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Examen du rapport du Cambodge par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels : les questions liées au travail et aux peuples autochtones sont au cœur du débat

22 février 2023

Le Comité de droits économiques, sociaux et culturels a examiné, hier matin et ce matin, le rapport périodique soumis par le Cambodge au titre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.  Si les mesures mises en œuvre par le pays pour faire face à la pandémie de COVID-19 ont été reconnues, les préoccupations exprimées par les membres du Comité s’agissant des questions liées au travail et de la situation des peuples autochtones ont toutefois été au cœur du débat.

En effet, a-t-il été indiqué, le Comité reçoit avec inquiétude des informations au sujet de mauvaises conditions de travail et de violences dans l'industrie du textile, de l'habillement et de la chaussure. Le Comité est aussi préoccupé par les conditions de travail dans les « zones économiques spéciales » ; par des restrictions apportées au droit de créer des syndicats et de s'y affilier ; ainsi que par l’arrestation, les poursuites et la détention de membres du Syndicat des employés khmers de NagaWorld (LRSU).  En outre, selon certaines informations reçues par le Comité, le travail des enfants peut se produire dans des conditions particulièrement dangereuses, notamment pour le travail avec des produits chimiques toxiques dans les plantations agro-industrielles. 

Ont par ailleurs été pointées des carences s’agissant de la couverture de sécurité sociale dans le secteur informel – un secteur dont les travailleurs ne sont en outre pas concernés par le salaire minimum, a-t-il été observé. 

Un expert a pour sa part relevé que si la loi foncière de 2001 reconnaît effectivement la propriété foncière collective des terres autochtones, il n’en demeure pas moins que selon certaines informations, les conflits fonciers resteraient un immense problème pour les peuples autochtones, du fait des concessions foncières économiques, de l'exploitation minière, des barrages hydro-électriques, des empiétements sur les terres, de la déforestation et de l'exploitation forestière illégale.

Tout en saluant la publication, en 2021, du rapport national sur le statut démographique et socioéconomique des peuples autochtones au Cambodge, une experte a relevé que les conclusions dudit rapport soulignent la situation plutôt difficile des enfants autochtones dans l'environnement éducatif, alors que près de la moitié d’entre eux ne vont pas à l'école et que seuls 4% terminent l'enseignement secondaire.

Plusieurs questions des membres du Comité ont porté sur le processus de restitution de leurs terres ancestrales aux peuples autochtones et sur les obstacles qui empêchent certains d’entre eux d'enregistrer leurs terres collectives.

Des préoccupations ont également été exprimées s’agissant des expulsions forcées.  Les entreprises responsables d’expulsions forcées devraient rendre compte de leurs actes et les victimes recevoir des indemnisations, a-t-il été souligné.

En outre, un expert a fait état d’informations indiquant que les défenseurs des droits fonciers au Cambodge seraient victimes d’intimidations et de harcèlement judiciaire, et que les militants contre la corruption seraient eux aussi empêchés de s’exprimer librement.

Il a par ailleurs été suggéré que le Cambodge se dote d’une politique générale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination directe ou indirecte.

Présentant le rapport de son pays, M. Chin Malin, Secrétaire d’État au Ministère de la justice du Cambodge et Vice-Président du Comité cambodgien des droits de l'homme, a notamment indiqué que son Gouvernement préparait un projet de code des ressources naturelles et que, pour assurer la gestion des ressources naturelles et la conservation de la biodiversité, le Gouvernement avait créé des zones protégées qui couvrent actuellement une superficie totale de plus de sept millions d'hectares, soit environ 41% de la superficie du pays.

M. Malin a ensuite fait état d’une baisse de la proportion de personnes vivant sous le seuil de pauvreté au Cambodge, de 22,9% en 2009 à 9,7% en 2017.  Il a ensuite souligné que le Code pénal cambodgien faisait de la discrimination une infraction pénale et que la loi sur le travail interdisait la discrimination des travailleurs sur la base de leurs race, de leur couleur ou de leur croyance religieuse, entre autres critères.

S’agissant des droits syndicaux, M. Malin a assuré au Comité que ni les ouvriers ni les militants syndicaux ne sont détenus ou mis en accusation pour avoir participé à des grèves ou des manifestations pacifiques au Cambodge ; ils répondent cependant de leurs actes devant la loi s'ils organisent une grève qui entraîne des dommages physiques à une personne ou des dégâts à une propriété publique ou privée, a souligné le Secrétaire d’État.

Le Gouvernement n’applique aucune politique qui reviendrait à déposséder les peuples autochtones des terres et des ressources naturelles qu'ils occupent et utilisent traditionnellement, a par ailleurs assuré le Secrétaire d’État.

M. Malin a aussi mis en avant la mise en œuvre effective par son Gouvernement de mesures contre l'épidémie de COVID-19.

Outre M. Chin et plusieurs de ses collaborateurs, la délégation cambodgienne était également composée, entre autres, de M. Dara In, Représentant permanent du Cambodge auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de plusieurs représentants des Ministères du travail et de la formation professionnelle, de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et de la construction, de l'éducation, de la jeunesse et des sports, et du développement rural.

Pendant le dialogue, la délégation a décrit le rôle joué par le conseil d’arbitrage entre travailleurs et employeurs dans l’affaire NagaWorld, qui concerne des licenciements massifs de personnel. Le syndicat d’entreprise a refusé d’attendre les décisions du conseil et lancé la grève, ce qui est illégal, a expliqué la délégation, ajoutant que des personnes ont été arrêtées dans le contexte des troubles sociaux qui ont suivi.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Cambodge et les publiera à l’issue de sa session, dont les travaux s’achèvent le 3 mars prochain.

 

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l’examen du rapport de la Lituanie.

 

Examen du rapport du Cambodge

Le Comité est saisi du deuxième rapport périodique du Cambodge (E/C.12/KHM/2) ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter qui avait été soumise par le Comité.

Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays, M. CHIN MALIN, Secrétaire d’État au Ministère de la justice du Cambodge, Vice-Président du Comité cambodgien des droits de l'homme et chef de la délégation cambodgienne, a mentionné plusieurs progrès récents dans l'application du Pacte au Cambodge.

S’agissant d’abord du droit de disposer librement des richesses et des ressources naturelles, le Secrétaire d’État a indiqué que son Gouvernement préparait un projet de code des ressources naturelles qui s’inscrit dans le cadre de sa « stratégie rectangulaire » pour la croissance. Pour assurer la gestion des ressources naturelles et la conservation de la biodiversité, le Gouvernement a créé des zones protégées qui couvrent actuellement une superficie totale de plus de sept millions d'hectares, soit environ 41% de la superficie du Cambodge, a ajouté le Secrétaire d’État.

M. Malin a ensuite fait état d’une baisse de la proportion de personnes vivant sous le seuil de pauvreté au Cambodge – de 22,9% en 2009 à 9,7% en 2017.

M. Malin a aussi indiqué que le Code pénal cambodgien faisait de la discrimination une infraction pénale et que la loi sur le travail interdisait la discrimination des travailleurs sur la base de leurs race, de leur couleur ou de leur croyance religieuse, entre autres critères.

Le Gouvernement s'efforce par ailleurs d'augmenter la main-d'œuvre qualifiée pour répondre à l'évolution du marché du travail, a poursuivi le chef de la délégation. En particulier, entre l'année scolaire 2017/2018 et l'année scolaire 2021/2022, le nombre de diplômés de la formation technique et professionnelle et de la formation professionnelle de courte durée a augmenté d'environ 270 000 personnes. Le Secrétaire d’État a mis en avant d’autres mesures concernant l’introduction d’un salaire minimum ainsi que la création d’équipes interministérielles d'inspection du travail dans les secteurs de la fabrication, de l'agriculture, du tourisme et – en cours de réalisation – de la construction.

S’agissant des droits syndicaux, M. Malin a assuré au Comité que ni les ouvriers ni les militants syndicaux ne sont détenus ou mis en accusation pour avoir participé à des grèves ou des manifestations pacifiques au Cambodge ; ils répondent cependant de leurs actes devant la loi s'ils organisent une grève qui entraîne des dommages physiques à une personne ou des dégâts à une propriété publique ou privée, a souligné le Secrétaire d’État.

M. Malin a par ailleurs mentionné la création par le Ministère du travail d’un groupe de travail sur la migration pour assurer la sécurité et le bien-être des travailleurs migrants. La lutte contre la traite des êtres humains relève des compétences d’un comité national, de groupes de travail interministériels et de comités municipaux et provinciaux chargés de s'attaquer aux causes profondes de la traite.

Le Secrétaire d’État a donné d’autres informations concernant les mesures prises en faveur du droit à la santé physique et mentale, y compris au travers du développement de services de santé mentale appliquant les recommandations de l'OMS ; l’accès des groupes à revenus faibles et moyens et des groupes vulnérables à des logements abordables ; la réforme de l'éducation afin de garantir une éducation de qualité inclusive et équitable ; ou encore l’application de la Stratégie nationale pour l'approvisionnement en eau, l'assainissement et l'hygiène en milieu rural 2011-2025.

A propos des droits culturels, le Secrétaire d’État a précisé que le Ministère de la culture et des beaux-arts avait inscrit les danses autochtones dans la liste du patrimoine culturel immatériel. Le Ministère de l’éducation a pour sa part lancé un programme d'éducation primaire à plusieurs niveaux pour les enfants autochtones dans les provinces, et pris d’autres mesures pour protéger les langues autochtones et sensibiliser la population aux traditions, cultures et coutumes autochtones. Le Gouvernement n’applique aucune politique qui reviendrait à déposséder les peuples autochtones des terres et des ressources naturelles qu'ils occupent et utilisent traditionnellement, a assuré le Secrétaire d’État.

M. Malin a aussi mis en avant la mise en œuvre effective par son Gouvernement de mesures contre l'épidémie de COVID-19, avec la participation active de la population. Le secteur économique s'est rapidement rétabli grâce aux efforts proactifs du Gouvernement, a-t-il indiqué: l'économie cambodgienne a connu en 2022 une croissance d'environ 5,5%, qui devrait atteindre 6,6% en 2023. Les salaires des fonctionnaires et des forces armées seront relevés, de même que les pensions des anciens fonctionnaires et des vétérans, a-t-il précisé.

Le processus démocratique libéral multipartite du Cambodge avance en suivant la voie de la primauté du droit, comme en témoignent notamment les élections libres, équitables et justes qui ont eu lieu pour le cinquième mandat des conseils communaux, a souligné M. Malin, avant d’ajouter que les travaux et activités des partis politiques en vue de l'élection de la septième Assemblée nationale se déroulent bien eux aussi.

Questions et observations des membres du Comité

M. ASLAN ABASHIDZE, rapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Cambodge, a demandé dans quelle mesure les droits économiques, sociaux et culturels inscrits dans la Constitution cambodgienne étaient conformes aux dispositions du Pacte et a souhaité savoir si cette question avait fait l’objet d’études à un niveau officiel – au niveau gouvernemental ou au niveau du système judiciaire, voire au niveau universitaire. L’expert a voulu savoir si un citoyen cambodgien peut, sur la base de la législation en vigueur, invoquer les dispositions du Pacte devant la loi.

M. Abashidze a ensuite fait remarquer que la création d'une institution nationale des droits de l'homme au Cambodge faisait l’objet d’un projet de loi présenté en 2006 déjà. Il a prié la délégation de dire si le Gouvernement envisageait d’amender la loi spéciale sur les associations et les organisations non gouvernementales (ONG); il a en outre souhaité savoir combien d’affaires pénales et de décisions de justice liées à des violations des droits de la société civile et des ONG étaient enregistrées depuis cinq ans.

L’expert a ensuite constaté que le plan stratégique concernant la réduction des émissions de carbone, la résilience aux changements climatiques et le développement durable prenait fin cette année. Il a voulu savoir quels buts et objectifs fixés dans ce plan ne seront pas atteints et pour quelle raison, et si un nouveau plan stratégique similaire était en préparation.

M. Abashidze s’est interrogé sur l’existence d’une loi, ou d’un document officiel, qui fixerait des exigences claires concernant l’évaluation, par les entreprises commerciales, de l’impact de leurs activités sur l’environnement et sur les droits de l’homme. L’expert a voulu savoir ce qui était fait pour obliger les entités commerciales responsables de violations des droits économiques, sociaux et culturels à en rendre compte, et pour donner aux victimes l'accès à des recours judiciaires et non judiciaires.

M. Abashidze a par ailleurs souhaité savoir quand le code de l'environnement et des ressources naturelles mentionné par le chef de la délégation serait adopté et comment les droits et intérêts des peuples autochtones vivant dans les zones désignées étaient défendus.

D’autres questions de l’expert ont porté sur la part du budget public allouée aux dépenses sociales et sur la lutte contre la corruption au Cambodge.  Sur la base des informations fournies par le Gouvernement, « il semble que les mécanismes existants ne sont pas très efficaces » contre la corruption, a fait remarquer M. Abashidze.

L’expert a par ailleurs suggéré que le Cambodge se dote d’une politique générale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination directe ou indirecte. Il a prié la délégation de décrire les efforts du Gouvernement pour remédier aux disparités, dans la jouissance des droits défendus par le Pacte, qui affectent les personnes vivant dans les zones rurales et les zones urbaines défavorisées ; et pour remédier à l'asymétrie entre les hommes et les femmes dans la propriété des biens, des actifs, des terres et des autres ressources productives.

Un autre expert a fait état d’informations parvenues au Comité indiquant que les défenseurs des droits fonciers au Cambodge seraient victimes d’intimidations et de harcèlement judiciaire, et que les militants contre la corruption seraient eux aussi empêchés de s’exprimer librement. Les entreprises responsables d’expulsions forcées devraient rendre compte de leurs actes et les victimes recevoir des indemnisations, a souligné l’expert.

Il a été demandé si le Cambodge pourrait envisager de ratifier la Convention n°169 de l’Organisation internationale du Travail, relative aux peuples indigènes et tribaux.

L’exigence de « neutralité politique » imposée aux organisations de la société civile par la loi sur les associations et les organisations non gouvernementales est, par nature, sujette à interprétation, a fait remarquer une experte.

Un expert a souligné que le Comité reconnaissait les mesures mises en œuvre par le Cambodge pour faire face à la pandémie de COVID-19. Notant que de nombreux Cambodgiens partaient travailler dans les pays voisins, notamment en Thaïlande, cet expert a demandé quelles mesures avaient été adoptées pour aider ces travailleurs bloqués à l'étranger par la COVID-19 et quel type de formation et de protection l’État offrait, d’une manière générale, à ces travailleurs contre les abus auxquels ils sont exposés à l’étranger.  L’expert a par ailleurs constaté que le Cambodge n’avait pas ratifié la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, signée en 2004. Le Comité, a ajouté l’expert, est préoccupé par le fait que les travailleurs du secteur informel ne sont pas concernés par le salaire minimum.

D’autre part, a poursuivi l’expert, le Comité reçoit avec inquiétude des informations au sujet de mauvaises conditions de travail et de violences dans l'industrie du textile, de l'habillement et de la chaussure. Le Comité est aussi préoccupé par les conditions de travail dans les « zones économiques spéciales » ; par des restrictions apportées au droit de créer des syndicats et de s'y affilier ; par l’arrestation, les poursuites et la détention de membres du Syndicat des employés khmers de NagaWorld (LRSU) ; et par la révocation de la licence de la station de radio Voice of Democracy, a indiqué l’expert.

Le même expert a en outre pointé des carences, mises en évidence pendant la pandémie, s’agissant de la couverture de sécurité sociale dans le secteur informel et des personnes employées à court terme. 

Le Président du Comité, M. Mohamed Ezzeldin Abdel-Moneim, a insisté sur l’importance de tenir compte, pendant l’examen des rapports, des spécificités des États examinés. Il a aussi rappelé que les articles du Pacte s’appliquaient à tous les pays, sur un pied d’égalité.

Un expert a relevé que, selon certaines informations reçues par le Comité, le travail des enfants peut se produire dans des conditions particulièrement dangereuses, notamment pour le travail avec des produits chimiques toxiques dans les plantations agro-industrielles. L’expert s’est aussi étonné de l’affirmation, dans les réponses du pays à la liste des points à traiter, selon laquelle « les inspections du travail sans préavis réalisées dans les usines de briques du pays ont démontré l’absence de cas de travail des enfants ou de servitude pour dettes », car d’autres informations reçues par le Comité indiquent que les problèmes persistent.

L’expert a fait part d’autres préoccupations concernant le risque de surendettement auquel sont exposées de nombreuses familles cambodgiennes ayant contracté des microcrédits, les montants de prêts pouvant atteindre jusqu'à quatre fois le revenu annuel médian. L’expert a en outre demandé si la stratégie nationale d'éradication de la pauvreté était adaptée face au problème de l’inflation.

L’expert a ensuite constaté que le Cambodge était classé comme l'un des pays les plus vulnérables aux changements climatiques. Le Comité salue la voie choisie par le pays pour devenir neutre en termes d'émissions, a dit l’expert ; mais il se demande quelle est la capacité nationale d'adaptation pour soutenir celles et ceux qui sont affectés négativement par les changements climatiques, en particulier les ménages ruraux, les femmes et les autres groupes vulnérables.

Le même expert a évoqué des expulsions forcées, tant dans les zones rurales qu’urbaines, dans le contexte d'un afflux d'investissements étrangers et de divers projets.

L’expert a ensuite relevé que la loi foncière de 2001 reconnaît effectivement la propriété foncière collective des terres autochtones. Mais selon certaines informations, a-t-il souligné, les conflits fonciers resteraient un immense problème pour les peuples autochtones, du fait des concessions foncières économiques, de l'exploitation minière, des barrages hydro-électriques, des empiétements sur les terres, de la déforestation et de l'exploitation forestière illégale.

Une experte a salué la publication, en 2021, du rapport national sur le statut démographique et socioéconomique des peuples autochtones au Cambodge. Cependant, les conclusions du rapport soulignent la situation plutôt difficile des enfants autochtones dans l'environnement éducatif : près de la moitié d’entre eux ne vont pas à l'école et seuls 4% terminent l'enseignement secondaire, a observé l’experte.

Plusieurs questions ont en outre porté sur le processus de restitution de leurs terres ancestrales aux peuples autochtones et sur les obstacles qui empêchent certains d’entre eux d'enregistrer leurs terres collectives.

Réponses de la délégation

La délégation a indiqué que, dans la pratique, la Constitution reconnaissait, dans ses articles, les principes fondamentaux du Pacte, dont l’application concrète des dispositions par les tribunaux est soumise à l’adoption préalable de lois d’application [c’est-à-dire d’une transposition des dispositions du Pacte en droit interne, conformément au système dualiste], comme pour les autres instruments juridiques internationaux ratifiés par le pays.

Le Gouvernement envisagera ultérieurement la possibilité de ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte, qui institue une procédure de plainte devant le Comité, a fait savoir la délégation en réponse à une demande de M. Abashidze. Le Cambodge a déjà ratifié huit des neuf instruments fondamentaux des droits de l’homme des Nations Unies, a précisé la délégation.

La délégation a insisté à plusieurs reprises sur le fait que son pays, qui est toujours en situation d’après-conflit, disposait de ressources limitées, mais aussi qu’il collaborait activement avec les institutions onusiennes des droits de l’homme.

La délégation a répondu à d’autres questions des experts du Comité concernant l’indépendance du pouvoir judiciaire.

Le service juridique du Gouvernement travaille depuis 2019 au projet de loi visant la création d’une institution nationale de droits de l’homme, a d’autre part indiqué la délégation.  Les premières consultations ont eu lieu avec plus de quarante parties prenantes dans le pays, a-t-elle ajouté, précisant que le bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme au Cambodge a organisé la participation des organisations de la société civile à ce processus. Un petit groupe d’entre elles a refusé d’y prendre part et continue de critiquer le Gouvernement, mais ce dernier ne sait pas ce qu’elles réclament, a affirmé la délégation. Le Conseil des Ministres sera saisi du projet, après quoi ce sera au tour des deux chambres du Parlement de s’en saisir, avant enfin la promulgation par le Roi, a expliqué la délégation, estimant que la procédure devrait aboutir en 2024.

Un autre petit groupe d’organisations non gouvernementales (ONG) critique la loi sur les associations et les ONG. Or, le nombre d’organisations a augmenté après l’adoption de cette loi, ce qui montre qu’il est faux d’affirmer que ce texte limite leurs activités, a affirmé la délégation. La loi exige en particulier que les associations présentent des rapports sur leur mode de financement et sur leurs activités, et qu’elles respectent le principe de neutralité politique, ce que certaines organisations refusent toujours, a-t-elle expliqué. Le Gouvernement est cependant toujours ouvert à la discussion pour réviser cette loi, a-t-elle ajouté.

Les poursuites contre des défenseurs de l’environnement mentionnées par des experts du Comité étaient motivées non pas par les activités liées à l’environnement de ces personnes, mais par leurs infractions à des lois et règlements concernant d’autres aspects, a ensuite affirmé la délégation.

Dans la pratique, le Gouvernement a promulgué plusieurs décrets et règlements sectoriels pour encadrer les activités des entreprises sous l’angle de leur impact sur l’environnement et sur les droits de l’homme, a d’autre part indiqué la délégation. Le Gouvernement envisage de mettre en place un cadre juridique global sur les entreprises et les droits de l’homme, a-t-elle précisé.

La loi sur la protection de l’environnement prévoit déjà des sanctions – amendes, fermeture administrative, voire emprisonnement – contre les entreprises qui ne respectent pas les prescriptions en matière d’évaluation de leur impact environnemental et de gestion des ressources naturelles, a-t-il en outre été indiqué.

Le Cambodge applique, d’autre part, un cadre légal et des mécanismes spécialisés dans la lutte contre la corruption, a indiqué la délégation, avant d’ajouter que le pays est en train de préparer une loi pour protéger les lanceurs d’alerte.

La délégation a ensuite précisé que le Cambodge appliquait une politique nationale concernant les peuples autochtones portant, notamment, sur les questions liées à la propriété foncière, à l’utilisation communale des terres et à la prévention du déboisement. Les titres fonciers de quarante communautés ont été enregistrés récemment pour une surface de 39 000 hectares soit, en moyenne, dix hectares par famille autochtone. L’attribution de titres fonciers est une démarche qui doit être faite par les familles potentiellement bénéficiaires, a-t-il été précisé.

Le Ministère du développement rural reconnaît officiellement 176 villages autochtones, a par la suite ajouté la délégation. Il aide les peuples autochtones à prendre une part active à l’exploitation des ressources naturelles sur leurs terres ancestrales. L’attribution de terres aux peuples autochtones à titre collectif est un processus complexe. Elle peut entraîner des conflits avec d’autres parties concernées et, dans d’autres cas, certaines communautés autochtones revendiquent des terres déjà protégées, comme des parcs nationaux, a expliqué la délégation.

La délégation a par ailleurs affirmé que les « expulsions forcées » de personnes autochtones étaient en réalité des réinstallations involontaires. En effet, les procédures normalisées qui régissent les grands projets d’infrastructure prévoient, le cas échéant, des réinstallations. La force n’est alors utilisée qu’en dernier recours, face à des personnes qui deviennent violentes ou refusent de participer aux négociations ou consultations qui précèdent toujours le lancement d’un grand projet, a expliqué la délégation. Vingt-trois grands projets se sont vu retirer leur licence pour n’avoir pas respecté les prescriptions relatives au foncier, a-t-elle fait observer.

On compte, parmi les propriétaires de biens immobiliers au Cambodge, davantage des femmes que d’hommes, a précisé la délégation.
Le Cambodge ne dispose pas encore de loi ou politique générale contre la discrimination, a confirmé la délégation. Cependant, la discrimination est déjà interdite secteur par secteur, en particulier s’agissant de la discrimination au travail et envers les femmes, a-t-elle fait valoir.

Le Cambodge a agi avec succès pour améliorer les conditions de travail dans le secteur de la confection, entre autres, a poursuivi la délégation. Les autorités défendent aussi les droits syndicaux, ce dont témoigne le grand nombre de nouvelles organisations ou syndicats professionnels – on en dénombre plus de 6000 aujourd’hui – qui sont apparus depuis 2016, date de l’adoption de la nouvelle loi sur les syndicats, a ajouté la délégation. Le pays applique en outre, à titre prioritaire, le programme de travail décent de l’Organisation internationale du Travail, l’accent étant mis sur les femmes.

La délégation a ensuite expliqué que, pour le Cambodge, la seule mission d’un syndicat est de défendre les droits de ses membres dans le domaine du travail, à l’exclusion de l’action politique et de toute incitation à la violence. Les dirigeants syndicaux de NagaWorld poursuivis le sont pour des actes qui n’ont rien à voir avec les droits syndicaux, a-t-elle ajouté, avant de s’interroger sur l’origine du soutien dont ces dirigeants bénéficient.  La délégation a par la suite décrit le rôle joué par le conseil d’arbitrage entre travailleurs et employeurs dans l’affaire NagaWorld, concernant des licenciements massifs de personnel. Le syndicat d’entreprise a refusé d’attendre les décisions du conseil et lancé la grève, ce qui est illégal, a expliqué la délégation. Des personnes ont été arrêtées dans le contexte des troubles sociaux qui ont suivi.

La liberté d’association est garantie par la Constitution et par la loi sur les syndicats de 2016, les citoyens ayant en particulier le droit de s’affilier aux syndicats de leur choix, a par la suite insisté la délégation. La loi a été amendée en 2020, après des consultations tripartites, dans le but de simplifier la procédure d’enregistrement : le nombre de syndicats est ensuite passé à 6014. De plus, le droit de grève existe au Cambodge, mais il peut y être soumis à des restrictions légales, a-t-il été précisé. Une grève violente est considérée comme un délit pénal au Cambodge, comme c’est le cas dans d’autres pays, a indiqué la délégation.

Les conditions de travail dans le secteur de la confection sont contrôlées par le Gouvernement et par des auditeurs indépendants, désignés par les clients des entreprises fournisseuses, a expliqué la délégation. Les salaires y ont été augmentés et la protection sociale étendue.

Au Cambodge, des jeunes peuvent, dans leur temps libre, apporter une aide à leurs familles paysannes, ce qui n’est pas considéré comme illégal.  Mais pour ce qui est du secteur formel, le Gouvernement fait respecter la Convention n°138 de l’OIT sur l’âge minimum d’admission à l’emploi : cet âge est fixé au Cambodge à 15 ou 18 ans, selon les secteurs.

La délégation a donné d’autres renseignements concernant le salaire minimal et le système d’inspection du travail ; en particulier, les travailleurs peuvent dénoncer le non-respect du salaire minimal par le biais de WhatsApp, a-t-elle indiqué. 

Les employés des zones économiques spéciales bénéficient aussi du salaire minimal qui a cours dans leurs secteurs d’activités respectifs, a-t-il été précisé.  La délégation s’est dite étonnée par les allégations de conditions de travail difficiles dans les 23 zones économiques spéciales que compte le pays et où le Gouvernement déploie des fonctionnaires chargés du contrôle de la législation du travail en vigueur.

La délégation a regretté que des organisations de la société civile aient critiqué sans fondement les mesures – confinement, vaccination, entre autres – adoptées par le Cambodge contre la COVID-19, mesures couronnées de succès et destinées uniquement à protéger la vie des citoyens. Le Gouvernement a aussi versé des allocations pour travailleurs ayant perdu leur emploi, avec pour contrepartie la nécessité de suivre un programme de requalification professionnelle. Il a aussi augmenté les salaires minimaux, a fait valoir la délégation.

La délégation a d’autre part indiqué que la pandémie avait entraîné une progression de l’endettement. Le Gouvernement demande aux instituts de financement de rééchelonner les dettes, accorde des subventions aux personnes endettées et les aide à trouver des emplois rémunérateurs, a-t-elle fait valoir.

De nombreuses mesures sont déjà en place pour la protection des travailleurs cambodgiens détachés à l’étranger ou expatriés. En particulier, les contrats de travail doivent être déposés au Ministère du travail pour contrôle, tandis que des formations sont organisées avant le départ, pour informer les émigrants des conditions de travail dans le pays d’accueil et de leurs droits.  Le Gouvernement collabore avec la Thaïlande pour assurer le transfert des prestations de sécurité sociale entre les deux pays, a précisé la délégation.

 

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