationale, de respecter leurs obligations en matière de protection des migrants.
M. GIANFRANCO FATTORINI (Presse Embleme Campagne) a attiré l'attention des membres du Conseil sur la mort de cinq journalistes lors du conflit en Libye, pris en embuscade et délibérément exécutés. Des douzaines d'autres journalistes ont été victimes de brutalités, certains ayant disparu. Le représentant a demandé à Mme Pillay si les auteurs de ces assassinats seront un jour poursuivis pour leurs crimes. Le représentant s'est demandé si les dispositions du droit international suffisent à protéger les journalistes ou s'il serait au contraire nécessaire de rédiger des lignes directrices relatives à la protection des journalistes dans les conflits ou troubles civils.
Conclusions
MME PILLAY a souligné l'importance du débat d'aujourd'hui qui, après les éléments apportés par la Commission d'enquête, permet de se pencher sur la protection des civils de manière globale. Évoquant les appels lancés au Conseil pour qu'il contribue à l'assistance à la population, la Haut-Commissaire a souligné l'importance d'un appui total aux organisations humanitaires par les États.
L'impossibilité de se rendre dans le pays ne permet pas par ailleurs d'avoir des informations de première main quant à la situation en matière de droits de l'homme, a souligné la Haut-Commissaire. Elle a dit qu'elle était disposée à continuer de collaborer avec le Bureau de la coordination des affaires humanitaires et avec les instances mises en place par l'ONU, de telle sorte que toutes les institutions onusiennes agissent de concert. En ce qui concerne la situation des journalistes, Mme Pillay a estimé que leur travail était fondamental alors qu'ils avaient déjà payé un lourd tribut dans la crise actuelle, appuyant les propositions faites en faveur de la protection des journalistes en situation de conflit. Le Haut-Commissariat, qui est favorable à la mise sur pied d'un système de justice de transition, estime que d'une manière générale, des institutions étatiques solides devront être mises en place et édifiées à partir de pratiquement rien.
M. KHALIKOV a déclaré que le Bureau de coordination des affaires humanitaires entend poursuivre sa collaboration avec tous ses partenaires, notamment le Haut-Commissariat aux droits de l'homme, pour assumer ses responsabilités envers les Libyens et les populations voisines.
Débat général sur le suivi de la Conférence mondiale des droits de l'homme
M. ANDRÁS DÉKÁNY (Hongrie au nom de l'Union européenne) a rappelé que la Déclaration et le Programme d'action de Vienne avaient été adoptés en 1993, à la suite de l'effondrement du bloc soviétique, moment qui a soulevé de grands espoirs. Vingt ans plus tard, d'autres peuples se soulèvent en faveur de plus de démocratie, ce qui rend d'autant plus actuels la Déclaration et le Programme d'action de Vienne. Il est du devoir de la communauté internationale de se pencher sur les violations des droits de l'homme, a-t-il rappelé. L'Union européenne a toujours appuyé le Conseil dans ce domaine, en particulier lorsqu'il décide de créer des bureaux de terrain. Enfin, l'Union européenne souhaite mettre l'accent une fois de plus sur le rôle de la société civile dans la promotion et la protection des droits de l'homme.
M. RAUL MARTÍNEZ (Paraguay au nom du MERCOSUR) a rappelé que le Groupe de travail pour la promotion et la protection des droits des personnes handicapées a appelé les États à consentir de nouveaux efforts pour donner effet à l'égalité des chances pour les personnes handicapées et pour faire connaître la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Le représentant a aussi fait état des initiatives des États membres du Mercosur à l'échelle de leur région en matière d'éducation aux droits de l'homme et d'accompagnement à la mise en œuvre des recommandations issues de l'Examen périodique universel.
M. JAN KNUTSSON (Suède au nom d'un groupe de 41 pays), qui s'est exprimé sur les nouvelles technologies de l'information et de la communication, a souligné qu'un principe demeurait fondamental: en matière de liberté d'expression, de rassemblement et d'information, les mêmes droits s'appliquent sur l'Internet que dans la vie réelle. Par ailleurs, les personnes handicapées devraient avoir les mêmes possibilités d'accès à l'Internet. Ce moyen a étendu la liberté de l'information à des centaines de millions de personnes de par le monde et nous souhaitons unir nos efforts visant à protéger ce progrès tout en veillant à rendre les nouvelles technologies abordables et universelles, a conclu le représentant de la Suède.
M. CHARLES O. BLAHA (États-Unis) a déclaré que son pays a à maintes fois demandé aux États de promouvoir et protéger les droits de l'homme dans le contexte de manifestations pacifiques. Ces obligations de respecter le droit d'assemblée et de réunion sont clairement articulées dans la Déclaration de Vienne, a poursuivi le représentant. À cet égard, il a vivement condamné la violence exercée par certains gouvernements pour réprimer la liberté d'expression et de manifestation pacifique. Les États-Unis condamnent fermement leurs méthodes brutales de réduction au silence de la dissidence, y compris par l'exécution de manifestants non armés. Le représentant s'est en outre joint à l'appel lancé par la Suède et d'autres délégations pour soutenir la liberté d'expression en ligne, avant d'estimer que les gouvernements qui ont érigé des barrières à l'Internet finiront par tomber. De plus, la liberté d'expression est un droit non négociable que soutiennent les États-Unis. Par ailleurs le représentant a déclaré que les États-Unis demeurent fermement en faveur des droits des plus marginalisés, y compris des personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles et transsexuelles. Des personnes continuent d'être tuées, arrêtées et même exécutées dans certaines régions du monde à cause de ce qu'ils sont. Cela est intolérable et le Conseil doit faire plus pour protéger les droits des plus marginalisés contre la discrimination. Dans ce contexte, le représentant américain a salué les 84 États membres qui se sont joint à sa délégation pour une déclaration sur les personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles et transsexuelle lors de la dernière session du Conseil.
M. YANG ZHILUN (Chine) a déclaré que les Déclaration et Programme d'action de Vienne contiennent les engagements de la communauté internationale en matière de coopération pour la réalisation du droits de l'homme. La Déclaration pose en particulier le principe de l'universalité et de l'indivisibilité des droits de l'homme, le droit au développement devant être traité à égalité avec tous les autres droits. La Chine est d'avis que tous les États ont le droit de choisir leurs priorités en matière de droits de l'homme en fonction de leurs situations respectives. Son représentant a aussi observé que le droit d'opinion, s'il est important, doit être exercé dans les limites posées par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. La liberté d'expression sur l'Internet ne constitue pas une exception à cette règle, ce qui signifie que les États ont le droit de réglementer l'Internet, a encore relevé le représentant.
MME NATALIA ZOLOTOVA (Fédération de Russie) a indiqué que son pays accordait une grande importance aux organes créés en vertu des instruments internationaux dans le domaine des droits de l'homme. Évoquant la rencontre tenue récemment à Sion sur la réforme desdits organes, elle a souligné que caractère systémique de la crise qu'ils traversent. Elle tient pour beaucoup à la prolifération des activités que s'octroient sans contrôle les organes conventionnels et qui ne sont pas prévus par les textes. La Fédération de Russie rappelle que leur tâche est d'aider les États parties à s'acquitter de leurs obligations en vertu des textes auxquels ils ont adhéré. En ce qui concerne les recommandations préparées par le Haut-Commissariat à l'intention du Secrétaire général en matière de réforme de ces organes, celles-ci doivent impérativement être présentées à un niveau intergouvernemental au préalable, estime la délégation russe.
M. REMIGIUSZ A. HENCZEL (Pologne) a observé que la transition démocratique reste une condition nécessaire de la réalisation des aspirations à la démocratie, au développement et au respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, autant d'objectifs contenus dans les Déclaration et Programme d'action de Vienne. Dans ce contexte, les structures d'État inefficaces sont autant d'obstacles à la réalisation des droits de l'homme dans tous leurs aspects. Cette interdépendance doit être étudiée plus avant par les instances pertinentes des Nations Unies, a demandé le représentant. La Pologne rappelle par ailleurs que les Déclaration et Programme d'action de Vienne confirment le droit de chacun de suivre la religion de son choix. Or, on ne peut que déplorer les persécutions dont sont victimes de nombreuses communautés chrétiennes dans le monde. La Pologne affirme son soutien aux travaux du Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de croyance et appelle toutes les parties concernées à coopérer avec le titulaire du mandat.
M. CIRO LEAL M. DA CUNHA (Brésil au nom du Groupe des États d'Amérique latine et des Caraïbes et de 31 pays) a d'abord indiqué qu'en 2050, le nombre de personnes de plus de 60 ans excédera le nombre des moins de 18 ans avant de qualifier de phénomène de sans précédent. Cependant, les personnes plus âgées sont souvent victimes de discrimination et de stigmatisation, notamment dans le domaine des études, ou sur le marché du travail. Dans plusieurs cas, les systèmes de sécurité sociale restent inefficaces. Les personnes âgées sont en outre souvent exploitées économiquement et victimes de violences physiques; en particulier, les femmes les plus âgées subissent de multiples formes de discrimination liées à l'âge et au sexe. La dignité des personnes les plus âgées doit être respectée, a lancé le représentant. Dans ce contexte, il a déclaré soutenir le Groupe de travail établi par l'Assemblée générale sur le renforcement de la protection des droits de l'homme des personnes âgées. À l'inverse des autres groupes vulnérables, les personnes plus âgées ne disposent pas d'un mécanisme spécifique au sein du Conseil, a-t-il par ailleurs indiqué. Dans ce cadre, il a appelé à l'extension des instruments nationaux et internationaux pour la protection des droits de l'homme des personnes âgées.
M. BOUALEM CHEBIHI (Algérie) a souligné que, dans le prolongement de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne, la catégorie des personnes âgées gagnerait à recevoir plus d'attention dans le système onusien en matière de droits de l'homme. L'Algérie inscrit cette question au centre de ses priorités dans le domaine social. Dans cet esprit, le chef de l'État algérien a annoncé le 15 avril dernier une série de réformes politiques et socioéconomiques d'envergure pour approfondir la pratique démocratique, renforcer les bases de l'État de droit, réduire les disparités et consolider la jouissance des droits de l'homme dans le pays. Par ailleurs, la communauté internationale doit prendre des mesures concrètes pour mettre un terme aux situations d'agression et d'occupation étrangères dans le plein respect du principe sacro-saint du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Elle doit aussi promouvoir l'entraide pour venir à bout du fléau terroriste sous toutes ses formes.
M. SEYED HOSSEIN ZOLFAGHARI (République islamique d'Iran) a réaffirmé le caractère contraignant des droits économiques, sociaux et culturels, en particulier du droit au développement. Le représentant a demandé que soient renforcés les organismes des Nations Unies chargés du droit au développement en vue d'une meilleure coordination de leurs activités en matière de droits de l'homme. L'Iran travaille avec ses partenaires les pays non alignés et de l'Organisation de la Conférence islamique au respect universel des droits de l'homme. Le représentant a proposé que le 5 août soit désigné «journée mondiale des droits de l'homme islamiques».
Organisations non gouvernementales
MME KAREN PARKER (International Educational Development, au nom également de Fondation Marangopoulos pour les droits de l'homme et Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - MRAP) a dénoncé la violation des droits des résidents du camp d'Ashraf, en Iraq, et l'insuffisance de leur protection, rappelant la nécessité de l'application de la Convention de Genève en leur faveur. Le Conseil doit contribuer à trouver une situation équitable pour le camp d'Ashraf, a demandé la représentante.
MME SHEHEREZADE KARA (Association lesbienne et gay internationale - Europe) a déclaré que si les Déclaration et Programme d'action de Vienne affirment les principes de l'universalité des droits de l'homme, il reste que nombre de personnes subissent des violations de leurs droits fondamentaux dans de nombreux pays au seul motif de leur identité ou orientation sexuelle. La représentante a lancé un appel à un débat au sein du Conseil sur l'identité de genre et sur la violence sur la base du sexe, afin de trouver des réponses à cette violence et aux violations des droits de l'homme qui y sont associées, ainsi qu'à leurs conséquences sur la santé et le bien-être des victimes. D'une manière générale, le Conseil devrait créer un espace dévolu à la protection des victimes de violence et de discrimination, a estimé la représentante.
M. TOM GANIATSOS (Fondation Marangopoulos pour les droits de l'homme, au nom également du Comité inter-africain sur les pratiques traditionnelles ayant effet sur la santé des femmes et des enfants en Afrique) a fait part de la déception de son organisation au sujet de la résolution adoptée par le Conseil sur les «valeurs traditionnelles». Lesdites valeurs n'étant pas définies, le risque existe qu'un tel concept ne soit exploité pour justifier toute pratique dommageable aux femmes et aux petites filles, telles que le mariage forcé, les mutilations génitales voire la violence envers l'épouse. En semblant suggérer que la famille et les institutions locales pouvaient remplacer l'initiative de l'État dans la promotion des droits de l'homme, «le Conseil a placé la charrue avant les bœufs», a regretté le représentant.
M. DAVID LITTMAN (Union mondiale pour le judaïsme libéral) a invité le Conseil à aborder de manière intelligente le thème de la religion et des droits de l'homme. Cette question ne doit pas susciter d'autocensure, dans un contexte où certaines croyances religieuses menacent le caractère universel des droits de l'homme. Le représentant a cité l'ancienne experte du Conseil des droits de l'homme sur la liberté de religion, qui a condamné le relativisme culturel dans ses rapports. Le représentant a dénoncé le sermon d'un célèbre prêcheur égyptien, Abou Ishaq al Huwaini, diffusé par la télévision égyptienne, qui justifie des pratiques telles que le pillage, l'esclavage et le viol des infidèles au nom du djihad. Il a également critiqué la «barbarie des mutilations génitales féminines» perpétrée contre 3 millions de fillettes dans plus de 32 pays.
M. SIDI AHMED ASFARI (France Libertés – Fondation Danielle Mitterrand) a déclaré que les Déclaration et Programme d'action de Vienne considèrent que la violation du droit à l'autodétermination est une violation des droits de l'homme. À ce sujet, le Sahara occidental, territoire non autonome qui relève de l'article 73 de la Charte des Nations Unies, mérite une attention particulière: le représentant a demandé à la communauté internationale de faire le nécessaire pour que le peuple du Sahara occidental puisse s'exprimer librement dans le cadre d'un processus référendaire.
MME REBECCA WERTMAN (United Nations Watch) a attiré l'attention du Conseil sur trois situations urgentes: le Darfour, la République populaire démocratique de Corée (RPDC) et la Syrie. Au Darfour, on estime que 300 000 personnes ont perdu la vie et que 2,7 millions ont dû quitter leur foyer. En RPDC, on estime que 200 000 personnes sont détenues dans des camps où elles sont torturées et soumises à des peines cruelles, inhumaines et dégradantes. En Syrie, des manifestants pacifiques sont tués tous les jours, une situation qui a été dénoncée par l'Organisation de la Conférence islamique elle-même. La représentante a appelé les Nations Unies à exercer sans tarder leur responsabilité de protéger les populations attaquées par leurs propres gouvernements.
M. PETER SPLINTER (Amnesty International) a rappelé que la Déclaration et le Programme d'action de Vienne sur les droits de l'homme encouragent les États à s'abstenir de formuler des réserves sur les traités internationaux des droits de l'homme et de veiller à ce qu'aucune réserve ne soit incompatible avec l'objet et le but des traités. Le représentant a observé que si le Pakistan a bien ratifié la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ce pays a néanmoins émis une importante réserve à une disposition cruciale de l'instrument. Il est dans l'intérêt de tous les États de ne pas accepter de telles limitations aux traités internationaux afférents aux droits de l'homme. Le représentant a rappelé aux États membres qu'ils ont jusqu'au 23 juin 2011 pour s'opposer à la réserve formulée par le Pakistan. Le représentant a salué par ailleurs le fait qu'à l'occasion du «printemps arabe», plusieurs États ont récemment fait vœu de ratifier les principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme. Il a exhorté ces États à appliquer ces traités à la lettre en défendant les droits et les libertés fondamentales qu'ils contiennent.
M. GIANFRANCO FATTORINI (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - MRAP) a constaté que le marché de l'armement demeure le plus important des secteurs économiques légaux et qu'il ne semble pas connaître de crise. Le représentant a relevé que trois parmi les cinq membres permanents du Conseil de sécurité (États-Unis, France et Royaume-Uni) comptent parmi les plus gros exportateurs d'armes et qu'ils sont toujours les initiateurs des opérations armées censées assurer le respect des droits et la paix. Le représentant observé que si, dans le document adopté à Vienne, les États insistent sur le devoir de protéger tous les droits de l'homme, ces derniers mois on assiste au déclenchement de nouvelles opérations de guerre au nom de la même «responsabilité de protéger». Le représentant a invité le Conseil des droits de l'homme à tenir une table-ronde sur le thème «Le marché de l'armement et la jouissance des droits humains».
MME HARSHINDAR KAUR (Libération) a attiré l'attention du Conseil sur les meurtres de nouveau-nés de sexe féminin. Ce problème, qui remonte aux temps les plus anciens, qui doit être qualifié de génocide, de crime contre l'humanité: il s'agit en effet d'un déni d'existence des femmes. Le Conseil doit se saisir de cette question en sensibilisant notamment les jeunes générations. L'Organisation mondiale de la santé et le Fonds des Nations Unies pour l'enfance doivent intervenir auprès des États concernés pour qu'ils œuvrent au rétablissement de l'équilibre naturel entre les sexes.
MME SANGHAMITRA DEBBARMA (Centre for Human Rights and Peace Advocacy) a fait état du viol et de l'assassinat d'une femme de 19 ans, ainsi que d'exactions, de tortures et de mauvais traitements de familles autochtones et d'enfants par les forces armées dans le Nord-est de l'Inde. La représentante a dénoncé la transformation d'écoles en camps de détention par l'armée indienne. Elle a demandé qu'une mission d'établissement des faits soit chargée de faire la lumière sur ces abus.
MME ROWAIDA MROUE (Union de l'action féminine) a déclaré que la liberté d'expression et d'opinion est au cœur du droit de tout un chacun de ne pas être opprimé. Ce droit est garanti par l'article 67 de la Déclaration de Vienne. La représentante a demandé aux États de respecter ce droit et mettre les individus en mesure de l'exercer. Elle a dénoncé la mise en détention d'un policier du Polisario pour avoir exprimé son avis au sujet du référendum sur l'avenir du Sahara occidental.
M. ABDESLEM LEHCEN OMAR (Mouvement international de la jeunesse et des étudiants pour les Nations) a souligné qu'au Sahara occidental un peuple continuait d'être privé de son droit à l'autodétermination et à l'indépendance. Son organisation demande au Conseil de se saisir d'un problème vieux de plusieurs décennies. Le Conseil ni ses mécanismes ne peuvent faire indéfiniment silence sur la situation des droits de l'homme au Sahara occidental, a conclu le représentant.
MME JUANA CALFUNAO (Indian Council of South America) a affirmé que les Mapuche n'en peuvent plus des fabrications de preuves à leur encontre par la police chilienne. Des témoins anonymes sans visage ont été utilisés, alors que c'est une méthode largement condamné sur la scène internationale. À l'issue d'une grève de la fin de Mapuche en 2010, le Gouvernement avait pris des engagements qu'il a vite oubliés une fois l'urgence passée, a-t-elle critiqué. La représentante a ajouté que le Chili n'a pas juridiction sur les territoires des Mapuche car la loi chilienne ne s'applique pas à ce peuple.
M. SIDATI EL GHALLAOUI (Organisation pour la communication en Afrique et de promotion de la coopération économique internationale - Ocaproce International) a déploré la situation de la population détenue contre son gré dans les camps de Tindouf, administrés par le mouvement séparatiste du Polisario. Cette population attend de la communauté internationale une action urgente afin que soit levé le blocus qui lui est imposé depuis près de trois décennies. La Déclaration de Vienne stipule que le droit à l'autodétermination ne peut être interprété comme autorisant toute mesure de nature à démembrer l'intégrité territoriale d'un État souverain ou indépendant, a rappelé le représentant.
MME NANCY HUFF (Agence internationale pour le développement - Aide-Fédération) a constaté que certains États violaient la Déclaration et le Programme d'action de Vienne. Le cas des otages des camps de Tindouf est éclairant à cet égard: ces camps se trouvent en effet sur le territoire d'un État ayant signé la Déclaration de Vienne.
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