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Déclarations et discours Haut-Commissariat aux droits de l’homme

Forum mondial de l’OMS sur la recherche et l’innovation dans le cadre de la COVID-19

13 mai 2021

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Déclaration de Michelle Bachelet, Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme

Le 13 mai 2021

En tant que médecin et Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, je suis heureuse de me joindre à vous pour discuter de la manière dont la recherche peut contribuer à un monde plus sain pour les populations vulnérables.

Il s’agit d’un sujet à la fois important et vaste. Aujourd’hui, je soulèverai deux points qui selon moi sont fondamentaux, surtout dans le contexte de la COVID-19. L’égalité d’accès aux services, produits et installations sanitaires, notamment aux vaccins ; et la nécessité d’obtenir des données ventilées afin de concevoir des orientations adaptées et spécifiques durant la pandémie et au-delà.

Avant tout : la santé est un droit.

Ce droit est indispensable à l’exercice d’un grand nombre d’autres droits et nécessaire pour vivre dans la dignité.

Face à la COVID-19, il est encore plus urgent de faire respecter ce droit.

Cette crise nous a montré que pour que chacun soit en sécurité, tout le monde doit l’être.

Nous devons accéder aux services de santé et aux vaccins conformément aux principes d’égalité et de non-discrimination.

La pandémie a démontré l’importance de systèmes de santé publique solides et universels avec des soins de qualité disponibles, accessibles et abordables pour tous, sans discrimination et quelle que soit la capacité de paiement de chacun.

La couverture sanitaire universelle doit être une priorité fondamentale.

Jamais les arguments en sa faveur n’ont été aussi forts et les enjeux, aussi élevés.

Des sociétés en bonne santé sont indispensables au développement durable et une mauvaise situation sanitaire limite sévèrement la capacité des communautés à prospérer et à devenir résilientes.

Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 exprime clairement ce lien. En outre, la cible 3.8 engage spécifiquement les gouvernements à assurer une couverture sanitaire universelle. Cette couverture comprend « une protection contre les risques financiers et [donne] accès à des services de santé essentiels de qualité et à des médicaments et vaccins essentiels sûrs, efficaces, de qualité et d’un coût abordable ».

Pourtant, ce n’est pas encore le cas.

La COVID-19 a mis en évidence la profonde pandémie d’inégalité qui touche nos sociétés, notamment en ce qui concerne l’accès aux soins de santé et les dépenses dans ce domaine.

Le virus et ses impacts ont alimenté les lignes de fracture issues des discriminations et des inégalités profondes, croisées et structurelles, et les ont exacerbées. Elles font clairement ressortir les lacunes existantes dans la protection des droits de l’homme.

Dans toutes les régions du monde, ceux qui étaient déjà les plus vulnérables, ceux dont la voix a été historiquement et systématiquement réduite au silence, risquent davantage de mourir de la COVID-19 et sont les plus durement touchés par ses conséquences socioéconomiques.

Les femmes et les filles, les peuples autochtones, les personnes d’ascendance africaine, les LGBTI, les migrants, les personnes handicapées et les personnes privées de liberté, entre autres. Ceux qui ont été laissés pour compte – et qui sont encore plus évincés.

Pour que nous puissions nous relever de cette crise, je suis convaincue que nous devons donner la priorité aux systèmes qui concrétisent les droits à la protection sociale et à la santé pour tous. Cela comprend les ressources et le financement.

Et que les principes d’égalité et de non-discrimination doivent également être respectés concernant l’accès aux vaccins, quel que soit le statut migratoire.

Les programmes nationaux de vaccination doivent être rendus publics et accessibles, en consultation avec la société civile et les communautés concernées avant leur mise en œuvre.

Il est toutefois très préoccupant de voir comment les inégalités historiques, tant au sein des pays qu’entre eux, se répètent.

Les vaccins sont malheureusement devenus la nouvelle frontière dans la lutte pour l’égalité, démontrant que le fossé entre les riches et les pauvres reste plus profond que jamais.

Grâce à plusieurs vaccins homologués par des organismes de réglementation nationaux à travers le monde, plus de 1,1 milliard de doses de vaccins ont été administrées jusqu’à présent à l’échelle de la planète. Cependant, plus de 80 % d’entre eux ont été donnés dans des pays à revenu élevé ou intermédiaire supérieur, tandis que seulement 0,3 % l’ont été dans des pays à faible revenu.

Cette approche va à l’encontre de la coopération nécessaire à une réponse mondiale efficace et fondée sur les droits de l’homme.

Elle est également inefficace face à une pandémie mondiale qui a clairement montré qu’il n’y a qu’une seule manière de sortir de cette crise.

De manière collective.

L’absence de vaccination dans de vastes régions du monde représente une menace directe pour tous.

Nous avons besoin d’une solidarité mondiale et d’une action politique concertée pour garantir que les vaccins soient abordables, accessibles et disponibles pour tous, partout.

Le Conseil des droits de l’homme a discuté activement de la manière de garantir leur équité et leur accès en temps opportun.

Le soutien des États-Unis à la proposition de suspendre temporairement les protections en matière de propriété intellectuelle applicables aux vaccins de COVID-19 est un exemple encourageant de solidarité internationale. Je compte sur une décision rapide du Conseil de l’OMC qui permettrait l’expansion de la production locale, augmentant ainsi la capacité du programme COVAX à atteindre des milliards de personnes laissées pour compte face à l’accès aux vaccins de COVID-19.

Parallèlement, il faut fournir de l’aide sans tarder.

Nous devons également augmenter de toute urgence le financement actuel de la fabrication des vaccins.

Le mécanisme du programme COVAX est un excellent exemple. Dans le monde entier, il a déjà fourni plus de 59 millions de doses à 122 participants.

Chers collègues,

Quelle que soit sa forme, la promotion de la santé publique est indispensable.

Et comme nous le savons, la santé représente plus que l’absence de maladies.

Les facteurs socioéconomiques liés à la santé, tels que la pauvreté, l’inégalité, la discrimination, la nationalité, le statut migratoire et l’accès à une alimentation saine, à une eau propre et à un environnement non toxique, sont les principales raisons pour lesquelles des millions de personnes souffrent d’une mauvaise santé. Pour empirer les choses, cette situation est souvent aggravée par un manque d’accès à des soins et des services de santé de bonne qualité.

L’année écoulée nous a douloureusement rappelé comment les épidémies de maladies transmissibles peuvent affecter gravement les personnes qui se trouvaient déjà dans des situations vulnérables.

Mais ces profondes inégalités en matière de soins de santé ne sont pas une invention de la pandémie actuelle.

Plus de la moitié de la population actuelle a un accès limité voire inexistant aux services vitaux tels que les soins prénatals et les traitements ordinaires contre le paludisme, la tuberculose ou encore le VIH/sida.

Tant d’autres personnes sont touchées par la pollution et d’autres dangers environnementaux évitables, qui affectent de manière disproportionnée les personnes et les groupes en situation de vulnérabilité.

Les migrants et leurs familles sont souvent confrontés à une série d’obstacles supplémentaires pour accéder aux services de santé. Et pour les femmes et les filles, l’accès aux soins de santé sexuelle et procréative reste problématique, en particulier pour celles qui se trouvent dans des situations de vulnérabilité.

Cette injustice compromet l’avenir non seulement des individus, mais aussi de pays et de régions entiers.

Il est extrêmement important d’investir dans des recherches qui examinent comment les facteurs sociaux liés la santé affectent les pauvres et les plus vulnérables. Je voudrais également souligner la nécessité d’une recherche approfondie sur la façon dont des questions telles que la nutrition, l’accès à l’eau et aux installations sanitaires, la pollution atmosphérique, les conditions de logement et d’autres inégalités ont influencé l’impact de la pandémie sur ces groupes.

J’encourage les pays à échanger leurs travaux et leurs meilleures pratiques concernant l’influence des facteurs sociaux liés à la santé sur l’impact de la pandémie sur les groupes les plus vulnérables.

Pour que la recherche puisse atteindre les plus vulnérables, je souhaite insister sur deux points importants. Le premier est la diversité, tant au niveau des équipes de recherche que des sujets. L’autre est une plus grande ventilation des données, comme je l’ai mentionné précédemment.

Les restrictions nécessaires contre la COVID-19 constituent un obstacle considérable à la collecte de données sur la discrimination et sur d’autres problèmes liés aux droits de l’homme et exacerbés en raison de la pandémie. Toutefois, il est essentiel qu’elles se poursuivent de manière opportune. Étant donné que de nombreux groupes parmi les plus touchés par la COVID-19 connaissaient déjà des niveaux élevés de discrimination, ces données sont essentielles pour atténuer les effets négatifs de la pandémie.

La collecte de données doit être maintenue et élargie afin d’éclairer pleinement les réponses à la crise fondées sur les droits de l’homme.

Le HCDH a aidé l’Équipe des Nations Unies pour la gestion de la crise à recueillir des données sur l’impact de la pandémie sur les droits de l’homme. En collaboration avec d’autres organismes des Nations Unies, dont l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), nous avons élaboré dix indicateurs permettant de déterminer si les réponses des Nations Unies et des États à la pandémie sont conformes aux normes internationales en matière de droits de l’homme et répondent aux principales préoccupations.

En outre, la pandémie de COVID-19 entraîne un recul massif dans la réalisation des objectifs de développement durable et exacerbe les inégalités mondiales, notamment en matière de données.

Si 9 pays sur 10 peuvent communiquer des données comparables au niveau international sur les indicateurs sanitaires mondiaux des ODD, une grande partie de ces données est antérieure à la crise. En outre, la grande majorité des systèmes statistiques nationaux des pays à revenu faible et à revenu intermédiaire inférieur ont subi des réductions de budget.

Soixante-treize pays ont exprimé le besoin d’obtenir un soutien extérieur pour faire face aux difficultés en matière de données associées à la COVID-19. Si ces besoins ne sont pas satisfaits, ils auront un effet durable sur la capacité des pays à produire des données rapides et ventilées pour de nombreux indicateurs des ODD, ce qui pourrait compromettre la reprise fondée sur les droits dans de nombreux pays.

La communauté internationale des statisticiens et les donateurs devraient apporter de toute urgence leur soutien aux systèmes nationaux qui en ont le plus besoin. En outre, de nouveaux partenariats doivent être établis pour restaurer la confiance dans les données et les statistiques, qui a été affaiblie par la vitesse et la portée des informations fausses et trompeuses.

Le HCDH continue de renforcer les liens institutionnels et la collaboration entre les institutions nationales des droits de l’homme, les organismes nationaux de statistique et les systèmes statistiques nationaux.

De tels partenariats sont de plus en plus fréquents dans les pays qui appliquent une approche des données fondée sur les droits de l’homme, démontrant comment les données peuvent être produites en plaçant les personnes au cœur des démarches et en respectant les droits de l’homme et les normes statistiques internationales.

Chers amis,

« Ne laisser personne de côté » n’est pas un slogan vide de sens ; c’est un plan d’action. La discrimination, qui nuit à des millions de personnes et les empêche d’accéder à des soins de santé de qualité, est profondément injuste, illégale et néfaste pour tous.

La COVID-19 nous a démontré avec force la valeur des droits de l’homme, ce qui est rare.

Il ne faut pas fermer les yeux.

Il est temps de voir le monde d’un œil nouveau.

De trouver des systèmes politiques et économiques plus justes, inclusifs et durables.

De veiller à ce que tout le monde puisse bénéficier des progrès scientifiques et participer à la prise de décisions fondée sur des données factuelles.

Et de reconnaître enfin à quel point il est urgent de protéger la planète, qui est le meilleur moyen de protéger la santé et le bien-être humains, y compris contre les pandémies.

De nombreuses épidémies et pandémies récentes – SRAS, MERS, COVID-19 et autres – sont, après tout, le résultat de zoonoses de l’animal à l’homme, dont la probabilité est accrue par la dégradation de l’environnement et la perte de la biodiversité.

En comprenant mieux la façon dont la santé humaine dépend de la santé de notre environnement, nous pouvons mieux nous rétablir. Devenir des sociétés plus résilientes et mieux préparées à faire face à d’autres crises existantes ou imminentes.

Comme l’a dit le Secrétaire général des Nations Unies, il s’agit d’une année décisive pour faire face à l’urgence climatique, qui est une menace pour tous les droits de l’homme et pour nous tous.

Les dégâts que pourraient causer les changements climatiques sont bien plus importants que ceux de la COVID-19 – et sur une période bien plus longue. En termes de décès ; de dommages économiques et d’extrême pauvreté ; de tensions sociales et de violence ; de déplacement de population ; et d’impact potentiel sur les conflits et le sous-développement profond.

Nous pouvons éviter cela. Mais nous devons agir vite.

Nous devons tirer des enseignements de la COVID-19 – et nous en servir pour note action climatique et tous nos efforts de relance. Ces enseignements englobent notre nouvelle compréhension de la manière dont les lacunes en matière de droits de l’homme agissent comme des vecteurs et des multiplicateurs de catastrophes.

Et notre conviction que seules les politiques fondées sur les droits de l’homme peuvent combattre les crises qui ont un impact sur le monde entier.

C’est ainsi que nous pouvons reconstruire en mieux.

Merci.