Déclarations Procédures spéciales
Discours à la Commission de l’Union africaine, Addis Abeba
18 février 2019
Excellence, Monsieur le Président Comité des Représentant Permanents (COREP),
Monsieur le Président du Conseil de Paix et de Sécurité
Excellences Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Distingués invités,
C’est pour moi un honneur et un plaisir d’être présent aujourd’hui parmi vous, en ma qualité de président du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies (CDH).
Ce moment est à la fois historique et symbolique :
- Historique parce que pour la première fois dans l’histoire du CDH un Président de cet organe effectue une mission à Addis Abeba pour s’adresser aux Etats membres de l’Union Africaine (UA) ;
- Symbolique parce que cette visite s’effectue pendant la présidence africaine du Conseil.
Moment ne saurait ainsi être plus opportun pour avoir un dialogue fructueux sur le rôle, la place et la contribution, j’allais dire l’apport de l’Afrique, notre continent, dans la protection et la promotion des droits et libertés dans le monde.
Si j’ai tenu à me déplacer à Addis Abeba tout au début de mon mandat et même avant la 40ème session du Conseil qui débute le 25 février courant, c’est parce que j’estime qu’il est essentiel, et c’est d’ailleurs l’une de mes priorités, de renforcer la coopération entre le Conseil des droits de l’homme et les organisations régionales.
Le rôle fondamental que jouent les organisations régionales pour la promotion et la protection des droits de l’homme a bien été rappelé au paragraphe 37 de la Déclaration de Vienne du 25 juin 1993 qui met l’accent sur l’importance de la coopération entre l’Organisation des Nations Unies et les mécanismes régionaux.
Pour ce qui concerne l’Union africaine, deux Mémorandum d’entente datant de 2010 et 2019 la lient au haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme.
A cela s’ajoute le dialogue de haut niveau Union africaine-Nations unies sur les droits de l’homme, dont la première édition s’est tenue le 24 Avril 2018, ici à Addis Abeba.
Affirmons-le donc avec fierté :
- L’Afrique a une histoire à raconter en matière de promotion et de protection des droits de l’homme ; et
- L’Afrique a une expérience à partager.
J’en veux pour preuve les efforts louables déployés au quotidien par l’UA sur la voie de la promotion et de la protection des droits des peuples africains. Ces efforts s’adossent sur un impressionnant cadre légal et institutionnel qui s’enrichit régulièrement.
Par ailleurs, je voudrais saisir l’opportunité que m’offre ma présence ici pour me féliciter de l’excellente collaboration de la Mission permanente de l’Union africaine et du Groupe africain à Genève avec le Conseil des droits de l’homme et ses mécanismes de promotion et protection des droits et libertés.
Je voudrais, dans la même veine, saluer les initiatives et les actions des pays africains dans le domaine des droits de l’homme et leur collaboration avec les procédures spéciales et les commissions d’enquête du Conseil, notamment en facilitant les visites desdits mécanismes dans leur pays.
Monsieur le Président,
Excellences Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Distingués invités,
En ce qui concerne le Conseil des droits de l’homme, il adopte, tous les deux ans, une résolution sur la coopération avec les organismes régionaux. Ladite résolution demande au haut-commissariat aux droits de l’homme de faciliter l’échange de vues entre les organismes régionaux et les institutions internationales sur les bonnes pratiques et les leçons apprises en vue d’une meilleure coopération.
C’est justement dans cet ordre d’idée que je considère qu’il est essentiel d’instaurer un canal de communication et d’échanges entre le Conseil de paix et de sécurité et le Conseil des droits de l’homme.
Le postulat de base de cette communication est que les principes directeurs d’universalité, d’impartialité, d’objectivité et de non-sélectivité doivent rester au cœur de toute action du Conseil des droit de l’homme.
Il s’y ajoute que je reste persuadé que le CDH doit mettre davantage l’accent sur le dialogue, la coopération, l’assistance technique et le renforcement des capacités.
Ceux-ci doivent primer sur les démarches accusatrices, dont l’issue n’est pas toujours probante, et qui ne sont pas sans susciter des confrontations, des attitudes de repli, voire de défiance vis à vis du Conseil des droits de l’homme.
Dans sa résolution 5/1 du 18 juin 2007, le CDH a mis en place un ensemble de procédures et de mécanismes qui constituent le socle de la mise en œuvre de son mandat.
Ces procédures et mécanismes constituent des sphères idéales pour une collaboration fructueuse qu’il s’agira de pérenniser dans le long terme.
Instauré en 2008, l’Examen périodique universel (EPU) est un processus innovateur et unique qui permet au Conseil de faire un état des lieux de la situation des droits de l’homme dans l’ensemble des Etats membres de l’ONU.
Ces derniers ont, à travers l’EPU, qui est en réalité un mécanisme d’examen par les pairs, l’occasion de partager leurs réalisations et leurs défis en matière de respect des droits de l’homme.
Le troisième cycle d’examen de l’EPU, a débuté le 1er mai 2017 et est axé sur la mise en œuvre et le suivi des recommandations que chaque État membre a librement accepté.
Pour l’heure, 21 Etats africains ont été examinés dans le cadre du 3ème cycle.
Il faut reconnaître qu’une mise en œuvre systématique des recommandations de l’EPU peut avoir un effet préventif, en contribuant à éviter les éléments déclencheurs de conflits violents et d'urgences humanitaires.
C’est la raison pour laquelle une plus grande synergie entre le processus de l’EPU et les mécanismes des droits de l’homme de l’Union Africaine est souhaitable, en particulier avec la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) qui pourrait être une source d’information fiable et objective pendant l’examen des Etats membres de l’Union Africaine.
La contribution de la CADHP pourrait prendre la forme de communication des parties prenantes dont le résumé, effectué par le HCDH, constitue un des trois documents sur lesquels repose l’examen des Etats.
En outre, dans le cadre de l’atteinte des Objectifs de Développement Durables (ODD), l'EPU représente une opportunité idéale, pour le système des Nations Unies et les organisations régionales, de renforcer les activités de suivi au niveau des pays grâce à une meilleure coordination aux niveaux national, régional et international.
C’est le lieu de dire, ici et maintenant, que les droits de l’homme ne sont pas que civils et politiques : les droits économiques, sociaux et culturels sont tout aussi importants.
C’est pourquoi nous devons continuer de faire le plaidoyer au sein du CDH pour une action plus rigoureuse de la communauté internationale en vue de l’atteinte des ODD à date échue.
Sous ce rapport, le Conseil de paix et de sécurité de l’UA doit garder à l’esprit l’ODD 16 pour ce qui concerne l’appui aux Etats en matière d’alerte précoce et de prévention, de rétablissement de la paix, de consolidation de la paix et reconstruction après conflit, ainsi que l’action humanitaire et la gestion des catastrophes.
Par ailleurs, il importe de s’assurer que le Mécanisme de revue par les pairs du NEPAD, dont s’est inspiré l’EPU, continue de renforcer et de compléter les mécanismes africains dédiés aux droits de l’Homme, notamment la Commission africaine des droits de l’Homme et des Peuples.
A côté de l’EPU, les procédures spéciales sont tout aussi importantes et constituent un autre instrument du Conseil, composé essentiellement de rapporteurs spéciaux, d’experts indépendants ou de groupes de travail.
Ces procédures spéciales complètent le rôle du CDH grâce aux visites sur le terrain et aux rapports régulièrement soumis.
Ces rapports, élaborés avec rigueur et sérieux, fournissent des informations, des analyses de la situation y compris des recommandations pertinentes dont la mise en œuvre pourrait grandement contribuer à la prévention de conflits ouverts et donc de violations massives des droits de l’homme.
C’est l’occasion pour moi de souligner le caractère essentiel des Procédures Spéciales qui sont souvent perçues de manière négative.
En réalité ce mécanisme est hautement constructif et assiste les Etats concernés à améliorer la situation de leur droit de l’homme de manière constructive et sereine.
Les recommandations qu’elles fournissent sont un pilier essentiel dans le système des Nations unies et en particulier dans les relations entre le Conseil des droits de l’homme et les Etats.
Il existe déjà des liens forts entre ces procédures spéciales et les mécanismes de la Commission africaine des droits de l’homme qui coopèrent étroitement avec eux à travers la feuille de route d’Addis Abeba, adoptée en 2012.
Il ressort des statistiques que la majorité des Etats membres de l’UA ont adressé des invitations à toutes les procédures spéciales. En 2018 dix-huit (18) détenteurs de mandats (15 thématiques et 03 situation-pays) ont visité dix-sept (17) pays membres de l’UA. Pour 2019, neuf (09) visites sont prévues dont cinq (05) sont déjà confirmées.
C’est le lieu de solliciter l’entremise du Comité des représentants permanents et du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union africaine pour encourager les États membres à davantage collaborer avec les experts indépendants et les mécanismes d’enquête du Conseil.
Monsieur le Président,
Excellences Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Distingués invités ;
Convaincu du rôle pionnier de l’Afrique en matière de promotion et de protection des droits de l’homme, je voudrais inviter l’Union africaine et ses Etats membres à continuer à alerter et à attirer l’attention du Conseil sur les questions thématiques et les “situations pays” qui requièrent l’attention de ce dernier.
Il en est de même des sujets relatifs au renforcement des capacités et à la coopération technique au niveau national, régional et mondial.
Il est tout aussi important de continuer à investir dans les droits économiques, sociaux et culturels en vue d’améliorer, chaque jour davantage, le niveau de vie des populations africaines.
De tels efforts pourraient considérablement contribuer à la réalisation des ODD. Sur ce point, je suis heureux d’annoncer que Madame Amina Mohammed, Vice-Secrétaire Générale, en charge des ODD, va tenir un dialogue avec le CDH, le 7 mars 2019.
Le CDH saisira cette occasion pour mieux identifier les voies et moyens d’assurer une meilleure intégration des droits économiques, sociaux et culturels, y compris le droit au développement dans l’agenda du CDH et des Nations Unies dans leur ensemble.
Il convient, également, d’encourager plus de synergie entre les mécanismes des droits de l’homme de l’Union africaine et ceux du Conseil des droits de l’homme, à travers des liens étroits visant à renforcer leur collaboration.
Cette contribution mutuelle pourrait se matérialiser par des échanges de bons procédés à définir, ainsi que par une visite annuelle du Président du Conseil des droits de l’homme au siège de l’Union africaine, pour discuter des enjeux et des questions d’intérêt commun.
De même, il convient d’encourager la participation des représentants de l’Union africaine et des dignitaires africains au segment de haut niveau de février du CDH sans oublier la mise en place d’un vivier d’experts africains pour participer aux réunions-débats et aux commissions d’enquête du CDH.
Excellences,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Distingués invités,
Je suis d’avis que le travail du Conseil des Droits de l’Homme et l’impact de ses actions sur le terrain doivent être rendus plus visibles et que ses réussites doivent être racontées.
Dans ce cadre, je compte mettre à profit mon mandat pour travailler davantage à une meilleure sensibilisation et à la consolidation de la confiance sur le rôle positif du Conseil dans la promotion et la protection des droits de l’homme.
A cette fin, une plus grande interaction entre le Conseil et les média sera d’un apport inestimable.
Par ailleurs, j’ai l’intention de poursuivre le travail sur le renforcement de l’efficacité et de l’efficience du Conseil, notamment en poursuivant les efforts pour alléger son ordre du jour et assurer une utilisation optimale et plus rationnelle de ses ressources et de son temps de travail.
Sur ce point, des avancées significatives ont été obtenu avec l’adoption de la Déclaration présidentielle du 3 décembre 2018.
J’ai décliné, dans une feuille de route que j’ai déjà communiquée aux Etats-membres, le 05 février courant, la manière dont je compte mettre en œuvre les décisions continues dans la Déclaration susmentionnées et comment les discussions subséquentes durant mon mandat seront conduites tout au long de l’année 2019.
A cet égard, j’ai nommé des facilitateurs pour conduire les consultations et me conseiller sur le processus visant à renforcer l’efficacité du CDH.
Pour ma part, je conduirai personnellement les consultations sur la revue du CDH. Ce processus est certes prévu à partir de 2021, mais j’estime que les discussions doivent démarrer dès maintenant si nous voulons que le processus sur l’avenir du CDH soit riche, transparent et inclusif.
Une autre priorité de mon mandat a trait au renforcement de la coopération et de la coordination entre le Conseil des Droits de l’Homme et les institutions des Nations Unies basées à New York.
Sous cette rubrique, je souhaite pérenniser les visites au siège des Nations Unies où je tiendrai des sessions d’informations et d’échanges régulières avec toutes les parties prenantes à New York, y compris le Conseil de Sécurité, le Département des Opérations de maintien de la Paix et la Commission de consolidation de la paix.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Distingués invités,
La 40ème session du Conseil va débuter le 25 février et se poursuivra jusqu’au 22 mars 2019.
Elle sera un moment fort de réflexion et d’action sur des questions telles que la promotion de l’assistance technique et le renforcement des capacités, la prévention des violations des droits de l’homme et le partage des bonnes pratiques pour remédier aux lacunes et faiblesses.
Parmi les thèmes importants qui seront abordés, figurent la dette extérieure, le droit à la nourriture, les défenseurs des droits de l’homme, la torture, la vie privée, les droits culturels, le terrorisme, l’environnement, le logement adéquat, la liberté de religion, la vente des enfants, la violence contre les enfants, les enfants et les conflits armés, les droits des personnes handicapées, l’albinisme, les sociétés transnationales et l’Agenda 2030, ainsi que les droits des minorités.
A la veille de cette importante session qui verra la participation du Secrétaire Général des Nations Unies, de la Présidente de l’Assemblée Générale et du Président de la Commission de l’UA, je voudrais réaffirmer ma conviction que le CDH offre à la communauté internationale un cadre unique pour assurer la préservation de la dignité humaine et la prévention des crises et conflits.
Le CDH fait un excellent travail et nous ne devons pas avoir honte de nos résultats. Mais il peut faire plus et mieux avec la collaboration et l’appui des organisations telles que l’UA.
Ma conviction est que le CDH doit rester un cadre et un outil qui permette de poursuivre la dynamique de promotion et de protection des droits de l’homme enclenchée depuis 1948, année d’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Ma conviction est que le Conseil des droits de l’homme doit être un outil qui nous permette, au-delà de nos différences, de dialoguer autour de l’essentiel, c’est à dire la recherche d’une compréhension commune des droits et libertés, sans imposition d’une vision unique applicable partout. En effet, bien que les principes des droits de l'homme soient universels, leur mise en œuvre peut différer d'une région à l'autre et d'un pays à l'autre.
Il ne saurait donc y avoir de maîtres des droits de l’homme d’un côté et d’élèves plus ou moins bons de l’autre.
Il s’agit plutôt de poursuivre un idéal commun à atteindre par tous les États. Pour cela, nous devons travailler en synergie et non en solitaire, au nom de la commune identité que nous partageons.
Travailler en synergie signifie que les droits de l’homme ont besoin de cadres de discussion, à l’image du CDH et à l’image du Conseil de paix et de sécurité de l’UA, où les États peuvent échanger et faire des compromis pour trouver un dénominateur commun, nécessaire au respect de la dignité humaine.
Ces cadres de discussion doivent être améliorés et renforcés continuellement à travers la concertation inclusive, basée sur le respect de l’autre et l’écoute mutuelle.
C’est tout le sens de la démarche multilatérale que nous ambitionnons de consolider au sein du Conseil des droits de l’homme. Toute autre action qui s’écarterait de cette démarche multilatérale ne peut que nuire à la dynamique des droits de l’homme.
C’est la raison pour laquelle nous devons privilégier le contact permanent ; nous devons privilégier la persuasion et le dialogue, mais sans pour autant verser dans la compromission, ni tolérer l’intolérable.
Je vous remercie de votre attention