Actualités Conseil des droits de l’homme
Le Conseil est informé qu'il y a des motifs raisonnables de croire que les parties au conflit en Éthiopie ont commis des crimes de guerre et que le Gouvernement fédéral et ses alliés ont commis des crimes contre l'humanité dans la région du Tigré
22 septembre 2022
Notre rapport conclut qu’il y a des « motifs raisonnables de croire que les parties au conflit [en Éthiopie] ont commis de graves violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire depuis novembre 2020 ». C’est ce qu’a indiqué ce matin la Présidente de la Commission internationale d’experts des droits de l’homme sur l’Éthiopie, Mme Kaari Betty Murungi, en présentant son rapport devant le Conseil des droits de l’homme.
En outre, a-t-elle poursuivi, la Commission a des « motifs raisonnables de croire que bon nombre de ces actes constituent des crimes de guerre » et que « le Gouvernement fédéral et ses alliés ont commis des crimes contre l'humanité dans la région du Tigré ». Certains de ces crimes se poursuivent actuellement, a ajouté Mme Murungi, avant de souligner qu’il existe des « motifs raisonnables de croire que de nombreux indicateurs et déclencheurs contenus dans le Cadre d'analyse des atrocités criminelles des Nations Unies de 2014 sont présents en Éthiopie aujourd'hui, y compris la diffusion d’un discours de haine et la politisation de l’identité ».
L’Éthiopie a fait une déclaration suite à cette présentation, avant que plusieurs délégations*** n’engagent le dialogue avec Mme Murungi.
En début de séance ce matin, c’est après avoir entendu plusieurs délégations* que le Conseil a clos son dialogue engagé hier après-midi avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myamar, M. Thomas H. Andrews – lequel a réitéré son appel en faveur d’une action plus résolue de la communauté internationale, notamment en faveur d’un embargo mondial sur les ventes d’armes au Myanmar.
Ce matin, le Conseil a également tenu un dialogue – auquel ont participé de nombreuses délégations** - autour du rapport du Haut-Commissariat aux droits de l’homme sur les progrès accomplis et les difficultés qui subsistent en ce qui concerne l’application des recommandations formulées dans le document de séance que la mission internationale indépendante d’établissement des faits sur le Myanmar a consacré aux intérêts économiques de l’armée.
Présentant ce dernier rapport, Mme Nada Al-Nashif, Haute-Commissaire aux droits de l’homme par intérim, a souligné qu’après le coup d'État militaire du 1er février 2021, l'armée du Myanmar a continué d'exploiter les ressources du pays pour servir ses propres intérêts et alimenter une campagne de violence et de répression contre le peuple du Myanmar. Les offensives de l'armée s'appuient largement sur l'utilisation de la puissance aérienne, de l'artillerie et d'autres matériels militaires, achetés et payés par les profits tirés des intérêts commerciaux et de l'exploitation des ressources par la Tatmadaw, a fait observer Mme Al-Nashif, avant d’affirmer qu’il est possible de faire beaucoup plus pour bloquer les ressources économiques et l'approvisionnement en armes qui permettent à l'armée de poursuivre son attaque contre le peuple du Myanmar.
Le rapport du Haut-Commissariat exhorte donc la communauté internationale à agir de manière coordonnée pour isoler financièrement les militaires tout en s'efforçant d'éviter tout impact socioéconomique négatif sur la population du Myanmar en général. Le rapport appelle les États Membres à appliquer des mesures ciblées supplémentaires contre les entités qui facilitent l'accès de la Tatmadaw aux devises étrangères – notamment la Myanmar Oil and Gas Enterprise, qui génère environ 50% des recettes en devises du pays. En outre, le Haut-Commissariat demande instamment aux entreprises actives au Myanmar ou s'approvisionnant dans le pays de prendre des mesures pour que leurs opérations ne profitent pas économiquement aux militaires.
Le Conseil achèvera son dialogue avec la Commission internationale d’experts des droits de l’homme sur l’Éthiopie à partir de 15 heures cet après-midi. Il doit ensuite examiner les rapports de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne et du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Burundi, M. Fortuné Gaétan Zongo.
Fin du dialogue avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myanmar
Aperçu du débat
Certaines délégations ont déploré que le pays concerné [le Myanmar] n'ait pas été invité à participer au dialogue avec le Rapporteur spécial.
Plusieurs intervenants ont pour leur part insisté pour que les autorités du Myanmar assument leurs responsabilités en matière de développement économique et social et trouvent au plus vite une solution à la crise que traverse le pays.
De nombreuses délégations ont dénoncé et jugé préoccupante l’escalade de la violence et de la répression étatique au Myanmar depuis le coup d'État de 2021. Un intervenant a souligné que les attaques généralisées contre la population civile par les forces de sécurité du pays comprennent des actes de torture, la déportation et le transfert forcé, les violences sexuelles, l’emprisonnement et les exécutions sommaires. Ainsi, l’exécution récente des quatre militants pro-démocratie à l’issue de procès secrets a été condamnée par plusieurs orateurs, d’aucuns dénonçant un abandon total de l’état de droit au Myanmar. La décision prise par les autorités de réintroduire la peine de mort, 30 ans après son abolition, a été vivement critiquée.
Une délégation a souligné qu’une attention particulière devait être accordée à la protection de toutes les personnes en situation de vulnérabilité, y compris celles appartenant à des minorités ethniques et religieuses. Nombre d’intervenants ont en outre mis l’accent sur la nécessité de créer les conditions nécessaires pour un retour volontaire, sûr, digne et durable des réfugiés et des personnes déplacées.
En ce qui concerne les Rohingya, il a été noté que 200 000 d’entre eux se trouvent toujours dans l’État rakhine et attendent de pouvoir rentrer chez eux. Quant à ceux qui ont trouvé refuge au Bangladesh pour fuir le « nettoyage ethnique », leurs perspectives restent extrêmement sombres, a-t-il été affirmé.
Les nombreuses organisations de la société civile entendues ce matin ont toutes plaidé en faveur de mesures efficaces pour trouver une issue à cette crise. Les mécanismes des droits de l’homme et autres instruments juridiques à la disposition de la communauté internationale doivent permettre de trouver une solution durable, a-t-on insisté.
Outre la création de zones sûres et de couloirs humanitaires, il faut que les pays frontaliers permettent un acheminement accru de l'aide humanitaire, a plaidé un intervenant. La communauté internationale doit prendre des sanctions économiques ciblées et adopter une résolution contraignante pour imposer un embargo global sur les armes à destination du Myanmar, a-t-il également été recommandé.
Il faut redoubler d’efforts pour poursuivre les responsables de crimes contre l'humanité devant la Cour pénale internationale et la Cour internationale de Justice, a-t-il en outre été affirmé.
D’une manière générale, les représentants de la société civile ont plaidé pour une action internationale plus forte et de toute urgence.
Enfin, il a été demandé aux membres du Conseil des droits de l'homme de reconnaître le gouvernement d'union nationale comme gouvernement légitime du Myanmar.
*Liste des intervenants : Chine, Tchéquie, Malaisie, États-Unis, Royaume-Uni, Bangladesh, Croatie, Bulgarie, Thaïlande, Malawi, Allemagne, Baptist World Alliance, CIVICUS: Alliance mondiale pour la participation des citoyens, Article 19, Asia Pacific Forum on Women, Law and Development, International Federation for Human Rights Leagues, Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement, Centre pour les Droits Civils et Politiques, Centre CCPR, Christian Solidarity Worldwide, Partners For Transparency, Iuventeum e. v.
Réponses et remarques de conclusion
M. THOMAS H. ANDREWS, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myanmar, a fait observer que la détérioration continue et atroce de la situation au Myanmar constitue une preuve marquante du fait que la réponse de la communauté internationale n’est pas à la hauteur. L’intervention de la communauté internationale doit évoluer, a-t-il insisté, réitérant ce souhait déjà exprimé hier-après midi devant le Conseil lors de la présentation de son rapport.
Il faudrait que le Conseil de sécurité adopte une résolution contraignante imposant un embargo mondial sur les ventes d’armes au Myanmar et saisisse la Cour pénale internationale, a poursuivi le Rapporteur spécial. Pourtant, « nous savons que cela ne se produira pas », a-t-il dit, suggérant que l'initiative vienne d’une coalition animée par un même esprit. Le transfert des armes et des technologies au Myanmar doit cesser, a insisté M. Andrews. Par ailleurs, les États Membres doivent refuser toute reconnaissance et ne conférer aucune légitimité à la junte militaire du Myanmar – ni ne lui donner aucune possibilité de faire émerger un semblant de légitimité.
Rappelant que la junte projette l’idée selon laquelle des élections se tiendront l’an prochain dans le pays, le Rapporteur spécial a assuré qu’il ne s’agira pas d’une élection, mais d’une fraude, et a encouragé les États Membres à ne pas se laisser convaincre par de tels éléments qui ne sont qu’une parodie.
Il y a un vide en matière de direction et de leadership de la communauté internationale, a relevé M. Andrews, ajoutant que cette dernière doit fournir une aide bien plus massive et un appui stratégique et coordonné à la population du Myanmar. Il a conclu en soulignant qu’en fin de compte, la suite qui sera donnée à son rapport dépend des États Membres et des mesures que prendra ou non le Conseil.
Dialogue autour du rapport du Haut-Commissariat sur le Myanmar
Le Conseil est saisi d’un rapport du Haut-Commissariat sur les progrès accomplis et les difficultés qui subsistent en ce qui concerne l’application des recommandations formulées dans le document de séance que la mission internationale indépendante d’établissement des faits sur le Myanmar (A/HRC/51/41, à paraître en français) a consacré aux intérêts économiques de l’armée - une question abordée par la mission en 2019.
Présentation
Présentant ce rapport, MME NADA AL-NASHIF, Haute-Commissaire aux droits de l’homme par intérim, a rappelé qu’en 2019, la mission internationale indépendante d’établissement des faits sur le Myanmar avait conclu que la Tatmadaw (armée du Myanmar) finançait ses activités, y compris la perpétration de crimes internationaux, en puisant à diverses sources de revenus. La mission avait appelé à l'isolement financier et économique comme élément crucial de la responsabilisation de l'armée. Cependant, depuis ce rapport, la situation des droits de l'homme au Myanmar s'est encore aggravée, a souligné Mme Al-Nashif.
Après le coup d'État militaire du 1er février 2021, l'armée a continué d'exploiter les ressources du pays pour servir ses propres intérêts et alimenter une campagne de violence et de répression contre le peuple du Myanmar, a expliqué la Haute-Commissaire par intérim. L'armée n'a cessé d'intensifier son recours à la force dans les villes et les villages du pays, a-t-elle insisté, avant de préciser qu’à ce jour, quelque 2300 personnes, dont 188 enfants, ont été tuées et près de 30 000 bâtiments, dont des villages entiers, des écoles, des églises et autres biens protégés, ont été réduits en cendres. Ces offensives s'appuient largement sur l'utilisation de la puissance aérienne, de l'artillerie et d'autres matériels militaires, achetés et payés par les profits tirés des intérêts commerciaux et de l'exploitation des ressources par la Tatmadaw, a fait observer Mme Al-Nashif.
Si des mesures ont bien été prises par certains acteurs à la suite des recommandations de la mission, en particulier depuis le coup d'État, il est possible de faire beaucoup plus pour bloquer les ressources économiques et l'approvisionnement en armes qui permettent à l'armée de poursuivre son attaque contre le peuple du Myanmar, a affirmé Mme Al-Nashif. Limiter les intérêts économiques de la Tatmadaw et, en particulier, son accès aux revenus et aux devises étrangères, est un facteur essentiel pour empêcher la poursuite de la spirale des violations des droits de l'homme, a-t-elle déclaré.
Au Myanmar, l’économie, déjà durement touchée par la pandémie de COVID-19, est tombée dans une crise toujours plus profonde, entraînant, selon les observations du Haut-Commissariat, une multiplication par deux de la pauvreté et l'effondrement du système de santé publique. Malgré la détérioration de la situation, le Conseil administratif d'État (SAC) de l'armée donne toujours la priorité aux opérations militaires, augmentant les dépenses de défense et réduisant les allocations budgétaires pour l'éducation, la santé et la protection sociale, a indiqué Mme Al-Nashif.
Le rapport montre que depuis le coup d'État militaire de février 2021, certaines entreprises ont mis fin à leurs relations commerciales avec des sociétés appartenant à l'armée, conformément aux recommandations de la mission : en effet, ce coup d'État a accentué les risques réputationnels et autres risques commerciaux inhérents à de telles relations. Parallèlement, plusieurs États membres ont introduit de nouvelles sanctions ciblées à l'encontre des dirigeants militaires, des entités appartenant à l'armée et de certaines entités publiques désormais sous le contrôle de la SAC.
Le rapport exhorte la communauté internationale à agir de manière coordonnée pour isoler financièrement les militaires. Mais, ce faisant, il faut s'efforcer d'éviter tout impact socioéconomique négatif sur la population du Myanmar en général, a souligné la Haute-Commissaire par intérim. Il est donc essentiel de consulter la société civile et le mouvement démocratique au sens large, y compris le « gouvernement d'unité nationale », les représentants des minorités ethniques et religieuses et les syndicats, sur les mesures à prendre.
Le rapport appelle les États Membres à appliquer des mesures ciblées supplémentaires contre les entités qui facilitent l'accès de la Tatmadaw aux devises étrangères – notamment la Myanmar Oil and Gas Enterprise, qui génère environ 50% des recettes en devises du pays. En outre, le Haut-Commissariat demande instamment aux entreprises actives au Myanmar ou s'approvisionnant dans le pays de prendre des mesures pour que leurs opérations ne profitent pas économiquement aux militaires.
Mme Al-Nashif a précisé que les entreprises qui désinvestissent ou se désolidarisent des chaînes d'approvisionnement au Myanmar doivent, dans le même temps, prendre des mesures responsables pour protéger au mieux les intérêts de leurs employés et des consommateurs. Ces mesures sont fondamentales pour respecter les principes relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme, tout en garantissant que les partenariats financiers n'alimentent pas les violations des droits de l'homme, a conclu Mme Al-Nashif.
Aperçu du débat
Nombre de délégations ont condamné le coup d'État militaire du 1er février 2021 au Myanmar. Les « forces de sécurité birmanes » ont été appelées à rétablir l’État de droit et à enclencher un processus démocratique. La poursuite des violences commises par l'armée a été dénoncée, notamment les meurtres et les violences sexuelles et sexistes à l'encontre des civils, ainsi que les détentions arbitraires généralisées qui, a-t-on affirmé, constituent de graves violations des droits de l'homme et du droit international.
S’il était déjà grave que des entreprises privées et des gouvernements soutiennent la Tatmadaw et ses intérêts pécuniaires après la publication des révélations de la mission en 2019, il est aujourd’hui tout simplement incompréhensible que ce soutien perdure, a déclaré un intervenant.
Des délégations se dont dites d'accord avec l’évaluation du Haut-Commissariat selon laquelle, bien que certains progrès aient été réalisés en vue de l'isolement économique de la Tatmadaw, il reste encore beaucoup à faire pour mettre fin aux agressions incessantes de l'armée contre la population du Myanmar et pour que les auteurs de ces crimes internationaux en rendent compte. Le fait que certains États et entreprises étrangères entretiennent toujours des relations commerciales avec des entités détenues ou contrôlées par l'armée du Myanmar a été jugé préoccupant. Les États concernés ont été appelés à prendre des mesures immédiates pour mettre fin à ces relations commerciales ; quant aux pays qui fournissent des armes au Myanmar, ils ont été priés de cesser de le faire.
Le dernier Forum économique oriental [tenu à Vladivostok au début de ce mois] a montré que certains États entendaient préserver les hauts gradés de la Tatmadaw de toute difficulté financière ; dans le même temps, de grands pays continuent de vendre des armes à l’armée, ont affirmé plusieurs organisations non gouvernementales.
Il faut que la communauté internationale contribue à atténuer les conséquences néfastes pour les droits de l’homme des agissements de l’armée, a insisté une délégation.
Des délégations ont déploré que les Rohingya soient toujours, ainsi que d’autres minorités, privés de leurs droits élémentaires et victimes d’atrocités dans leur pays, et ont dénoncé l’impunité à cet égard. Il a été recommandé que la communauté internationale accorde son soutien financier aux pays qui accueillent des réfugiés rohingya.
Les initiatives de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) pour résoudre la crise ont été jugées utiles. L’armée du Myanmar a été appelée à respecter l'engagement qu'elle a pris envers les dirigeants de l'ANASE d’appliquer son « consensus en cinq points ».
Une organisation non gouvernementale (ONG) a mis en garde contre la hausse des prix des denrées alimentaires de base et la limitation de la production agricole dans tout le pays, qui contribuent à une profonde insécurité alimentaire, les produits devenant de plus en plus inabordables pour une grande partie de la population du Myanmar. Des inquiétudes subsistent quant à la disponibilité des aliments pendant la prochaine période de soudure, car les conditions devraient se détériorer.
Une délégation s’est dite étonnée que le rapport du Haut-Commissariat s’exprime au nom des habitants du Myanmar, qu’il encourage les sanctions et qu’il appelle à un blocus économique du pays. L'ingérence dans les affaires intérieures d'un État est inacceptable, a ajouté cette délégation. La normalisation de la situation au Myanmar doit être gérée par la population elle-même, a pour sa part demandé un intervenant, avant de déplorer la politisation de cette question par le Conseil.
D’autres intervenants ont regretté que le Myanmar fasse l’objet de mesures coercitives unilatérales et qu’il ne puisse faire valoir ses points de vue devant le Conseil.
**Liste de intervenants : Lituanie (au nom d’un groupe de pays), Union européenne, Organisation de la coopération islamique, Luxembourg, Australie, Maldives, Venezuela, Fédération de Russie, Namibie, Chine, États-Unis, Royaume-Uni, Bangladesh, Canada, Thaïlande, Malawi, Jordanie, Singapour, Gambie, Türkiye, Arabie saoudite, Bélarus, République démocratique populaire lao, Edmund Rice International, The Organization for Poverty Alleviation and Development, Human Rights Now, CIVICUS: Alliance mondiale pour la participation des citoyens, Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement , Centre pour les droits civils et politiques - Centre CCPR, Human Rights Watch, iuventum e.V. et Organisation internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Réponses et remarques de conclusion
MME AL-NASHIF a relevé, à l’instar du Rapporteur spécial, que la situation au Myanmar était désastreuse. Face à cela, il faut maintenir la pression sur l’armée pour qu’elle cesse la violence, restaure la démocratie et permette le retour des Rohingya, a plaidé la Haut-Commissaire aux droits de l’homme par intérim.
La coopération régionale par le truchement de l’ANASE est indispensable, a ajouté Mme Al-Nashif. Elle a demandé à la communauté internationale de continuer d’appuyer le Bangladesh dans son soutien aux réfugiés.
Il faut interrompre les flux d’armes et d’argent qui permettent à la Tatmadaw de perpétrer des crimes contre les civils, a souligné la Haut-Commissaire par intérim, avant d’insister sur le fait que la population du Myanmar elle-même appelait à l’adoption de sanctions ciblées contre la Tatmadaw. Elle a appelé les États qui ne l’ont pas encore fait à cesser de livrer des armes à cette armée.
Dialogue avec la Commission internationale d’experts des droits de l’homme sur l’Éthiopie
Le Conseil est saisi du rapport (A/HRC/51/46, à paraître en français) de la Commission internationale d’experts des droits de l’homme sur l’Éthiopie créée en vertu de la résolution S-33/1 du Conseil pour compléter les travaux de l’équipe chargée de l’enquête conjointe.
Présentation
Présentant ce rapport, MME KAARI BETTY MURUNGI, Présidente de la Commission internationale d’experts des droits de l’homme sur l’Éthiopie, a indiqué que celui-ci intervenait à un moment difficile et périlleux pour l’Éthiopie et sa population. Après une cessation des hostilités de cinq mois, les combats ont repris le mois dernier entre, d’une part, le Gouvernement fédéral et ses alliés et, de l’autre, les forces soutenant le Front populaire de libération du Tigré (TPLF) ; et les combats semblent s’intensifier, a déclaré la Présidente de la Commission.
Des sources crédibles font état d’une escalade des attaques de drones utilisant des armes explosives avec des effets étendus dans les zones peuplées, a poursuivi Mme Murungi, avant de faire également état d’une annulation des vols des services aériens humanitaires de l'ONU vers le Tigré depuis le 26 août et de rapports sur l'implication des forces érythréennes le long de la frontière. La population civile éthiopienne assiégée se retrouve à nouveau embourbée dans les conséquences insolubles et meurtrières d'une guerre qui affecte la stabilité de l'Éthiopie et de la Corne de l'Afrique, a déploré Mme Murungi, ajoutant que cela plaide encore plus en faveur d'un mécanisme externe, indépendant et impartial pour traiter des violations en cours et de la question de la reddition de comptes.
Mme Murungi a assuré que la Commission qu’elle préside a été indépendante et impartiale, sans ordre du jour concernant aucune des parties au conflit. Elle a toujours cherché à dialoguer avec le Gouvernement fédéral éthiopien, que la Commission a rencontré ainsi que d’autres parties prenantes lors d’une visite à Addis-Abeba en juillet 2022. Toutefois, malgré la demande du Conseil à toutes les parties de fournir à la Commission un accès sans entrave, et en dépit de la bonne volonté exprimée au cours de la mission, le Gouvernement fédéral n’a accordé à la Commission aucun accès à des zones en dehors d'Addis-Abeba, a fait observer la Présidente de la Commission.
Mme Murungi a ensuite précisé que la Commission a mené des enquêtes approfondies sur trois incidents, à savoir : le bombardement de Mekelle le 28 novembre 2020 et les attaques ultérieures contre des civils et des biens à caractère civil ; les tueries à Kobo et Chenna fin août et début septembre 2021 ; et une frappe de drone sur un camp de personnes déplacées à Dedebit le 7 janvier 2022. En suivant une méthodologie précise et une pratique bien établie, notre rapport « trouve des motifs raisonnables de croire que les parties au conflit ont commis de graves violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire depuis novembre 2020 », a indiqué la Présidente de la Commission. En outre, a-t-elle poursuivi, la Commission a des « motifs raisonnables de croire que bon nombre de ces actes constituent des crimes de guerre » et que « le Gouvernement fédéral et ses alliés ont commis des crimes contre l'humanité dans la région du Tigré ». Certains de ces crimes se poursuivent actuellement, a-t-elle ajouté.
Mme Murungi a ensuite présenté les conclusions contenues dans le rapport de la Commission. Tout d’abord, a-t-elle indiqué, le rapport souligne la situation humanitaire désastreuse au Tigré, où le Gouvernement fédéral et ses alliés ont refusé à quelque six millions de personnes l'accès aux services de base pendant plus d'un an, notamment pour ce qui est de l'électricité, d’Internet, des télécommunications et des services bancaires. « Nous avons des motifs raisonnables de croire que le Gouvernement fédéral et ses alliés ont pillé et détruit des biens indispensables à la survie de la population civile du Tigré, tuant du bétail, détruisant des réserves de nourriture et rasant des récoltes tout en mettant en place de sévères restrictions à l'accès humanitaire au Tigré », a poursuivi la Présidente de la Commission. L'effet combiné de ces mesures a laissé 90 % de la population dans un besoin urgent d'assistance, ce qui représente une augmentation de 80 % depuis le début du conflit, a-t-elle souligné.
« Nous avons des motifs raisonnables de croire que le refus et l'obstruction généralisés de l'accès aux services de base, à la nourriture, aux soins de santé et à l'aide humanitaire constituent des crimes contre l'humanité de persécution et d'actes inhumains. Nous avons également des motifs raisonnables de croire que le Gouvernement fédéral commet un crime de guerre en utilisant la famine comme méthode de guerre. Nous avons reçu des informations indiquant que les forces tigréennes ont pillé ou autrement détourné l'aide humanitaire », a ensuite indiqué Mme Murungi.
Par ailleurs, le rapport conclut qu’« il y a des motifs raisonnables de croire que l'armée de l'air éthiopienne a commis des crimes de guerre, notamment en dirigeant intentionnellement une attaque contre des civils lorsqu'elle a frappé un camp de personnes déplacées à Dedebit avec un drone armé en janvier 2022, tuant une soixantaine de civils, dont de nombreux enfants », a indiqué Mme Murungi, avant de faire observer que l'utilisation croissante de drones par l'armée éthiopienne pour mener des frappes aériennes au cours de l'année dernière a modifié le paysage du conflit.
De plus, a ajouté la Présidente de la Commission, « nous avons des motifs raisonnables de croire que les forces tigréennes ont commis de graves violations des droits de l'homme, dont certaines équivalent à des crimes de guerre, y compris des meurtres à grande échelle de civils amhara, des viols et des violences sexuelles, ainsi que des pillages et des destructions généralisées de biens civils dans Kobo et Chenna en août et septembre 2021 ».
La Commission a pu conclure que les viols et les crimes de violence sexuelle ont été perpétrés à une échelle stupéfiante depuis le début du conflit, les forces éthiopiennes et érythréennes ainsi que les milices régionales ciblant les femmes et les filles tigréennes avec une violence et une brutalité particulières. Parfois, leurs agresseurs ont utilisé un langage déshumanisant suggérant une intention de détruire l'ethnicité tigréenne, a fait savoir Mme Murungi.
Mme Murungi a fait savoir que le Rapport contenait un certain nombre de recommandations pour le Gouvernement fédéral, le Front populaire de libération du Tigré (TPLF), le Gouvernement érythréen et les autres parties au conflit. Pour commencer, les hostilités ainsi que les violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire doivent cesser immédiatement. Ensuite, il faut enquêter et traduire en justice les auteurs de ces violations. Enfin, le Gouvernement fédéral éthiopien doit garantir un accès humanitaire complet, sans entrave et durable au Tigré.
Mme Murungi a indiqué en conclusion qu’il existe des « motifs raisonnables de croire que de nombreux indicateurs et déclencheurs contenus dans le Cadre d'analyse des atrocités criminelles des Nations Unies de 2014 sont présents en Éthiopie aujourd'hui, y compris la diffusion d’un discours de haine et la politisation de l’identité ». Ces craintes d'atrocités criminelles font qu'il est d'autant plus important que le travail de la Commission soit considéré comme un outil de prévention et qu’il complète le processus de paix essentiel mené par l'Union africaine, qui cherche des solutions politiques et non militaires au conflit dans le nord de l'Éthiopie, a expliqué la Présidente de la Commission.
Pays concerné
L’Éthiopie a déploré faire l’objet, depuis plus d'un an, d'une attention injuste et partiale au Conseil des droits de l’homme, dont les initiatives – a affirmé la délégation éthiopienne – semblent motivées par un récit politisé et biaisé. La délégation a demandé que cesse la campagne contre l'Éthiopie, alors même que son Gouvernement applique les recommandations de l'équipe d'enquête conjointe du Haut-Commissariat et de la Commission éthiopienne des droits de l’homme. Remettant en cause l’objectivité et l’utilité de la Commission [présidée par Mme Murungi], la délégation a affirmé que le rapport de cette Commission contenait des allégations non fondées.
La délégation éthiopienne a affirmé que le TPLF avait violé de manière flagrante la trêve humanitaire, relancé le conflit et même volé du carburant destiné à l'acheminement de l'aide humanitaire ; il est absurde que la Commission internationale d’experts tente de faire passer le Gouvernement éthiopien pour le coupable dans ce scénario, a déclaré la délégation, avant d’ajouter que la Commission aurait pu enquêter sur les atrocités commises par le TPLF dans les régions Amhara et Afar, y compris l'utilisation d'enfants soldats et le recrutement violent et forcé de combattants.
L'Éthiopie prend des mesures concrètes pour traduire en justice les auteurs de violations des droits de l'homme, a d’autre part assuré la délégation, rappelant en outre que le pays s’était aussi engagé à résoudre pacifiquement le conflit sous les auspices de l'Union africaine. La délégation a appelé les membres du Conseil à rejeter le rapport et à s'opposer à toute tentative d'extension du mandat de la Commission internationale d’experts.
Aperçu du débat
Les combats ont repris dans le nord de l'Éthiopie, mettant fin à la trêve humanitaire décrétée en mars 2022, ont relevé plusieurs délégations, ajoutant rester convaincues qu’il n’y a pas de solution militaire au conflit. Il faut éviter tout risque de propagation [de ce conflit] au-delà des frontières éthiopiennes, a souligné un intervenant, invitant le Gouvernement de l’Érythrée à rester en dehors du conflit.
Dénonçant les nombreuses violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international commises dans le pays, de nombreuses délégations ont jugé primordial d'établir les faits, d'assurer un contrôle international, de mettre en place un mécanisme de reddition de comptes et de promouvoir un processus de justice transitionnelle.
Plusieurs délégations ont appelé les parties à parvenir à un accord de cessez-le-feu, à respecter le droit international humanitaire et à prendre des mesures immédiates pour mettre fin aux violations des droits de l’homme. Ont été maintes fois soutenues les négociations menées sous l’égide de l’Union africaine.
Des intervenants ont salué la volonté du Gouvernement éthiopien de rencontrer la Commission internationale d'experts des droits de l'homme sur l'Éthiopie. Ils ont encouragé toutes les parties impliquées dans le conflit à fournir la coopération nécessaire à la Commission, y compris un accès inconditionnel aux zones touchées par le conflit.
Plusieurs délégations ont rejeté la tenue de ce dialogue dans le cadre du Conseil des droits de l’homme, arguant qu’il est imposé par les pays développés et ne bénéficie pas du soutien du pays concerné. Le Conseil et les autres mécanismes des droits de l’homme doivent promouvoir la coopération, le dialogue et les échanges respectueux entre tous les pays selon les principes de la Charte des Nations Unies, ont tenu à souligner certains orateurs.
La Commission internationale d’experts n’a pas réussi à mettre en œuvre son mandat de façon impartiale et objective, a affirmé une délégation, avant d’ajouter qu’il fallait éviter les doublons et laisser à l’équipe d'enquête conjointe le soin de poursuivre son travail.
Certains intervenants ont apporté leur soutien au Gouvernement éthiopien et aux initiatives nationales prises par le pays. Le Gouvernement oeuvre pour ramener la situation à la normale : il a levé l’état d’urgence, libéré des personnes et suivi les recommandations qui lui ont été adressées [par l’équipe d’enquête conjointe], a fait valoir une délégation.
***Liste des intervenants : Union européenne, Danemark (au nom d'un groupe de pays), Liechtenstein, Suisse, France, Irlande, Luxembourg, Cuba, Allemagne, Australie, République populaire démocratique de Corée, Venezuela, Fédération de Russie, Chine, Pays-Bas, Tchéquie, États-Unis, Sri Lanka, Royaume-Uni, Soudan du Sud, Bélarus, Belgique, Grèce, Canada.
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