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Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale examine le rapport du Japon

Arrière

21 août 2014

21 août 2014

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné hier après-midi et ce matin le rapport présenté par le Japon sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Le rapport du Japon a été présenté par M. Akira Kono, ambassadeur chargé des Nations Unies au Ministère des affaires étrangères, qui a attiré l'attention, parmi les initiatives gouvernementales récentes, sur l'élaboration d'une politique globale en faveur du respect des droits de l'homme du peuple aïnou. Dans ce cadre, les autorités font actuellement porter leur effort sur la définition d'un «Espace symbolique de l'harmonie ethnique» qui sera lancé à l'occasion des Jeux olympiques et paralympiques de 2020. Il a aussi mentionné la législation relative aux réfugiés, qui privilégie le respect de la neutralité et de l'équité des procédures d'octroi du statut de réfugiés. Le Gouvernement japonais met par ailleurs l'accent sur l'éducation aux droits de l'homme. Il s'agit d'en finir avec les préjugés et les attitudes discriminatoires envers les étrangers et de promouvoir la tolérance et le respect envers les cultures, les religions, les modes de vie et les coutumes étrangères. M. Osamu Yamanaka, Directeur de la division des droits de l'homme et des affaires humanitaires au Ministère des affaires étrangères, a ensuite apporté un certain nombre de réponses aux questions écrites adressées au Gouvernement par le Comité, expliquant notamment que le projet de création d'une Commission des droits de l'homme n'avait pas abouti à la suite de la dissolution de la Diète en 2012 mais qu'une réflexion était en cours pour y remédier.

L'importante délégation japonaise était également composée de représentants des ministères des affaires étrangères, de la justice, de l'éducation, de la culture, des sports, des sciences et de la technologie, de la santé, du travail et de l'aide sociale, ainsi que l'Agence de la police nationale. Elle a répondu aux questions des membres du Comité sur la xénophobie et de la violence verbale des milieux d'extrême droite qui semblent bénéficier de la tolérance des autorités quand ce n'est pas de la protection des forces de l'ordre, du refus de reconnaître la spécificité de certaines populations autochtones, de la discrimination envers les étrangers, en particulier le Coréens. Le cas des «femmes de réconfort», esclaves sexuelles de l'armée impériale dans les pays conquis pendant la deuxième guerre mondiale a aussi été soulevé, le Japon rappelant qu'il avait reconnu avoir causé de graves torts aux à plusieurs peuples d'Asie et exprimé son repentir en versant des dédommagements. La délégation a par ailleurs assuré que la police était neutre et avait pour unique souci d'assurer l'ordre public. Elle a par ailleurs a indiqué que les écoles coréennes n'étaient l'objet d'aucune discrimination dans la mesure où elles respectaient les critères fixés en matière éducative. Enfin, elle a mis en avant sa politique de promotion des cultures autochtones, des Aïnous en premier lieu, ainsi que des habitants des Ryukyus.

Pour sa part, le rapporteur du Comité chargé du rapport du Japon, M. Anwar Kemal, a constaté que la Constitution démocratique du Japon comptait un large éventail de dispositions en faveur de la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il a relevé que des mesures avaient été prises pour régler les problèmes rencontrés par le peuple aïnou. Le Japon a aussi offert des formations à ses fonctionnaires pour les sensibiliser aux questions relatives aux minorités. Le Comité demeure convaincu, contrairement à la délégation, que l'adoption d'une loi contre la discrimination est indispensable. Le rapporteur a estimé que le Gouvernement devait prendre la question des discours haineux à bras-le-corps. Il s'est par ailleurs félicité des efforts du Japon en matière d'éducation aux droits de l'homme, soulignant que la lutte contre les préjugés racistes était une tâche de longue haleine.

Les observations finales du Comité sur tous les rapports examinés au cours de la session seront rendues publiques à la clôture des travaux, le vendredi 29 août prochain.

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de l'Estonie (CERD/C/EST/10-11), qui est le dernier pays au programme de la présente session.

Présentation du rapport

Présentant le rapport périodique du Japon (CERD/C/JPN/7-9), M. AKIRA KONO, ambassadeur chargé des Nations Unies au Ministère des affaires étrangères, a indiqué que son pays était engagé activement dans les efforts visant à protéger et à promouvoir les droits de l'homme dans un esprit de dialogue et de coopération. Il a précisé que plusieurs ministères et agences gouvernementales avaient été impliqués dans l'élaboration du rapport. Le Gouvernement a recueilli l'avis de la société civile par le canal du site Internet du Ministère des affaires étrangères, en concertation avec la société civile et ses organisations non gouvernementales.

Parmi les initiatives gouvernementales qu'il a mises en avant, M. Kono a souligné l'élaboration d'une politique globale en faveur du respect des droits de l'homme du peuple aïnou. Dans ce cadre, les autorités font actuellement porter leur effort sur la définition d'un Espace symbolique de l'harmonie ethnique qui sera lancé à l'occasion des Jeux olympiques et paralympiques de 2020. Il s'agit de symboliser la formation d'une société respectant l'harmonie, la diversité et la richesse des cultures et groupes ethniques, tout en respectant la dignité du peuple autochtone aïnou.

Le représentant japonais a également attiré l'attention sur la législation relative aux réfugiés ayant pris effet en 1982. Il s'agit ici de privilégier le respect de la neutralité et de l'équité des procédures de reconnaissance du statut de réfugiés. Le nombre de fonctionnaires chargés d'examiner les demandes est passé de 19 à 80 afin d'accélérer les formalités. Des notices d'information en 14 langues ont en outre été publiées. Le représentant a cité l'effort accompli en faveur de ressortissants du Myanmar réfugiés en Thaïlande et en Malaisie, 63 d'entre eux ayant pu obtenir un titre de séjour au Japon à ce jour.

Le Gouvernement japonais met par ailleurs l'accent sur l'éducation aux droits de l'homme dans le cadre d'un plan spécifique sous les auspices du Ministère de la justice. Il s'agit d'en finir avec les préjugés et les attitudes discriminatoires envers les étrangers et de promouvoir la tolérance et le respect envers les cultures, les religions, les modes de vie et les coutumes étrangères.

En conclusion, M. Kono a rappelé que Tokyo accueillerait en 2020 les Jeux olympiques et paralympiques. Ce sera une occasion de réjouissance pour le Japon tout entier, depuis Hokkaïdo où vit le peuple aïnou jusqu'à Okinawa. La Charte olympique considère toute discrimination comme incompatible avec les valeurs du sport, a-t-il rappelé. Le Japon a l'intention de continuer à œuvrer de manière infatigable pour améliorer sa performance en matière de droits de l'homme, sans permettre aucune forme de discrimination, y compris la discrimination raciale ou ethnique.

M. OSAMU YAMANAKA, Directeur de la division des droits de l'homme et des affaires humanitaires au Ministère des affaires étrangères, a ensuite apporté un certain nombre de réponses aux questions qui lui ont été adressées par écrit par le Comité (CERD/C/JPN/Q/7-9). Il a notamment attiré l'attention sur l'article 14 de la Constitution, qui établit l'égalité de tous devant la loi et pénalise certains types d'actes racistes ou discriminatoires. Le projet de création d'une Commission des droits de l'homme n'a pas abouti à la suite de la dissolution de la Diète en 2012 et une réflexion est en cours pour y remédier, a-t-il indiqué. Par ailleurs, les organes chargés des droits de l'homme auprès du Ministère de la justice ont mis sur pieds des bureaux d'information à l'intention des étrangers s'estimant discriminés. Le cas échéant, ceux-ci peuvent ouvrir des enquêtes sur les cas qui leur sont soumis.

M. Yamanaka a évoqué la formation des fonctionnaires – enseignants, magistrats, notamment - dans le domaine des droits de l'homme. Pour ce qui a trait aux médias, ceux-ci sont censés mettre sur pied un organe consultatif chargé de contrôler le caractère approprié des émissions en matière de morale publique.

S'agissant de la situation des Burakumin (ex-parias), le Japon considère que la Convention ne concerne pas la discrimination sur la base de l'origine sociale. Néanmoins, en ce qui concerne l'accès au marché du travail, le Gouvernement incite les employeurs à éliminer toute discrimination préalable, afin de faire en sorte que recrutement et sélection respectent l'égalité de traitement. Il en va de même pour le droit au logement dont les règles prévoient des procédures équitables dans le choix des locataires. Les instances chargées des droits de l'homme du Ministère de la justice mènent régulièrement des actions de sensibilisation visant à en finir avec les préjugés et la discrimination en relation avec la «question dowa» (Burakumin).

S'agissant de la question du statut ethnique de la population de l'archipel des Ryukyus-Okinawa, le Gouvernement considère qu'il n'existe pas d'autre population autochtone que le peuple aïnou au Japon. Il considère aussi que les personnes vivant ou nées dans la préfecture d'Okinawa ne sont pas l'objet de discrimination raciale, au sens de la Convention. Ils sont égaux aux autres Japonais. Depuis la rétrocession d'Okinawa au Japon en 1972, des mesures économiques et sociales ont d'ailleurs été prises pour le développement de l'archipel des Ryukyus.

Par ailleurs, plusieurs mesures ont été prises en faveur du peuple aïnou, aussi bien dans les domaines économique que culturel, avec notamment la promotion de sa langue. Le grand public a été sensibilisé à l'existence de ce peuple et à la valeur qu'il représente pour le pays. S'agissant des étrangers, le département des droits de l'homme du Ministère de la justice a été à l'origine de campagnes d'information en faveur du respect de leurs droits. La discrimination à l'emploi et au logement sont passibles de poursuites.

En matière d'éducation, en mai 2013, le Japon comptait 129 écoles pour élèves étrangers, dont 71 nord-coréennes, une sud-coréenne et cinq chinoises. Pour bénéficier des aides aux droits de scolarité, les établissements doivent proposer des programmes équivalents à ceux des autres établissements. Dans l'hôtellerie, le refus d'héberger une personne en raison de son origine n'est pas autorisé. L'État promeut au contraire une politique touristique visant à bien accueillir les hôtes étrangers dans le cadre d'une charte à laquelle les établissements hôteliers sont invités à adhérer.

Un plan d'action contre le trafic d'êtres humains a été lancé en 2009, a également fait valoir M. Yamanaka. S'agissant des demandeurs d'asile, ceux-ci peuvent demeurer dans le pays même s'ils ne disposent pas d'un titre de séjour en règle dans l'attente que les autorités se soient prononcées sur leur cas.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. ANWAR KEMAL, Rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Japon, a noté que le Japon jouissait des nombreux attributs d'un grand pays, doté d'une culture ancienne et raffinée, et qui n'a pas hésité à partager sa richesse et son savoir-faire technique avec les pays en développement. Il a constaté que depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, le Japon avait adopté une Constitution démocratique comptant un large éventail de dispositions en faveur de la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales. S'agissant du rapport, il a toutefois regretté que le Japon fasse de fréquentes références à ses rapports précédents sans plus de précisions. Il serait donc souhaitable que, dans l'avenir, il fournisse une brève indication de la substance des références auxquelles il renvoie.

M. Kemal a constaté que le Japon avait progressé dans de nombreux domaines. Il a ainsi consulté les membres de la société civile même si c'est de manière très limitée. Mieux, il a pris un certain nombre de mesures pour régler les problèmes rencontrés par le peuple aïnou. Il a aussi pris des mesures pour relever le niveau de vie des habitants des Ryukyus. Enfin, il a offert des formations à ses fonctionnaires pour les sensibiliser aux questions des minorités.

Si le sort des Burakumin s'est amélioré depuis trois décennies, cela grâce à des mesures spéciales, le fossé en matière de niveau de vie et d'éducation avec la majorité de la population demeure toutefois profond, la discrimination sociale demeurant un problème, si l'on en croit les organisations non gouvernementales.

Bien que le Japon ne considère pas indispensable l'adoption d'une loi contre la discrimination, le Comité demeure d'un avis contraire, dans la logique de la recommandation qu'il a faite par le passé à ce sujet. Le Comité avait appelé le Japon à se doter d'une loi de protection des droits de l'homme et d'établir un mécanisme de plaintes, en accord avec les Principes de Paris.

Le rapporteur s'est dit heureux que le Japon confirme son engagement à créer une institution nationale des droits de l'homme. Malheureusement, les progrès en ce sens demeurent extraordinairement lents, a-t-il constaté. Face aux à la poursuite de discours racistes et discriminatoires contre certains groupes – Coréens et Burakumin en particulier – il s'est dit confiant du fait que la délégation connaisse l'observation générale du Comité concernant les discours haineux, observation qui souligne que la liberté de parole n'est pas absolue et ne permet pas de diffamer des groupes vulnérables. Le Gouvernement doit donc prendre la question des discours haineux à bras-le-corps, particulièrement lorsque ceux-ci émanent d'agents de la fonction publique, aucune sanction n'étant apparemment prise à leur encontre.

M. Kemal a noté que le rapport était muet sur les citoyens naturalisés japonais, incités à japoniser leur nom pour ne pas être en butte à des discriminations. Il a aussi estimé nécessaire d'adopter une définition claire et unique des Burakumin afin de pouvoir prendre des mesures spécifiques pour les aider à sortir de leur marginalité.

Si le Japon a fait des efforts pour faciliter l'éducation des groupes minoritaires, les enfants aïnous ou d'autres groupes minoritaires ne semblent pas jouir des opportunités sur un pied d'égalité. Le rapporteur a aussi relevé le manque de soutien financier des écoles coréennes.

En ce qui concerne les réfugiés, M. Kemal a souhaité savoir si le Japon avait uniformisé le traitement de leurs cas et en avait terminé avec des différences de traitement en fonction de l'origine du requérant d'asile. Il apparaît par ailleurs que l'accès à certains lieux publics – restaurants, hôtels, bains publics en particulier – soit réservé exclusivement aux Japonais.

Le rapporteur s'est félicité des efforts déployés par le Japon en matière d'éducation aux droits de l'homme, notamment par des campagnes de sensibilisation du public. La lutte contre les préjugés racistes ne peut être épisodique: c'est une tâche de longue haleine qui doit s'accompagner du renforcement des bonnes pratiques éprouvées si l'on entend réussir, a-t-il conclu.

Parmi les autres membres du Comité, un expert a rappelé que le Comité avait adopté une observation générale dans laquelle il souligne que les États émettant des réserves à la Convention devaient en donner les raisons. À cet égard, il serait important de savoir pourquoi le Japon maintient sa réserve s'agissant des dispositions de l'article 4 de la Convention, qui condamne la propagande et les organisations qui prétendent justifier ou encourager toute forme de haine et de discrimination raciales, et quelles sont les limites applicables en matière de liberté d'expression. L'expert a mentionné des cas de discours extrêmement virulents, de véritables appels au meurtre dans certains cas, qui visent la communauté coréenne.

Un expert s'est félicité du fait que le rapport ait été présenté dans les temps, ce qui est très important pour le Comité. Tout en constatant que le rapporteur avait pratiquement fait le tour de la question, il a souhaité savoir ce qu'il en était de la protection des langues autochtones, et pas uniquement celles des Aïnous à Hokkaïdo. Il s'est par ailleurs inquiété de la suppression de l'exonération des droits de scolarité pour les enfants des écoles privées coréennes. Revenant par la suite sur la privation de subventions pour des écoles étrangères, coréennes en particulier, un expert s'est interrogé sur les critères appliqués par les autorités dans une telle prise de décision.

S'agissant des Brésiliens d'origine japonaise qui sont revenus au Japon, le même expert a dit qu'il semblait qu'ils soient mal vus dans l'archipel. Un expert a relevé que les quelque 230 000 Brésiliens installés au Japon semblaient avoir des difficultés à obtenir la nationalité japonaise, particulièrement dans le cas des couples mixtes.

Un autre membre du Comité a relevé que le rapport ne fournissait pas de statistiques ventilées au sujet du peuple aïnou. Il a constaté par ailleurs la sous-représentation féminine dans les instances électives. Il s'est enfin enquis de la présence de personnes d'ascendance africaine dans l'archipel, rappelant qu'une Décennie en leur honneur était en préparation aux Nations Unies.

Un expert, qui a constaté lui aussi que les nombreux renvois du rapport japonais aux rapports précédents n'étaient pas d'un grand secours, a demandé ce que la délégation entendait par la «race», rappelant que les êtres humains appartenaient tous à la même «race». Une nouvelle loi interdisant la discrimination raciale apparaît nécessaire, si l'on considère l'importance de la communauté étrangère au Japon, qui induit une discrimination raciale potentielle. En outre, certaines manifestations, certains propos relevant de l'appel à la violence, voire au meurtre mais considérés comme relevant de la liberté d'expression, s'avèrent problématiques. Le même expert a évoqué la sauvegarde des langues, se demandant pour quelle raison le Japon se refusait à admettre la nécessité de protéger celle parlée dans les îles Ryûkyû, dont la valeur est reconnue par l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture. Il a aussi abordé la discrimination envers les migrants, en particulier les femmes migrantes. Enfin, il n'a jugé guère convaincant les informations fournies par le Japon au sujet de la création d'une institution nationale des droits de l'homme. Une telle institution peut constituer une aide pour l'État à régler les problèmes existants, d'autant qu'il semble qu'un climat de xénophobie prévale au Japon.

Un autre expert s'est inquiété des discours propagés dans certains milieux d'extrême droite au Japon qui affirme la supériorité japonaise et dont les propos qui ne sont pas sanctionnés par les autorités. Ces milieux font preuve d'une audace grandissante, organisant des manifestations racistes et xénophobes, bénéficiant même parfois de la protection de la police, des manifestations au cours desquelles est brandi l'étendard du Japon militariste de la Seconde guerre mondiale. Des propos inqualifiables, des appels à l'extermination de certains étrangers sont proférés. Le même expert a aussi relevé que des personnes avaient préféré japoniser leur nom par peur de l'exclusion. Il est clair qu'un problème grave de racisme se pose et que se pose un manquement non moins grave du Japon dans la mise en œuvre de la Convention. Des mesures positives doivent être prises pour en finir avec la discrimination, l'adoption d'une loi spécifique apparaissant nécessaire.

Si le peuple japonais a de grandes qualités, l'ouverture sur le monde extérieur n'est pas celle qui domine, a noté un autre expert. Il a souhaité savoir combien d'étrangers étaient installés au Japon, pour quelle raison les écoles coréennes n'étaient plus subventionnées et comment se justifiait une telle différence de traitement.

Un autre membre du Comité a jugé incompréhensible l'incapacité persistante du Japon à créer une institution nationale des droits de l'homme digne de ce nom et conforme aux Principes de Paris.

Nos préoccupations sont récurrentes, a dit une experte, constatant que les recommandations du Comité n'étaient pas suivies d'effets. Une loi créant une institution de défense des droits de l'homme devrait être élaborée en concertation avec la société civile, a-t-elle ajouté. Elle a dit avoir le sentiment par ailleurs que peu de choses avaient été faites pour retracer les citoyens japonais enlevés en Corée du Nord. Elle a aussi voulu savoir quelles mesures sont prises en faveur des femmes dites «de réconfort», réduites en esclavage sexuel par l'armée japonaise pendant la guerre. Elles disparaissent peu à peu sans avoir pu obtenir réparation la plupart du temps.

Un autre expert a souligné l'importance pour les États parties à la Convention de lever les réserves qu'ils ont émises s'agissant de certaines de ses dispositions afin de démontrer leur déterminations à faire des efforts en matière de lutte contre la discrimination raciale. C'est le meilleur moyen, selon lui, d'alléger nombre de situations problématiques relevées par les autres membres du Comité.

Une experte a souhaité des éclaircissements sur la notion de «japonéïté», sur ce fort désir d'unité nationale dans la population qui produit l'exclusion et la xénophobie au lieu de générer l'inclusion. Est-il exact que les citoyens d'origine coréenne sont exclus de la fonction publique?

Une autre experte a souhaité savoir en quoi avait consisté la consultation en ligne du «grand public» dans l'élaboration du rapport, souhaitant savoir ce que la délégation entendait précisément par cette notion de grand public. Elle a dit avoir le sentiment par ailleurs que le Japon semblait répugner à avoir des métis japonais, les enfants des couples mixtes n'ayant pas automatiquement la nationalité des deux parents. Elle s'est aussi inquiétée du risque de perte du titre de séjour pour la femme étrangère divorçant d'un Japonais. Elle a suggéré au pays de modifier son code de la nationalité afin que les épouses de citoyens japonais puissent être naturalisées.

Un autre membre du Comité a demandé s'il était exact, comme l'affirment certaines organisations non gouvernementales, que les musulmans sont sous surveillance depuis les attentats du 11 septembre 2001.

Enfin, le Président du Comité a dit avoir le sentiment que les efforts effectués en faveur de l'éducation des Aïnous étaient insuffisants. Leur langue ne devrait-elle pas être enseignée dans les établissements de l'archipel? Il s'est inquiété aussi du fait que ce soit semble-t-il aux victimes de discrimination d'apporter la preuve du préjudice qu'ils estiment subir.

Un expert a souhaité savoir quel était le poids de la communauté chinoise au Japon.

Réponses de la délégation

Répondant aux questions des membres du Comité s'agissant notamment de l'impossibilité pour les étrangers de travailler dans la fonction publique, la délégation a observé qu'il était admis que les fonctionnaires qui sont à même de prendre des décisions d'intérêt public devaient avoir la citoyenneté japonaise. Il n'apparaît pas déraisonnable que les étrangers ne soient pas recrutés dans des services publics où l'appartenance nationale est indispensable. Il existe cependant de nombreux emplois dans la fonction publique où l'on embauche des non-japonais, les laboratoires et institutions de recherche par exemple. D'autres métiers comme celui d'infirmière sont ouverts aux non-ressortissants.

S'agissant des discours haineux, la délégation a précisé que les motifs passibles de poursuites étaient la diffamation, l'insulte, l'outrage et la contrainte. S'agissant du cas soulevé par plusieurs experts au cours duquel la police aurait protégé des manifestants xénophobes faisant face à des contre-manifestants antiracistes, la délégation a répondu que la police était présente pour assurer l'ordre public en général, pas pour protéger des manifestants en particulier. La police ne prend partie en aucun cas. En juin dernier, le premier ministre Shinzo Abe a reconnu toutefois que les discours haineux portaient atteinte à l'image du pays et il a appelé la majorité parlementaire à se saisir de la question. Les victimes de ces discours, et d'autres atteintes aux droits de l'homme, peuvent faire appel au soutien des Centres de soutien juridique, qui disposent de représentations dans tout le pays. Ceux-ci fournissent une aide juridique ou font appel gratuitement à des avocats.

Pour ce qui a trait au cas d'Okinawa, la valeur de la culture locale est reconnue et les droits de la population garantis. Des mesures ont été prises pour combler le fossé économique et social entre l'archipel et le reste du Japon. La délégation a par la suite précisé que, compte tenu de l'étendue de l'archipel japonais du nord au sud, et du grand nombre d'îles concernés, des cultures, voire des cultes ou des langues différentes s'y sont développées. Le Japon reconnaît toute la richesse de la culture okinawaise, rappelant le statut spécial dont bénéficie ce territoire pour sa promotion et son développement.

Un plan d'action a été lancé en 2004 contre la traite des êtres humains qui a eu pour conséquence une décrue du phénomène, le nombre de victimes atteignant entre une vingtaine et une trentaine par an désormais.

S'agissant des femmes de réconfort, le Japon estime que cette question ne relève pas formellement de la Convention contre la discrimination raciale. Toutefois, le Japon reconnaît avoir causé de graves torts à plusieurs peuples d'Asie et il a exprimé son repentir pour cela. Le premier ministre actuel lui-même, ainsi que plusieurs de ses prédécesseurs, ont exprimé leur affliction pour les souffrances indicibles causées à ces femmes. Cette question a été réglée dans le cadre d'accords, notamment entre le Japon et la République de Corée s'agissant d'indemnisations pour la perte de biens en particulier, à la suite de la signature du Traité de paix de San Francisco. Si la question a été réglée d'un point de vue juridique, le Japon reconnaît qu'un problème demeure. Un fonds pour les femmes asiatiques a été créé en 1995. Ce fonds fournit des réparations de deux millions de yen par personne, pour des ressortissantes de la République de Corée, des Philippines et de Taïwan. Un soutien aux personnes âgées, en matière de soins de santé notamment, est fourni. Un grand nombre de programmes au bénéfice des femmes de réconfort ont été créés. Chaque femme concernée a reçu une lettre personnelle d'excuses.

La délégation a reconnu qu'un certain nombre de traités internationaux – conventions 111 et 169 de l'Organisation internationale du travail, Convention sur les droits des travailleurs migrants, sur la réduction des cas d'apatridie, sur le génocide notamment - n'avaient pas été ratifiés par le Japon. Une réflexion doit être menée à leur sujet dans le pays pour étudier leur compatibilité avec la loi japonaise.

S'agissant de l'égalité de tous devant la loi, et de l'interdiction de tout traitement discriminatoire, les plaignants éventuels peuvent porter plainte s'ils estiment être victimes de discrimination en fonction de leur origine, de leur race, de la couleur de leur peau, de leur religion, même si ces motifs ne figurent pas en tant que telles dans la loi. Pour ce qui regarde la double discrimination que peuvent connaître les femmes et les enfants, chaque fois qu'il y a présomption de violation des droits de l'homme, une enquête est ouverte. Des services de renseignement téléphonique existent pour obtenir toute information nécessaire à ce sujet.

Le système de sécurité sociale, le régime de retraite notamment, ne prévoit plus de restrictions d'accès pour les étrangers depuis 1982, a rappelé la délégation.

La délégation a assuré que les restrictions à l'accès de non-Japonais dans les hôtels étaient interdites. Bien au contraire, le Japon entend favoriser l'accueil des étrangers dans le cadre d'une politique de développement du tourisme. Un système de réception des plaintes a été mis en place. Il n'existe pas non plus de restriction à l'accès aux bains publics.

S'agissant des divorces de couples mixtes, les femmes étrangères doivent déposer une demande spéciale si elles souhaitent demeurer au Japon. Si la personne a un enfant légitime d'un conjoint japonais, les autorités évaluent les relations familiales. Le conjoint étranger ayant la garde des enfants se voit confirmer son permis de résidence et peut être naturalisé. Il est inexact de dire que l'on pousse ces personnes à japoniser leur nom.

La délégation a indiqué qu'un débat est en cours afin de déterminer les modalités de la création d'une institution nationale des droits de l'homme. Il existe des instances chargées des droits de l'homme au sein du Ministère de la justice dont le rôle est aussi de recevoir les plaintes. Ceux-ci organisent aussi des campagnes de sensibilisation pour toute question relative à la défense des droits de l'homme. La discrimination à l'emploi donne lieu à des mesures de prévention – par l'information et la sensibilisation des employeurs. Le Gouvernement japonais entend persévérer dans ces initiatives visant à aboutir à une société exempte de discrimination, en rendant concrète l'égalité de tous devant la loi.

Pour ce qui a trait à la situation des réfugiés, il n'existe pas de normes préférentielles en fonction de l'origine des demandeurs d'asile. Le Japon convient que ceux-ci ne sauraient être renvoyés dans les pays où leur vie serait en danger. Lorsqu'un ressortissant étranger soumet une demande d'asile, il est reconnu comme réfugié au sens de la Convention relative au statut des réfugiés s'il remplit les conditions requises. Les personnes qui ne sont pas reconnues comme réfugiées au sens de la Convention peuvent être autorisées, à titre individuel, à rester au Japon et à bénéficier d'une protection si cela s'avère nécessaire au regard de la situation dans leur pays d'origine. Le Gouvernement japonais s'attache à établir rapidement le statut juridique des demandeurs d'asile en fixant à six mois le délai d'examen des demandes de reconnaissance du statut de réfugié. Entre janvier 1982, date de la mise en place du système de détermination du statut de réfugié, et décembre 2011, près de 600 demandeurs d'asile ont obtenu le statut de réfugié au Japon.

En ce qui concerne les aides aux droits de scolarité, un fonds spécial d'appui octroie des subventions sous réserve de respecter un certain nombre de conditions. Par conséquent, toute école coréenne répondant aux exigences légales peut obtenir de telles subventions. Toutefois, des écoles coréennes, en raison de leurs liens avec une organisation liée à l'État nord-coréen, ne répondent pas aux conditions fixées. Ces écoles pourront bénéficier de subventions lorsque les relations diplomatiques auront été rétablies avec la République populaire démocratique de Corée, a précisé la délégation. D'autres écoles coréennes reçoivent des subventions, ce qui montre qu'il n'existe pas de discrimination à leur endroit. Les écoles coréennes ne sont pas confrontées à un traitement différent de celui des autres établissements étrangers. D'une manière générale, lorsque les familles étrangères souhaitent que leurs enfants reçoivent une instruction au Japon, ceux-ci ont accès aux écoles obligatoires publiques qui sont gratuites. Les enfants étrangers dans une école publique japonaise sont considérés comme des élèves japonais, et bénéficient notamment de la gratuité des fournitures scolaires. La délégation a par la suite précisé que, pour ce qui regarde les écoles coréennes, la décision prise au sujet des frais de scolarité n'a rien à voir avec la nationalité des élèves ou avec une quelconque discrimination à leur endroit.

Des efforts sont faits par ailleurs en faveur de la préservation de la langue maternelle. S'agissant des langues en péril répertoriées par l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture, le ministère de la culture a réalisé une étude sur les meilleurs moyens de les préserver. Un certain nombre de financements ont été débloqués pour le cas spécifique de l'archipel des Ryukyus. Pour ce qui concerne les Aïnous, un conseil consultatif pour la promotion des politiques en leur faveur a été mis en place pour la préservation de leur culture. Un rapport datant de 2009 recommande un certain nombre de mesures. Ce conseil, qui compte parmi ses membres plusieurs représentants aïnous, examine les moyens de promouvoir une politique globale et procède au suivi des diverses mesures prises. La délégation a indiqué les étudiants aïnous bénéficiaient de bourses universitaires. La délégation a reconnu la grande responsabilité du pays dans la restauration de la culture aïnoue. La promotion de la langue, la préservation de leurs espaces de vie traditionnelle font partie des priorités du Gouvernement à leur endroit. Aux Nations Unies, le Japon a voté en faveur de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones. Un Espace symbolique pour l'harmonie ethnique sera ouvert à tous en 2020 à Hokkaïdo. Comprenant notamment un musée, il aura le rôle d'un centre pour la préservation de la culture aïnoue.

Quant aux questions concernant les Brésiliens d'origine japonaise, la délégation a indiqué que plus de 181 000 personnes d'origine brésilienne résidaient au Japon, précisant que 28 000 d'entre eux sont entrés au Japon en 2013.

La délégation a reconnu que des musulmans avaient pu être surveillés, tout en notant que cela n'avait pas de lien avec leur religion. Il s'agit simplement d'assurer l'ordre public et la sécurité. Nous recueillons des renseignements de manière appropriée, a ajouté la délégation, qui a souligné qu'elle ne pouvait en dire davantage sur les moyens dont disposent les autorités pour faire face à d'éventuelles menaces à la sécurité publique.

Conclusions

M. KEMAL, rapporteur du Comité pour le rapport du Japon, a souligné que la nature démocratique du pays devrait lui permettre de respecter au mieux la Convention. Ainsi, une loi complète relative à la discrimination serait à même de combler les lacunes dans ce domaine. Le Japon devrait aussi établir sans retard une institution nationale des droits de l'homme conforme aux Principes de Paris. Il devrait aussi accroître ses efforts en faveur de l'intégration des Aïnous, des Burakumin et de la population des Ryukyus. Il a suggéré que le prochain rapport du Japon prenne mieux en compte les questions du Comité. Il a appelé à une meilleure intégration des minorités coréenne, chinoise et musulmane.

M. KONO, du Ministère japonais des affaires étrangères, a souligné que la promotion et la protection des droits de l'homme était un processus très long pour tous les pays. Le Gouvernement japonais a répondu en toute sincérité aux questions posées. Le Japon n'entend tolérer aucune forme de discrimination sur base raciale ou ethnique, a-t-il assuré. Il entend approfondir sa coopération avec le Comité et la communauté internationale.

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