Le Comité des droits de l'enfant examine les rapports de la Jordanie
27 mai 2014
Comité des droits de l'enfant
27 mai 2014
Le Comité des droits de l'enfant a examiné, hier après-midi et aujourd'hui, les rapports présentés par la Jordanie au titre de la Convention relative aux droits de l'enfant et de ses deux Protocoles facultatifs relatifs, l'un, à l'implication d'enfants dans les conflits armés et, l'autre, à la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.
Le Représentant permanent de la Jordanie auprès des Nations Unies à Genève, M. Rajab Sukayri, a indiqué que la Constitution protège la mère, l'enfant et la personne âgée et que toutes les règles doivent respecter le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant. Il a attiré l'attention sur un projet de loi en cours de négociation au Parlement qui vise plus spécifiquement la réinsertion et la réhabilitation des mineurs en conflit avec la loi. Il a par ailleurs fait valoir que depuis 2010, la loi stipule que l'âge du mariage est fixé à 18 ans, pour les personnes des deux sexes; un juge d'un tribunal supérieur peut permettre à des jeunes de plus de 15 ans de se marier sous condition du respect d'un certain nombre de critères très spécifiques, mais la loi interdit strictement le mariage de personnes de moins de 15 ans. M. Sukayri a affirmé que les réserves émises par la Jordanie à l'égard de certains articles de la Convention ne portent pas préjudice aux droits des enfants jordaniens. Il a aussi expliqué que l'afflux de réfugiés syriens constitue aujourd'hui un défi énorme pour la Jordanie, car il a des conséquences sur la vie des Jordaniens eux-mêmes. La plupart de ces réfugiés sont intégrés dans la société jordanienne et ne vivent pas dans des camps de réfugiés; ils bénéficient des services d'éducation et de santé dont jouissent les Jordaniens, ce qui ne va pas sans constituer un lourd fardeau pour le pays.
La délégation jordanienne était également composée de représentants du Ministère de la justice, du Ministère du développement social, du Ministère de l'intérieur, du Ministère des affaires étrangères et des expatriés, ainsi que du Conseil national pour les affaires familiales. Elle a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, du Plan national d'action pour les enfants; de l'intérêt supérieur de l'enfant; de l'âge minimum du mariage; de dispositions discriminatoires à l'égard des filles; de la situation s'agissant de la pratique de la polygamie; du statut des enfants nés hors mariage; des enfants de mères détenues; de la possibilité pour les enfants de déposer plainte; des questions de nationalité; des enfants réfugiés syriens; de la lutte contre la violence à l'égard des enfants, y compris les châtiments corporels; de l'âge d'admission à l'emploi; de la justice juvénile et de l'âge de la responsabilité pénale. À cet égard, la délégation a indiqué que l'âge de la responsabilité pénale est actuellement fixé à sept ans, mais a précisé qu'un projet de loi est à l'examen qui vise à porter cet âge à 12 ans. D'autres questions ont été posées concernant spécifiquement chacun des deux Protocoles à la Convention.
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport soumis par la Jordanie au titre de la Convention, M. Hatem Kotrane, a relevé que la Jordanie n'a pas ratifié certains instruments des droits de l'homme, dont le Protocole facultatif à la Convention permettant aux enfants de porter plainte auprès du Comité. Il a d'autre part souligné que les préoccupations exprimées par le Comité au sujet de l'harmonisation du droit interne avec les dispositions de la Convention demeurent. Le rapporteur n'a par ailleurs relevé aucun changement dans la position de la Jordanie concernant ses réserves à l'égard de certaines dispositions de la Convention. M. Kotrane a d'autre part relevé la persistance d'une certaine facilité à marier les filles tôt. Il a aussi déclaré qu'un crime d'honneur ne saurait être justifiable en aucune circonstance.
Le Comité rendra publiques à la fin des travaux, le 13 juin prochain, des observations finales sur les rapports examinés en cours de session.
Le Comité examinera demain, à partir de 10 heures, le rapport qui sera présenté par le Kirghizistan au titre de la Convention (CRC/C/KGZ/3-4).
Présentation des rapports de la Jordanie
Présentant les rapports de la Jordanie (CRC/C/JOR/4-5 au titre de la Convention; CRC/C/OPSC/JOR/1 et CRC/C/OPAC/JOR/1 au titre des deux Protocoles facultatifs). M. RAJAB SUKAYRI, Représentant permanent de la Jordanie auprès des Nations Unies à Genève, a souligné que les enfants en Jordanie représentent 46,2% de la population totale; c'est pourquoi les autorités attachent une très grande importance à cette catégorie de la population, qui constitue près de la moitié de la société. La Constitution est le texte de référence pour ce qui est des droits des citoyens dans le Royaume hachémite et son article 6 a été modifié pour que la loi protège la mère, l'enfant et la personne âgée et que toutes les règles respectent le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant. Le système juridique du pays, dans son ensemble, est conforme aux articles de la Convention et rien dans la loi jordanienne n'est en contravention avec les obligations auxquelles le Royaume a souscrit en vertu de la Convention, a assuré le Représentant permanent.
M. Sukayri a ensuite attiré l'attention sur un projet de loi en cours de négociation à la Chambre des représentants qui vise plus spécifiquement la réinsertion et la réhabilitation des mineurs en conflit avec la loi. En 2011, un département spécifique de la police chargé des mineurs a été mis en place, a-t-il aussi fait valoir. Pour sa part, le Conseil de l'enfance est en cours de réexamen, afin d'octroyer la meilleure protection possible aux enfants, en particulier pour ce qui a trait à la violence au foyer.
S'agissant des tribunaux de la charia, M. Sukayri a expliqué que des cours ont été dispensés à l'intention des juges à travers le pays, dont certains modules portent sur la Convention relative aux droits de l'enfant. Les questions abordées concernent notamment le droits de garde et de visite, ainsi que les meilleurs moyens d'assurer l'intérêt supérieur de l'enfant.
Le représentant jordanien a par ailleurs fait valoir que depuis 2010, la loi stipule que l'âge du mariage est fixé à l'âge de majorité, c'est-à-dire à 18 ans, pour les personnes des deux sexes. Un juge d'un tribunal supérieur peut permettre à des jeunes de 15 ans révolus de se marier sous condition du respect d'un certain nombre de critères très spécifiques, mais la loi interdit strictement le mariage d'une personne âgée de moins de 15 ans. Les enfants nés hors mariage peuvent être enregistrés à tout moment; rien sur leur carte d'identité n'indique qu'ils sont nés en dehors des liens du mariage, a par ailleurs souligné M. Sukayri. Il a en outre fait part de la mise en place d'un système de soins alternatifs dont l'objectif est de permettre aux enfants n'ayant pas de famille de bénéficier de soins alternatifs respectant le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant; dans la mesure du possible, ces enfants sont maintenus dans une structure familiale.
Les personnes handicapées ont le droit de vivre dans la dignité et de participer à la vie de la société sur un pied d'égalité et dans le respect de leur dignité, a poursuivi le représentant jordanien, qui a fait valoir que son pays avait mis sur pied un Conseil supérieur pour les personnes handicapées.
Les réserves émises par la Jordanie à l'égard de certains articles de la Convention ne portent pas préjudice aux droits des enfants jordaniens, a poursuivi M. Sukayri. Les enfants jordaniens sont dûment protégés par la loi et la Constitution, a-t-il insisté. Les réserves émises au sujet de l'adoption sont toujours valables, a-t-il précisé, assurant que le système de la kafala permet d'assurer l'intérêt supérieur de l'enfant.
Le Représentant permanent de la Jordanie a souligné que l'afflux de réfugiés syriens constitue aujourd'hui un défi énorme pour son pays, car il a des conséquences sur la vie des Jordaniens eux-mêmes. La plupart de ces réfugiés sont intégrés dans la société jordanienne et ne vivent pas dans des camps de réfugiés, a-t-il souligné; ils bénéficient des services d'éducation et de santé dont jouissent les Jordaniens, ce qui ne va pas sans constituer un lourd fardeau pour le pays, a-t-il ajouté.
Les réponses de la Jordanie à une liste de questions écrites du Comité concernant l'application de la Convention figure au document CRC/C/JOR/Q/4-5/Add-1 et, concernant les deux Protocoles facultatifs, aux documents CRC/C/OPSC/JOR/Q/1/Add.1 et CRC/C/OPSC/JOR/Q/1/Add.1 (en arabe).
Examen des rapports
Questions et observations des membres du Comité
M. HATEM KOTRANE, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport soumis par la Jordanie au titre de la Convention, a relevé que ce rapport contient une introduction d'une page et demie où il est fait état de certaines des préoccupations exprimées par le Comité en 2006 en ce qui concerne la question des réserves et la publication de la Convention au Journal Officiel. Toutefois, il ne contient pas de partie distincte sur les mesures d'application générale incluant tous les thèmes pertinents énoncés dans les Directives spécifiques adoptées par le Comité à sa cinquante-deuxième session (en septembre 2010).
M. Kotrane a par ailleurs relevé que la Jordanie n'avait toujours pas ratifié la Convention sur les droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, ni celle sur les disparitions forcées, ni le Protocole facultatif sur les plaintes individuelles (communications) s'agissant de la Convention relative aux droits de l'enfant.
Le rapporteur a d'autre part souligné que les préoccupations exprimées par le Comité au sujet de l'harmonisation du droit interne avec les dispositions de la Convention demeurent en l'état. Il n'a par ailleurs relevé aucun changement dans la position de la Jordanie concernant les réserves qu'elle a émises à l'égard de certaines dispositions de la Convention.
S'agissant de la définition de l'enfant, M. Kotrane a relevé la persistance d'une certaine facilité à marier les filles très tôt; il serait judicieux que soit résolue la question des exceptions à l'application de la règle de l'âge légal du mariage, fixé à 18 ans. Il semblerait que le mariage précoce de certaines jeunes filles venant de Syrie soit reconnu en Jordanie, s'est également inquiété le rapporteur.
Un crime d'honneur ne saurait être justifiable en aucune circonstance, a par ailleurs souligné M. Kotrane.
Parmi les autres membres du Comité, un expert a salué les progrès réalisés par la Jordanie depuis 2006 dans la mise en œuvre de la Convention. Il a toutefois souhaité en savoir davantage au sujet de la coordination de l'action en faveur des enfants et a demandé s'il existe en Jordanie une procédure de plainte directement accessible aux enfants.
Si la loi jordanienne semble s'attacher à prévenir l'apatridie, il n'en demeure pas moins que les enfants dont le père n'est pas jordanien ne reçoivent pas la nationalité jordanienne, a fait observer une experte. Est-il vrai que les enfants non jordaniens doivent demander un permis de résidence chaque année, a-t-elle demandé? L'experte a fait état d'incidents où la nationalité jordanienne a été retirée à des familles palestiniennes, entraînant une situation d'apatridie pour les enfants de ces familles.
Les jeunes filles font l'objet de discrimination dès leur naissance, étant considérées comme un fardeau pour la famille, a par ailleurs déploré la même experte; cela a un impact considérable sur l'éducation des jeunes filles, qui sont souvent amenées à se marier très tôt, ou ne sont tout simplement pas envoyées à l'école par leurs parents. Les femmes subissent en outre un certain nombre de discriminations en matière d'accès à la propriété, a insisté l'experte.
Une autre experte a souhaité en savoir davantage sur l'éducation des enfants non jordaniens.
Une experte a relevé que le nombre d'enfants privés de soins parentaux qui sont placés en foyer n'a pas diminué en dépit des efforts consentis par la Jordanie pour favoriser une approche axée sur le placement dans des familles d'accueil. Le nombre de jeunes filles placées dans les foyers de l'État est sensiblement plus élevé que celui des jeunes hommes, a relevé l'experte, qui a demandé à la délégation comment elle expliquait ce déséquilibre.
Un membre du Comité s'est enquis de statistiques fiables et ventilées concernant les enfants handicapés en Jordanie.
L'enfant semble avoir un droit à la sécurité sociale uniquement par le biais de ses parents, s'est inquiété un autre expert.
Un expert a relevé que certains enfants, comme les enfants des rues, sont parfois appréhendés comme des criminels. Des enfants en conflit avec la loi devraient toujours être pris en charge par des personnels spécialisés, alors qu'il n'y a même pas en Jordanie de tribunal pour enfants. L'expert a demandé si le pays avait l'intention de créer une justice pour mineurs et de porter de 7 à 13 ans l'âge de responsabilité pénale.
Une experte s'est inquiétée d'informations selon lesquelles la pauvreté serait un motif de mariage.
Un membre du Comité s'est inquiété que le châtiment corporel ne semble pas interdit au sein du foyer familial.
Un expert s'est inquiété d'informations émanant de Human Rights Watch selon lesquelles des centaines voire des milliers de Palestiniens se seraient vu retirer leur nationalité jordanienne.
Réponses de la délégation
Répondant à des questions relatives au cadre d'application de la Convention, la délégation a notamment indiqué que la Jordanie avait ratifié la plupart des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, conformément à la conviction du Royaume quant à la nécessité de promouvoir les droits de l'homme aux niveaux national, régional et international. Si la Jordanie n'a pas adhéré à la Convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, ses principales dispositions sont déjà consacrées par des traités bilatéraux que le Royaume a signés. En ce qui concerne la Convention sur les disparitions forcées, la Jordanie prendra cette année les dispositions nécessaires aux fins de sa ratification. Quant au Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant qui traite des plaintes individuelles, la délégation a assuré que des discussions auront lieu à son sujet.
En ce qui concerne la place de la Convention dans le droit interne, la délégation a rappelé que les dispositions des traités internationaux ratifiés par le pays prévalent sur celles du droit interne. La Convention peut être directement invoquée par les juges et devant les tribunaux, a d'autre part souligné la délégation; il est d'ailleurs déjà arrivé que des peines soient prononcées sur cette base, a-t-elle précisé. La délégation a aussi expliqué que le texte de la Convention avait été largement distribué dans les écoles. Elle a par la suite attiré l'attention sur un programme mis en place pour assurer la formation d'une centaine d'avocats aux dispositions de la Convention et autres dispositions du droit international.
La délégation a par ailleurs attiré l'attention sur le Plan national d'action pour les enfants élaboré pour la période 2014-2017, qui traitera de nombreuses questions intéressant les enfants, y compris les questions relative à l'allaitement maternel, à l'éducation ou encore à la protection sociale. Ce nouveau Plan d'action entend se concentrer sur les enfants privés de soins familiaux, a précisé la délégation.
Le Parlement des enfants se réunit régulièrement en Jordanie et articule ses travaux autour de toute une série de débats ayant trait à l'enfance, en fonction de l'actualité des besoins et non d'un programme préétabli, a indiqué la délégation.
Tout en reconnaissant les retards pris en ce qui concerne l'adoption d'un certain nombre de projets de loi, comme celui sur l'enfance, la délégation a toutefois fait valoir que l'approche appliquée dans ce cadre est fondée sur les droits de l'homme.
Que ce soit en matière d'éducation ou encore en matière de garde de l'enfant, la législation veille à se fonder sur le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant, a assuré la délégation.
L'âge du mariage en Jordanie est fixé à 18 ans, mais des exceptions peuvent être faites s'agissant d'enfants âgés de 15 à 18 ans, a par ailleurs indiqué la délégation. Les restrictions qui s'appliquent aux mariages des enfants âgés de 15 à 18 ans tiennent compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, a-t-elle assuré. La délégation a renvoyé aux directives de 2010 selon lesquelles des conditions extrêmement détaillées doivent être réunies pour que soit autorisé le mariage s'agissant d'une personne dans cette tranche d'âge. Un mariage ne saurait en aucun cas constituer une raison amenant à mettre fin à la scolarisation de l'enfant, a également précisé la délégation. La hausse de 6% des mariages de jeunes âgés de 15 à 18 ans enregistrée ces dernières années en Jordanie est essentiellement due à l'arrivée massive de réfugiés syriens dans le pays, a-t-elle expliqué. Les enfants âgés de 15 à 18 ans peuvent être fiancés et se marier sous certaines conditions; mais dans la plupart des cas, ces personnes se marient après 18 ans. Quoi qu'il en soit, c'est à un juge de tribunal supérieur et non de tribunal ordinaire qu'il revient de statuer pour autoriser un mariage impliquant une personne âgée de 15 à 18 ans.
Tout contrat de mariage impliquant une personne de moins de 15 ans constituerait une infraction au code pénal et au code de la famille, a insisté la délégation. Aucun mariage contraire à l'article 10 de la Loi sur le statut personnel n'a été enregistré en Jordanie et pas même un tribunal de la charia ne peut enregistrer un mariage impliquant une personne de moins de 15 ans, a insisté la délégation.
D'un point de vue juridique, la mère peut être obligée par la loi à s'occuper de son enfant même s'il est né hors mariage, a par ailleurs indiqué la délégation. Des institutions sociales sont prévues pour permettent aux mères de s'occuper de ces enfants, a-t-elle précisé. Une mère qui choisit de garder son enfant né hors mariage sera considérée à la fois comme mère biologique et comme tutrice, c'est-à-dire comme mère adoptive, a ajouté la délégation.
Depuis une révision législative intervenue en 2010, la polygamie est désormais strictement encadrée en Jordanie, a poursuivi la délégation; depuis cette révision, on constate une réduction considérable du nombre d'unions polygames. Quoi qu'il en soit, l'existence de coépouses dans un foyer ne modifie en rien les droits propres qui sont ceux de la mère biologique sur son enfant, a précisé la délégation.
Pour ce qui est de la possibilité pour les mères emprisonnées de maintenir un lien avec leurs enfants, la délégation a indiqué qu'une crèche a été créée en 2009 dans la prison pour femmes, qui accueille des enfants jusqu'à l'âge de cinq ans, ce qui permet à ces enfants de rester près de leur mère détenue.
Répondant à des questions sur le droit des femmes à l'héritage, la délégation a rappelé que l'héritage est régi par un code bien précis relevant de la charia (loi islamique). Il se peut que la femme ait droit à un part de l'héritage moindre que celle dévolue à l'homme, a reconnu la délégation. Les fils ont souvent droit à une part qui est double de celle de leur sœur; néanmoins, dans certaines circonstances telles que définies dans le code sur le statut personnel, la part de la femme peut être supérieure à celle de l'homme.
La délégation a assuré que les filles accèdent aux études supérieures sur un pied d'égalité avec les garçons, et sont parfois même plus nombreuses qu'eux dans certaines filières universitaires. Il est donc erroné de prétendre que les filles seraient considérées comme un fardeau en Jordanie. La femme peut travailler mais il peut également arriver que la famille préfère qu'elle ne travaille pas, a ensuite souligné la délégation. La législation du travail accorde un grand nombre de droits à la femme; celle-ci peut notamment prendre deux années de congés maternité pour s'occuper de son enfant.
Un enfant de plus de 15 ans peut déposer plainte directement devant le Centre national des droits de l'homme, sans passer par un tuteur; les droits de l'enfant sont alors défendus gracieusement par des avocats en vertu d'un accord passé entre le barreau et le Centre, a expliqué la délégation. Si l'enfant a moins de 15 ans, la plainte doit en revanche être présentée par un tuteur. La délégation a fait état d'un projet de loi visant à accorder au parquet le droit de déposer plainte au nom de l'enfant en cas de violations telles que celles ayant trait à la pension alimentaire.
La législation jordanienne ne prévoit pas la déchéance de la nationalité, a indiqué la délégation. Aucun cas de déchéance de la nationalité jordanienne d'une famille palestinienne n'a été enregistré durant la période couverte par le présent rapport, a-t-elle assuré.
Évoquant le rôle des entreprises privées dans l'application des droits de l'enfant, la délégation a fait état d'un programme de mise en place de crèches dans les entreprises où des femmes travaillent.
Pour ce qui est de la violence contre les enfants, la lutte contre ce problème relève à la fois de la Stratégie nationale de prévention et de protection à l'égard de la violence domestique et du Cadre stratégique de protection contre la violence, a indiqué la délégation.
En vertu de la loi, il est interdit de soumettre l'enfant à un châtiment corporel à l'école, a fait valoir la délégation. Par ailleurs, l'article du code pénal permettant aux parents – mais seulement à eux, c'est-à-dire au père et à la mère – de corriger leurs enfants a été amendé en 2011 afin d'y associer certaines restrictions. En fait, on peut considérer que cet article est de facto suspendu car on peut désormais estimer que tout châtiment est susceptible de constituer un dommage pour l'enfant, a précisé la délégation.
En réponse à la question d'une experte, la délégation a assuré que la législation interdit l'hystérectomie sur des filles handicapées. Elle a ajouté que, dans le cas de personnes n'ayant pas la capacité d'exprimer leur consentement, ce sont souvent les membres de la famille qui demandent que soit pratiquée cette opération, mais le code pénal en vigueur prévoit que seule la personne directement concernée par l'ablation peut donner son consentement.
Les chiffres du sida en Jordanie sont les plus faibles du monde arabe. Le pays s'est doté d'une stratégie de lutte contre le VIH/sida qui comporte plusieurs volets axés, entre autres, sur la réintégration des personnes atteintes et sur la protection des personnes qui ne sont pas atteintes, ces dernières étant sensibilisées aux moyens de transmission de la maladie.
La crise des réfugiés syriens a commencé dès le début de la crise syrienne – ou guerre civile syrienne – il y a trois ans, en mars 2011, a indiqué la délégation. Au total, la Jordanie compte désormais quelque 650 000 réfugiés syriens, qu'il faut ajouter aux quelque 700 000 Syriens qui vivaient déjà en Jordanie auparavant, de sorte que le nombre de Syriens en Jordanie s'établit aujourd'hui à environ 1,3 million, pour une population jordanienne entre six et sept millions. Cet afflux de réfugiés syriens a entraîné des difficultés économiques pour la Jordanie, qui se doit de les accueillir convenablement et de leur offrir les services adéquats. Si une aide internationale a pu être apportée à la Jordanie dans ce contexte, elle reste en-deçà des promesses qui avaient été faites en la matière, a souligné la délégation. Quoi qu'il en soit, la Jordanie considère essentiel de maintenir ses portes ouvertes pour accueillir ces réfugiés syriens qui désertent les territoires syriens, tout simplement pour sauver leur vie. Plus de la moitié (52%) des réfugiés syriens en Jordanie sont des enfants et ces enfants ont pu intégrer les écoles jordaniennes; les écoles ont été contraintes d'adopter un emploi du temps divisé en deux parties, le matin pour faire l'école aux enfants réfugiés syriens (gratuitement) et l'après-midi pour les enfants jordaniens. Cet afflux de réfugiés a en outre exercé une forte pression sur la demande en eau alors que la Jordanie est un pays où cette ressource est rare, a ajouté la délégation.
Le crime d'exploitation économique des enfants est couvert par diverses dispositions de la loi jordanienne, y compris la loi contre la traite de personnes, a fait valoir la délégation. La loi sur le travail a relevé de 16 à 17 ans l'âge d'admission à l'emploi; les enfants âgés de moins de 18 ans ne peuvent être employés dans des travaux dangereux, a-t-elle précisé.
L'âge de la responsabilité pénale est actuellement fixé à sept ans, a reconnu la délégation, mais un projet de loi est à l'examen qui vise à le porter à 12 ans.
Répondant à des demandes de renseignements complémentaires, la délégation a expliqué e maintien des réserves émises par le Royaume hachémite à l'égard de certaines dispositions de la Convention est en cohérence avec la croyance, la tradition et la religion de la Jordanie, qui est un pays musulman. Les relations relatives au statut personnel sont régies par la charia et suspendre les réserves émises par le pays pourrait dans ce contexte priver l'enfant de certaines relations qui lui sont garanties, a-t-elle expliqué. Un membre du Comité ayant fait observer que le Maroc a retiré des réserves similaires qu'il avait émises, tout comme l'Égypte a retiré ses réserves aux articles 20 et 21 de la Convention, la délégation a assuré que ces observations de l'expert seraient transmises aux autorités jordaniennes; elle a promis non pas de retirer ces réserves mais tout au moins de les réexaminer.
En matière de justice juvénile, la délégation a rappelé que le projet de loi sur la justice pour mineurs entend relever l'âge de la responsabilité pénale. Ce projet de loi prévoit également la mise en place d'une justice spécialisée pour mineurs, dotée d'organes judiciaires spécifiquement chargés de la justice juvénile. Les peines de substitution à la privation de liberté figurent également en bonne place dans ce projet de loi, a ajouté la délégation, assurant que ce projet énonce un certain nombre de règles permettant de respecter l'intérêt supérieur de l'enfant.
Interpellée sur des cas de déchéance de la nationalité jordanienne, la délégation a assuré que la Jordanie ne procédait à aucun retrait de nationalité; en revanche, il arrive que des personnes travaillant pour l'Autorité palestinienne voient leur situation révisée lorsqu'elles rejoignent les organes civils ou militaires de ladite Autorité, de manière à éviter la double nationalité. En Jordanie, la nationalité se transmet par le père et non par la mère, a d'autre part souligné la délégation. Néanmoins, un enfant né de mère jordanienne et de père apatride ou de nationalité inconnue se voit automatiquement accorder la nationalité jordanienne.
Examen du rapport de la Jordanie sur la question de l'implication d'enfants dans les conflits armés
Questions et observations des membres du Comité
MME RENATE WINTER, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport présenté par la Jordanie au titre du Protocole facultatif sur l'implication d'enfants dans les conflits armés, a pris acte des efforts considérables accomplis par la Jordanie aux fins de l'application des dispositions de la Convention et du Protocole. Elle a toutefois relevé que les réponses fournies aux questions écrites du Comité restent insuffisantes. Il convient de dûment former toutes les catégories de personnel, y compris les psychologues, car le Comité se préoccupe aussi des enfants qui proviennent d'autres pays et ont été confrontés à des conflits armés, a souligné Mme Winter. Quelles mesures ont-elles été mises en place pour chercher à savoir si des enfants entrant en Jordanie ont été recrutés dans des forces armées à l'étranger, a-t-elle en outre demandé?
Un autre membre du Comité s'est enquis des responsabilités propres aux différents ministères, et a notamment voulu savoir lequel est chargé de veiller à l'application du Protocole. Il a souhaité savoir si l'ensemble des personnels concernés, y compris ceux de l'armée et de la police, avaient connaissance de ses dispositions. Relevant par ailleurs que le recrutement d'agents de sécurité publique est autorisé dès l'âge de 17 ans, l'expert a souhaité savoir si les autorités jordaniennes envisageaient de modifier les dispositions de la loi à cet égard. La Jordanie dispose-t-elle d'écoles militaires dans lesquelles des enfants seraient par exemple formés au maniement des armes, a-t-il en outre demandé?
Il semble qu'une loi permette de recruter les enfants de 15 ans dans les forces armées, alors qu'une autre parle d'un âge minimum de 17 ans et une troisième de 18 ans, s'est étonnée une experte. Comment se fait-il que le recrutement d'enfant de moins de 15 ans dans les forces armées ne soit pas considéré comme crime de guerre dans la législation jordanienne, a demandé cette experte?
Réponses de la délégation
La délégation a réitéré l'importance que la Jordanie accorde à la question de l'implication d'enfants dans les conflits armés. La Jordanie est totalement dépourvue d'un système de mobilisation ou de recrutement d'enfants dans les forces armées, que ce soit de manière formelle ou informelle, a-t-elle assuré; ce n'est qu'à compter de 18 ans que les Jordaniens effectuent leur service militaire. Outre la loi sur le service militaire, le pays a adopté une loi régissant le fonctionnement de la police et des organes de sécurité générale, ainsi qu'une autre loi régissant la gendarmerie et une loi régissant les activités de défense civile, a précisé la délégation.
La vérification de l'âge se fait sur la base de trois documents: le certificat de naissance original délivré par les services de l'état civil; le livret de famille; et une carte nationale en tant que preuve fiable de l'identité. En cas de perte de documents, la personne sera présentée devant un médecin aux fins de la détermination de son âge, a précisé la délégation.
L'article 141 du code pénal sanctionne la mobilisation d'enfants dans les forces armées d'une peine de cinq ans d'emprisonnement, a par ailleurs indiqué la délégation.
Les hauts gradés de Jordanie suivent des cours de formation aux dispositions de la Convention et de son Protocole, a ajouté la délégation.
Certains experts ayant fait part d'informations selon lesquelles seraient recrutés des enfants dans des camps se trouvant sur le territoire jordanien, la délégation a assuré que toute activité de ce type serait passible de sanctions en vertu de la loi jordanienne.
L'extradition est une question qui est régie par la loi et par des conventions bilatérales et c'est au cas par cas que les demandes sont examinées, a souligné la délégation.
Examen du rapport de la Jordanie sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants,
Questions et observations des membres du Comité
M. BERNARD GASTAUD, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Jordanie sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, a salué les efforts déployés par la Jordanie pour soulager les enfants de leurs souffrances et leur faire bénéficier des dispositions du Protocole et de la Convention. Le rapporteur a fait observer que les crimes et délits prévus par le Protocole n'ont pas été incorporés dans le droit national jordanien. La loi jordanienne réprime effectivement la traite de personnes, mais pas la vente au sens du Protocole; de la même manière, la loi réprime la débauche, ce qui n'est pas la prostitution au sens du Protocole, a précisé M. Gastaud. La loi réprime la vente d'organes d'êtres humains, mais pas de vente d'organes touchant spécifiquement les enfants, a-t-il ajouté. Dès lors le contexte est paradoxal, car il est difficile de poser des questions sur des crimes et des délits qui ne figurent pas dans le droit jordanien. Font en outre défaut les observations concernant les poursuites engagées contre les auteurs de tel ou tel crime, a ajouté le rapporteur. Il s'est enquis des mesures prises pour venir en aide aux enfants victimes de la traite ou de pédopornographie. Quels contrôles ont-ils été effectués pour s'assurer du respect de la réglementation relative à la prévention et à l'interdiction du tourisme sexuel. Le Protocole a-t-il déjà servi de base en Jordanie pour procéder à des extraditions, a enfin demandé le rapporteur?
Certaines informations indiquent que des filles réfugiées syriennes sont forcées à la prostitution, s'est inquiétée une experte.
Réponses de la délégation
La délégation a répondu aux préoccupations concernant des crimes relevant du Protocole qui ne figurent pas dans la législation jordanienne en rappelant que la Jordanie a promulgué dès 1927 une loi sur la lutte contre l'esclavage – phénomène que l'on a ensuite appelé la «traite de personnes». D'autres textes couvrent des situations d'exploitation de femmes, d'enfants ou autres personnes vulnérables, a poursuivi la délégation. La loi sur les passeports interdit formellement de retirer à une personne son passeport, a-t-elle précisé. En outre, la législation en vigueur interdit spécifiquement la vente d'organes humains, a-t-elle ajouté. La Jordanie est partie à la Convention de Palerme contre la criminalité transnationale organisée et s'est dotée en 2009 d'une loi qui incrimine toute forme de traite de personnes, a d'autre part fait valoir la délégation.
La définition de l'exploitation sexuelle retenue dans la législation jordanienne est assez large pour couvrir l'exploitation sexuelle des jeunes filles; même de mœurs légères, la jeune fille sera considérée comme une victime dans ce contexte, a souligné la délégation.
Ce sont les faits versés au dossier et non la réputation de la femme qui importent au regard de la justice.
Pour ce qui est de la vente d'enfants, a indiqué la délégation, l'article 3 de la loi jordanienne contre la traite stipule que la traite consiste à attirer des personnes, les transférer, les héberger dans le but de les utiliser, sous la menace ou l'emploi de la force ou sous toute autre forme de coercition ou encore en donnant de l'argent à quiconque exerce une autorité sur ces personnes.
Conclusions
M. KOTRANE, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Jordanie au titre de la Convention, s'est félicité du niveau du dialogue et des renseignements fournis par la délégation, lesquels permettent aux experts de disposer d'un tableau plus général de la situation des droits de l'enfant en Jordanie. Cependant, le Comité reste préoccupé par un certain nombre de questions, qui figureront dans ses observations finales à l'issue de la session. Il faut espérer que seront bientôt promulguées la loi sur les mineurs et la loi sur la protection contre la violence domestique qui, à ce stade, restent à l'état de projets, a ajouté M. Kotrane. Rappelant que d'autres pays de la région ont levé leurs réserves à l'égard de la Convention, il a exprimé l'espoir que la Jordanie puisse à l'avenir constituer un exemple pour les autres pays. M. Kotrane a ajouté que des interrogations demeurent s'agissant des crimes d'honneur ou encore des questions de santé qui, bien que des progrès aient été enregistrés dans ce domaine, soulèvent encore des préoccupations, en particulier dans les zones reculées.
S'agissant du Protocole facultatif sur l'implication d'enfants dans les conflits armés, la rapporteuse chargée de la question, MME WINTER, a souligné que le rapport initial est toujours le plus difficile à réaliser et a invité la Jordanie à présenter, la prochaine fois, un rapport plus exhaustif. Elle s'est dite persuadée que le pays serait en mesure d'harmoniser l'âge de recrutement des enfants. Tout en se disant consciente des difficultés auxquelles la Jordanie est confrontée face à l'afflux de réfugiés, elle s'est inquiétée de la persistance de différences de traitement entre les réfugiés syriens et palestiniens, que ce soit pour des raisons sanitaires ou politiques, et a dit attendre avec confiance des autorités jordaniennes qu'elles s'attachent à gommer ces différences.
En ce qui concerne le Protocole facultatif sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, le rapporteur M. GASTAUD, a souligné qu'en dépit des réponses apportées par la délégation, des préoccupations importantes subsistent qui formeront les recommandations dans les observations finales du Comité.
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