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Organes conventionnels

Le Comité des droits de l'homme examine le rapport du Bangladesh

Rapport du Bangladesh au Comité des droits de l'homme

06 mars 2017

GENEVE (7 mars 2017) - Le Comité des droits de l'homme a examiné hier après-midi et ce matin le rapport initial du Bangladesh sur les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. 

Présentant ce rapport, M. Anusil Huq, Ministre des affaires juridiques et parlementaires du Bangladesh, a déclaré que son pays, après avoir acquis son indépendance, a dû affronter une série d'évènements, dont l'assassinat brutal en 1975 du Père de la Nation et des coups d'États militaires successifs.  Cependant, la naissance du Bangladesh en tant qu'État souverain a ouvert la voie à la réappropriation de droits fondamentaux, droits qui lui étaient refusés par le colonialisme.  Dès l'indépendance, le Bangladesh n'a eu de cesse de plaider en faveur de la paix internationale, contre la guerre, l'invasion ou l'ingérence dans les affaires intérieures des États, a-t-il poursuivi, expliquant que depuis la restauration de la démocratie, les autorités ont pour objectif le plein respect des engagements internationaux, pris notamment avec l'adhésion au Pacte le 6 septembre 2000.  Cette adhésion a été suivie d'une série de mesures en faveur du renforcement des institutions démocratiques et pour les droits des femmes, des  minorités et des groupes vulnérables entre autres. 

Le Bangladesh s'est engagé dans des réformes aux fins de se doter d'institutions, dont la Commission des droits de l'homme habilitée, notamment, à mener des enquêtes en cas de violation des droits de l'homme, y compris par les agents de l'État.

M. Huq a également prié les membres du Comité de prendre en considération le contexte politique dans lequel se trouvait le pays, une situation créée par le parti Jamaat-e-Islami au lendemain de la 9e élection parlementaire de 2013, qui a obligé le gouvernement à être «plus ferme en ce qui concerne le recours à la force».  Abordant la question liées aux allégations de torture ou de disparition forcée, et même si cette notion n'est pas reconnue par le droit bangladais, le Chef de la délégation a assuré que les autorités sont attentives aux règles en vigueur quant à l'utilisation de la force publiques et luttent contre l'impunité pour les agents de l'État coupables de violation des droits de l'homme.  Et de préciser à cet égard que 2516 fonctionnaires ont été traduits en justice pour avoir commis des violations des droits de l'homme; la priorité du pays étant de mettre fin à l'impunité, conformément aux normes internationales en la matière.

La délégation bangladaise était composée de quinze autres membres, dont le Secrétaire aux affaires juridiques et parlementaires, le Directeur général du Bureau du Premier ministre, des secrétaires aux ministères du travail,  de l'intérieur,  des affaires de Chittagong Hill, le secrétaire de la Commission électorale et le Directeur de la Division des Nations Unies au Ministère des affaires étrangères

La délégation a répondu aux questions qui lui étaient posées, notamment relatives à la conformité de ses législations avec le Pacte; à l'égalité entre les sexes; aux lois d'exception; aux discriminations, en particulier à l'endroit de certaines minorités comme les Rohingyas; aux disparitions forcées, à la peine de mort; aux organisations de la société civile; à la servitude pour dette; ou encore à l'utilisation de la force par les agents de l'État; à la vie politique et à la liberté de religion, entre autres. 

Si les membres du Comité ont reconnu que le Bangladesh a fait quelques progrès en dépit des défis auxquels il reste confronté, notamment en matière de respect de l'état de droit, de laïcité de l'État, de terrorisme ou de représentativité des femmes.  Ils ont ainsi noté que nombre de législations ne sont pas encore compatibles avec le Pacte et que le caractère laïc de l'État, consacré dans la Constitution nationale, n'est pas respecté en pratique.  Par ailleurs, la délégation donne peu d'information statistiques sur des sujets de préoccupation portant notamment sur l'égalité entre les sexes, le nombre d'enquêtes et de condamnations quant aux allégations concernant la torture ou les disparitions forcées, ont déploré les experts.  Les membres du Comité se sont également enquis de la situation des Rohinghyas au Bangladesh, et du projet du Gouvernement de ce pays visant à les installer sur l'île Thengar Char, près de la baie de Bengale.  Les experts ont insisté que cela se fasse avec le consentement de cette minorité. 

En conclusion, le Vice-Président du Comité, M. Ahmad Amin Fathalla, a relevé que la délégation n'a pas été en mesure de répondre à certaines questions.  Il a pris néanmoins pris note, d'une part, qu'elle était disposée à recevoir des plaintes des organisations non gouvernementales, et d'autre part, que le travail des enfants sera banni.  Le Comité attend donc de voir la suite qui sera donnée à ces assurances, a-t-il conclu.

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Bangladesh qu'il rendra publiques à l'issue de la session, le 29 mars prochain.

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de la Serbie

Présentation du rapport du Bangladesh

Le Comité est saisi du rapport périodique du Bangladesh  ainsi que des réponses (en anglais) du pays à la liste des points à traiter que lui a adressée le Comité. 

Présentant le rapport initial soumis en 2015, M. ANUSIL HUQ, Ministre des affaires juridiques et parlementaires et Chef de la délégation du Bangladesh, a indiqué que son pays avait adhéré au Pacte le 6 septembre 2000.  Il  a néanmoins rappelé que le Bangladesh était né en 1971 en tant que nation indépendante, «après une lutte armée héroïque contre le Pakistan».  Cette lutte n'a pas été un acte isolé mais bien le point culminant du combat d'un peuple pour sa terre, contre l'agression, l'impérialisme et l'exploitation.  La naissance du Bangladesh en tant qu'État souverain a ouvert la voie à la réappropriation de droits fondamentaux, droits qui lui étaient refusés par le colonialisme.  Dès l'indépendance, le Bangladesh n'a eu de cesse de plaider en faveur de la paix internationale, contre la guerre, l'invasion ou l'ingérence dans les affaires intérieures des États.  En outre, le Bangladesh a systématiquement dénoncé la prolifération des armes. 

M. Huq a cependant déploré que cette démarche vers une société plus juste et inclusive ait été assombrie, en 1975, par l'assassinat brutal du Père de la Nation, Bangadandhu Sheik Mujibur Rahman, entraînant un recul que nul ne pouvait imaginer.  En effet, le Bangladesh a été emporté par une spirale de coups d'État successifs et de gouvernements militaires qui a entravé la marche vers la démocratie.  Depuis la réinstauration de celle-ci, l'objectif des autorités est le plein respect des engagements internationaux, a assuré le chef de la délégation. 

Le Chef de la délégation a poursuivi que la Constitution est le socle de tous les droits fondamentaux et reflète ceux énoncés dans le Pacte.  Le Bangladesh s'est engagé dans des réformes aux fins de se doter d'institutions, dont la Commission des droits de l'homme habilitée, notamment, à mener des enquêtes en cas de violation des droits de l'homme, y compris par les agents de l'État.  Les femmes ont également profité de ces réformes puisque, désormais, elles peuvent accéder aux hautes fonctions publiques.  Aujourd'hui, la chambre basse du Parlement compte 70 femmes et d'autres sont de hauts fonctionnaires et occupent des postes clés au sein du Gouvernement.  M. Huq a affirmé que le Bangladesh est l'un des premiers pays à avoir réduit le fossé dans l'inégalité de représentation des hommes et des femmes.  Les groupes vulnérables ont également bénéficié de ces réformes.  Ainsi le 15e amendement de la Constitution a permis de reconnaitre les groupes ethniques et tribaux.  Il existe par ailleurs sept institutions chargées de promouvoir les droits culturels et linguistiques de ces groupes, notamment pour l'apprentissage de leurs langues maternelles, a expliqué le Ministre des affaires juridiques et parlementaires.

Le Bangladesh est également un exemple en matière de liberté d'expression et de la presse.  On y compte 1106 publications quotidiennes, 1169 hebdomadaires, 127 bimensuels, 280 mensuels et 28 chaînes de télévision, dont 25 privées et 13 publiques.  L'accès à l'information a été accéléré avec pas moins de 1654 journaux en ligne, ce qui témoigne de la variété des médias libres dans le pays. 

Au sujet des allégations mettant en cause les agents de l'État, M. Huq a prié le Comité de prendre en considération le contexte de telles allégations.  Le Comité doit garder à l'esprit la situation créée par le parti Jamaat-e-Islami au lendemain des neuvièmes élections parlementaires de 2013, avec des attaques et assassinats indiscriminés qui ont mis en danger la sécurité du pays, ce qui a obligé le Gouvernement à faire montre de «plus de fermeté en ce qui concerne le recours à la force». 

Concernant les allégations de torture ou de disparition forcée, et même si cette dernière notion n'est pas reconnue par le droit bangladais, M.Huq a souligné que le Gouvernement a tout mis en œuvre pour que les faits soient sanctionnés.  Les autorités publiques veillent également à ce que tout recours à la force ou usage d'armes à feu par les forces de l'ordre soit conforme aux dispositions légales.  Toutes les allégations mettant en cause des forces de police ou de sécurité ont fait l'objet d'enquêtes et de sanctions appropriées, a ajouté le Ministre.  Ainsi 2516 fonctionnaires ont été traduits en justice pour avoir commis des violations des droits de l'homme, a-t-il précisé, ajoutant que la priorité du pays est de mettre fin à l'impunité, conformément aux normes internationales en la matière.

Autre priorité selon M. Huq, le renforcement du socle démocratique séculaire du pays, où toutes les religions et les croyances peuvent coexister pacifiquement.  Il a jugé déplorable que des activités dans certains quartiers cherchent à mettre cet esprit en danger, notamment par des actes de violence, comme les attaques contre des blogueurs et écrivains en 2015, ou les agressions sporadiques contre des minorités ethniques ou religieuses dans tout le pays.  Pour le Ministre de la justice et des affaires parlementaires, le sort des travailleurs bangladais est également érigé en priorité, et leurs droits sont défendus par la loi sur le travail qui, entre autres, simplifie la création de syndicats.  Actuellement 550 d'entre eux défendent les intérêts des travailleurs. 

Concluant sa présentation, M. Huq a  réitéré l'engagement indéfectible de son pays en faveur des droits de l'homme.  Un engagement qui a vu le Bangladesh être élu à deux reprises membre du Conseil des droits de l'homme; participer à l'Examen périodique universel et présenter ses rapports au comité des droits de l'homme et à celui sur les droits économiques, sociaux et culturels.  

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

Un expert a déclaré qu'en dépit des efforts, le Bangladesh reste confronté à un certain nombre de défis, notamment en matière de respect de l'état de droit, de laïcité de l'État, de terrorisme ou de représentativité des femmes.  Il a d'abord souhaité savoir quelles mesures ont été prises pour garantir la compatibilité de la législation en vigueur et des projets de lois avec le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et s'il existe des moyens de recours.  L'expert a  aussi observé qu'à l'instar de beaucoup de pays du Commonwealth, le Bangladesh applique le principe de l'incorporation, selon laquelle les dispositions des traités internationaux ne sont pas automatiquement transposées ni appliquées dans l'ordre juridique interne, et ne peuvent l'être qu'après l'adoption d'une loi à cet effet.  Or, beaucoup de lois citées par la délégation sont antérieures à l'adhésion du Bangladesh au Pacte, certaines datant même du 19esiècle.  Quelles mesures ont donc été prises pour garantir la compatibilité de ces lois avec le Pacte, a-t-il demandé.  S'agissant des procédures de recours devant la Cour suprême, le même expert a voulu savoir s'il agit de recours directs ou non.  Il s'est enquis de la manière dont les membres de la Commission nationale des droits de l'homme sont nommés. 

Il a aussi noté que les lois d'exception (antiterroristes et sur les technologies de l'information et de la communication) comportent des notions très vagues, comme par exemple «actes préjudiciables» qui peuvent être interprétées de manière abusive par les autorités pour sanctionner, notamment les journalistes et les défenseurs des droits de l'homme. 

A sa suite, une experte a demandé si la loi sur l'égalité des sexes avait déjà été transmise au Parlement et, dans l'affirmative, à quel stade du processus d'examen et d'adoption en est-elle.  L'experte a également observé le caractère discriminatoire à l'égard des femmes de la législation relative au mariage ou à l'héritage, s'agissant en particulier de la possibilité qu'ont les femmes de rompre les liens du mariage ou de recevoir, équitablement, des biens en cas d'héritage. 

Toujours concernant les discriminations, des experts ont posé des questions relatives à la situation des  personnes lesbiennes, gayes, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI), des minorités ethniques et linguistique ou encore des personnes handicapées.  Les experts se sont aussi interrogés sur les  mesures prises ou envisagées pour mettre fin au système des castes, ou se sont enquis de l'âge minimum du mariage pour les filles.  Une experte a remarqué qu'un homme étranger qui épouse une ressortissante du Bangladesh ne peut obtenir la nationalité, alors qu'une étrangère qui se marie avec un citoyen peut l'acquérir.  Elle a voulu avoir des précisions de la délégation sur ce point.  Elle a également voulu connaître le pourcentage de femmes parlementaires, ambassadeurs ou juges. 

Plusieurs experts ont interrogé la délégation quant à l'utilisation de la force par les agents de l'État, d'autant que, selon les informations émanant d'organisations non gouvernementales, de nombreux témoins signalent des actes de violence commis par les forces de sécurité.  Un membre du Comité a requis des statistiques sur le nombre de plaintes enregistrées mettant directement en cause les agents de police ou les forces de l'ordre, les enquêtes qui ont été ouvertes, les sanctions prises et les indemnisations versées aux victimes.  Une autre experte a voulu avoir des chiffres sur le nombre de décès en garde à vue et sur les mesures mises en œuvre pour les prévenir, notamment s'il existait des systèmes d'inspection ou des visites en milieu carcéral.  Par ailleurs, des mesures limitant la détention préventive sont-elles prises par les autorités, a encore demandé l'experte. 

Il semble aussi que les forces de polices et  les pouvoir publics seraient impliqués ou complices dans des cas de traite d'êtres humains.  Quelles mesures le Gouvernement prend-il pour faire cesser cette complicité et lutter contre l'impunité, a demandé un expert.

La situation des blogueurs et journalistes a également été évoquée par une experte, qui a indiqué que nombre d'entre eux sont accusés de blasphème, menacés ou assassinés sans que leur plainte ne soient enregistrées, aucune protection fournie ou enquête menée.

Pour travailler à l'étranger, un grand nombre de ressortissants du Bangladesh doivent payer des honoraires à des agences de recrutement.  Le Gouvernement entend-il prendre des mesures pour mettre fin à cette pratique, a demandé un autre expert. 

Un autre membre du Comité a observé, pour sa part, que le taux d'avortements clandestins est l'un des plus élevés au monde.  Cela est lié au contexte qui fait que 68% des mariages sont forcés ou précoces au Bangladesh, selon un expert, qui a prié la délégation d'expliquer ce que fait le Gouvernement pour lutter contre la pratique des avortements clandestins.

Autre sujet évoqué, la peine de mort qui selon le rapport de l'État partie est limitée à quelques crimes très graves.  Une experte a toutefois noté que cette sentence est pourtant appliquée au Bangladesh pour des crimes qui ne sont pas considérés, ni reconnus comme graves au plan international.  Elle a demandé quelles mesures sont prises pour limiter l'imposition de cette peine aux crimes les plus graves, et combien de condamnations ont été annulées compte tenu de cette absence de gravité.

Dans une seconde salve de questions, une experte s'est réjouie de l'annonce selon laquelle le gouvernement ne compte pas introduire de nouveaux crimes dans la liste de ceux passibles de la peine de mort, même si l'experte reste préoccupée par le large éventail de crimes passibles de cette sentence et par le manque d'informations précises sur les exécutions. 

Un expert a observé que la législation du Bangladesh ne reconnaît pas la disparition forcée, en se demandant s'il s'agit d'une non-reconnaissance de la notion juridique ou du fait de disparition forcée. 

Les membres du Comité ont également déploré le manque d'informations et de statistiques sur diverses questions posées à la délégation, portant notamment sur le nombre de femmes ambassadeurs, les enquêtes concernant les allégations de torture, la base juridique du recours à la force ou encore les poursuites à l'encontre des agents des forces de sécurité auteurs de violations des droits de l'homme.

Le manque d'informations sur le travail des enfants, le travail forcé ou pour servitude et pour dette, en particulier dans les minorités ethniques comme les Dalits, a également été déploré.  Une experte a demandé si l'État partie avait pris des dispositions  pour lutter contre ces phénomènes et si oui, lesquelles, outre l'adhésion aux Conventions pertinentes de l'Organisation internationale du travail (OIT).  Elle s'est également enquise des mesures liées aux droits syndicaux, notamment la création des syndicats, leurs activités et le respect de ces droits au sein des entreprises publiques et privées.   La loi sur la détention provisoire spéciale est-elle utilisée contre les syndicats et les syndicalistes, comme le prétendent des organisations de la société civile, a demandé une autre experte, observant par ailleurs que ladite loi déroge à certaines dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. 

S'agissant des procès de masse, une experte a noté que selon des organisations non gouvernementales, les détenus ne sont pas toujours informés du chef d'accusation et subissent des violences, des tortures ou des extorsions d'aveux.  Elle a demandé ce que le Gouvernement envisage pour faire respecter les normes minimales relatives au droit à un procès équitable contenues dans le Pacte.  Elle a également sollicité des chiffres sur le nombre d'acquittements, de condamnés, de recours engagés après jugements, ou encore sur le nombre de sentences capitales prononcées dans le cadre de ces procès, ainsi que sur le nombre d'appels examinés par la Cour suprême.  La même experte a également voulu avoir des informations sur les tribunaux mobiles.  Où en est le processus de révision de la loi sur ces tribunaux et quels changements majeurs apporteront les amendements prévus, a demandé l'experte. 

Au sujet de l'enregistrement des naissances touchant notamment les musulmans Rohingyas, un membre du Comité a prié la délégation d'expliquer ce qu'elle entendait par «il  n'y a pas d'interdiction dans la loi» dans le rapport du Bangladesh.  Où en est la loi sur la reconnaissance des minorités ethniques et comment, en l'absence d'une reconnaissance de celles-ci et des peuples autochtones, le Gouvernement fait-il la différence entre ces deux catégories de population, a-t-il encore demandé. 

Un autre membre du Comité s'est interrogé quant à lui sur les droits d'installation et de non-refoulement de la minorité rohingya, conformément aux principes énoncés dans le Pacte.  Le Bangladesh a-t-il par ailleurs prévu d'adhérer à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et au Protocole de 1967, a-t-il encore demandé.  Alors que le gouvernement déclare qu'il prévoit d'installer les Rohinghyas  sur une île artificielle créée il y a quelques années, un expert a observé que cette île, difficile à repérer sur une carte, est souvent sujette à des inondations.  Le Gouvernement entend-il l'aménager pour éviter ces inondations et y construire des infrastructures comme des mosquées et des écoles, pour faciliter l'installation de ces personnes, s'est-il enquis.  Un de ses homologues s'est demandé, de son côté, ce que le Gouvernement prévoit si les musulmans Rohingyas refusaient de se rendre dans l'île mentionnée. 

Un autre expert a observé que, bien que Constitution affirmé le caractère laïc de l'État bangladais, les normes religieuses inspirent tout le système juridique du pays, notamment le droit de la famille, le code pénal ou les lois personnelles des communautés musulmanes et hindoues.  Comment peut-on concilier laïcité de l'État et lois religieuses dans la pratique, a-t-il demandé.  Il s'est également interrogé sur les raisons du «retard» dans les enquêtes et procès suite aux assassinats de défenseurs des droits de l'homme, de laïcs ou de libres penseurs, préférant ce terme à «impunité» utilisé par les organisations de la société civile.  Concernant la vie politique, il a observé que le processus électoral de 2014 n'aurait pas été transparent selon les ONG.  Quelles mesures le Gouvernement prend-il pour garantir équité et transparence dans les processus électoraux, y compris l'enregistrement des partis politiques. 

Un de ses homologues a observé que les règlements actuels sont de nature à entraver le fonctionnement des organisations de la société civile.  Le Comité a été informé que des réformes de ces lois sont en cours mais aimerait savoir si les ONG sont consultées dans ce processus. 

Si un enfant de moins de 9 ans commet un crime, quelles sanctions encourt-il, y compris s'il commet un crime passible de la peine de mort, a demandé un membre du Comité.  La délégation ayant indiqué que ces jeunes condamnés sont détenus dans des centres spécialisés, qu'en est-il lorsqu'ils atteignent l'âge adulte.  Sont-ils exécutés?

De son côté, un expert a observé qu'une loi permet de punir les publications pour offense à la nation ou blasphème à l'islaM. Or ces dispositions sont contraires à l'alinéa 3 de l'article 19 du Pacte et à l'Observation no.34 du Comité sur l'exigence de formulation de la norme, qui ne doit être ni vague ni imprécise, en plus de l'exigence de sa compatibilité avec le Pacte.  Alors que le comité est informé par l'institution nationale des droits de l'homme du Bangladesh que le Gouvernement entend réviser  cette loi, où en est le processus de réforme de cette loi, a demandé l'expert, observant aussi que cette institution ne répond pas aux principes de Paris en raison de sa dépendance administrative et financière.  Que compte faire le Gouvernement pour la rendre pleinement indépendante, a-t-il conclu. 

Dans des questions de suivi, un membre du comité a déclaré à la délégation que les informations dont il dispose et qu'il soumet à la délégation sont disponibles sur le site internet du Haut-Commissariat aux droits de l'homme.  Il a aussi relevé que la délégation n'a pas répondu à la question relative à l'incompatibilité de la posture laïque de l'État avec les pratiques favorisant les communautés et les religions. 

Concernant la question de l'identité de genre et de l'orientation sexuelle, un expert a invité le Gouvernement à veiller à faire évoluer la société et à protéger ses citoyens de toute attaque ou discrimination en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. 

Une experte a noté qu'en dépit des dénégations de la délégation, et selon les informations en possession du comité, deux procédures en habeas corpus ont été intentées dans le pays pour des cas de disparition forcée et sont toujours en cours, même si les responsabilités n'ont pas encore été établies. 

Un membre a interrogé la délégation sur le Tribunal pénal international au Bangladesh.  Ce tribunal applique-t-il  les mêmes normes que celles de la Cour pénale internationale du Statut de Rome? Qui décide de la recevabilité des plaintes et comment s'applique le principe de complémentarité ? Toujours en matière de justice, un autre expert a voulu savoir comment les tribunaux jugent-ils des fatwa lancées par des religieux. 

Réponses de la délégation

La délégation a déclaré que son pays n'a reçu aucune plainte sur des cas de torture et donc, aucune enquête n'a été ouverte.  Il n'a pas non plus été saisi de plaintes par voie officielle pour harcèlement et autre intimidation des membres de la société civile de la part des agents de l'État.  Maintenant, si le Comité dispose d'informations à ce propos, il serait utile qu'il les communique au Gouvernement afin que celui-ci diligente des enquêtes.  En revanche, la délégation a reconnu l'adoption d'une loi sur le financement des organisations non gouvernementales (ONG) par des sources étrangères.  Cette législation a été adoptée dans le contexte de la lutte contre le terrorisme et le financement étranger du terrorisme.  Pour autant, cette loi est appliquée avec discernement et les organisations pourront continuer de recevoir de l'aide extérieure de façon transparente.  S'il y a eu application excessive de cette loi, les ONG qui l'ont subie peuvent saisir la justice, a déclaré la délégation.  

Sur 60 ambassadeurs, le Bangladesh compte 5 femmes et 2 consuls généraux.  Environ 25% du corps diplomatique est composé de femmes.  D'autre part, un amendement datant de  2014, préparé avec l'aide de l'Organisation internationale du travail (OIT) et de la Suède, a simplifié la création et le fonctionnement des syndicats, qui sont désormais au nombre de 502 dans le secteur du textile.

La délégation a confirmé que la population carcérale s'élève à 78 000 personnes, dont certaines en détention provisoire.  Il y a des réformes à faire dans ce domaine, a-t-elle admis, et le Gouvernement s'y emploie.  Cependant, des mesures existent d'ores et déjà pour permettre aux détenus de demander une libération sous caution.  Nombre de décisions vont dans ce sens, notamment lorsque la date du procès est éloignée, a-t-elle  ajouté.  Par ailleurs, la détention préventive est strictement encadrée, ne peut s'appliquer que dans des «cas préjudiciables», et ne doit pas dépasser 90 jours après saisine d'un juge.

Quant aux procédures en habeas corpus mentionnées par le Comité, la délégation lui fournira des informations écrites. 

D'un autre côté, la légitime défense est la seule justification de l'utilisation de la force par les forces de police.  En cas de recours excessif à la force, les mécanismes publics sanctionnent le contrevenant et le personnel des forces de police ne jouit d'aucune forme d'immunité. 

Evoquant la question de l'orientation sexuelle et de l'identité de genre, la délégation  a déclaré que celle-ci relève d'une préoccupation de l'étranger et que la priorité du Gouvernement bangladais consiste plutôt à répondre aux préoccupations de sa société.  Et d'ajouter que la société bangladaise n'est pas prête et que, partant, le Gouvernement n'entend rien entreprendre sur ce point.  On ne trouvera aucune autorité religieuse ou religion dans le monde qui accepte cette notion, a tranché la délégation.  Concernant les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI), la délégation a répondu que toute violence à l'encontre d'une personne, quel qu'en soit le motif, est punie par la justice.  Par conséquent, quiconque s'en prend à une autre personne pour ce motif est puni. 

Par ailleurs, en matière d'avortement, le Gouvernement privilégie la santé de la mère, a fait savoir la délégation, sans élaborer plus en avant. 

Selon la loi de 2015, la peine de mort ne peut être prononcée à l'encontre d'un enfant, ce terme englobant le groupe d'âge entre 12 et 18 ans.  Pour les autres, seules des peines maximales de 10 ans sont envisageables, de même que le placement dans des centres de réhabilitation, qui préparent à la réinsertion au sein de la société.  Le Gouvernement s'efforce de rendre ces centres conformes aux normes internationales. 

La délégation a également déclaré que le travail forcé et la servitude pour dette sont interdits au Bangladesh.  Des ressources sont prévues pour combattre ces phénomènes, à tel point que les secteurs du textile ou des produits dangereux ne comptent plus d'enfants.  Des législations, des programme d'aide aux parents ou l'accompagnement de ces enfants, font partie des efforts déployés à cette fin.

Il y a eu, en effet, quelques cas de fatwa et de lapidation, combattus par les autorités en tant qu'actes illégaux.  A cet effet, une circulaire a été transmise à dans tous les centres administratifs et commissariats sur l'ensemble du territoire pour rappeler leur caractère délictuel passible de lourdes sanctions pour quiconque les commettrait.  S'agissant des tribunaux itinérants, la délégation a expliqué que ceux-ci ne peuvent prononcer des peines de plus de deux ans de prison, à condition que l'accusé reconnaisse sa culpabilité.  Du reste, la loi portant création de tels tribunaux est en cours de révision car les autorités se sont rendu compte que ces juridictions privaient en quelque sorte les autres juridictions de leurs compétences. 

Le Bangladesh n'a refusé aucun réfugié et a accueilli plus de 300 000 musulmans Rohingyas, non enregistrés à ce stade.  Le Gouvernement a décidé de réinstaller 33 000 d'entre eux, notamment sur l'île de Thengar Char, située dans les districts sud du pays (près de la Baie de Bengale).  Auparavant, toutes les infrastructures nécessaires seront construites, notamment des routes, des écoles, des hôpitaux et des mosquées, afin de rendre l'île habitable.  Même si le Bangladesh n'est pas partie à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, la communauté internationale devrait néanmoins faire pression sur le Myanmar pour qu'il assume ses responsabilités vis-à-vis les Rohingyas, de sorte à ce qu'ils puissent vivre dans leur pays, et avant que la situation ne devienne incontrôlable avec un afflux massif de réfugiés, a préconisé la délégation dans ce contexte. 

Selon la délégation, Jamaat-e-Islami est impliqué dans des crimes et met en péril la liberté d'expression et d'opinion, ce qui justifie le refus des tribunaux de l'enregistrer en tant que parti politique.  La nature laïque de l'État remontre à sa création, mais avec l'assassinat du Père fondateur et la prise du pouvoir par les militaires, les attributs laïcs du pays ont disparu et permis l'éclosion de partis comme Jamaat-e-Islami.  Avec la nouvelle constitution et ses amendements, le Bangladesh tente, tant bien que mal, de revenir à ce caractère laïc.  Contrairement aux autres pays de la région, le Bangladesh  reste un pays tolérant des autres religions, ouvert et  modéré, a affirmé la délégation. 

Remarques de conclusion

M. ANUSIL HUQ, Ministre des affaires juridiques et parlementaires et Chef de la délégation du Bangladesh, a déclaré que le Comité lui avait fourni l'occasion d'un dialogue fructueux, qui lui a beaucoup appris sur le fonctionnement du Comité et d'apporter, à son tour, des informations sur le Bangladesh. 

M. AHMAD AMIN FATHALLAH, Vice-Président du Comité, a fait remarquer que la délégation n'a pas été en mesure de répondre à certaines questions.  Il a pris note du fait que la délégation était disposée à recevoir des plaintes des organisations non gouvernementales et que le travail des enfants sera banni.  Le Comité attend donc de voir la suite qui sera donnée à ces assurances.  Il a ajouté qu'il était urgent que la délégation réponde, dans les 48 heures, aux questions les plus pressantes, en particulier sur le nombre de mesures d'habeas corpus pour un cas présumé de disparition forcée.

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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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