Le Conseil des droits de l'homme porte son attention sur le droit à la santé des personnes âgées
16 septembre 2011
16 septembre 2011
Le Ministre de la justice du Soudan s'adresse au Conseil
Le Conseil des droits de l'homme a tenu, ce matin, une réunion-débat sur la réalisation du droit à la santé par des personnes âgées. En début d'après midi, il a entendu une déclaration de M. Mohamed Bushara Dousa, Ministre de la justice du Soudan.
M. Dousa a déclaré que la reconnaissance du nouvel État du Soudan du Sud devrait permettre de fournir au nouvel État toute l'assistance dont il aura besoin et d'établir des relations de bon voisinage. Il est regrettable que cette volonté du Gouvernement du Soudan n'ait pas été accueillie comme telle par les nouvelles autorités, comme en témoigne l'attaque lancée contre les forces soudanaises et des Nations Unies déployées dans la région d'Abiyé. La volonté pacifique du gouvernement soudanais n'a cependant pas été ébranlée et cet incident n'aura aucune conséquence sur la reconnaissance du nouvel État par le Soudan, a assuré le Ministre, indiquant que son Gouvernement était, en tout état de cause, désireux de rétablir des relations normales avec le Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM). Les autorités soudanaises ont aussi participé à une conférence sur le Darfour, à la fin mai dernier à Doha (Qatar), qui a abouti à la signature d'un accord de paix, s'est félicité le Ministre, qui a dit avoir bon espoir que la paix sera finalement rétablie dans cette région, en privilégiant l'égalité, la justice, l'état de droit et la prospérité dans le respect de l'intérêt supérieur de la dignité humaine.
Présentant la réunion-débat consacrée à la jouissance du droit à la santé par les personnes âgées, la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Mme Navi Pillay, a mis l'accent sur le problème posé par les discriminations fondées sur l'âge. Elle a rappelé que l'Assemblée générale avait créé, l'an dernier, un groupe de travail à composition non limitée sur les droits des personnes âgées.
Les panélistes de la réunion-débat de ce matin étaient M. Anand Grover, Rapporteur spécial sur le droit à la santé; Mme Chinsung Chung, membre du Comité consultatif du Conseil des droits de l'homme; M. Alexandre Kalache, Conseiller sur le vieillissement mondial à l'Académie de médecine de New York; Mme Helena Nygren-Krug, conseillère sur la santé et les droits de l'homme à l'Organisation mondiale de la santé; et Mme Bridget Sleap, de HelpAge International.
M. Grover, qui a présenté une monographie sur la réalisation du droit à la santé des personnes âgées, a notamment souligné qu'avec l'allongement de l'espérance de vie, les personnes âgées demeureront actives plus longtemps: c'est pourquoi il faudrait considérer le vieillissement comme une ressource et favoriser un vieillissement digne et harmonieux. Dans ce contexte, les États doivent prendre les mesures qui s'imposent pour organiser des services de santé adaptés aux besoins des personnes âgées. Les soins palliatifs, le traitement des maladies chroniques ou à long terme, le traitement de la douleur sont les prochains défis à relever dans ce domaine, a déclaré le Rapporteur spécial.
Mme Chung a pour sa part insisté sur l'importance de la formation des personnels médicaux et paramédicaux engagés auprès des personnes âgées. Ces dernières ont en outre le droit d'être informées des questions médicales les concernant et devraient bénéficier de mesures d'autonomisation, a déclaré l'experte du Comité consultatif. M. Kalache, après avoir souligné les grandes différences dans l'espérance de vie des personnes âgées selon leur origine sociale, s'est dit atterré par le fait qu'il ressorte, même dans le cadre des débats aux Nations Unies, que le principe du droit à la santé des personnes âgées de plus de 60 ans ne semble toujours pas aller de soi. Mme Sleap a quant à elle regretté que les organes conventionnels des Nations Unies ne fassent que très rarement référence aux droits des personnes âgées et s'est prononcée en faveur de la création d'un nouveau mandat thématique sur la question. Mme Nygren-Krug a enfin estimé que les personnes âgées doivent être considérées comme des ressources, et non des charges. Dans la pratique, on constate que les systèmes de santé qui ont adopté des stratégies reposant sur ce principe ont enregistré des résultats probants.
Au cours du débat interactif avec les panélistes, nombre d'intervenants ont insisté sur le fait que le vieillissement devait être appréhendé par la société et par la communauté internationale comme un atout plutôt que comme un fardeau. Plusieurs délégations ont souligné le rôle que devait jouer la famille dans la prise en charge des aînés, soulignant que l'État ne pouvait tout faire. D'autres ont relevé que les préceptes du Coran et la charia garantissent déjà, dans les faits et sous peine de sanctions, la protection et le respect dus aux personnes âgées. Le Sénégal, au nom du Groupe africain, a souligné que le continent était pionnier dans l'inclusion des droits des personnes âgées dans ses instruments régionaux. Quant à l'Argentine, qui préside le groupe de travail de l'ONU sur ce sujet, elle a rappelé qu'elle militait en faveur de la signature d'une convention internationale contraignante sur les droits des personnes âgées.
Les délégations suivantes se sont exprimées lors du débat: Brésil, Chine, Pakistan (au nom de l0OIC), Indonésie, Union européenne, Uruguay, Arabie saoudite, Sénégal (au nom du Groupe africain), Égypte, Pérou, Saint-Siège, Népal, Argentine, Australie, Koweït, Turquie, Venezuela, Bangladesh, Fédération de Russie, Maroc, Qatar, Maroc, Qatar, Allemagne, Équateur, Israël, Etats-Unis, Algérie, Cuba, Indonésie, Espagne. Les organisations non gouvernementales ci-après ont aussi pris la parole: Forum européen pour les personnes handicapées, Fédération des femmes cubaines, Institut international de la paix et International Association for Democracy in Africa.
Le Conseil reprendra ses travaux lundi 19 septembre, à 9 heures, pour une journée de travaux ininterrompus. Il s'entretiendra à cette occasion avec la Haut-Commissaire au sujet de la visite qu'elle a effectuée au Yémen, avant d'examiner des rapports sur la situation des droits de l'homme en Syrie et en Libye. La présidente du Costa Rica s'exprimera devant le Conseil dans l'après-midi.
Réunion-débat consacrée à la réalisation du droit à la santé des personnes âgées
Introduction
MME NAVI PILLAY, Haut-Commissaire aux droits de l'homme, a rappelé l'évolution importante de la démographie mondiale, près de 700 millions d'êtres humains ayant dépassé l'âge de 60 ans. D'ici 2050, deux milliards de personnes, soit plus du cinquième de la population mondiale, auront atteint ou dépassé cet âge; les femmes sont et seront nettement plus nombreuses que les hommes dans la tranche d'âge supérieure. Ainsi, parmi les plus de 80 ans, les femmes sont d'ores et déjà deux fois plus nombreuses, tandis que, parmi les centenaires, elles sont quatre à cinq fois plus nombreuses. La question du vieillissement devrait être prise en compte dans les politiques prioritaires des États, des institutions publiques et des sociétés au sens large, a estimé Mme Pillay. D'ailleurs, le rapport du Secrétaire général devant l'Assemblée générale sera cette année consacré entièrement à cette question ainsi qu'aux droits de l'homme des personnes âgées.
Mme Pillay a mis l'accent sur le problème posé par la discrimination fondée sur l'âge. Il est tout à fait regrettable de constater la prévalence des préjugés contre les personnes âgées un peu partout dans le monde, et la discrimination dont elles sont victimes. Cette discrimination existe dans des domaines aussi essentiels que les politiques de protection sociale, les lois du travail et l'accès aux services publics. Autre problème, les personnes âgées sont perçues comme moins aptes de donner leur consentement informé, alors que paradoxalement elles sont plus fréquemment confrontées à des situations dans lesquelles l'expression de ce consentement est nécessaire, une situation qui les expose à la violation de leurs droits.
La Haut-Commissaire a souligné la gravité du problème que représentent le manque de services adéquats et d'institutions de prise en charge et de soins - ou leur coût excessif. Selon les estimations, seulement une personne sur cinq de plus de 60 ans jouit d'une retraite, ce qui explique la situation de pauvreté dans laquelle se trouvent un grand nombre de personnes âgées. Nombre de retraités pensionnés sont contraints de dépenser leur retraite presque entièrement en frais médicaux, au détriment de la nourriture ou du transport. C'est pourquoi il est indispensable de créer des systèmes et services de protection sociale financés, capables de répondre aux besoins et de préparer l'avenir. Cela suppose d'intégrer la problématique du vieillissement dans les systèmes nationaux de santé, particulièrement dans les pays à revenus faibles et moyens. Cela implique aussi l'adoption de politiques de santé globales, prenant en compte la prévention, le rétablissement et la fourniture de soins palliatifs pour les patients en phase terminale.
En conclusion, Mme Pillay a rappelé que la résolution 65/182 de l'Assemblée générale, adoptée en décembre dernier, avait créé un groupe de travail sur les droits des personnes âgées. Celui-ci, présidé par l'Argentine, a tenu deux réunions à New York en avril et en août. Les États membres, tout en admettant qu'il existe des lacunes dans le régime international de protection, ont des vues divergentes sur la nature de ces lacunes; quant aux experts, ils déplorent l'absence de critères spécifiques relatifs aux droits des personnes âgées.
Panélistes
M. ANAND GROVER, Rapporteur spécial sur le droit qu'a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, a présenté la «Monographie sur la réalisation du droit à la santé des personnes âgées» qu'il a réalisée à la demande du Conseil (résolution 15/22). Cette étude a été réalisée sur la base de renseignements et commentaires qui lui ont été adressés par des institutions des Nations Unies, des institutions nationales des droits de l'homme et d'autres parties prenantes. Elle recense des défis et des pratiques optimales en rapport avec la réalisation du droit à la santé des personnes âgées. Une réunion d'experts à Genève, le 7 avril 2011, et une consultation publique le 8 avril ont permis à M. Grover de dialoguer sur ce sujet avec les représentants de plus de trente États et organisations internationales.
Le Rapporteur spécial a souligné que le vieillissement de la population mondiale ira s'accélérant. La monographie, qui étudie les difficultés liées à la réalisation du droit à la santé des personnes âgées, souligne qu'il est urgent de s'attaquer à ce problème. Le Rapporteur spécial a observé qu'il n'existe pas d'instrument international relatif aux droits des personnes âgées, qui sont souvent considérées comme un fardeau pour la société. Pour M. Grover, ce groupe de la population a des droits spécifiques. Les personnes âgées ne doivent pas être exposées à des abus physiques ou mentaux. Il a préconisé de passer d'une approche fondée sur les besoins à une approche fondée sur le droit, afin d'atténuer les conséquences d'une société vieillissante et de faire respecter l'intégralité des droits des personnes âgées.
Les États doivent, en particulier, prendre les mesures qui s'imposent pour organiser des services de santé adaptés aux besoins des personnes âgées. Ces services doivent être d'une qualité égale à ceux prodigués à d'autres groupes d'âges. Avec l'allongement de l'espérance de vie, les personnes âgées demeureront actives plus longtemps: c'est pourquoi il faudrait considérer le vieillissement comme une ressource et favoriser un vieillissement digne et harmonieux. Il ressort en outre de l'étude la nécessité d'une formation adéquate du personnel de santé et d'appui engagé auprès des personnes âgées, notamment pour ce qui a trait aux soins de santé primaires. Les soins palliatifs, le traitement des maladies chroniques ou à long terme, le traitement de la douleur sont les prochains défis à relever. M. Grover a aussi dit sa préoccupation face à la violence dans les institutions pour personnes âgées: il a appelé à l'amélioration des procédures et des lois relatives à l'obligation redditionnelle du personnel de santé et des administrateurs de telles institutions. Il faut aussi veiller à ce que les personnes âgées soient pleinement appuyées lorsqu'elles doivent prendre des décisions informées concernant leur propre santé. Enfin, le Rapporteur spécial a recommandé la participation d'organisations et associations des personnes âgées aux prises de décisions et à la planification des politiques relatives à ce groupe d'âge.
Le Conseil est saisi d'une monographie sur la réalisation du droit à la santé des personnes âgées (A/HRC/18/37), préparée par le Rapporteur spécial, qui souligne que l'approche fondée sur le droit à la santé est indispensable à la conception, à la mise en œuvre, au suivi et à l'évaluation des politiques et programmes de santé pour atténuer les conséquences d'une société vieillissante et garantir aux personnes âgées la jouissance de ce droit fondamental. En conséquence, les structures, biens et services de santé devraient être disponibles, accessibles, abordables, acceptables et de bonne qualité pour les personnes âgées. Le rapport souligne également que le fait d'encourager les personnes à rester physiquement, politiquement, socialement et économiquement actives aussi longtemps que possible sera bénéfique non seulement pour les personnes concernées mais aussi pour la société dans son ensemble. Il préconise le passage à un nouveau modèle en vertu duquel la société devrait aller au-delà de la simple recherche du vieillissement en bonne santé des citoyens et commencer à œuvrer en faveur d'un vieillissement actif, dans la dignité, qui serait planifié et soutenu au
même titre que chacune des autres étapes de la vie d'un individu.
MME CHUNG CHINSUNG, Membre du Comité consultatif du Conseil des droits de l'homme, a estimé que le rapport de M. Grover constitue une base solide pour les discussions de ce matin. L'experte a souligné la nécessité de reconnaître le droit à la santé des personnes âgées au niveau des gouvernements, de façon à la fois implicite et explicite. Cette reconnaissance doit se traduire par l'adoption de plans nationaux bien financés et par la création de partenariats entre États, institutions internationales et société civile. Les partenaires de la société civile ont beaucoup à apporter en raison de leur expérience de terrain, a ajouté l'experte, citant le travail effectué par Help Age International et Global Action on Aging, deux organisations non gouvernementales qui font la promotion de l'adoption de politiques adaptées aux personnes âgées. Mme Chung a aussi préconisé une institutionnalisation des processus liés aux personnes âgées, notamment la récolte de statistiques sur les abus dont elles sont victimes. Il faut de même documenter de manière systématique tant les abus que les bonnes pratiques: l'experte a suggéré qu'une réflexion soit menée sur la manière de concrétiser ce principe, compte tenu des aspects culturels de la question. D'une égale importance est la formation des personnels médicaux et paramédicaux engagés auprès des personnes âgées, a poursuivi Mme Chung. Quant aux personnes âgées, elles ont aussi le droit d'être informées des questions médicales les concernant, de même que, compte tenu de leur vulnérabilité, elles devraient bénéficier de mesures d'autonomisation. Ce dernier aspect devrait d'ailleurs être considéré comme un droit humain à part entière, a déclaré Mme Chung.
L'experte a également observé que l'application des recommandations du rapport de M. Grover exigera des financements autant que des engagements. La valeur des débats théoriques sera mesurée à l'aune de la mise en œuvre de plans d'action nationaux et de la disponibilité de financements durables. Dans ce contexte, il est non seulement nécessaire de mettre en place des mécanismes de financements innovants, mais aussi d'exploiter les possibilités de la coopération Sud-Sud, pour tirer les leçons des expériences respectives des pays. Enfin, Mme Chung a relevé que les droits des personnes âgées ne sont pas encore reconnus comme des droits de l'homme à part entière: M. Grover pourrait porter son attention sur cet aspect avant de se pencher sur le droit à la santé proprement dit. Mme Chung a espéré que le Groupe de travail sur le vieillissement de la population créé par les Nations Unies formulera des propositions concrètes pour résoudre les problèmes liés à la pauvreté dont sont victimes les personnes âgées.
M. ALEXANDRE KALACHE, Conseiller sur le vieillissement mondial à l'Académie de médecine de New York, a fait part de son expérience personnelle: Victoria, sa «nounou» diabétique, est décédée à l'âge de 60 ans faute de soins appropriés à son état. Aujourd'hui, Victoria, dont la pathologie n'avait rien de fatal, aurait plus de 80 ans. Malgré son nom, qui malheureusement aura été sa seule «victoire», Victoria n'a pu jouir de la vieillesse paisible dont elle pouvait rêver, alors que la propre mère de M. Kalache, âgée aujourd'hui de 93 ans a eu, elle, le privilège de recevoir des soins adéquats. Or, quelque 80% de la population du monde se trouve dans la même situation que Victoria, a souligné l'expert.
Le droit à la santé nous concerne tous, a poursuivi M. Kalache, qui s'est dit atterré par le fait qu'il ressorte de la situation actuelle, en particulier au regard de la documentation du débat sur la question qui se tiendra la semaine prochaine, que le principe du droit à la santé des personnes âgées de plus de 60 ans ne semble pas aller de soi.
MME HELENA NYGREN-KRUG, Conseillère sur la santé et les droits de l'homme à l'Organisation mondiale de la santé, a observé que la proportion des personnes âgées augmente plus que celle de tout autre groupe d'âge, ce qui ne manque pas, et ne manquera pas, de poser des problèmes à l'échelle mondiale. L'experte s'est inquiétée à cet égard de la stigmatisation, des abus, des actes de violence et de la négligence dont les personnes âgées sont victimes. Mme Nygren-Krug a toutefois noté que le problème du vieillissement se pose de nos jours autrement que par le passé: l'étude approfondie de ce phénomène entraîne l'adoption, à son égard, d'une approche centrée sur les droits de l'homme, prenant le contrepied des comportements de stigmatisation et prônant une vieillesse active grâce à un meilleur état de santé physique et mentale. L'experte s'est dite convaincue que cette approche, qui prend en compte tous les cycles de la vie et intègre la notion de sécurité, entraînera une amélioration de la qualité de vie des personnes âgées.
Mme Nygre-Krug a estimé en outre que les personnes âgées doivent être considérées comme des ressources, et non des charges. Dans la pratique, on constate que les systèmes de santé qui ont adopté des stratégies reposant sur ce principe ont enregistré des résultats probants. Malheureusement, la formation des professionnels de la santé, en règle générale, n'intègre pas encore cette dimension, a regretté l'experte. Enfin, Mme Nygren-Krug a relevé qu'une majorité de personnes âgées vivant avec une maladie chronique – comme le diabète – suivent des traitements à long terme: cette tendance pourrait être inversée par la mise en œuvre de nouveaux modèles de soins centrés sur la prévention dès le plus jeune âge, avec, à la clé, une diminution des coûts et de la dépendance à long terme des personnes âgées.
MME BRIDGET SLEAP, Conseillère à Help Age International, a souligné que refuser de reconnaître les droits spécifiques des personnes âgées constitue une discrimination à part entière, équivalente en gravité au fait de ne pas assurer la formation des personnels de santé. Sur la base d'études, Help Age International a constaté de nombreuses discriminations systématiques à l'encontre des personnes âgées: au Kirghizstan par exemple, les ambulances ne sont pas envoyées aux personnes de plus de 50 ans; en Ouganda, les médecins accusent volontiers les personnes âgées de souffrir de vieillesse plutôt que de maladie. Dans les pays développés, la santé des personnes âgées n'est pas systématiquement prise en compte, notamment dans les mesures de lutte contre le VIH/sida, plutôt centrée sur les couches jeunes de la population. En omettant de tenir compte de la situation des personnes âgées, les États violent leurs obligations, a encore déclaré Mme Sleap.
Mme Sleap a aussi regretté que les organes conventionnels des Nations Unies ne fassent que très rarement référence aux droits des personnes âgées, ce qui pose la question de savoir si les normes actuelles permettent vraiment aux États de prendre conscience de leurs obligations à cet égard. Elle a exprimé son soutien aux recommandations contenues dans le rapport de M. Grover et suggéré au Conseil de reprendre à son compte les recommandations du Groupe de travail sur le vieillissement de la population, notamment celles relatives à la création d'un nouveau mandat thématique.
Débat interactif
Au cours du débat interactif avec les panélistes, nombre d'intervenants ont insisté, à l'instar du Saint-Siège, du Pakistan (au nom de l'Organisation de la coopération islamique) et de l'Indonésie (au nom de l'Association des nations du Sud-Est asiatique), sur le fait que le vieillissement devait être appréhendé par la société et par la communauté internationale comme un atout plutôt que comme un fardeau. «L'attention à porter à ces personnes doit être entendue non pas comme une faveur mais comme le remboursement d'une dette», a déclaré le représentant du Saint-Siège, qui s'est par ailleurs prononcé contre des pratiques comme l'euthanasie.
Plusieurs délégations se sont prononcées en faveur de l'élaboration d'un instrument international contraignant relatif au droit à la santé des personnes âgées, notamment l'Argentine, l'Équateur et la Turquie, laquelle a repris à son compte les recommandations à ce sujet de M. Grover. Le Maroc a ajouté que toutes les mesures doivent être envisagées, y compris la coopération internationale ou l'échange de savoirs et d'expériences. Mais, pour la Fédération de Russie, le Plan d'action international de Madrid est un cadre suffisant: elle ne voit pas l'opportunité d'élaborer de nouveaux mécanismes ou des principes directeurs. Les États doivent avoir à l'esprit les cadres internationaux existants, a renchéri l'Allemagne, tout en reconnaissant que la santé est un enjeu primordial, surtout dans les sociétés vieillissantes.
Le rapport de M. Grover appelle à une «révolution conceptuelle», a noté l'Algérie. Son représentant a observé que cette révolution n'a pas lieu d'être dans les pays arabes et musulmans, puisque les préceptes du Coran et de la charia garantissent déjà, dans les faits et sous peine de sanctions, la protection et le respect dus aux personnes âgées. D'autres pays, tels l'Égypte (au nom du Groupe arabe) et l'Arabie saoudite, ont confirmé la protection et le respect dont jouissent les personnes âgées aux termes de la loi islamique. De son côté, le Pakistan a demandé aux panélistes de donner leur avis sur l'affaiblissement des liens familiaux et sur le placement de personnes âgées dans des institutions de soins à but lucratif, une tendance qui a des incidences sur le mode de vie et les droits de ces personnes.
Consciente de la nécessité de garantir les droits des personnes âgées alors que les sociétés européennes connaissent un vieillissement sans précédent, l'Union européenne a proclamé, pour sa part, l'année 2012 «Année européenne du vieillissement actif», ce qui permettra d'élaborer de nouvelles notions et politiques favorisant un vieillissement actif dans tous les secteurs de la société. L'Union européenne, qui est fière des structures législatives adoptées par les États membres et remercie le Rapporteur spécial pour avoir insisté sur la question du consentement éclairé des personnes âgées sur les questions qui les concernent; sa représentante a aussi mis l'accent sur la situation des personnes handicapées âgées. Avec d'autres délégations, l'Espagne a déploré que le problème du droit à la santé des personnes âgées soit abordé, bien souvent, uniquement sous l'angle biomédical, alors qu'il serait bien plus positif de mettre l'accent sur l'apport que peuvent apporter les aînés à la société; elle a demandé au Rapporteur spécial s'il avait pu constater une prise de conscience s'agissant du droit à la santé des personnes âgées. Avec d'autres États, dont le Bangladesh, le Venezuela a estimé qu'il revient à l'État de veiller aux soins des personnes âgées. Les États-Unis ont pour leur part insisté sur l'importance d'accorder une attention égale à la santé physique et mentale.
De nombreux pays ont informé le Conseil des droits de l'homme de leurs efforts en vue d'assurer le respect des droits de l'homme des personnes âgées et dans la fourniture de services sociaux et d'assistance aux personnes âgées, de manière à d'améliorer leurs conditions de vie et leur participation à la vie sociale. D'autres délégations ont assuré que leurs cadres nationaux tiennent pleinement compte des droits de la personne âgée. Certaines délégations, notamment celles du Qatar, du Koweït, d'Israël ou du Bangladesh, ont déclaré faire figure d'exemples dans leurs régions d'appartenance.
En Chine, 250 millions de personnes ont bénéficié en 2010 du système de caisse de retraite et de la réforme du système de santé, qui prévoit des examens médicaux gratuits et des réseaux de maisons de retraites dans plusieurs provinces et municipalités. Le Népal a estimé qu'il fallait des politiques et des objectifs concrets aux plans national, régional et international pour améliorer, de manière durable, la vie des personnes âgées. Ce pays, où les personnes âgées représentent 6,5% de la population totale, a adopté en 2006 une loi qui stipule la gratuité des soins de santé ainsi qu'une aide au logement et à la nourriture au bénéfice des personnes âgées. Les sociétés doivent se transformer et apprécier davantage le rôle des personnes âgées, a affirmé le représentant népalais. La représentante de Cuba a indiqué que son pays a mis en œuvre un plan d'action national en faveur des personnes âgées le mettant au niveau des pays développés. On peut beaucoup avec relativement peu de moyens: c'est une question de volonté politique, a affirmé la représentante cubaine. Elle a indiqué que l'objectif de «la santé pour tous» est atteint depuis plusieurs années à Cuba, cela malgré le blocus infligé par les États-Unis.
Le Sénégal (au nom du Groupe africain) a pour sa part souligné que le continent africain a fait œuvre de pionnier en intégrant les droits des personnes âgées dans ses instruments juridiques régionaux. La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples a ainsi la particularité de mentionner explicitement les droits des personnes âgées. Le représentant sénégalais a annoncé que la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples s'apprête à proposer à l'Union africaine d'adopter un projet de protocole sur les droits des personnes âgées.
L'Indonésie a attiré l'attention sur la Déclaration de Brunei-Darussalam sur la santé des personnes âgées de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est, qui prévoit l'adoption de mesures visant à améliorer la qualité de vie et à limiter les risques sociaux pour les personnes âgées. La Déclaration encourage l'adoption de modes de vie sains, la réduction de l'incidence de la pauvreté, la mise en place de systèmes de médecine préventive, la sensibilisation des jeunes à un mode de vie plus sain et la mise en place de services de gériatrie et gérontologie.
Le Brésil et l'Argentine ont appuyé, pour leur part, le Groupe de travail à composition non limité sur les personnes âgées, et reconnu l'urgence de modifier l'approche de la problématique du vieillissement grâce à des programmes de prévention. Cette démarche devrait être adoptée dans tous les pays, mais en particulier dans le monde en développement. De nombreuses délégations, dont l'Australie, ont insisté sur l'importance, pour les personnes âgées, de donner leur consentement éclairé aux décisions d'ordre médical les concernant, et se sont interrogées sur les conditions d'obtention de ce consentement.
Le Forum international des personnes handicapées a plaidé en faveur de la généralisation de services médicaux et sociaux de qualité et adaptés aux besoins des personnes âgées. La Fédération des femmes cubaines a souligné que 26% de la population de Cuba a plus de 60 ans et que ce vieillissement est essentiellement féminin. Cette tendance, associée au blocus auquel Cuba est soumise, représente un défi tant démographique qu'économique. La législation et les mesures d'assistance sociale permettent néanmoins aux personnes âgées de profiter, à Cuba, de leur vieillesse avec une excellente qualité de vie.
Réponses des panélistes
M. GROVER s'est félicité du débat d'aujourd'hui, plein d'enseignements. Le Rapporteur spécial sur le droit à la santé a insisté sur la nécessité d'adopter une approche fondée sur les droits. Il a aussi relevé que la notion de «vieillissement actif et digne» devrait concerner tous les aspects de la vie, y compris l'emploi: on se demande à ce propos pourquoi les lois stipulent un âge obligatoire de départ à la retraite, alors que nombre de personnes âgées sont encore en mesure de travailler. Revenant sur la question de l'obligation de solliciter le consentement informé des patients, M. Grover a précisé que si l'on peut, dans certains cas, considérer qu'une personne âgée n'est pas en mesure de donner son accord, cette appréciation doit être limitée à des circonstances très limitées et à des cas exceptionnels. D'une manière générale, le respect du droit à la santé des personnes âgées doit passer par le renforcement des structures sociales existantes, notamment la famille; et par la promotion des soins préventifs. En complément, il faudra absolument pouvoir compter sur la coopération internationale, a aussi affirmé M. Grover. Tout changement de modèle passe, enfin, par l'application effective des lois et des stratégies adoptées à cet effet, a conclu le Rapporteur spécial.
MME CHUNG a appelé à un débat au sujet du nécessaire équilibre entre les responsabilités respectives de la famille et de l'État, débat auquel les Nations Unies doivent être partie prenante. Quant au problème des mères célibataires, soulevé par l'Équateur, Mme Chung a affirmé que cette question importante devrait elle aussi faire l'objet d'un débat au niveau international. D'autre part, l'experte du Comité consultatif du Conseil s'est dite d'accord sur l'importance d'une approche globale et multidisciplinaire du traitement des droits des personnes âgées, comme le propose l'Uruguay. Mme Chung juge enfin logique l'adoption d'un instrument international relatif aux droits des personnes âgées.
M. KALACHE a déploré que la prise de conscience sur les droits des personnes âgées n'en soit qu'à ses balbutiements et que l'Afrique, le Moyen-Orient et l'Extrême-Orient se manifestent peu, ou pas du tout, dans les débats et activités autour des problèmes des personnes âgées. Un instrument juridique sur le droit à la santé des personnes âgées ne suffira pas, à lui seul, à remédier aux problèmes dans ce domaine, a estimé M. Kalache – d'ailleurs, si les instruments internationaux étaient suffisants, il ne serait certainement pas nécessaire d'en débattre. Répondant à l'Espagne, l'expert a signalé qu'il existe en effet des bonnes pratiques en matière de droit à la santé des personnes âgées. M. Kalache a renvoyé à ce propos au site Internet de l'Organisation mondiale de la santé. Pour M. Kalache, il est en outre nécessaire de réformer les programmes des facultés de médecine, qui ne sont pas adaptés au vieillissement croissant de la population. De nombreuses sociétés ne reconnaissent, par ailleurs, ni la gravité ni la fréquence des abus envers les personnes âgées – contrairement aux progrès constatés s'agissant de la protection des femmes des enfants, par exemple. Enfin, il a annoncé l'organisation, à Dublin à la fin de cette année, d'une conférence sur le thème «Comment créer des villes conviviales pour les personnes âgées?»
MME NYGREN-KRUG a espéré pouvoir travailler davantage avec des groupes de la société civile et échanger avec eux des pratiques optimales pour mieux répondre aux besoins des personnes âgées. Il faut encore des efforts pour une meilleure prise de conscience de ces questions, a-t-elle ajouté, en appelant à l'adoption d'une approche radicalement différente des problèmes des personnes âgées. Mme Nygren-Krug a rappelé que la santé est un état de bien-être non seulement physique, mais aussi mental et social.
MME SLEAP a souligné l'inexistence d'instruments internationaux sur la santé des personnes âgées, même si cette catégorie figure dans certains instruments sous la rubrique «groupes vulnérables». Il importe en outre que les États Membres et autres parties prenantes revoient leurs politiques nationales de santé pour une meilleure prise en compte des questions relatives à la santé des personnes âgées. Mme Sleap a aussi noté que, même quand il existe des politiques sociales adéquates, certaines personnes âgées en demeurent exclues: ce problème s'explique bien souvent par un manque d'information.
Allocution du Ministre de la justice du Soudan
M. MOHAMED BUSHARA DOUSA, Ministre de la justice du Soudan, a souligné que les réunions du Conseil doivent être l'occasion de s'enrichir des meilleures pratiques d'autrui, ainsi que d'entendre des avis objectifs afin de réaliser tous les droits de l'homme dans chacun des pays. Si les cultures sont différentes, il faut œuvrer à la convergence des valeurs et des principes, dans une coexistence pacifique où personne ne prétende à une quelconque supériorité. Les guerres, les conflits s'expliquent uniquement par le fait que ces valeurs et ces principes ne sont pas respectés. Il faut combattre les préjugés négatifs envers les religions et leurs fidèles, a ajouté le Ministre.
L'examen périodique du Soudan lui a permis de beaucoup apprendre, de par les recommandations constructives qui lui ont été faites à cette occasion. D'importants changements sont intervenus depuis cet examen, au premier chef l'autodétermination du Sud-Soudan, qui a mis fin à de longues années de guerre. La reconnaissance du nouvel État par le Gouvernement du Soudan, premier pays à le faire, doit ouvrir la voie pour que le nouvel État reçoive toute l'assistance dont il aura besoin et d'établir des relations de bon voisinage. Il est regrettable que cette volonté du Gouvernement du Soudan n'ait pas été accueillie comme telle par les nouvelles autorités, comme en témoigne l'attaque lancée contre les forces soudanaises et des Nations Unies déployées dans la région d'Abiyé. La volonté pacifique du Gouvernement soudanais n'a cependant pas été ébranlée. Cet incident n'aura aucune conséquence sur la reconnaissance du nouvel État par le Soudan, a assuré le Ministre.
M. Dousa a aussi fait état des troubles ayant secoué le Kordofan méridional, troubles attisés par le Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM). Le Ministre a assuré que son gouvernement est, en tout état de cause, désireux de rétablir des relations normales avec le SPLM. Une aide humanitaire a été mise à la disposition de la population, sous forme des cliniques mobiles et par la fourniture de vivres, notamment. Toutes les personnes déplacées ont pu rentrer chez elles, a-t-il assuré. Le Ministre a regretté que la Haut-Commissaire ait repris des informations erronées en ce qui concerne ces troubles.
Toutes ces difficultés n'empêchent pas les autorités soudanaises de vouloir persévérer dans le sens de la paix, a déclaré le Ministre. Elles ont ainsi participé à une conférence sur le Darfour, à la fin du mois de mai dernier à Doha (Qatar), qui a été couronnée de succès puisqu'un accord de paix a été signé. Le 14 juillet, le Gouvernement soudanais a signé un document final avec le représentant de la population du Darfour. Le niveau de violence a fortement diminué depuis lors, le Gouvernement soudanais ayant bon espoir que la paix sera finalement rétablie dans cette région, en privilégiant l'égalité, la justice, l'état de droit et la prospérité dans le respect de l'intérêt supérieur de la dignité humaine.
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