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Le Conseil des droits de l'homme débat de la liberté d'expression sur l'internet

Arrière

29 février 2012

Conseil des droits de l'homme
MI-JOURNÉE 29 février 2012

Le Conseil des droits de l'homme a organisé, à la mi-journée, une discussion sur la «promotion et la protection de la liberté d'expression sur l'Internet mettant tout particulièrement l'accent sur les moyens d'améliorer la protection de cette liberté conformément au droit international relatif aux droits de l'homme». Les problèmes de la censure de l'Internet et des restrictions d'accès aux nouveaux médias ont été au cœur des échanges.

Avec l'Internet, a constaté la Haut-Commissaire aux droits de l'homme dans une déclaration liminaire, les États ne peuvent plus exercer leur monopole sur l'information. Mme Navi Pillay a toutefois dit sa préoccupation que des sites Internet soient bridés dans plusieurs pays et que des militants exerçant légitimement leur droit à la liberté d'expression sur la toile soient persécutés. Elle a préconisé la réalisation d'une évaluation de l'impact des politiques liées à l'Internet sur les droits de l'homme. Elle a aussi jugé important que les mesures visant à restreindre l'accès à des contenus en ligne soient soigneusement encadrées, afin d'éviter leur caractère excessif ou arbitraire.

Les échanges étaient animés par M. Riz Khan, présentateur de la chaîne de télévision par satellite Al Jazeera. Les panélistes étaient M. Carl Bildt, Ministre des affaires étrangères de la Suède; M. Frank La Rue, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression; Mme Anriette Esterhuysen, de l'Association for Progressive Communications de l'Afrique du Sud; M. Carlos Alfonso, de l'Institut Nupef du Brésil; M. William Echikson, de la société Google; et Mme Hesti Armiwulan, de la Commission nationale des droits de l'homme de l'Indonésie.

M. Khan s'est félicité que, pour la première fois, la question de la liberté sur l'Internet soit discutée de manière globale dans le cadre des droits de l'homme. Les panélistes ont fait valoir, à l'instar de M. Bildt, que la liberté de l'Internet serait décisive pour protéger les droits de l'homme et les libertés dans le monde. M. La Rue a constaté que les rédacteurs de la Déclaration universelle des droits de l'homme avaient été visionnaires en affirmant que la liberté d'expression était garantie quel que soit le moyen d'expression. Pour Mme Esterhuysen, l'Internet facilitera grandement l'universalisation du droit à l'éducation, alors que M. Alfonso a indiqué que le Congrès du Brésil débattait des assises juridiques à appliquer à l'Internet. M. Echikson a déploré qu'un certain nombre de pays censurent l'Internet et suggéré que le secteur privé se concerte plus étroitement face à ce problème. Pour Mme Armiwulan, il conviendrait de mettre gratuitement l'Internet à disposition des populations, son accès demeurant onéreux pour les catégories les plus modestes de la population.

La question de la légitimité des restrictions susceptibles d'être imposées à l'Internet a été au cœur des échanges avec les délégations. La majorité des pays représentés ont convenu que si la censure n'était pas acceptable, se posait néanmoins un problème face aux déclarations haineuses ou à des phénomènes tels que la pédopornographie. Pour la plupart des orateurs, le monde dispose déjà des instruments juridiques nécessaires pour lutter contre ce phénomène, l'Internet et les nouveaux médias ne nécessitant pas l'édiction de nouvelles règles et encore moins la définition de nouveaux droits.

Les délégations suivantes ont participé à la discussion: Cuba, Chine, Guatemala, Algérie, Conseil de l'Europe, Inde, Égypte, États-Unis, Thaïlande, Finlande, Maroc, Canada, Pays-Bas, Norvège, Union européenne, Allemagne, France, Chili, Azerbaïdjan, Turquie, Estonie, Pérou, Équateur, Honduras, Suisse, Uruguay, Indonésie et Japon. Ont également pris la parole des représentants de la société civile au nom du Comité de coordination des institutions nationales des droits de l'homme, de l'instance de coordination des organisations non gouvernementales, de Presse Embleme Campagne, de l'Internet society et du Cairo Institute for Human Rights Studies.

Le Conseil des droits de l'homme reprend son débat de haut niveau cet après-midi à 15 heures.

Discussion sur la promotion et la protection de la liberté d'expression sur l'Internet

Déclaration liminaire

MME NAVI PILLAY, Haut-Commissaire aux droits de l'homme, a déclaré que l'Internet était devenu un outil indispensable pour recevoir des informations, au-delà des informations préparées et diffusées par les médias traditionnels. En même temps, il offre un espace public en ligne où chacun peut échanger des idées et se faire entendre. Ainsi, Internet a modifié les mouvements en faveur des droits de l'homme. Les États ne peuvent plus exercer leur monopole sur l'information, a-t-elle souligné. La Haut-Commissaire s'est dite inquiète du fait que certains sites Internet sont souvent bloqués dans plusieurs pays, de manière permanente ou temporaire. Des militants exerçant légitimement leur droit à la liberté d'expression continuent d'être arrêtés arbitrairement, torturés ou condamnés à des peines de prison injustes, au prétexte de la sécurité nationale ou de la lutte contre le terrorisme, a regretté Mme Pillay. Un autre risque est la communication à des États, par des compagnies privées, d'informations personnelles recueillies sans le consentement des utilisateurs, de même que l'exploitation commerciale de ces données. Reconnaissant qu'Internet peut être utilisé à des fins illégitimes, voire criminelles, et que la véracité des contenus n'est pas toujours vérifiable, la Haut-Commissaire s'est dite convaincue qu'il fallait néanmoins assurer à tous les utilisateurs la possibilité de naviguer sur l'Internet en toute sécurité.

Toutes ces questions sont extrêmement complexes, non seulement en termes techniques mais aussi politiques, a observé Mme Pillay. C'est pourquoi elle a préconisé la réalisation d'une évaluation de l'impact des politiques liées à Internet sur les droits de l'homme. Elle a par ailleurs noté qu'il est important que les mesures visant à restreindre l'accès à des contenus en ligne soient soigneusement encadrées, afin d'éviter leur caractère excessif ou arbitraire. La Haut-Commissaire a aussi noté que la liberté d'expression sur Internet requiert, en premier lieu, un accès fiable et suffisamment rapide: des efforts continus doivent être faits à tous les niveaux pour mettre en œuvre des politiques effectives visant à réduire la fracture numérique et atteindre un accès universel à Internet.

Interventions des experts

L'animateur de la réunion, M. RIZ KHAN, présentateur de la chaîne Al Jazeera, s'est félicité de l'organisation de ce débat: c'est en effet la première fois que la question de la liberté sur l'Internet est discutée de manière globale dans le cadre des droits de l'homme. Rappelant le contexte dans lequel ce débat prend place et l'influence des réseaux sociaux et du journalisme citoyen sur le printemps arabe, M. Khan a souligné le lien intrinsèque entre droits de l'homme en ligne et hors ligne.

M. CARL BILDT, Ministre des affaires étrangères de la Suède, a déclaré que ce panel est crucial en raison de la rapidité avec laquelle toutes les régions du monde adoptent les nouvelles technologies. Pour M. Bild, il existe un besoin manifeste de protection des droits de l'homme en ligne. La liberté de l'Internet sera décisive pour protéger les droits de l'homme et les libertés dans le monde à l'avenir.

M. FRANK LA RUE, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, a souligné que les rédacteurs de la Déclaration universelle avaient fait preuve de prescience en affirmant que la liberté d'expression était garantie quel que soit le moyen d'expression: elle s'applique par conséquent aussi aux nouveaux médias et aux nouveaux moyens de communication.

MME ANRIETTE ESTERHUYSEN, de l'Association for Progressive Communications (Afrique du Sud), a souligné que l'Internet favorisera grandement l'universalisation du droit à l'éducation.

M. CARLOS ALFONSO, de l'Institut Nupef (Brésil) a expliqué que le Congrès du Brésil débattait actuellement des principes juridiques à appliquer à l'Internet.

M. WILLIAM ECHIKSON, de la société Google, a souligné que l'Internet – et notamment Google– permet une meilleure diffusion des connaissances. On peut désormais être en Australie et consulter un ouvrage publié en Belgique. Il a toutefois regretté qu'un certain nombre de pays censurent l'Internet.

MME HESTI ARMIWULAN, de la Commission nationale des droits de l'homme de l'Indonésie, a déclaré que tout un chacun devait avoir accès au réseau et l'utiliser quels que soient ses moyens. Il faudrait donc envisager de mettre gratuitement l'Internet à disposition des populations. À l'heure actuelle, son accès demeure en effet relativement onéreux pour les plus modestes.

Interventions des délégations

Cuba a relevé que le droit à la liberté d'expression sur Internet doit être promu et protégé, mais qu'il reste de nombreux défis en matière d'accès à Internet, accès dont les États-Unis détiennent le monopole de fait. Pour la Chine, si l'Internet est certainement appelé à jouer un rôle important dans le développement, la liberté d'expression doit être régie par le droit international. Le Guatemala s'est interrogé sur l'organe qui devrait avoir la responsabilité d'édicter les réglementations. L'Algérie a estimé que les règles devraient faire l'objet d'un instrument international dûment négocié par les États. Le Conseil de l'Europe a pour sa part déclaré que la réglementation doit être une mesure de dernier recours, l'accent devant être mis sur l'autoréglementation. La gouvernance de l'Internet devrait être internationale, inclusive et démocratique et prendre en compte les diversités culturelles et religieuses des États, a pour sa part souligné l'Inde.

Pour l'Égypte, il n'est pas nécessaire d'édicter de nouvelles règles restreignant l'accès aux nouveaux médias; son représentant a rappelé le rôle essentiel joué par l'Internet et les réseaux sociaux dans la révolution égyptienne: la population a pu s'exprimer pacifiquement en contournant les contraintes qui pesaient depuis de nombreuses années sur la vie politique du pays. Les États-Unis sont convenus qu'il n'est pas nécessaire de «réinventer les droits de l'homme» avec les nouveaux médias, ajoutant que la surveillance tatillonne qu'exercent certains pays pour museler toute dissidence est préoccupante. La Thaïlande et la Finlande estiment que si certaines restrictions se justifient, elles doivent néanmoins être proportionnelles et ne pas être utilisées à d'autres fins: le problème réside justement dans un encadrement des restrictions. Un avis partagé par le Maroc: il faut trouver un équilibre entre la liberté d'expression et le besoin de sécurité et de protection des citoyens, notamment en matière de cybercriminalité ou de pornographie. Les droits qui existent dans le monde réel doivent aussi s'appliquer au virtuel, a argumenté le Canada, avant de demander aux panélistes s'il existe des pratiques exemplaires à cet égard.

Les Pays-Bas, la Norvège et l'Union européenne ont déploré les menaces qui pèsent sur la liberté d'expression sur l'Internet, de trop nombreux pays exerçant une censure sur ce moyen d'information en employant des moyens de plus en plus sophistiqués. L'Allemagne a insisté sur la nécessité de lutter contre la propagande sur l'Internet. La France a indiqué qu'elle agit de façon concrète pour promouvoir la liberté d'expression en organisant, par exemple, des sessions de formation pour les journalistes souhaitant maîtriser les outils numériques. Il s'agit, a ajouté le Chili, de bien comprendre l'article 19 de la Déclaration des droits de l'homme, relatif à la liberté d'opinion et d'expression, et de l'appliquer à l'Internet. L'Azerbaïdjan a demandé quelles mesures peuvent être prises pour éviter la propagation de la haine raciale sans saper la liberté d'opinion sur l'Internet.

La Turquie a estimé qu'un élément essentiel de la question est l'accès aux infrastructures informatiques. L'Estonie et le Pérou se sont dits convaincus de la nécessité de réduire la fracture numérique. Pour l'Équateur, on ne peut parler de liberté tant qu'existent des restrictions de nature économique. Le Honduras s'est demandé ce que pourrait faire la communauté internationale pour permettre un accès universel à l'Internet. La Suisse a constaté que les nouvelles technologies apportaient une «nouvelle dimension à la citoyenneté mondiale». Les États et le secteur privé doivent coopérer, a-t-il estimé, soulignant que «la vente à des États de logiciels de surveillance employés dans le but de réprimer, de condamner ou d'emprisonner des défenseurs des droits de l'homme est inacceptable».

L'Uruguay a souligné que le monde en ligne et celui hors-ligne se renforçaient l'un l'autre, constituant un modèle formidable de participation citoyenne. L'Uruguay a généralisé l'usage de l'informatique dans les écoles: il s'agit d'un outil important qui permet aussi de protéger les enfants des usages criminels de l'Internet en les informant des abus possibles. L'Indonésie a rappelé que la liberté d'expression était la pierre angulaire de toute démocratie avec son corollaire, la liberté d'association. L'Indonésie est le deuxième usager des réseaux sociaux avec plus de 40 millions d'utilisateurs, alors que seulement 18% des Indonésiens ont accès à l'Internet. Le Japon a pour sa part souligné le problème que pose l'Internet au regard du respect de la propriété intellectuelle.

La représentante du Comité de coordination des institutions nationales des droits de l'homme a constaté qu'il existait des normes internationales régissant la liberté d'expression: le problème vient de ce que certains États se dotent d'autres normes, plus restrictives.

L'instance de coordination des organisations non gouvernementales s'est inquiétée des menaces qui pèsent sur les blogueurs, notamment dans certains pays du Caucase. L'organisation Presse Embleme Campagne a constaté que les médias paient un lourd tribut dans les zones de conflit. Certains pays comme la Syrie ou la Chine, s'agissant de la région du Tibet, interdisent l'accès à leur territoire, ce qui rend l'Internet d'autant plus indispensable pour les populations concernées. Le représentant a relevé que les États ne peuvent cependant censurer l'Internet bien longtemps, au risque de nuire à leur fonctionnement social, voire économique.

Pour l'Internet society, les moyens techniques ne doivent pas être utilisés pour régler des problèmes sociétaux, ni servir à restreindre les libertés d'expression. Le Cairo Institute for Human Rights Studies a appelé le Conseil à se saisir de la question des technologies mises au service de la répression politique par des entreprises privées.

Conclusions

M. LA RUE a souligné que l'Internet permet une meilleure connaissance réciproque des cultures, contribuant ainsi à la paix. Il est urgent de mettre un terme à la pénalisation de l'utilisation de l'Internet, a-t-il plaidé par ailleurs: l'État ne doit intervenir dans les communications que lorsqu'il y a délit présumé et à la demande d'une instance judiciaire indépendante. Le Rapporteur spécial a souligné que des mécanismes permettant un certain consensus doivent être établis avant de pouvoir empêcher tout blocage et toute criminalisation. Cela étant, les abus ne sauraient être tolérés: les États doivent s'en tenir à certains principes fondamentaux concernant, par exemple, la pédopornographie. Il existe des normes très claires à ce sujet dans le droit international.

M. ECHIKSON a déclaré que Google se trouvait un peu dans la situation du messager que l'on jette en prison parce qu'il apporte une mauvaise nouvelle. Google se retrouve parfois traduit en justice pour avoir véhiculé des messages dont il n'est ni auteur, ni responsable. Il est impossible pour une firme comme Google de trancher sur ce qu'elle peut laisser passer et ce qu'elle devrait éventuellement censurer. Google prévoit de publier semestriellement les exigences des États à son égard. M. Echikson a préconisé que le secteur privé se réunisse pour définir les meilleures règles d'accès à l'Internet.

M. BILDT a constaté que, dans de nombreux pays, il est impossible de poursuivre les auteurs de discours haineux proférés sur l'Internet. Or, comme l'a dit M. La Rue, il n'y a pas de raison que l'on ne punisse pas les propos délictueux qui sont propagés par ce biais. Le monde en ligne doit suivre les mêmes règles que celles prévalant dans le monde réel, a souligné le Ministre suédois des affaires étrangères.

MME ESTERHUYSEN s'est dite d'accord avec la délégation chinoise sur la nécessité de renforcer la législation dans ce domaine. Il faut à cet égard chercher des solutions à long terme, qui doivent impérativement reposer sur les principes du droit. Il devrait par exemple être possible d'examiner la question du libre accès à Internet lors de l'Examen périodique universel.

M. ALFONSO a constaté que tous les pays n'ont pas les mêmes législations: les solutions ne sont donc pas faciles à trouver, car on doit prendre en compte les innombrables spécificités politiques.

MME ARMIWULAN a souligné que l'État doit promouvoir des initiatives de formation afin que la majorité de la population puisse accéder aux médias numériques.

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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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