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Le Conseil des droits de l'homme tient une discussion sur les meilleues pratiques en matière de luttre contre la racisme

Arrière

15 juin 2011

Conseil des droits de l'homme
MATIN 15 juin 2011

Il conclut son débat général sur le racisme

Le Conseil des droits de l'homme a tenu, ce matin, une discussion sur les meilleures pratiques en matière de lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée, dans le contexte du dixième anniversaire de la Déclaration et du Programme d'action de Durban. Il a ensuite conclu son débat général sur le racisme.

Ouvrant la discussion, Mme Navi Pillay, Haut-Commissaire aux droits de l'homme, a déclaré que si la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d'action de Durban avait déjà permis des progrès importants dans la lutte contre le racisme et la discrimination raciale, ces progrès sont encore trop modestes et isolés, la majorité des pays devant encore adopter des mesures visant à favoriser l'égalité raciale. Et même lorsqu'une législation antidiscriminatoire existe, son application effective laisse à désirer. Pour combler ce fossé, il est impératif que les tribunaux soient sensibilisés à l'importance d'appliquer les textes adoptés. Mme Pillay a signalé que le Haut-Commissariat élaborait des outils pratiques en matière de politique de lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée.

Des experts ont ensuite présenté les mesures mises en œuvre dans leur pays dans le cadre de la lutte contre la discrimination et le racisme. Ainsi, Mme Luiza Bairros, Ministre au Secrétariat pour les politiques de promotion de l'égalité raciale du Brésil, a brossé un historique des grandes étapes de l'affirmation des questions raciales dans son pays. L'année du centenaire de l'abolition légale de l'esclavage et de la promulgation de la Constitution fédérale, en 1988, et la participation du Gouvernement et de la société civile à la Troisième conférence mondiale sur le racisme de Durban, en 2001, ont donné un élan au débat sur les mesures d'action positive au Brésil. M. Ricardo Bucio, Président du Conseil mexicain pour la prévention de la discrimination, a souligné que la discrimination est contraire à la liberté et à la dignité humaine; elle compromet la cohésion sociale, affaiblit les démocraties et alimente la violence. Au final, elle est un obstacle au développement. M. Jerald Joseph, Directeur exécutif de «Dignity international» de Malaisie, s'est pour sa part penché sur ce qu'il a appelé le «syndrome du déni», qui empêche certains gouvernements de reconnaître ouvertement les problèmes de racisme et de discrimination sur leur territoire. Il a plaidé pour que les bonnes pratiques en matière de lutte contre le racisme deviennent la règle et non plus l'exception, et qu'elles soient mieux diffusées.

Mme Mireille Fanon-Mendès-France, Membre du Groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine, a attiré l'attention sur les révoltes des jeunes des banlieues françaises en 2005, qui ont montré à l'opinion mondiale les conséquences d'une stratégie de «soft-apartheid», où les populations françaises d'origine immigrée sont parquées à la périphérie des grands centres urbains. Elle a dénoncé la banalisation du racisme et le fait que des instances supérieures de la vie politique et sociale en France en soient profondément imprégnées. M. Joris de Bres, Commissaire aux relations raciales à la Commission nationale des droits de l'homme de Nouvelle-Zélande, a déclaré que la meilleure manière de contrecarrer le racisme consiste à promouvoir des réponses pratiques et positives pour promouvoir la diversité culturelle.

M. Githu Mugai, Rapporteur spécial sur le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée, s'est interrogé sur la manière dont les engagements pris à Durban s'étaient traduits dans les programmes nationaux, centrant son intervention sur quelques bonnes pratiques identifiées au cours de ses différentes visites de terrain. Il a souligné qu'il reste, malgré ces bonnes pratiques, de nombreux défis à relever, regrettant notamment qu'elles ne soient souvent pas appliquées du fait de l'absence de volonté politique.

Au cours du débat qui a suivi, nombre de délégations ont rendu compte des lois et des mesures que leur pays avait adoptées afin de lutter contre le racisme et la discrimination raciale, tout en reconnaissant que le fléau de la haine raciale était loin d'être éradiqué. La plupart ont insisté sur la nécessité d'agir concomitamment au niveau international, national et local. Certaines délégations ont déploré la tendance de certains États à minimiser l'ampleur et la gravité des phénomènes de discrimination raciale.

Les États suivants ont participé au débat: Nigéria (au nom du Groupe africain), Pakistan (au nom de l'OIC), Union européenne, Cuba, Autriche, Espagne, Belgique, Slovaquie, Suède, France, Maroc, Norvège, Suisse, République tchèque, Équateur, États-Unis, Sénégal, Allemagne, Mexique, Union africaine et Afrique du Sud. Les organisations non gouvernementales suivantes se sont aussi exprimées: Open Society Institute, Conectas Direitos Humanos et le Conseil indien d'Amérique du Sud, ainsi que le Comité de coordination des institutions nationales de droits de l'homme.

À l'issue de cette réunion-débat, le Conseil a repris son débat général sur le racisme au cours duquel plusieurs délégations ont dénoncé la recrudescence de la discrimination et de la haine dans les pays industrialisés du Nord. Une délégation a mis en garde contre le risque que la démocratie se convertisse en une dictature de la majorité. Cuba, l'Équateur et le Qatar ont pris la parole dans le cadre du débat général sur le racisme, ainsi que les délégations observatrices de l'Égypte, de l'Iran, du Maroc et du Koweït, de même que les représentants des organisations non gouvernementales suivantes: Fraternité Notre Dame, Badil Resource Center for Palestinian Residency and Refugee Rights, France Libertés – Fondation Danielle Mitterrand, Liberation, Centre for Human Rights and Peace Advocacy, International Educational Development, United Nations Watch, Comité international pour le respect et l'application de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples, International Islamic Federation of Student Organization, World Muslim Congress, Tchad Agir pour l'environnement, Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP), Fédération internationale islamique d'organisations d'étudiants et le Conseil indien d'Amérique du Sud.

Cet après-midi, à partir de 13h30, le Conseil se penchera sur le rapport de la commission d'enquête sur les allégations de graves violations des droits de l'homme perpétrées en Côte d'Ivoire à la suite de l'élection présidentielle du 28 novembre 2010. Il sera également saisi d'un rapport de la Haut-Commissaire sur la question, avant de porter son attention sur un rapport préliminaire et une mise à jour orale du Haut-Commissariat sur la situation des droits de l'homme en République arable syrienne. Le Conseil procédera ensuite à un débat général sur les situations relatives aux droits de l'homme qui requièrent son attention.

Discussion sur les meilleures pratiques en matière de lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée

Déclaration liminaire

MME NAVI PILLAY, Haut-Commissaire aux droits de l'homme, a rappelé que la Déclaration et le Programme d'action de Durban soulignent l'importance du partage de l'information aux niveaux national, régional et international. Elle a estimé que les événements récents en Afrique du Nord démontrent une fois de plus la vulnérabilité permanente des migrants. Quant aux effets de la crise économique sur la situation des droits de l'homme des groupes vulnérables, ils sont d'autant plus préoccupants qu'ils sont aggravés par les sentiments xénophobes, voire la violence dirigée contre les immigrants, les réfugiés et les étrangers en général.

La mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d'action de Durban a déjà permis des progrès importants dans la lutte contre le racisme et la discrimination raciale à tous les niveaux, des mesures concrètes ayant été prises par certains États, par les organes des Nations Unies, par les institutions nationales et la société civile. Toutefois, ces progrès sont encore trop modestes et isolés, la majorité des pays devant encore adopter des mesures visant à favoriser l'égalité raciale. Et même lorsqu'une législation antidiscriminatoire existe, son application effective laisse à désirer. Pour combler ce fossé, il est impératif que les tribunaux soient sensibilisés à l'importance d'appliquer les textes adoptés. Pour que les progrès soient durables, l'effort au niveau national exige une démarche soutenue et globale, a expliqué la Haut-Commissaire. Certains États membres ont pris conscience de la nécessité de recueillir et de publier des statistiques pertinentes pour donner plein effet à l'équité raciale, et afin d'identifier, de surveiller et de mesurer les inégalités et les pratiques discriminatoires souvent bien ancrées dans les mentalités, dans le but d'analyser l'effectivité des mesures en faveur de l'égalité.

Mme Pillay a signalé que le Haut-Commissariat élaborait des outils pratiques en matière de politique de lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée. Ces outils sont inspirés des pratiques optimales appliquées de par le monde, en se concentrant sur les mesures législatives, les plans nationaux d'action contre la discrimination raciale et sur les instances nationales chargées de lutter contre le racisme et la discrimination.

Exposés des panélistes

MME LUIZA BAIRROS, Ministre des politiques pour la promotion de l'égalité raciale du Brésil, a souligné le rôle joué par les mouvements sociaux des Noirs dans l'inscription de thèmes tels que le racisme et l'égalité raciale à l'ordre du jour de la vie publique brésilienne. Ainsi, tout au long du XXe siècle, les revendications des organisations politiques et culturelles ont été à la base des réponses du Gouvernement brésilien à la problématique de l'égalité raciale. Mme Bairros a rendu hommage, dans ce contexte, au militant, journaliste et écrivain Abdias Nascimento, décédé à l'âge de 97 ans, le 24 mai 2011, et symbole des luttes contre le racisme dans son pays. Elle a fait un historique des grandes étapes de l'affirmation des questions raciales, en mettant l'accent sur 1988 en tant qu'année du centenaire de l'abolition légale de l'esclavage et de promulgation de la Constitution fédérale, qui définit le racisme comme un délit imprescriptible et reconnaît le droit foncier des communautés noires Quilombola, notamment. Autre étape importante, la «marche Zumbi» contre le racisme pour la citoyenneté et la vie, organisée en 1995 par le mouvement noir, en vue d'exhorter le Gouvernement brésilien à abandonner le mythe de la démocratie raciale et à s'atteler à la mise en œuvre des politiques publiques d'égalité raciale.

La participation du Gouvernement et de la société civile à la Troisième conférence mondiale sur le racisme de Durban, en 2001, a également donné un élan au débat sur les mesures d'action positive: deux années plus tard, le Secrétariat pour la promotion de l'égalité raciale (SEPPIR) était créé en tant que ministère-conseil de la Présidence chargé de la formulation, de la coordination et de l'articulation des politiques et mesures visant à garantir et à promouvoir l'égalité des droits, notamment pour la population noire qui, au recensement de 2010, représentait 50,6% de la population totale. Suite à la création du SEPPIR, le Gouvernement a lancé sa Politique nationale pour la promotion de l'égalité raciale, dont les principes directeurs sont la transversalité, la décentralisation et la gestion démocratique, a précisé la Ministre. Mme Bairros a souligné que leur application a connu une certaine résistance, d'où la nécessité de disposer de statistiques ventilées sur les inégalités raciales. Ces données sont importantes car, dans de nombreux cas, les corrélations entre inégalités sociales et pauvreté ne sont pas forcément reconnues comme étant fondées, au départ, sur le racisme. À cet égard, Mme Bairros a recommandé au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme d'approfondir les enseignements tirés des différentes expériences nationales, de voir également dans quelle mesure les institutions existent et de se pencher sur la manière dont le racisme opère au sein même de telles institutions.

M. GITHU MUIGAI, Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée, s'est interrogé sur la manière dont les engagements pris à Durban sont traduits dans les programmes nationaux. Il a ainsi centré son intervention sur quelques bonnes pratiques identifiées au cours de ses différentes visites dans les pays, et relatives aux différentes recommandations émises dans le Programme d'action de Durban.

M. Muigai a tout d'abord évoqué et salué l'adoption de mesures nationales interdisant la discrimination raciale dans la plupart des États visités. Ainsi, de nombreux pays d'Europe accordent-ils une certaine protection juridique aux Roms. Le Rapporteur spécial se félicite aussi de l'adoption de plans d'action – autre recommandation de Durban – dans des pays comme l'Allemagne. Il s'est ensuite penché sur le point concernant la mise en place d'institutions spécialisées pour surveiller la situation et lutter contre le racisme au niveau national. Saluant des initiatives telles que la création, en 2009, d'un secrétariat à l'égalité sociale au Brésil, M. Muigai a cependant appelé les États à veiller à ce que ces institutions disposent des ressources nécessaires pour accomplir leur mission. Il s'est ensuite penché sur l'éducation, domaine clé de la prévention, et encouragé l'adoption de mesures visant à enseigner dans les écoles le respect de la diversité, à l'exemple de ce qui se fait déjà à Singapour. Le cinquième point de son intervention concernait la création de recours efficaces, notamment pour les populations vulnérables, comme les travailleurs migrants. Ainsi s'est-il félicité que les Émirats arabes unis se sont dotés, en 2009, de mécanismes permettant à ces travailleurs de faire valoir leurs droits. En dernier lieu, le Rapporteur spécial s'est concentré sur les moyens concrets de faire respecter les lois par la création et la formation de forces de police et autres agents publics.

M. Muigai a rappelé qu'il reste, malgré ces bonnes pratiques, de nombreux défis à relever; il a notamment regretté que ces bonnes pratiques ne sont pas appliquées du fait de l'absence de volonté politique. Les pouvoirs publics ne considèrent en effet pas toujours l'élimination du racisme comme une priorité, tandis que les autorités locales ne mettent pas toujours en œuvre les lois adoptées: il faut donc créer un cadre institutionnel propice au respect des lois et de la diversité. Le Rapporteur spécial a appelé enfin le Haut-Commissariat aux droits de l'Homme à se doter d'une base de données sur les bonnes pratiques, qui servira d'outil pratique accessible aux États.

M. RICARDO ANTONIO BUCIO, Président du Conseil national du Mexique pour la prévention de la discrimination raciale, a souligné que l'égalité et la non-discrimination sont les thèmes les plus présents dans les instruments du droit international relatif aux droits de l'homme, les pactes, les conventions, les déclarations, les observations générales, les plans d'action et recommandations. Rien ne divise autant l'humanité que le fait d'accepter, de manière formelle ou en pratique, l'inégalité devant les droits et la dignité des personnes. L'égalité et la non-discrimination sous-tendent le travail des institutions du système des Nations Unies partout dans le monde. La discrimination est contraire à la liberté et à la dignité humaine, compromet la cohésion sociale, affaiblit les démocraties et alimente la violence – bref, elle est un obstacle au développement, a opiné M. Bucio. De ce fait, de nombreux États, y compris le Mexique, ont entrepris des changements législatifs au cours de la dernière décennie et créé des institutions spécialisées contre la discrimination, principalement raciale, et adopté des politiques directes et indirectes vouées à la diminution des désavantages historiques, structurels et culturels que subissent de grands secteurs de la population mondiale, en particulier en raison de la couleur de leur peau.

M. Bucio a informé le Conseil qu'en vertu de l'Article 1 de sa Constitution, le Mexique interdit toute forme de discrimination, qu'une loi fédérale a été édictée sur ce thème et que, dans 13 États fédérés, la discrimination a été élevée au rang de délit. D'autre part, un organisme étatique fédéral, le Conseil national pour la prévention de la discrimination raciale (CONAPRED) – présidé par M. Bucio – a vu le jour, ainsi que d'autres organismes locaux. Le mandat du CONAPRED est de contribuer au développement culturel, social et démocratique du pays et à conduire des activités de prévention de toutes les formes de discrimination, de promotion de politiques publiques pour l'égalité des chances et de traitement et de coordination d'activités avec d'autres organismes publics et les organisations internationales.

M. Bucio a regretté l'ancrage de la discrimination raciale dans certains comportements sociaux, en dépit des lois. La première enquête nationale effectuée en 2005 sur la discrimination a permis de mieux appréhender ce problème et d'élaborer des politiques et matériels de sensibilisation de la population. Cinq années plus tard, une deuxième enquête nationale a été conduite dans 302 municipalités, avec des entretiens directs avec plus de 52 000 personnes appartenant à tous les groupes d'âge et niveaux socioéconomiques et d'instruction. L'enquête a permis d'approfondir l'analyse du lien entre la discrimination et l'accès et l'exercice effectif des droits et des libertés fondamentales, a expliqué M. Bucio. Celui-ci a aussi présenté le machisme et l'homophobie comme d'autres formes d'intolérance reposant sur une hiérarchie des races et un système de privilèges, d'inégalités et d'exclusions. Pour répondre à ces problèmes, le panéliste a observé que le Programme d'action de Durban apporte des réponses et des stratégies qui ont d'ores et déjà été mises en place à travers le Réseau ibéroaméricain, constitué de 30 organismes publics et organisations civiles et universitaires de 15 pays et présidé par le CONAPRED.

MME MIREILLE FANON-MENDÈS FRANCE, Fondation Frantz Fanon, membre du Groupe de travail sur les personnes d'ascendance africaine, a rappelé qu'avaient été créés en France, en 1998, un Haut-Conseil à l'intégration et deux instances pour lutter contre le racisme, en 2003 et 2004. Le nombre de plaintes est passé de 2 000 à 6 000 en quelques années, a observé Mme Fanon-Mendes France. Celle-ci s'est inquiétée de la prochaine disparition de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), au profit d'un nouveau «Défenseur des droits»: «Cela ne constitue par une évolution a priori très favorable en termes de «bonnes pratiques antidiscriminatoires"», selon Mme Fanon-Mendès France.

L'experte a expliqué que «les révoltes des jeunes des banlieues françaises en 2005 avait montré à l'opinion mondiale les conséquences d'une stratégie de soft-apartheid, où les populations françaises d'origine immigrée sont parquées à la périphérie des grands centres urbains, analysés par nombre de sociologues et urbanistes comme des ghettos». Le racisme a «trouvé des habits neufs», a-t-elle poursuivi, «les gouvernants actuels prennent la terrible responsabilité d'encourager la montée de l'intolérance et de la haine, menaçant le vivre ensemble démocratique, instrumentalisant la laïcité de façon à mieux stigmatiser des millions de citoyens français». Dénonçant «la banalisation du racisme et le fait que des instances supérieures de la vie politique et sociale en France en soient profondément imprégnées», Mme Fanon-Mendès France a estimé que cela révèle de «la permanence d'un ordre social où la couleur de peau, les apparences physiques et les appartenances religieuses jouent un rôle décisif mais soigneusement occulté».

Mme Fanon-Mendès France a aussi constaté que le scandale récent relatif à l'instauration de quotas raciaux dans les centres de formation pour jeunes sportifs avait «brisé le tabou du non-dit et l'inexprimé». Cela «en dit long sur la réalité du racisme en France», selon l'experte. Après avoir cité plusieurs exemples de jeunes s'insurgeant contre cet état de fait dans les médias et même dans une lettre adressée à l'ancien Président sud-africain Nelson Mandela, elle a estimé que ces démarches étaient prometteuses «car le mur de verre sur lequel viennent buter les jeunes Français d'origine africaine ou antillaise est une réalité en acier trempé». Et pour elle, les avancées enregistrées, qui restent fragiles, risquent d'être effacées par le retour d'un racisme «relooké».

«L'altérité serait-elle dangereuse pour la survie de la Nation?», a-t-elle enfin demandé. «Il n'est pas possible d'asservir les hommes sans, logiquement, les inférioriser». La crise économique et le désarroi qu'elle engendre sont propices à tous les discours d'ordre, a mis en garde Mme Fanon-Mendès France. Dix ans après Durban, «la vague de populisme xénophobe qui traverse l'Europe remet en question des politiques antiracistes que l'histoire du continent rend plus pressantes que jamais».

M. JORIS DE BRES, Commissaire des relations raciales à la Commission nationale des droits de l'homme de Nouvelle-Zélande, a rappelé que son pays est un petit pays insulaire du Pacifique sud avec une population de 4 millions, dont 15% sont des autochtones maori. Les problèmes essentiels de la Nouvelle-Zélande se résument à l'inégalité et de la discrimination dont souffrent les aborigènes. La Commission nationale des droits de l'homme de Nouvelle-Zélande a pour mandat de promouvoir le respect des droits de l'homme et d'encourager à des rapports harmonieux entre les différentes populations et communautés. Il lui incombe également de promouvoir la compréhension des droits des autochtones et d'offrir aux plaignants des services de résolution des litiges d'ordre racial et de discrimination religieuse. En tant qu'entité nationale, la Commission collabore également avec différentes institutions onusiennes, en particulier avec le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale. Elle a d'ailleurs mis au point une formule de rapport dans le cadre de l'Examen périodique universel et s'apprête à faire de même avec le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones, qui a visité la Nouvelle-Zélande en 2010.

Partant de l'expérience du travail de la Commission, M. De Bres a affirmé que la meilleure manière de contrecarrer le racisme consiste à promouvoir des réponses pratiques et positives en vue de la diversité culturelle. Une telle approche a été fortement appuyée par des chefs de file des communautés à l'occasion d'un forum parlementaire tenu en 2004, convoqué après des déprédations commises dans deux cimetières de Wellington, a expliqué l'expert. L'approche consiste notamment à reconnaître et à célébrer la diversité culturelle au sein de la société néozélandaise; à promouvoir l'égalité de la jouissance par tous de tous les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, indépendamment de la race, de la couleur, de l'origine ethnique ou de la nationalité; à favoriser des rapports harmonieux entre divers peuples; et à appliquer intégralement le Traité de Waitangi relatif aux droits des autochtones. M. De Bres a précisé que cette démarche porte fruit puisque, l'année dernière, 255 organisations ont déposé 720 projets de diversité auprès de la Commission.

M. De Bres a expliqué que la Commission utilise les réseaux électroniques sociaux et que ses pages sont suivies par plus de 15 000 personnes avec lesquelles la Commission peut avoir des échanges par un simple clic. Cela s'est avéré être un puissant moyen de promotion de rapports raciaux positifs et d'accès aux ressources, informations et réseaux, a-t-il considéré. En conclusion, M. De Bres a proposé au Conseil des droits de l'homme de reconnaître davantage la contribution unique des institutions nationales des droits de l'homme dans la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d'action de Durban. Le Conseil pourrait également reconnaître le rôle de ces commissions dans le suivi du racisme, par le truchement de rapports et d'examens périodiques des droits de l'homme.

M. JERALD JOSEPH, Directeur exécutif de l'organisation Dignity International, a observé que le combat contre le racisme était toujours d'actualité dix ans après la Conférence mais que les progrès accomplis sont ralentis par un manque de volonté politique et par des tendances populistes et électoralistes. M. Joseph s'est penché sur ce qu'il a appelé le «syndrome du déni», qui empêche certains gouvernements de reconnaître ouvertement les problèmes de racisme et de discrimination sur leur territoire: il est pourtant du devoir des pouvoirs publics de dénoncer de telles situations et de prendre les mesures nécessaires pour y remédier. À cet égard, M. Joseph a salué le courage du parti d'opposition malaisien et de certains membres du parti au pouvoir qui ont récemment dénoncé les dérives racistes d'Utusan Malaysia, principal média national. Ce dernier s'était jusqu'alors livré en toute impunité à des diatribes contre les minorités ethniques du pays. M. Joseph a appelé tous les gouvernements à se conformer aux recommandations du Programme d'action de Durban, notamment celles relatives à l'établissement d'un plan national d'action de lutte contre le racisme ou à la formation des fonctionnaires.

M. Joseph a aussi insisté sur la nécessité de faciliter l'accès de tous à Internet, en tant qu'espace d'échanges et d'éducation sur les droits de l'homme. Il a condamné les gouvernements qui se livrent à des restrictions en la matière. Il a néanmoins appelé à la prudence, notant que cet espace pouvait également être utilisé pour diffuser des messages de haine, ce à quoi les États se doivent de remédier. De même, M. Joseph a plaidé pour une réelle liberté d'information, «pierre angulaire de la prévention des conflits basés sur le racisme» selon lui. Il a ainsi invité son pays notamment à s'inspirer de bonnes pratiques ayant cours dans certains pays comme l'Inde ou les Philippines.

Dignity International concentre ses efforts sur une démarche fondée sur les droits de l'homme et sur la formation au niveau mondial, a expliqué M. Joseph. Il a souligné le rôle des difficultés économiques dans les frustrations et les conflits. De ce fait, a-t-il expliqué, son organisation a mené, à Nairobi, une campagne de sensibilisation sur l'utilité du vote, lors de la campagne électorale de 2007, auprès des populations des bidonvilles notamment. Cette campagne n'a pas empêché pas le bain de sang qui a suivi mais a contribué à réduire les actes de violence. M. Joseph a félicité les États ayant ratifié la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et déploré que treize États manquent encore à l'appel. Il a plaidé pour que les bonnes pratiques en matière de lutte contre le racisme deviennent la règle et non plus l'exception, et soient mieux diffusées. Pour ce faire, il est nécessaire d'établir des partenariats avec la société civile pour que les États passent de la rhétorique au concret, et que la société civile puisse, de son côté, bénéficier des énormes ressources des États.

Aperçu de la discussion

À l'instar de l'Autriche, nombre de délégations ont souligné que le combat contre le racisme et contre toutes les formes de discrimination figure parmi leurs priorités. L'Allemagne a indiqué que la lutte contre le racisme et la discrimination constituait la pierre angulaire de sa politique en matière de droits de l'homme, avant de faire savoir qu'elle avait décidé d'accroître son soutien financier à l'Unité anti-discrimination du Haut Commissariat aux droits de l'homme, de manière à l'aider à créer une base de données sur les meilleures pratiques en termes de lutte contre le racisme et la discrimination raciale. Le Mexique a insisté sur la nécessité de maintenir l'approche consistant à inscrire la lutte contre la discrimination dans le cadre des droits de l'homme.

La cyber-haine – ou haine propagée via l'Internet – est en constante augmentation, a fait observer la Belgique. Elle a fait part de la création, au sein du Centre belge pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, d'une cellule spéciale pouvant intervenir sur la Toile, mais a souligné qu'un État ne peut lutter seul contre la propagation de propos haineux sur Internet. La France a indiqué avoir placé au rang de priorité la lutte contre le racisme sur Internet et a rappelé qu'elle a engagé, l'an dernier, l'élaboration d'un plan national d'action contre le racisme et l'antisémitisme qui est en cours de finalisation et devrait être publié cet été.

L'Union européenne – où la minorité la plus nombreuse est, avec 10 à 12 millions d'individus, celle des Roms – a rappelé avoir adopté un cadre européen pour l'intégration des Roms au niveau national, dont l'objectif est de favoriser leur égalité d'accès à l'éducation, au logement, à la santé ou encore à l'emploi. En effet, les Roms sont particulièrement vulnérables et il convient d'analyser les causes profondes d'une telle vulnérabilité, comme l'a rappelé la Slovaquie. À ce stade, la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge est intervenue pour soutenir la recommandation adressée au Conseil à la présente session par le Rapporteur spécial, M. Muigai, quant à la nécessité de s'attaquer, effectivement, aux causes profondes de la discrimination, notamment concernant les Roms. Il convient dans ce contexte de concentrer les efforts sur l'éducation, a-t-elle souligné. La République tchèque a rappelé qu'elle préside actuellement la Décennie pour l'inclusion des Roms (2005-2015). L'Espagne a quant à elle fait part des mesures qu'elle a prises en faveur des Gitans et au nombre desquelles figure la mise sur pied du Conseil consultatif gitan et la création de l'Institut culturel gitan.

L'Union africaine a pour sa part attiré l'attention sur la situation particulièrement difficile des personnes d'ascendance africaine dans le monde.

Le Sénégal a rappelé que les travaux sur le génome humain ont formellement démontré que le racisme ne peut se baser sur aucun fondement scientifique.

L'Afrique du Sud s'est enquise des meilleures pratiques permettant d'éviter que les médias ne servent de canaux de diffusion de la haine.

Le Nigéria, au nom du Groupe africain, a souligné que le racisme n'a malheureusement pas disparu, en dépit des efforts déployés par la communauté internationale pour l'éradiquer, et a insisté sur la nécessité pour chaque État de veiller à maintenir en son sein la cohésion nationale et l'union contre la violence raciste. Partant du même constat, le Pakistan, au nom de l'Organisation de la Conférence islamique (OCI), a jugé urgent de mettre sur pied un observatoire international sur les cas de racisme et de discrimination raciale et a rappelé que l'OCI, en ce qui la concerne, a d'ores et déjà créé, au sein de son secrétariat à Jeddah, un observatoire recensant les cas d'islamophobie dans le monde.

Comme l'ont souligné nombre de délégations, à l'instar de celle de Cuba, les mesures visant à traiter la question du racisme doivent être mises en place en étroite coopération avec la société civile.

Parmi les autres États ayant exposé leur action en matière de lutte contre le racisme et toutes les formes de discrimination, la Suède a rappelé qu'une loi antidiscriminatoire est entrée en vigueur dans ce pays en 2009; la Norvège a rappelé avoir lancé en 2009 son deuxième plan national d'action dans le cadre du suivi de la Déclaration de Durban; le Maroc a souligné que son Code pénal sanctionne la discrimination; les États-Unis ont fait part de leurs efforts pour garantir l'égalité des chances en matière d'accès au logement, à l'emploi et à un enseignement de qualité; et l'Équateur a assuré avoir pris d'importantes mesures pour lutter contre le racisme et la discrimination raciale, faisant notamment part du plan plurinational adopté par le pays en 2009. La Suisse a pour sa part souligné que les dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale ont valeur de loi-cadre dans ce pays. Une représentante du Comité de coordination des institutions nationales de droits de l'homme a insisté sur la nécessité d'avancer sur la voie de la ratification universelle de cette Convention.

Une affaire n'est qu'à moitié gagnée si les décisions des tribunaux en matière de droits de l'homme ne sont pas concrètement appliquées, a rappelé un représentant de Open Society Institute.

Une représentante de Conectas Direitos Humanos a relaté l'expérience du Brésil en matière de discrimination positive, relevant que la politique du pays en la matière a été contestée devant les tribunaux nationaux et exprimant l'espoir qu'il n'y aura pas de recul dans la lutte contre le racisme et la discrimination dans ce pays.

Un représentant du Conseil indien d'Amérique du Sud a félicité la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Mme Pillay, pour avoir insisté sur la responsabilité des industries d'extraction dans la spoliation des peuples autochtones.

Conclusions des panélistes

MME BAIRROS, apportant des précisions s'agissant des critères pour évaluer l'efficacité des plans d'action et de lutte contre le racisme, a indiqué que ces critères concernant l'implication des ministères et autres services de l'État, l'attribution de budgets conséquents, l'instauration de partenariats vigoureux entre les niveaux de gouvernement. En ce qui concerne le commentaire du Mexique sur la nécessité de créer une instance internationale chargée de définir les institutions nationales qui permettraient d'apporter des réponses aux questions d'égalité raciale, Mme Bairros a désigné le Haut-Commissariat aux droits de l'homme comme l'espace idéal permettant de discuter du profil de ces institutions nationales.

M. MUGAI a pour sa part estimé essentiel de ne pas sous-estimer l'importance de l'action nationale et internationale en mettant l'accent sur les politiques ciblant les victimes.

M. BUCIO s'est félicité de constater que la Déclaration et le Programme d'action de Durban ont déclenché un grand nombre d'initiatives telles que celles qui ont été évoquées ce matin. Toutefois, on a peine à tirer un bilan précis sur ce qui a été fait ces dix dernières années en matière de lutte contre le racisme. Il est certain néanmoins qu'il faut souvent encore passer des mots à la pratique, d'où l'utilité de principes directeurs, a souligné M. Bucio. Il faut défendre et protéger les droits des victimes de discrimination tout en mettant en œuvre des politiques rendant les violations impraticables.

MME FANON-MENDÈS FRANCE a souligné que le Haut-Commissaire aux droits de l'homme est en quelque sorte le dépositaire d'un certain nombre de conventions sur le racisme et la discrimination raciale. Il est urgent de réfléchir à quels types de nouveaux instruments pourraient être élaborés ou au renforcement de ceux qui existent. Elle a relevé une dichotomie, voire une rupture, entre les programmes mis en œuvre par certains États et la réalité. L'experte a souhaité une analyse des possibilités de réduction de ce fossé, notamment au travers du Programme d'action de Durban, qui pourrait constituer un cahier des charges en vue de l'application effective des mesures contre le racisme, dont la persistance est incroyable, 50 ans après la fin du colonialisme.

M. DE BRES s'est félicité de la mention, par de nombreux intervenants, du rôle et de la place des institutions nationales des droits de l'homme. Il a souligné à cet égard la nécessité de rapprocher tous les acteurs, États, organisations non gouvernementales, société civile, et individus. Un certain nombre d'institutions nationales ont récemment sollicité un statut auprès du Conseil et ne l'ont pas obtenu, a-t-il remarqué, en souhaitant que de telles institutions deviennent des partenaires fondamentaux dans la lutte contre le racisme, la discrimination raciale et la xénophobie.

M. JOSEPH a estimé qu'il faut mettre l'accent sur l'autonomisation au niveau communautaire, par une action dans le domaine de l'éducation aux droits de l'homme. D'autre part, on sait que l'influence médias contribue à la perpétuation de l'impunité des auteurs d'actes racismes: il faut donc créer des conseils de la presse autonomes, chargés d'éliminer le racisme et la discrimination des médias. Il faut aussi aider systématiquement les victimes, au plus près des réalités du terrain. Le représentant a regretté la diminution générale de l'aide directe au développement, qui empêche les organisations non gouvernementales de remplir leurs missions. Enfin, les États devraient consentir des financements plus importants pour les activités du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, dit M. Joseph. L'Unité anti-discrimination dudit Haut Commissariat pourrait réaliser une évaluation du succès des mesures de lutte anti-discrimination au niveau international.

Fin du débat général sur le racisme

M. JUAN ANTONIO QUINTANILLA ROMÁN (Cuba) a réitéré l'engagement de son pays en faveur de tous les droits de l'homme pour tous. Il a déploré à cet égard que l'on assiste aujourd'hui à une résurgence du racisme et de la discrimination raciale dans le Nord industrialisé. Des peuples, des ethnies sont marginalisés, de même que les migrants. Ce n'est pas le cas à Cuba où existe un cadre constitutionnel et normatif garantissant l'égalité des droits de tous les citoyens, dans le cadre d'une société égale et juste. Il est grand temps d'appliquer les objectifs et indicateurs définis à Durban, a-t-il dit. Cuba demande aux pays du Nord de montrer un engagement véritable en ce sens.

M. ALFONSO MORALES (Équateur) a déclaré que, après un important processus historique, l'Équateur a été en mesure d'établir des dispositions constitutionnelles qui confirment la nature multi-ethnique et pluraliste de l'État équatorien. L'Équateur a établi des normes juridiques étendues pour l'égalité des droits de tous les citoyens et a mis en place des mesures pour promouvoir la tolérance et le respect des droits de l'homme, notamment par le dialogue, la participation et les initiatives orientées vers la récupération de la mémoire historique et la diffusion de documents concernant les caractéristiques sociales et culturelles des différents peuples qui composent la population. Pendant de nombreuses années, aucune situation d'intolérance ne s'est produite dans le pays, en dépit d'incitation à la discrimination par certains

M. KHALID FAHAD AL-HAJRI (Qatar) a déclaré que l'adoption des Déclaration et Plan d'action de Durban et du document final de la Conférence d'examen de Durban n'ont pas empêché l'apparition de nouvelles formes de discrimination et de racisme, fondées sur le profilage et récupérées par des mouvements politiques extrémistes. Il est donc essentiel d'adopter les lois et mesures propres à empêcher les comportements racistes justifiés par la liberté d'expression. Le représentant qatarien a appelé au renouvellement du mandat du Groupe de travail chargé de l'application de la Déclaration et du Plan d'action de Durban.

Observateurs

M. AMR ESSAM (Égypte) s'est dit profondément préoccupé par la montée des extrémismes dans le monde d'aujourd'hui, d'autant plus que ces derniers prennent de plus en plus racine dans des démocraties bien établies. Alors que certains États prennent des mesures sérieuses pour les confronter, d'autres, par contre, ont du mal à suivre la diversité culturelle stimulée par la mondialisation. Cette inaction alimente la prolifération de plate-formes politiques extrémistes, basées sur une illusion de supériorité, que ce soit par la race, la culture, la religion ou la pensée, ou tout simplement par les réalisations d'ordre économique. Il s'est aussi alarmé de l'amalgame entre la lutte contre le terrorisme, d'une part, et les stéréotypes religieux négatifs et la diffamation, d'autre part, aggravés par les préjugés et les appels à la haine et à l'hostilité à l'égard des individus et des communautés migrants. Le représentant égyptien a rappelé que la liberté d'expression s'accompagne également d'obligations et de responsabilités envers la société et pour éviter que la démocratie soit convertie en une dictature de la majorité. Il est évident que beaucoup reste à faire dans ce domaine, en particulier dans la sensibilisation aux idées reçues, et dans certains cas, pour remédier à l'absence d'instruments juridiques interdisant l'incitation à la haine et son impunité. Il faut en même temps «tempérer l'enthousiasme» pour ne pas créer des structures parallèles ou imposer des notions controversées qui ne prendraient pas en compte les divers systèmes de valeurs sociaux et culturels dans différentes sociétés. La coopération internationale doit faire face à la prolifération du racisme et de la discrimination sous toutes leurs formes, dans un cadre global qui prenne dûment en compte l'équilibre entre les droits et les responsabilités et axé sur la convergence plutôt que sur le conflit et la divergence.

M. SEYED HOSSEIN ZOLFAGHARI (République islamique d'Iran) a déclaré que l'anniversaire de la conférence de Durban doit être l'occasion de mobiliser l'opinion publique internationale contre la discrimination raciale. Le représentant a regretté qu'en dépit des efforts consentis à ce jour, des communautés minoritaires, telles les musulmans et les Roms, sont toujours confrontées à la xénophobie et au racisme ainsi qu'à la profanation de leurs lieux religieux. Le représentant iranien a estimé que seule l'application stricte des dispositions de la Déclaration et du Plan d'action de Durban permettra d'éliminer ces comportements.

M. MOHAMED ACHGALOU (Maroc) a noté que malgré des évolutions significatives sur le plan normatif, de nouvelles manifestations de racisme prenaient des dimensions inquiétantes un peu partout dans le monde. Il a attiré l'attention du Conseil sur la situation de deux groupes vulnérables, les personnes d'ascendance africaine et les migrants, qui demeurent marginalisées et discriminées. Le Maroc estime que l'appui de la communauté internationale au Groupe de travail sur les droits des personnes d'ascendance africaine, ainsi que la ratification de la Convention sur les droits des travailleurs migrants et de leur famille permettront de définir les contours d'une stratégie globale.

M. MALEK ALWAZZAN (Koweït) a constaté que la communauté internationale continue à être aux prises avec le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée. À cet égard, le dixième anniversaire de la Déclaration et du Programme d'action de Durban constitue une occasion historique de renouveler sa détermination à lutter contre ces phénomènes et à dire non à l'incitation à la haine et à la terreur fondée sur des considérations de race ou d'intolérance religieuse. Il a souligné que son pays menait des efforts dans ce domaine, en particulier dans le cadre de la lutte contre l'islamophobie qui est en passe de devenir un phénomène d'envergure mondiale aux conséquences graves.

Organisations non gouvernementales

MME SABINE LEGRAND (Fraternité Notre Dame) a dénoncé les entraves croissantes à la liberté de circulation en Europe dont sont victimes notamment les Missionnaires catholiques qui travaillent au service des plus démunis dans le monde, tels que les religieux et laïques de la Fraternité Notre Dame. Ces personnes sont souvent victimes de harcèlement, d'agressions verbales et d'atteintes à leur liberté. La représentante a en particulier dénoncé le «body scan» auquel sont soumis les passagers des transports aériens, sous prétexte de lutte contre le terrorisme. De telles mesures sont une violation des droits de l'homme et des principes religieux.

MME NUR ARAFEH (Badil Resource Center for Palestinian Residency and Refugee Rights) a constaté que les Palestiniens en Israël et dans les territoires palestiniens occupés étaient soumis, devant le système de justice, à un traitement différent de celui des Israéliens juifs. Elle a dénoncé une discrimination institutionnalisée sur la base d'un système juridique à deux vitesses et qui s'apparente à un régime d'apartheid. Elle a demandé au Conseil des droits de l'homme de condamner la récente législation israélienne et de condamner les pratiques israéliennes racistes. Le Conseil doit aussi demander qu'Israël mette fin à son blocus illégal de la bande de Gaza.

MME ORETTA BANDETINI DI POGGIO (France Libertés – Fondation Danielle Mitterrand) a signalé qu'il existe des formes contemporaines de racisme bien occultées comme c'est le cas dans certaines pratiques de harcèlements à l'école, ou de discriminations fondées sur des différences de langue, de religion, de politique ou d'opinion, d'origine sociale ou autres. Elle a cité le cas des Mapuche du Chili qui n'ont pas de droits fonciers ni de droits sociaux, celui des Saharaouis qui ne jouissent pas du droit à l'autodétermination sur le territoire du Sahara occidental, ou encore des habitants du camp d'Ashraf en Iraq, où une personne malade vient de mourir parce qu'elle n'a eu droit à une dialyse que deux fois en quatre ans.

M. UDIT RAJ (Liberation) a regretté que la communauté internationale ait été incapable de persuader le Gouvernement de l'Inde de prendre des mesures concrètes pour mettre un terme à la discrimination institutionnalisée dont sont victimes les dalits. Il est inconcevable que l'Inde, qui entend jouer un rôle de premier plan sur la scène internationale, autorise un tel comportement. Le représentant a demandé au Conseil de recommander au Gouvernement indien de mettre un terme à la discrimination fondée sur l'appartenance à une caste.

MME ANEZKA PALKOVA (Centre for Human Rights and Peace Advocacy) a noté que malgré des progrès significatifs, les droits des populations autochtones passaient au dernier rang des préoccupations des États. Elle a évoqué le cas de l'État du Tripura en Inde où une migration illicite et une politique linguistique d'État désavantageuse avait fait passer la population locale de 53% à 31% de la population entre 1951 et 2001. Les peuples autochtones ne doivent pas être exclus de leurs territoires ancestraux, sans compensation juste et équitable et avec un droit de retour, a-t-elle rappelé en citant l'article 10 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

MME KAREN PARKER (International Educational Development) a regretté que les Nations Unies n'aient pas apporté de réponses crédibles aux difficultés rencontrées par le peuple tamoul de Sri Lanka, estimant même qu'il s'agit là d'un véritable échec de la communauté internationale: la représentante a dénoncé son «silence honteux» devant un «véritable carnage».

M. HILLEL NEUER (United Nations Watch) s'est félicité de la décision du Président Obama de ne pas entériner la célébration du dixième anniversaire de la Conférence de Durban de 2001: en effet, cette conférence a été marquée par des manifestations odieuses d'antisémitisme. Le représentant a regretté par avance que le troisième sommet de Durban ne tiendra aucun compte des violations des droits de l'homme au Pakistan, au Soudan, en Arabie saoudite et en Iran.

MME SANGHAMITRA DEBBARMA (Comité international pour le respect et l'application de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples) a évoqué la situation de la minorité Tripura et l'oppression dont elle est victime de la part de l'Inde. En effet, tout est mis en œuvre pour faire disparaître la culture de cette population et leur dénier la jouissance de leurs droits économiques, sur les forêts notamment. D'autres mesures législatives portent directement atteinte à leurs autres droits, comme l'autorisation faite aux forces armées de tirer sur tout individu considéré comme extrémiste. La représentante a conclu en demandant au Conseil d'organiser une visite du Rapporteur spécial sur le racisme dans l'État de Tripura.

M. ALTAF HUSSAIN WANI (International Islamic Federation of Student Organization) a déclaré que la nécessité d'une action conjointe contre le racisme avait rarement été aussi urgente qu'aujourd'hui. Il a dénoncé le «système d'apartheid multiple» constitué par la hiérarchie des castes, se demandant si cette situation pouvait être vraiment considérée comme une affaire intérieure indienne.

M. FAISAL REHMAN (World Muslim Congress) a dénoncé le traitement discriminatoire dont sont victimes, en Inde, les dalits, ou intouchables, une pratique centenaire sinon millénaire. Le représentant a regretté la marginalisation de ces personnes dans «la plus grande démocratie du monde». Il a appelé le Gouvernement de l'Inde à prendre toutes les mesures nécessaires à l'élimination de la discrimination à l'encontre des dalits.

M. ABDOULAYE YAYA ALI (Tchad Agir pour l'environnement) a évoqué la situation en Libye, qualifiant d'inacceptable que des civils vivant dans un pays depuis des années soient considérés comme des mercenaires. Le racisme de la population libyenne est devenu ordinaire sans qu'aucune mesure ne soit prise pour protéger les populations étrangères noires, a-t-il constaté. Il a lancé un appel à l'Union africaine et à la communauté internationale pour aider à faire cesser le comportement des rebelles envers les Noirs dans la zone sous leur contrôle.

M. GIANFRANCO FATTORINI (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - MRAP) a évoqué le débat organisé par le Gouvernement français en avril dernier sur la laïcité en déplorant qu'aucune référence n'ait été faite à cette occasion à la loi de 1905 sur la liberté de conscience et la séparation de l'Église et de l'État. Ce type de débat contribue à dresser citoyens les uns contre les autres et favorise le repli. De plus, il s'inscrit dans un contexte inquiétant de stigmatisation des étrangers, notamment s'agissant des Roms, voire de «croisade» contre les musulmans. Condamnant ces manipulations et leurs diverses traductions en texte - comme la loi sur le foulard-, le MRAP invite le rapporteur à analyser les causes profondes du racisme et de la discrimination structurelle et institutionnelle en France.

M. ALTAF HUSSAIN WANI (Fédération internationale islamique d'organisations d'étudiants) s'est dit très attaché à la commémoration du dixième anniversaire de l'adoption des Déclaration et Plan d'action de Durban. Il a déploré la campagne de désinformation très bien organisée contre la célébration de cet anniversaire, une désinformation qui est en partie responsable des reculs enregistrés dans le domaine de la lutte contre le racisme et la discrimination.

M. RONALD BARNES (Conseil indien d'Amérique du Sud) a constaté que les peuples autochtones continuaient de se voir nier leurs droits, beaucoup d'État se cachant derrière le bien commun pour empiéter sur leurs territoires. Il est clair que ces populations sont victimes d'une forme d'apartheid, a-t-il dit. Les États-Unis et le Canada devraient participer à la Conférence contre le racisme car ce sont ceux qui violent le plus les droits des peuples autochtones.

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