Le Conseil des droits de l'homme tient un débat général sur le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance
27 septembre 2011
APRES-MIDI
27 septembre 2011
Il examine le rapport du Comité spécial chargé d'élaborer des normes complémentaires à la Convention internationale sur l'élimination de la discrimination raciale
Le Conseil des droits de l'homme a tenu, cet après-midi, un débat général sur le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée. Il était saisi dans ce cadre du rapport du Comité spécial chargé d'élaborer des normes complémentaires à la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Présentant ce rapport au nom du Président du Comité spécial, le représentant de l'Afrique du Sud a notamment indiqué que les participants à cette troisième session sont convenus d'accorder la priorité à l'analyse de la xénophobie et à la mise en place de mécanismes nationaux de prévention du racisme et de la discrimination, et sont tombés d'accord pour que la quatrième session soit consacrée à la formulation des normes complémentaires.
Lors du débat de cet après-midi, plusieurs intervenants ont soutenu le maintien de ce mécanisme, d'autres mettant davantage l'accent sur les différends opposant les États membres quant à la nature même de ce mandat. Étant donné ces difficultés, il a été proposé de reporter jusqu'en 2012 la quatrième session du Comité spécial, initialement prévue en octobre 2011. Une délégation a suggéré que, pour permettre au Comité spécial de s'acquitter de son mandat, la notion de lacunes dans les instruments internationaux existants ne «doit pas être interprétée dans l'absolu et devrait davantage évoquer un manque de précision des normes existantes».
De nombreux intervenants ont par ailleurs constaté avec une vive inquiétude la prolifération de divers partis politiques, mouvements, groupes et idéologies extrémistes dans de nombreux pays, en estimant que cela faisait peser une menace pour les valeurs démocratiques. D'autres ont regretté que n'aient pas été mis en œuvre la Déclaration et le Programme d'action adoptés en 2001 lors de la Conférence mondiale des Nations Unies contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associé. Ils ont aussi déploré que certains pays n'aient participé ni à la Conférence d'examen de la Conférence de Durban, ni à la séance de l'Assemblée générale qui s'est tenue mercredi dernier pour commémorer le dixième anniversaire de la Déclaration et du Programme d'action de Durban.
Les organisations non gouvernementales ont principalement attiré l'attention sur des populations qui souffrent tout particulièrement de la discrimination raciale dans de nombreux pays, notamment les populations autochtones et les personnes d'ascendance africaine.
Les délégations des États membres et observateurs suivants ont participé au débat: Pakistan (au nom de l'Organisation de la coopération islamique), Pologne (au nom de l'Union européenne), Suisse, Chine, États-Unis, Fédération de Russie, Cuba, Guatemala, Uruguay, Koweït, Sénégal (au nom du Groupe africain), Turquie, France, Algérie, Allemagne, Maroc et Venezuela. Le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) a également pris part au débat.
De nombreuses organisations non gouvernementales ont fait des déclarations: Congrès du monde islamique, Agir ensemble pour les droits de l'homme, International Educational Development, Organization for Defending Victims of Violence, Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP), Agence des cités unies pour la coopération Nord-Sud, Fraternité Notre Dame, Fédération internationale islamique d'organisations d'étudiants, International Human Rights Association of American Minorities, Union internationale humaniste et laïque, Nord-Sud XXI, Commission africaine des promoteurs de la santé et des droits de l'homme, International Buddhist Relief Organization, Comité international pour le respect et l'application de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples (CIRAC), Organisation pour la communication en Afrique et de promotion de la coopération économique internationale (Ocaproce International), Espace Afrique International, Centre for Human Rights and Peace Advocacy, Association of World Citizens, Mouvement international de la jeunesse et des étudiants pour les Nations Unies, Mouvement indien «Tupaj Amaru», Libération, Verein Südwind Entwicklungspolitik, Conseil mondial de l'environnement et des ressources, Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme, Commission to Study the Organization of Peace, et Conseil indien d'Amérique du Sud.
Le Conseil se réunira demain à 9 heures pour une reunion-débat de haut niveau consacré à «la promotion et la protection des droits de l'homme par le biais de la tolérance et de la réconciliation», en s'inspirant de l'exemple de Nelson Mandela. Le Conseil tiendra ensuite des dialogues interactifs avec l'expert indépendant sur la situation des droits de l'homme en Somalie et avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Cambodge. En fin d'après-midi, il devrait se prononcer sur des projets de résolution et décision dont il est saisi.
Le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée
Présentation du rapport du Comité spécial sur l'élaboration des normes complémentaires
M. ABDUL SAMAD MINTY (Afrique du Sud) a présenté le rapport du Comité spécial sur l'élaboration des normes complémentaires à la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, au nom du Président de la troisième session du Comité. Cette session a été consacrée à la protection des victimes du racisme et de la discrimination. Le Comité a organisé des consultations pour déterminer l'ordre du jour de la session. La xénophobie et la mise en place de mécanismes nationaux de prévention du racisme et de la discrimination ont figuré en tête du programme de travail. Sur la base de ces travaux, la quatrième session sera consacrée à la formulation proprement dite de normes complémentaires. Des consultations seront organisées en préalable à ladite session. Le Comité spécial a d'ores et déjà adopté l'ordre du jour de la cinquième session, afin de donner le temps aux États de se préparer. Le rapport a été adopté par consensus, ce qui est de bon augure pour la suite des travaux, a fait observer le représentant sud-africain.
Le rapport de la troisième session du Comité spécial sur les normes complémentaires (A/HRC/18/36, en anglais) résume les travaux et les discussions qui ont eu lieu pendant la troisième session du Comité (22 et 23 novembre 2010 et 11 au 21 avril 2011). Des discussions préliminaires ont eu lieu sur «La xénophobie» et «La création, la désignation ou le maintien des mécanismes nationaux ayant des compétences pour la protection contre toutes les formes et manifestations de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée et leur prévention».
Débat général
M. SAEED SARWAR (Pakistan au nom de l'Organisation de la coopération islamique) a déclaré que voici dix ans, la communauté internationale s'est engagée à lutter contre le racisme en adoptant les Déclaration et Plan d'action de Durban, un engagement qu'elle a récemment confirmé à l'occasion d'une journée de commémoration organisée par l'Assemblée générale. La Haut-Commissaire, dans sa déclaration liminaire à cette manifestation, observait que l'on constate un écart très grand entre les engagements pris il y a dix ans et les réalisations concrètes. L'OCI espère que la résolution affichée ne restera pas lettre morte et que les États prendront des mesures efficaces contre le racisme. Dans ce contexte, il faut trouver les voies et moyens d'instaurer des conditions propices, notamment, à la tolérance religieuse, à la paix et au respect. L'OCI a pris note par ailleurs des dates de la prochaine session du Comité spécial sur les normes complémentaires. Elle insiste sur la nécessité d'adopter un calendrier précis pour l'action contre toutes les manifestations contemporaines du racisme.
M. ANDRZEJ SADOŚ (Pologne au nom de l'Union européenne) a déclaré que les 27 se sont dotés, depuis 2009, d'un mécanisme de lutte contre toutes les formes de discrimination. L'Union européenne organise en outre des campagnes de sensibilisation, notamment pour promouvoir la diversité sur le lieu de travail: une «charte de la diversité» d'adresse ainsi spécifiquement aux entreprises. Le représentant a cependant reconnu que le grand défi, pour l'Union européenne, reste l'intégration des Roms. À la fin de cette année, les États membres présenteront à la Commission européenne leurs stratégies nationales d'intégration des Roms. Ils devront indiquer quelles mesures ils ont prises dans les secteurs clés de l'intégration sociale et économique que sont la santé, l'éducation et l'emploi. C'est un message clair qui est ainsi envoyé: l'exclusion des Roms n'est pas compatible avec les valeurs sociétales et le modèle économique européens.
MME BARBARA FONTANA (Suisse) a partagé les inquiétudes exprimées par le Rapporteur spécial et a salué les recommandations qui figurent dans son dernier rapport. La prolifération de divers partis politiques, mouvements, groupes et idéologies extrémistes dans de nombreux pays demeure extrêmement préoccupante et fait peser une menace pour les valeurs démocratiques, a-t-elle poursuivi. La Suisse soutient également l'analyse du Rapporteur spécial selon laquelle la consolidation de la démocratie est essentielle pour prévenir et combattre efficacement le racisme, les discriminations raciales, y compris les discriminations multiples, la xénophobie et toute forme d'intolérance y relative. Elle a également salué la place centrale qu'occupent les victimes dans l'approche du Rapporteur spécial. La représentante suisse a informé que son pays disposait d'un service de lutte contre le racisme qui a publié, en juin 2008, un guide juridique sur les moyens de lutter contre la discrimination raciale dans la vie quotidienne. La déléguée a souligné l'importance de la ratification universelle et de la mise en œuvre des dispositions de la Convention pour l'élimination de la discrimination raciale ainsi que des engagements pris dans le cadre de la Déclaration et du Programme d'action de Durban et de sa Conférence d'examen.
M. YANG CHUANHUI (Chine) a déclaré que la communauté internationale doit combattre le racisme sous toutes ses formes de manière résolue. La Déclaration et le Plan d'action de Durban sont des documents très utiles à l'appui de cette action. La Chine espère que les États poursuivront le dialogue pour combler le fossé qui les oppose et qu'ils adopteront toutes les mesures nécessaires pour combattre le racisme et la discrimination raciale.
MME EMILY NARKIS (États-Unis) a déclaré que son pays est fermement engagé contre toutes les formes de discrimination raciale et d'antisémitisme et qu'il entend mettre en œuvre tous les instruments internationaux pertinents, y compris la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Pour autant, la position de son pays à l'égard de la Déclaration et du Programme d'action de Durban est connue de tous: les États-Unis rejettent ces textes car ils incriminent explicitement Israël et tendent à limiter la liberté d'expression, chère à son pays. La représentante a indiqué que les États-Unis ont apporté une contribution dans le cadre d'un programme d'éducation contre le racisme.
M. ROMAN KASHAEV (Fédération de Russie) a constaté qu'en dépit des efforts des États, les phénomènes et incidents de racisme n'ont pas diminué mais ont, au contraire, enregistrés une hausse. La Déclaration et le Programme d'action de Durban demeurent donc d'actualité et leur application est plus nécessaire que jamais. Le représentant russe a regretté à cet égard que certains pays n'aient daigné prendre part ni à la Conférence de Durban, ni à sa Conférence d'examen. Il a affirmé que les manifestations de racisme et d'extrémisme étaient inacceptables et qu'il s'y opposer fermement.
MME YUMIRKA FERNÁNDEZ PALACIOS (Cuba) a déclaré que la Conférence mondiale contre le racisme de Durban a montré combien la communauté internationale est déterminée à lutter pour l'égalité des droits de tous les êtres humains. La représentante a regretté dans ce contexte la persistance du racisme dans les pays du Nord, sous des formes insidieuses telles que la marginalisation sociale de populations entières et le traitement indigne des migrants et de certaines minorités, en dépit des engagements pris tant à Durban qu'à l'occasion de la Conférence d'examen. Cuba est donc pleinement favorable aux travaux du Comité spécial chargé de la rédaction de normes complémentaires à la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
MME LUISA BONILLA DE GALVÃO DE QUEIROZ (Guatemala) a appelé les États à adopter des mesures positives en faveur des personnes d'ascendance africaine, qui représentent 15% de la population mondiale. Pour sa part, le Guatemala agit dans les domaines suivants: participation des personnes d'ascendance africaine aux politiques publiques, instauration d'une culture de paix et création d'une Commission culturelle visant à éliminer la discrimination raciale et à élaborer une politique publique pour ce faire.
M. FEDERICO PERAZZA (Uruguay) a déclaré que son pays avait adopté des législations contre toutes les formes de discrimination raciale. Pour autant, malgré ces efforts, le représentant a reconnu que des progrès doivent être accomplis en faveur des personnes d'ascendance africaine, notamment en matière d'emploi et de reconnaissance de leur apport culturel dans la construction de l'Uruguay. Le représentant a indiqué que des programmes ciblant ces populations ont été adoptés; et que des statistiques sont systématiquement récoltées depuis 1996.
MME HAYA AL-DURAIE (Koweït) a assuré que la Constitution de son pays était tout à fait conforme aux instruments internationaux en matière de droits de la personne. Le droit à l'égalité et l'interdiction de la non discrimination, quel qu'en soit le motif, sont garantis par les tribunaux. Des cours de sensibilisation à ces questions sont dispensées aux femmes, qui jouissent de l'égalité pleine et entière avec les hommes. Quant aux religions, elles ont la garantie d'être traitées sur un pied d'égalité.
M. MOUHAMADOU LAMINE THIAW (Sénégal au nom du Groupe africain) a souligné que le Groupe africain avait pris une part active à la troisième session du Comité spécial chargé d'élaborer des normes complémentaires. Il a toutefois jugé regrettable que les questions de procédures et des positions parfois figées constituent des facteurs de blocage qui empêchent de prendre en charge, adéquatement, dans le cadre des compétences dévolues au Comité, les vraies questions qui interpellent la communauté internationale. Les problèmes liés au racisme, à la discrimination raciale, à la xénophobie, ainsi qu'à l'intolérance, sont très concrets et donc loin de relever de simples hypothèses d'école. Si la Déclaration et le Programme d'action de Durban ont été effectivement adoptés en 2001 pour lutter contre ces phénomènes condamnables, force est de reconnaître que, dix ans après, ces deux instruments méritent d'être nourris en termes de substance, au regard des limites relevées notamment dans la définition de la xénophobie et au regard du sort réservé aux victimes, de la banalisation et de la généralisation des actes de racisme, de xénophobie et d'intolérance. Face aux risques attachés à de telles limites et aux dérives auxquelles ils exposent, le Groupe africain reste convaincu que le Comité spécial constitue un mécanisme approprié pour identifier de nouvelles normes aptes à corriger les insuffisances observées, en même temps qu'il doit demeurer à la fois un cadre privilégié de dialogue et un outil d'approche dynamique et constructive permettant de relever les défis que posent encore, et avec acuité, le racisme et la xénophobie. C'est dans cette optique que le Groupe africain, en consultation avec les différentes parties prenantes, a proposé, avec succès, le report jusqu'en 2012 de la quatrième session du Comité spécial initialement prévue en octobre 2011. Dans le même esprit, il a rappelé que le Président-Rapporteur du Comité spécial avait proposé de faire connaître sa vision de l'avenir du Comité, dans le but de renforcer son mandat. Le Groupe africain attend avec impatience ses conclusions complémentaires pour s'en inspirer.
Observateurs
M. REFIK ALI ONANV (Turquie) a déclaré qu'il fallait garder à l'esprit que la discrimination ne disparaîtra pas toute seule et qu'il faut la combattre. Les discours racistes et de haine ciblent plus particulièrement les groupes vulnérables. «Nous avons l'obligation morale de protéger la dignité des individus et leur droit à ne pas être discriminés», a-t-il ajouté. Le représentant turc a indiqué que plus d'un million de ses concitoyens vivaient à l'étranger. On constate, bien souvent, que les attitudes discriminatoires se manifestent à leur encontre dès leur passage à la frontière. Un code de conduite devrait être élaboré en direction des douaniers et garde-frontières pour en finir avec ce type d'attitude. Les migrants devraient en effet être considérés comme des contributeurs de talents et de savoir-faire.
M. RAPHAËL TRAPP (France) a souligné que le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale avait examiné, en août 2010, le rapport de la France. À cette occasion, la France a réaffirmé son engagement à combattre le racisme et à préparer un plan national de lutte contre le racisme dans les plus brefs délais. Plusieurs réunions interministérielles ont été organisées à cette fin, ainsi que des consultations avec la Commission nationale consultative des droits de l'homme pour élaborer un plan couvrant de nombreux domaines, dont la définition du cadre juridique national à la participation de la France à la lutte contre le racisme et l'antisémitisme au niveau international, en passant par les actions visant à favoriser le respect de diversité au sein de la société française, et à sensibiliser la population à ces problèmatiques, notamment la jeunesse et les agents publics. Ce plan est en cours de finalisation, a annoncé le représentant français.
M. BOUALEM CHEBIH (Algérie) a pleinement soutenu le travail du Comité spécial sur les normes complémentaires à la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de racisme, que son pays a présidé pendant deux ans. Il s'est réjoui de l'initiative du Président du Comité de proposer, pour la préparation de la prochaine session, l'examen de deux questions, à savoir la xénophobie et l'établissement, la désignation et le maintien de mécanismes nationaux activant la lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée. La délégation algérienne continue de considérer que, pour permettre au Comité spécial de s'acquitter de son mandat, la notion de lacunes dans les instruments internationaux existants ne doit pas être interprétée dans l'absolu et devrait davantage évoquer un manque de précision des normes existantes, faisant que celles-ci ne répondent pas de manière adéquate aux formes et manifestations contemporaines de racisme, et suscitent de ce fait une lacune de protection pour les victimes.
M. KAI BALDOW (Allemagne) a assuré que son pays, en tant que signataire de la Déclaration et du Programme d'action de Durban, n'épargne aucun effort pour en concrétiser les principes par des projets tangibles. Dans le même temps, l'Allemagne rejette les tentatives de manipuler, à des fins politiques qui lui sont étrangères, la lutte contre le racisme et la xénophobie. C'est la raison pour laquelle l'Allemagne n'a pas participé à la commémoration du dixième anniversaire de la Déclaration et du Programme d'action de Durban qui s'est tenue la semaine dernière à New York. Cela étant, l'Allemagne apprécie les efforts de l'Afrique du Sud pour jeter des ponts entre les différentes positions.
M. MOHAMED ACHGALOU (Maroc) s'est déclaré préoccupé par la montée inquiétante des tendances xénophobes et de l'intolérance à l'égard des différents groupes sociaux religieux et culturels. C'est dans cet esprit que le Maroc appréhende le travail du Comité spécial chargé d'élaborer à titre prioritaire des normes complémentaires qui combleront les lacunes actuelles dans les textes normatifs visant à combattre toutes les formes de racisme contemporain. À cet effet, une approche centrée sur les victimes est hautement souhaitable, dans un contexte qui nécessite, de plus, de ne pas négliger les dangers de la montée des actes racistes qui continuent d'hypothéquer l'avenir et les droits des individus partout dans le monde, notamment ceux appartenant à des minorités, tels les migrants, les réfugiés, les demandeurs d'asile ou les migrants illégaux qui sont les victimes les plus touchées par ce phénomène.
M. EDGARDO TORO CARREÑO (Venezuela) a déclaré que son pays a activement participé aux travaux du Comité spécial chargé d'élaborer des normes complémentaires. Le Venezuela juge indispensable de maintenir le mandat du Comité et de soutenir les contributions et les suggestions pertinentes de cet organe.
Organisations non gouvernementales
M. SYED FAIZ NAQSHBANDI (Congrès du monde islamique) a déploré que le pays s'affirmant comme la plus grande démocratie du monde, l'Inde, marginalisait 5% de sa population en se refusant à appliquer les instruments juridiques internationaux en matière de discrimination. Cette attitude est contradictoire avec les règles démocratiques fondamentales.
MME ALINE HERRERA (Agir ensemble pour les droits de l'homme) a déclaré que l'Union européenne, loin de s'attacher à la recherche d'un meilleur respect de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme, a mis en œuvre des politiques d'exclusion et un outil militarisé, «Frontex», qui, au mépris de toute considération humanitaire, ont pour objectif d'interdire le continent européen aux Africains. Dans le même temps, des accords de gestion concertée des flux migratoires et l'exigence de collaboration imposée aux États africains dans le cadre de l'aide au développement, aboutissent à une véritable «délocalisation» des frontières de l'Europe à l'intérieur de certains États africain et à une violation du droit d'asile, a encore déclaré la représentante. Par ailleurs, en Afrique centrale, la création de la Communauté économique et monétaire des État d'Afrique centrale (Cemac), en 1994, promettait la libre circulation des personnes et des biens: pourtant, la Guinée équatoriale expulse des immigrés africains, dont des Camerounais ou des Burkinabés.
MME KAREN PARKER (International Educational Development) a rappelé les appels urgents que son organisation a déjà lancés tant aux Conseillers spéciaux du Secrétaire général pour la prévention du génocide qu'au Conseil des droits de l'homme, s'agissant des agressions commises contre des civils tamouls depuis l'indépendance de Sri Lanka. La représentante a regretté qu'aucun progrès n'ait été réellement accompli pour remédier à ces situations.
M. GOLSHAN PAZHOOH (Organization for Defending Victims of Violence) a observé que l'islamophobie est un mélange d'exclusion, de discrimination, d'intolérance et particulièrement de peur qui s'explique par le manque de respect des traditions et des valeurs d'autrui. Le fait que l'attaque d'Oslo ait été initialement présentée par les médias comme un probable attentat terroriste islamique est révélateur à cet égard, a-t-il observé. La tendance à dépeindre les musulmans avec le même pinceau que celui utilisé pour portraiturer les islamistes est répugnante. L'islam n'est pas une religion de la violence, a-t-il affirmé, c'est une religion de paix.
M. GIANFRANCO FATTORINI (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - MRAP) a déploré que plusieurs États européens, dont la France, aient décidé de boycotter la séance de l'Assemblée générale consacrée au dixième anniversaire de la conférence de Durban. Ceci est d'autant plus déplorable, lorsqu'on observe le développement dans toute l'Europe de mouvements et idéologies, voire de politiques xénophobes, a-t-il ajouté. Par ailleurs, depuis quelque mois en France, la campagne électorale voit une partie des responsables politiques, y compris au plus haut sommet de l'État, se lancer dans des diatribes à l'encontre des étrangers, de l'immigré, du musulman, de l'Arabe ou du Rom, a encore déclaré le représentant du MRAP. La tragédie survenue le 22 juillet dernier ne peut pas être vue comme un acte isolé d'un déséquilibré. Elle est bien le fruit de discours haineux distillés partout en Europe, a-t-il encore estimé, avant d'engager les responsables politiques à reconnaître les erreurs du passé et à tout mettre en œuvre pour assurer la cohésion de la société.
M. MEHRAN BALUCH (Agence des cités unies pour la coopération Nord-Sud) a déclaré que la société civile du Baloutchistan a toujours été laïque et fière de sa diversité. L'esclavage existait encore dans certaines parties du Baloutchistan sous l'hégémonie britannique, jusqu'en 1935, date à laquelle il a été aboli. L'histoire de la survie nationale du Baloutchistan est depuis lors marquée par l'intégration raciale. Le représentant a dénoncé le traitement des Baloutches par le Gouvernement d'Islamabad, comparable au sort réservé aux Indiens aux États-Unis.
MME SABINE LEGRAND (Fraternité Notre Dame) a lancé un cri d'alarme au Conseil au sujet des persécutions et de la discrimination religieuse frappant les chrétiens de Mongolie. Dans ce pays, le stalinisme est toujours en vigueur et le lavage de cerveau également, selon elle. Un orphelinat américain a ainsi été fermé car l'on y trouvait des bibles. Si les écoles communistes étaient efficaces, on ne retrouverait pas autant d'orphelins, vivant seuls dans les rues ou dans les égouts d'Oulan Bator, ignorants et misérables – comme ceux que recueille la Fraternité Notre-Dame. La représentante a demandé à ce que cessent ces odieuses discriminations et persécutions, ainsi que les atteintes à la liberté d'enseignement, indignes d'un pays qui se dit démocratique.
M. ALTAF HUSSAIN WANI (Fédération internationale islamique d'organisations d'étudiants) a déclaré qu'il n'a jamais été aussi urgent de lutter contre le racisme, une démarche qui exige avant une volonté politique. Il a dénoncé la montée, en Europe, d'un extrémisme ciblant particulièrement les musulmans, les immigrés ou les demandeurs d'asile, tandis que les gouvernements privilégient la lutte contre l'immigration en adoptant des mesures sécuritaires ou de profilage religieux. En Inde, il est regrettable de constater que les pratiques et institutions anachroniques, comme le système de castes, perdurent, a ajouté le représentant, appelant le Conseil à se saisir de ces questions.
M. ISHTIYAQ HAMEED (International Human Rights Association of American Minorities) a réaffirmé le principe d'égalité et de non-discrimination inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l'homme. Notant que les manifestations de racisme et de haine sont en augmentation, et toutes plus détestables les unes que les autres, il a exhorté à mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d'action de Durban par l'adoption d'approches novatrices et audacieuses. Le représentant a insisté sur le fait que la référence faite au racisme dans les situations d'occupation doit être prise très au sérieux.
M. ROY BROWN (Union internationale humaniste et laïque) a déclaré que si l'on entendait beaucoup parler au Conseil de la «diabolisation des musulmans», on entendait beaucoup moins mentionner la «diabolisation des juifs» qui est pourtant propagée quotidiennement dans les médias arabes, tels que les appels lancés en faveur d'un nouvel Holocauste, qui serait cette fois le fait des musulmans. Pourquoi, a-t-il demandé, la Syrie, l'Égypte et d'autres Gouvernements arabes n'interdisent-ils pas ces livres et ne font pas taire ces prêcheurs de haine, comme le prévoit l'article 20 du Pacte sur les droits civils et politiques ?
MME ADELYN OBED MORENO (Nord-Sud XXI) a déploré les maigres efforts consentis tant au sein du Haut-Commissariat aux droits de l'homme qu'au sein des États membres en vue de la concrétisation des principes de la Déclaration et du Programme d'action de Durban. La représentante aussi déploré, en Inde, le sort des devadasi, jeunes filles appartenant souvent à la caste des Dalits et consacrées au temple dans la religion hindoue, victimes de formes graves de discrimination, d'abus sexuels et de prostitution forcée. D'autre part, toujours en Inde, 1,3 million de Dalits, dont des femmes, vivent et travaillent dans les décharges, la forme la plus dégradante de travail, qui se transmet pourtant de génération en génération: le Comité sur l'élimination de toute forme de discrimination à l'égard des femmes a émis des préoccupations à ce sujet, a ajouté la représentante, avant d'appeler le Conseil à prendre des mesures afin de mettre fin à cette situation.
MME ANA LEURINDA (Commission africaine des promoteurs de la santé et des droits de l'homme) a informé des conclusions du premier «Sommet mondial des populations d'ascendance africaine» (La Ceiba, Honduras, 18-21 août) consacré aux «Avancées et défis dans la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement et la Déclaration et le Programme d'action de Durban». Elle a réaffirmé que le respect des droits des Africains et des descendants d'Africains est une question permanente qui est au centre des préoccupations de son organisation.
MME CATHERINE ESTILLERE (International Buddhist Relief Organization) a déploré la situation des populations autochtones adivasi de l'Inde, victimes de tentatives constantes de les empêcher de se développer. Leurs terres colonisées, les Adivasis doivent quitter leur territoire. Ils ont très peu accès aux services de santé, sont souvent analphabètes et leurs ressources sont exploitées sans leur assentiment. Leur identité sociale et culturelle est menacée. Le représentant a demandé au Conseil de presser l'Inde de respecter les droits des Adivasi.
MME VIBHAWARI KAMBLE (Comité international pour le respect et l'application de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples - CIRAC) a déclaré que la discrimination dont sont victimes les dalits les prive de leur liberté d'expression – alors même que la Constitution interdit cette discrimination. Manifestement, la loi n'a pas l'effet escompté, a déploré la représentante. Elle a en outre dénoncé le génocide commis contre les dalits, qui sont globalement victimes d'un délit toutes les dix huit minutes.
M. SARDAR AMJAD YOUSAF (Organisation pour la communication en Afrique et de promotion de la coopération économique internationale - Ocaproce International) a souligné l'égalité de facto dans l'exercice des droits de l'homme pour tous prescrite par la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Cette égalité suppose également l'égalité devant la loi. La Convention interdit, de la même manière, la discrimination fondée sur la race, la couleur, l'ascendance, l'origine nationale ou ethnique, a noté le représentant. Il a regretté que de nombreux pays aient choisi de ne pas participer à la Conférence d'examen de Durban, optant ainsi pour l'indifférence. Enfin, il a mis l'accent sur la situation des migrants économiques originaires d'Asie et d'Afrique dans les pays occidentaux, confrontés à la discrimination raciale et religieuse.
MME AWA N'DIAYE (Espace Afrique International) a attiré l'attention du Conseil sur le cas des enfants apatrides de Shashamané en Éthiopie, une région dont la population, issue de la traite négrière et appartenant bien souvent au mouvement spirituel Jah Rastafari, est revenue se fixer en Afrique. Bien que nés en Éthiopie, leurs descendants ne bénéficient pas de la nationalité antérieure de leurs parents et n'ont pas obtenu la citoyenneté éthiopienne. Au nombre de plusieurs centaines, issus des 400 familles établies à Shashamané, ces enfants sont en situation illégale, bien que le Plan d'action de Durban ait demandé à la communauté internationale de faciliter le retour des personnes d'ascendance africaine qui en font le choix. Mais aucun mécanisme d'accompagnement n'a été mis en place, a déploré le représentant.
M. ANATAR SINGH SEKHON (Centre for Human Rights and Peace Advocacy) a dénoncé les violences dont sont victimes les défenseurs des droits de l'homme et les personnes ayant coopéré avec les Nations Unies dans le domaine des droits de l'homme en Inde. Le représentant a demandé au Conseil d'enquêter sur tous ces cas, en particulier celui de Mme Teesta Setalvad.
MME GENEVIÈVE JOURDAN (Association of World Citizens) a remercié l'Union européenne et l'UNICEF d'avoir informé le Conseil des mesures prises en vue de l'intégration des Roms. Elle a salué les déclarations de l'Afrique du Sud sur les personnes pauvres et les migrants. La représentante a fustigé le processus de déshumanisation qui se reflète dans le traitement infligé aux immigrants, en particulier les «boat people», qui fuient, dans des conditions tragiques, l'instabilité dans leurs pays. La déléguée a également dénoncé le renvoi de personnes dans leur pays ligotées et menottées. Elle a demandé l'organisation d'une journée consacrée à la mise en œuvre de politiques sensées et concertées dans le cadre de la protection humanitaire.
M. JAN LONN (Mouvement international de la jeunesse et des étudiants pour les Nations Unies) a déploré le boycottage de la commémoration du dixième anniversaire de Durban par plusieurs pays. Il a demandé aux Nations Unies d'organiser une campagne de mobilisation afin de rattraper cet échec et de préparer le quinzième anniversaire comme il se doit.
M. LÁZARO PARY (Mouvement indien «Tupaj Amaru») a déclaré que les causes de la discrimination raciale étaient liées à la montée de des convoitises coloniales et d'un modèle de développement qui sert les intérêts des grandes puissances. Le despotisme colonial a spolié les autochtones de leurs richesses. Le racisme n'a aucun fondement scientifique, il n'y a pas de races, il n'y a dans la société que des classes en concurrence. La guerre en Libye est le signal du retour des guerres coloniales qu'on a déjà connues en Afrique. L'Occident n'est pas intéressé par la démocratie mais par les ressources, a-t-il déploré.
MME INDRA ATHAWALT (Libération) a condamné les très nombreux actes de racisme et de discrimination commis en Inde contre les dalits, principalement dans les zones rurales. Les dalits ont peu de perspectives d'emploi et ils sont marginalisés socialement. Des mesures doivent être prises contre leur discrimination dans le secteur privé. La représentante a demandé au Conseil d'œuvrer pour la fin de la discrimination contre les dalits.
MME SHOLEH ZAMINI (Verein Südwind Entwicklungspolitik) a déclaré que son organisation estimait que la mise en œuvre de la Déclaration et du Plan d'action de Durban nécessitait une volonté politique plus ferme ainsi que des ressources adéquates. La représentante a demandé au Rapporteur spécial d'étudier les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d'intolérance dans les pays de l'Afrique du Nord, du Moyen Orient et de l'Asie. Elle lui a ainsi suggéré d'envisager de se rendre en Iran, où sévit une véritable «afghanophobie»
M. UVARAJA CHIANASWAMY KANDASAMY (Conseil mondial de l'environnement et des ressources) a déploré que, dans de nombreux pays, les minorités ne soient pas autorisées à pratiquer librement leur culte et que la discrimination atteint des proportions extrêmes. Il faudrait dépêcher de toute urgence des équipes de militants des droits de l'homme dans les pays qui pratiquent des discriminations systématiques à l'encontre de certaines catégories de la population. Le concept d'une «famille mondiale vivant en harmonie» ne se concrétisera pas aussi longtemps que la coopération internationale ne jouera pas son rôle. La solidarité internationale impose des sacrifices au nom du bien-être d'autrui, c'est-à-dire de ceux qui sont différents mais qui doivent avoir quand même accès aux chances et opportunités de la vie.
M. BIRO DIAWARA (Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme) a souligné qu'en tant que «vigile de terrain» la RADDHO est fortement impliquée dans le processus de Durban depuis 2001. Elle a notamment organisé un forum d'organisations non gouvernementales à Dakar. Le représentant a constaté avec désolation la faiblesse des progrès dans la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d'action de Durban, compte tenu de l'ampleur des attentes des populations victimes. Il a regretté qu'aucune activité concrète ne soit organisée à Genève pour marquer le dixième anniversaire de la Conférence de Durban et l'année internationale des personnes d'ascendance africaine. La question du racisme reste le sujet le plus controversé au sein des Nations Unies, depuis son inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée générale le 22 juin 1946, a-t-il fait remarquer, avant de proposer aux États de renouveler leurs engagements dans la mise en œuvre des documents de Durban. Parmi ces propositions: la promotion de l'éducation et la recherche ainsi que la réhabilitation des monuments historiques pour la reconstruction de la mémoire; et l'élaboration de véritables plans et programmes nationaux de lutte contre le racisme.
M. MOHINI DHANJEE (Commission to Study the Organization of Peace) a rappelé que la religion avait toujours joué un rôle extrêmement important dans l'existence humaine. La tragédie vient de ce que dans toutes les obédiences, il y a des gens assoiffés de pouvoir qui instrumentalisent la religion à leurs propres fins – pour preuve: Al-Qaïda. Mais le problème vient aussi du fait que, selon la représentante, certaines structures politiques cherchent aussi à utiliser la religion comme moyen de discrimination et d'oppression. Un exemple très frappant à cet égard est le traitement réservé aux Ahmediyas du Pakistan.
M. RONALD BARNES (Conseil indien d'Amérique du Sud) s'est demandé ce qu'on pouvait faire de plus pour appliquer la Déclaration et le Programme d'action de Durban. Le représentant a regretté que le Conseil dispose de deux mécanismes pour faire appliquer le droit à l'autodétermination, mais qu'il refuse de s'en servir. Le représentant a aussi accusé les États-Unis de détenir indûment M. Leonard Peltier, un militant de la cause indienne, sans vouloir s'en expliquer ni le libérer.
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