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Déclarations Haut-Commissariat aux droits de l’homme

Forum sur les entreprises et les droits de l’homme 2019 Manifestation parallèle : « Deux routes convergent – reliant la question de l’esclavage moderne à celle des entreprises et des droits de l’homme » Déclaration liminaire de Michelle Bachelet, Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme 26 novembre 2019

26 novembre 2019

Madame la secrétaire d'État Marianne Hagen,
Excellences,
Chers intervenants,
Chers collègues et amis,

Je suis très reconnaissante envers les Missions permanentes d'Australie, du Liechtenstein et de la Norvège, ainsi qu'envers les organismes Freedom Fund et Walk Free Foundation, pour avoir organisé cet important débat sur l'esclavage moderne et la traite des êtres humains dans le contexte des entreprises.

Étant donné l'ampleur et la gravité des crimes en question, chaque État devrait faire de leur éradication une priorité absolue et urgente. Or aujourd'hui encore, dans tous les pays du monde, un ou plusieurs aspects de l'esclavage et de la traite sont à l'œuvre – et peuvent même augmenter.

Le rapport sur l'esclavage moderne et la traite des personnes publié en septembre par la Commission du secteur financier de l'Initiative du Liechtenstein indique que « si les États ont officiellement aboli l'esclavage, notre système économique et financier continue de tolérer de façon informelle, voire même de promouvoir, des pratiques qui produisent des résultats similaires. »

L'OIT estime que 40,3 millions de personnes sont actuellement prises au piège de l'esclavage moderne ou de la traite, et la Commission du secteur financier souligne que cela équivaut à « environ 1 personne sur 185 ».

Ces millions d'enfants et d'adultes sont contraints à l'exploitation sexuelle et à la prostitution ; ils sont soumis au travail forcé, souvent dans des conditions extrêmement dangereuses ; ils souffrent de la servitude domestique et de la servitude pour dettes, qui est souvent transmise d'une génération à l'autre. Ils peuvent être littéralement capturés et vendus, forcés à travailler jusqu'à l'épuisement, puis vendus à nouveau. Un quart des survivants ayant échappé à l'esclavage moderne sont des enfants, selon une étude récente.  Près des trois quarts des survivants sont des femmes et des filles. Les migrants, en particulier les enfants, sont les plus vulnérables : comme l'a souligné le Secrétaire général, lorsque les conflits et la misère forcent les populations à se déplacer en quête de sécurité, ils se retrouvent « à la merci de personnes impitoyables ».

Et cela est très rentable. L'OIT estime que le travail forcé – un seul des aspects de l'esclavage moderne – génère 150 millions de dollars par an.  Il semble particulièrement répandu dans de nombreux secteurs allant de l'industrie du vêtement à la production d'huile de palme, en passant par la pêche, le transport maritime, l'exploitation minière, l'hôtellerie et la construction, parmi d'autres.  Cela signifie que les victimes de l'esclavage et de la traite travaillent dans les chaînes d'approvisionnement de nombreuses entreprises multinationales.

Pour détecter les cas de travail forcé dans leur chaîne d'approvisionnement, les entreprises doivent exercer systématiquement une diligence raisonnable en matière de droits de l'homme – cela permet également de gérer de façon proactive toute implication potentielle avec toute forme d'esclavage ou de traite.  Cette diligence raisonnable permettra d'identifier les risques et les répercussions pour l'ensemble des activités et des chaînes de valeur ; et de prendre des mesures contre les problèmes existants et pour garantir des recours.

La diligence raisonnable devrait être une priorité pour tout acteur commercial, et nous assistons à l'heure actuelle à un nombre croissant d'entreprises faisant preuve quotidiennement de diligence raisonnable en matière de droits de l'homme, conformément aux Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme.

Il est aussi désormais reconnu que les institutions financières seraient également impliquées dans l'esclavage et la traite des êtres humains – en gérant le produit généré par ces violations des droits de l'homme, en finançant les entreprises qui en tirent profit, ou même dans leurs propres opérations, de nombreuses banques, compagnies d'assurance et autres entreprises et institutions financières tirent également profit de ces crimes révoltants.

Il existe ici des risques juridiques, moraux, et pour la réputation. Il existe des répercussions du point de vue des ressources humaines : personne ne veut rentrer chez soi et dire à ses enfants que leur travail est lié à l'esclavage. Je suis convaincue que nous pouvons inciter les dirigeants et le personnel des institutions financières à prendre des mesures contre la traite et l'esclavage – et que nous pouvons encourager beaucoup plus d'entreprises d'adopter des mesures claires et fondées sur des principes, et ce dans tous les secteurs économiques.

Le travail de la Commission du secteur financier sur l'esclavage moderne et la traite des êtres humains a été extrêmement utile afin d'accélérer nos efforts dans ce domaine.  J'admire la pertinence et la précision de ses recommandations, ainsi que son insistance sur le travail avec les survivants de ces crimes. L'accent mis par la Commission sur l'accès à des recours efficaces pour les victimes – et sur l'investissement dans l'innovation et la prévention – est également remarquable.

J'ai bon espoir que ce travail impressionnant, ainsi que votre mobilisation totale, insuffleront une énergie nouvelle à notre objectif commun d'enrayer une fois pour toutes l'esclavage et la traite des êtres humains durant cette génération.

Merci