Le Conseil des droits de l'homme est saisi de rapports sur les disparitions forcées et sur la liberté de religion ou de conviction
05 mars 2012
APRES-MIDI
5 mars 2012
Le Conseil des droits de l'homme a été saisi cet après-midi, de rapports sur les disparitions forcées ou involontaires et sur la liberté de religion ou de conviction.
Le Président-rapporteur du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, M. Jeremy Sarkin, a indiqué que son Groupe de travail a eu connaissance de 261 nouveaux cas de disparitions forcées ou involontaires au cours de la période couverte par le rapport. Parmi ces cas, 63 ont été résolus, qui concernaient 18 pays. Il a indiqué que son rapport aborde trois questions ayant retenu l'attention du Groupe de travail, notamment le droit pour les personnes victimes de disparition forcée involontaire à être reconnues en tant que sujet de droit; la question de l'utilisation de la disparition forcée pour résoudre des situations de conflits; et la question des menaces, intimidations et représailles à l'encontre des victimes de disparitions forcées, leur familles ou les témoins et des défenseurs des droits de l'homme travaillant sur leur cas. Dans ce contexte, M. Sarkin a présenté une série de recommandations aux gouvernements. Il a ensuite présenté ses visites de terrain, se félicitant de nombreux progrès, tout en invitant les gouvernements des pays visités à poursuivre leurs efforts pour résoudre les situations en suspens. Timor Leste, le Mexique et la République du Congo sont intervenus en tant que pays concernés par le rapport du Groupe de travail, de même que l'Ombudsman du Timor-Leste (par message vidéo) et la Commission nationale des droits de l'homme du Mexique.
M. Heiner Bielefeldt, Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, a indiqué qu'il s'était attaché dans son rapport à une clarification du concept essentiel de la «reconnaissance» des communautés religieuses ou de ses fidèles. Il distingue ainsi trois notions différentes de la «reconnaissance»: le respect du droit de tous les êtres humains de jouir de la liberté de religion ou de conviction; l'obtention de la personnalité juridique par les communautés de fidèles pour pouvoir exercer leurs fonctions collectives; et la possibilité de jouir d'éventuels privilèges liés à la reconnaissance d'un statut légal, dont des exemptions fiscales, subventions ou accès garantis aux médias publics. Le Paraguay est intervenu en tant que pays concerné par un rapport de mission du Rapporteur spécial.
Le Bélarus et la Chine sont intervenus en fin de séance pour exercer le droit de réponse s'agissant de déclarations faites ce matin.
Le Conseil se réunira demain à partir de 9 heures pour procéder au débat interactif avec MM. Sarkin et Bielefeld, avant d'examiner les rapports des Rapporteurs spéciaux sur le droit à l'alimentation et sur le droit à un logement décent.
Examen du rapport sur les disparitions forcées ou involontaires
Présentation
M. JEREMY SARKIN, Président-rapporteur du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, a relevé que depuis sa création en 1980, pas moins de 33 778 cas ont été transmis au Groupe de travail, dont 448 ont été élucidés. Au cours de la période du présent rapport, 261 nouveaux cas ont été transmis concernant 25 pays, dont 73 en procédure d'urgence: 63 cas ont été résolus dans 18 pays. Beaucoup de travail reste à faire, a reconnu M. Sarkin, déplorant l'absence de coopération de la part de certains États qui soit ne répondent pas aux communications, soit fournissent des informations inexploitables. Dans ce contexte, le Groupe de travail réitère son appel aux États afin qu'ils remplissent leurs obligations internationales. Il se tient prêt à fournir toute l'assistance nécessaire aux pays qui en feraient la demande.
Le rapport aborde trois questions ayant retenu l'attention du Groupe de travail, notamment le droit à être reconnu en tant que sujet de droit pour les personnes victime de la disparition forcée involontaire. Les États doivent reconnaître et respecter le droit de toute personne disparue: cette reconnaissance peut prendre la forme d'une «déclaration d'absence pour raison de disparition forcée». Le Groupe de travail s'est également aperçu que les États continuent d'utiliser la disparition forcée comme moyen de résoudre des situations de conflit. Il a ainsi constaté des phénomènes des «disparitions de courte durée»: les victimes sont placées en détention secrète et relâchés quelque temps plus tard, parfois après avoir subi la torture, mais sans avoir été traduites devant un juge ou une autorité civile. Le Groupe de travail s'est enfin penché sur les menaces, intimidations et représailles à l'encontre des victimes de disparition forcée, leurs familles ou les témoins et les défenseurs des droits de l'homme travaillant sur leur cas. Dans ce contexte, le Groupe de travail appelle les États à prévenir ces actes, à fournir une assistance juridique, psychologique et médicale aux victimes, et à punir les auteurs de violences commises à leur encontre. À cet égard, le Groupe de travail se félicite de l'entrée en vigueur de la Convention internationale pour la protection de toute personne de la disparition forcée et de la création du Comité y relatif.
M. Sarkin a salué les efforts consentis par les pays où le Groupe de travail s'est tendu, et ce malgré les nombreuses difficultés que connaissent ces pays dans le domaine économique, en particulier. En ce qui concerne le Timor-Leste, beaucoup peut être encore fait pour appliquer le droit à la vérité, à la justice et à la réparation des personnes disparues et de leurs familles. Il est en de même pour la recherche et l'exhumation des corps ou encore la mise en conformité du droit national avec le droit international, qui permettrait par exemple de reconnaître la disparition forcée comme un crime à part entière. Au Mexique, le Gouvernement doit poursuivre ses efforts pour l'application du droit des personnes disparues en créant, par exemple, un programme national de recherche des personnes disparues ou en garantissant le droit à la réparation des victimes. Le Groupe de travail salue enfin l'introduction en République du Congo d'une définition du crime contre l'humanité dans le Code pénal et demande aux autorités d'y inclure de même la disparition forcée. Par ailleurs, le Gouvernement doit mettre en place des programmes de réparation sur la base des préjudices causés aux populations civiles par les conflits. Enfin, le Groupe de travail appelle les autorités à poursuivre les enquêtes s'agissant des «disparus de la plage» de Brazzaville.
Le rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées (A/HRC/19/58 à paraître en français) rend compte des communications et des cas examinés par le Groupe de travail au cours de ses trois sessions en 2011. Le rapport décrit en outre les visites réalisées par le Groupe de travail à Timor-Leste (A/HRC/19/58/Add.1), au Mexique (A/HCR/19/59/Add.2) et en République du Congo (A/HRC/19/58/Add.3).
Pays concernés
Timor Leste a déclaré avoir œuvré de concert avec l'Indonésie à la création d'une commission d'enquête conjointe pour retrouver les personnes disparues jusqu'en 1999. À l'échelle nationale, le pays s'efforce d'améliorer les capacités du personnel médical. Le représentant a reconnu que l'établissement d'un système juridique transparent et indépendant est un élément clé de la résolution des violations du passé. À cet égard, l'érection d'un monument commémoratif est envisagée; la création de mécanismes de réparation est en cours. À cela s'ajouteront des mécanismes d'appropriation du développement par la population. Timor-Leste s'engage en outre à poursuivre la lutte contre l'impunité, dans un esprit de responsabilité partagée. Le représentant a salué la reconnaissance par le Groupe de travail des dispositions prises par son Gouvernement en matière de résolution des cas de disparition forcée.
Une déclaration sur cette question de l'Ombudsman timorais a été diffusée par vidéo devant le Conseil. Les progrès pour faire la lumière sur les disparitions forcées de quatre mille enfants ont été lents, a admis l'Ombudsman. Les recherches doivent porter sur toutes les personnes disparues, pas uniquement les enfants. Des mesures doivent être prises pour rétablir la justice et passer à la phase de réparations des victimes et des membres de leurs familles. L'Ombudsman a appelé à la ratification rapide de la Convention des Nations Unies sur les disparitions forcées, qui vient d'entrer en vigueur. Le recours aux technologies de l'information permettra au Conseil des droits de l'homme de mieux appréhender la réalité du terrain, a aussi observé l'Ombudsman.
M. JUAN JOSÉ GÓMEZ CAMACHO (Mexique) a estimé que, d'une manière générale, les observations du Groupe de travail dressaient un bilan équilibré entre les actions positives, les progrès et les difficultés auxquelles son pays est confronté. Le représentant a apporté des précisions sur les amendements introduits pour limiter la compétence de la juridiction militaire dans les cas de disparitions forcées. Le chef de l'État a donné des instructions allant dans le même sens, de sorte que les tribunaux civils sont globalement compétents. Pour renforcer les critères à ce sujet, un projet de loi prévoit que les délits commis par des membres des forces armées impliquant une violation des droits de l'homme sont de la compétence des tribunaux civils, lorsque les victimes sont des civils.
Un représentant de la Commission nationale des droits de l'homme du Mexique, a présenté les compétences de cette commission et souligné sa disposition à travailler avec le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires. La représentante s'est par ailleurs félicitée de l'utilisation des informations fournies par sa commission dans le rapport du Groupe de travail. Il est bon qu'il y ait une ouverture permanente aux mécanismes des droits de l'homme.
La République du Congo s'est félicitée des conclusions du rapport de M. Sarkin la concernant. Rappelant la situation de conflit qu'a connue le Congo entre 1993 et 1999, le représentant a insisté sur ses progrès en matière de réconciliation et de justice. Le Gouvernement a ainsi érigé une stèle commémorative dite «de la bêtise humaine» et un «rond point de la paix» à Brazzaville. De plus, le processus de ratification de la Convention sur la protection de toute personne de la disparition forcée involontaire est en cours. En ce qui concerne l'affaire des «disparus de plage», le représentant a rappelé qu'un procès a eu lieu, entraînant la condamnation de l'État. Celui-ci a assumé pleinement ses responsabilités en versant des réparations aux ayants-droit. En revanche, le Congo ne dispose pas des ressources humaines lui permettant de fournir une assistance psychologique aux victimes ni aux membres de leur famille. Dans ce contexte, il lance un appel à l'assistance internationale.
Examen du rapport sur la liberté de religion ou de conviction
Présentation
M. HEINER BIELEFELDT, Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, a indiqué qu'étant fréquemment confronté au problème de la «reconnaissance» de communautés religieuses ou de fidèles, il avait décidé de consacrer son rapport 2012 à une clarification de ce concept essentiel. Il distingue trois notions différentes de la «reconnaissance». La première dimension, qui est aussi la plus fondamentale, touche au respect dû au statut de tous les êtres humains qui jouissent de droits dans le domaine de la liberté de religion ou de conviction. Pourtant, certains États semblent limiter la liberté de religion ou de croyance à une liste donnée d'options religieuses. Cela a pour résultat que les membres de communautés de fidèles moins connues, nouvelles ou alternatives sont officiellement exclus de la protection pleine et égale de leur liberté religieuse ou qu'ils subissent des discriminations. La deuxième dimension de la «reconnaissance» est liée à l'obtention de la personnalité juridique par les communautés de fidèles, pour pouvoir exercer leurs fonctions collectives. Malheureusement, M. Bielefeldt affirme avoir reçu de nombreuses plaintes selon lesquelles les procédures d'enregistrement sont utilisées comme des moyens de limiter le droit à la liberté religieuse de certaines communautés. Dans certains pays, des communautés de fidèles sont exclues, de fait quand ce n'est pas de droit, de la possibilité d'obtenir un statut de personne juridique, ou subissent un traitement discriminatoire à cet égard.
Enfin, la troisième dimension concerne la possibilité de jouir d'éventuels privilèges liées à la reconnaissance d'un statut légal – exemptions fiscales, subventions ou accès garantis aux médias publics. Le terme «reconnaissance» est souvent utilisé en référence à un tel statut privilégié dont certaines obédiences peuvent bénéficier mais pas d'autres. En outre, un nombre non négligeable de pays décrètent une religion d'État. En droit international, si la notion de religion d'État n'est pas interdite en soi, les États doivent garantir qu'elle n'entraîne pas une discrimination, en droit ou en fait, de fidèles des autres croyances ou religions. En conclusion, le Rapporteur spécial reconnaît que des procédures administratives puissent être indispensables pour garantir le statut de personnalité juridique à des communautés de fidèles. Néanmoins, les États doivent faire en sorte que la procédure soit rapide, transparente, juste, inclusive et non discriminatoire. En conséquence de quoi, a-t-il conclu, lorsqu'un État offre des privilèges, il doit le faire en accord avec les principes d'égalité et de non discrimination.
Le rapport sur la liberté de religion ou de conviction (A/HRC/19/60) de M. Bielefeldt rend également compte de ses missions au Paraguay (A/HRC/19/60/Add.1) et au Moldova (A/HRC/19/60/Add.2 et A/HRC/19/60/Add.3, ce dernier non disponible en français).
Pays concerné
Le Paraguay a remercié le Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction et s'est félicité que celui-ci mentionne, dans son rapport, les efforts accomplis par le pays en la matière. La politique du Paraguay s'appuie sur l'article 10 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et sur d'autres instruments internationaux pertinents. La Constitution nationale, ou Carta Magna, consacre pleinement cette liberté, l'État étant laïc par principe. De ce fait, la religion ne figure pas comme matière dans le cursus scolaire. L'objection de conscience est reconnue, l'exercice de ce droit n'entraînant pas de sanctions particulières s'il motive le refus du service militaire. Le respect et la préservation de l'héritage culturel, religieux et spirituel des peuples autochtones sont en progrès constants. Certes, a reconnu la représentante du Paraguay, des lacunes subsistent. Cependant, le nouveau plan de développement se fonde sur le strict respect de tous les droits de l'homme.
Exercice du droit de réponse s'agissant d'interventions faites à la séance précédente
Le Bélarus a regretté que la République tchèque politise systématiquement ses interventions devant le Conseil. Le représentant a recommandé à la délégation tchèque de commencer par se pencher sur son propre cas, notamment en ce qui concerne les détentions illégales dans des prisons secrètes de la CIA: il serait souhaitable qu'elle fasse un exposé à ce sujet devant le Conseil, en produisant les résultats d'une enquête approfondie.
La Chine a rejeté la déclaration de la Fondation Helsinki pour les droits de l'homme, lors du débat précédent: il s'est agi d'une distorsion des faits et de la réalité sans aucun rapport avec les droits de l'homme. La Chine est fermement opposée à la torture et elle fait tout pour prévenir ce genre de dérive. Elle a, pour ce faire, amendé sa législation. S'agissant des immolations par le feu: les sectes religieuses concernées ont condamné ces démarches qui sont contraires au bouddhisme tibétain, a assuré la représentante chinoise.
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