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Examen de la Mauritanie devant le CEDAW : tout en saluant les nombreux efforts déployés par le pays, les membres du Comité soulignent que les femmes et les filles continuent d’être victimes de discriminations et de stéréotypes

15 février 2023

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) a examiné aujourd’hui, à Genève, le rapport présenté par la Mauritanie au titre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

Ont été particulièrement salués les efforts déployés par le pays pour consolider l’état de droit et pour surmonter les lacunes et les obstacles qui entravent le respect de ses obligations en vertu de la Convention.  Au nombre des progrès récents, ont ainsi été notés, entre autres, la création de l'Agence nationale « Tadamoun » de lutte contre les séquelles de l'esclavage, d’insertion et de lutte contre la pauvreté ; la législation incriminant et sanctionnant les mutilations génitales féminines pratiquées sur une enfant de moins de 18 ans ; ou encore la mise en place de l’Observatoire national des droits des femmes et des filles. 

Cependant, a-t-il été observé, les garanties constitutionnelles de non-discrimination et de protection des droits des femmes et des filles restent évasives.  Une experte a noté que dans la pratique, les femmes et les filles continuent d'être victimes de discrimination dans tous les domaines, y compris dans la secteur de l'emploi. Les progrès dans le domaine de l’égalité entre les sexes sont entravés par des stéréotypes sexistes répandus et par des attitudes conservatrices concernant le rôle et la position des femmes dans la société et dans les communautés, qui viennent ajouter à la pauvreté et à la marginalisation des femmes, a-t-il été observé.

Les femmes et les filles victimes de violences, et notamment de violences sexuelles, ne sont pas protégées par la loi, a-t-il par ailleurs été déploré. 

En ce qui concerne la traite de personnes, il a été observé que la Mauritanie reste un pays d'origine, de transit et de destination pour les hommes, les femmes et les enfants soumis au travail forcé et à la traite à des fins d’exploitation sexuelle.

En outre, les réserves que la Mauritanie maintient à l’égard des articles 13a et 16 de la Convention semblent être en contradiction directe avec les réformes juridiques et avec la stratégie nationale de prospérité partagée visant à promouvoir une forte croissance inclusive, a souligné une experte, exhortant le pays à mettre en œuvre ces [deux] articles comme première étape essentielle pour libérer potentiel des femmes et des filles mauritaniennes.

La Mauritanie doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour abroger la peine capitale sans délai, a-t-il par ailleurs été affirmé.

Présentant le rapport de son pays, S.E.M. Cheikh Ahmedou Sidi, Commissaire aux droits de l’homme, à l’action humanitaire et aux relations avec la société civile de la Mauritanie, a notamment rappelé que les dispositions de la Convention sont directement applicables, peuvent être invoquées devant les tribunaux et priment sur les lois nationales.  Il a indiqué que le cadre juridique de la politique nationale de promotion et de protection des droits de l’homme avait connu d’importantes évolutions suite à la promulgation de lois incriminant la discrimination, favorisant l’accès des femmes aux mandats et fonctions électorales, portant prévention et répression de la traite de personnes, ou encore visant la protection de l’enfance.

S’agissant du cadre institutionnel, des réalisations majeures ont été apportées, a poursuivi M. Sidi, citant notamment la mise en place de l’Observatoire national des droits des femmes et des filles. Il a également fait part de la mise en place du Plan d’action national de lutte contre la traite des personnes (PANLTP), qui a permis d’actualiser le cadre juridique et de renforcer les capacités des acteurs dans ce domaine.

M. Sidi a par ailleurs présenté les nombreux acquis engrangés en ce qui concerne la représentation des femmes dans la vie publique et politique.  Il a en outre rendu compte d’une baisse de la fréquence des pratiques préjudiciables pour les femmes et les filles. En coopération avec des organisations de défense des droits de l'homme, le Gouvernement a organisé en octobre 2022 une vaste campagne de sensibilisation sur les lois contre la traite des êtres humains, l'esclavage, la discrimination et la torture, a d’autre part indiqué M. Sidi.

M. Ahmed Salem Bouhoubeyni, Président de la Commission nationale des droits de l’homme de Mauritanie, a complété cette présentation.  La délégation mauritanienne était également composée, entre autres, de représentants de nombreux ministères. 

Au cours du dialogue, la délégation a notamment indiqué que le projet de loi sur la violence faite aux femmes et aux filles devrait être présenté devant le Conseil des ministres en mars prochain avant d’être adopté par l’Assemblée nationale en avril ou mai de cette année.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de la Mauritanie et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 24 février.

 

Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l’examen du rapport de la Slovénie.

 

Examen du rapport de la Mauritanie

Le Comité est saisi du rapport périodique de la Mauritanie (CEDAW/C/MRT/4) ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter soumise par le Comité.

Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays, S.E.M. CHEIKH AHMEDOU SIDI, Commissaire aux droits de l’homme, à l’action humanitaire et aux relations avec la société civile de la Mauritanie, a insisté sur la place prépondérante que le Gouvernement mauritanien accorde à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, dont les dispositions – a-t-il précisé – sont directement applicables, peuvent être invoquées devant les tribunaux et priment sur les lois nationales.  Il a en outre fait état de l’organisation d’ateliers, de formations et de cours de sensibilisation aux dispositions de la Convention.

M. Sidi a fait savoir que le cadre juridique de la politique nationale de promotion et de protection des droits de l’homme a connu d’importantes évolutions suite à la promulgation de lois incriminant la discrimination, favorisant l’accès des femmes aux mandats et fonctions électorales, portant prévention et répression de la traite de personnes, ou encore visant la protection de l’enfance.

S’agissant du cadre institutionnel, des réalisations majeures ont été apportées, a poursuivi M. Sidi, citant notamment la mise en place de l’Observatoire national des droits des femmes et des filles. Il s’agit d’un organe consultatif d'information des pouvoirs publics chargé de la surveillance et du suivi des carences et des déséquilibres dans le domaine des droits des femmes ; cet organe permet de renforcer les droits et la participation des femmes, de mener un travail de suivi et d’évaluation, et de formuler des propositions visant à promouvoir les droits des femmes et des filles dans les politiques publiques. D’autres institutions ont également été mises en place, a ajouté M. Sidi, citant notamment la création d’un poste de délégué général à la solidarité nationale et à la lutte contre l'exclusion, ainsi que la mise en place d’un fonds national de solidarité sanitaire (la Caisse nationale de solidarité en santé) et d’un Mécanisme national de prévention de la torture. Par ailleurs, a ajouté M. Sidi, la mise en place du Plan d’action national de lutte contre la traite des personnes (PANLTP) a permis d’actualiser le cadre juridique et de renforcer les capacités des acteurs dans ce domaine, ainsi que de réaliser d'importantes études sur les différentes formes de traite.

M. Sidi a ensuite rappelé que les régions du Sahel et du Sahara sont caractérisées par des phénomènes récurrents et dangereux tels que le terrorisme, l'afflux massif de réfugiés, l'insécurité et la criminalité transnationale. À cela, s’est ajoutée la pandémie de COVID-19 et ses répercussions, a-t-il poursuivi, avant de souligner que la Mauritanie est toutefois restée fidèle à l’élaboration et à la mise en œuvre de plans de développement pour consolider l'état de droit, afin de préserver les acquis démocratiques, tout en tenant compte de l'impératif d'implication et d'autonomisation des femmes.

M. Sidi a détaillé les mesures prises dans le domaine social pour fournir une assurance maladie aux familles nécessiteuses, ainsi que les mesures prises pour améliorer sensiblement les conditions économiques et sociales des groupes vulnérables.

S’agissant de la question de la représentation des femmes dans la vie publique et politique, de nombreux acquis ont été engrangés, a affirmé M. Sidi. Ainsi, a-t-il notamment précisé, au niveau gouvernemental, le pourcentage de femmes ministres est-il désormais de 18%, tandis que le pourcentage de femmes fonctionnaires est de 34,6%.

La lutte contre la violence à l'égard des femmes est un axe majeur de la politique gouvernementale de protection et de promotion des droits humains, a poursuivi M. Sidi, avant d’exposer les mécanismes de protection des femmes et des filles existants et les mesures prises par son Gouvernement afin de prévenir la violence à l’encontre des femmes.  Il a entre autres évoqué la création d’un comité national pour l'institutionnalisation du genre.

Abordant les questions relatives aux pratiques préjudiciables pour les femmes et les filles, M. Sidi a indiqué que pour la période 2019-2020 le pourcentage de victimes de ces pratiques s'élevait à 64% des femmes dans la tranche d'âge 15-49 ans, alors qu'il atteignait 45% des filles dans la tranche d'âge 0-14 ans – ce qui indique une baisse de la fréquence de cette pratique, bien qu'elle soit encore élevée, a-t-il souligné. Pour lutter contre ce phénomène, a été mise en place une nouvelle stratégie qui s’appuie notamment sur une campagne de sensibilisation, sur des formations et des conférences. M. Sidi a également mentionné la campagne mise en place pour lutter contre le mariage des enfants.

S’agissant de l'autonomisation économique des femmes, le Gouvernement mauritanien a fait de grands efforts, notamment au travers d’un fonds de dépôts et d'assurance et de programmes de formation, a par ailleurs fait valoir M. Sidi. En 2022, environ 4500 projets pour les femmes ont pu être menés et près de 10 000 femmes ont pu bénéficier d’aides. Au Sahel, un centaine de jeunes filles ont été formées au montage et au financement de microprojets.

Le Gouvernement a également mis en œuvre une stratégie nationale qui vise à garantir un accès égal à l’éducation et à assurer une éducation complète et de qualité à tous les enfants sur le territoire mauritanien, sans aucune discrimination.

En ce qui concerne la lutte contre la traite des êtres humains, M. Sidi a notamment rappelé que le Gouvernement mauritanien s’est doté de juridictions spécialisées dans la lutte contre l'esclavage.  Par ailleurs, en coopération avec des organisations de défense des droits de l'homme, le Gouvernement a organisé en octobre 2022 une vaste campagne de sensibilisation sur les lois contre la traite des êtres humains, l'esclavage, la discrimination et la torture.

En conclusion, M. Sidi a souligné que si certaines difficultés et défis entravent parfois la jouissance de certains droits, notamment économiques et sociaux, le Gouvernement mauritanien n’en poursuit pas moins ses efforts inlassables pour les surmonter.

M. AHMED SALEM BOUHOUBEYNI, Président de la Commission nationale des droits de l’homme de Mauritanie (CNDH), a noté avec satisfaction les mesures et engagements pris par la Mauritanie dans le domaine des droits de l’homme, en particulier en matière de lutte contre la traite de personnes et le trafic de migrants. La Commission se félicite du nombre de mécanismes créés et de stratégies formulées pour renforcer l’environnement des droits humains en Mauritanie et ainsi mieux appliquer la Convention.

Prenant note de la création du Mécanisme national de prévention de la torture, de l’Observatoire national des droits des femmes et des filles ou encore de l’Instance nationale de lutte contre la traite des personnes et le trafic de migrants, M. Bouhoubeyni a indiqué que, de l’avis de la Commission, la pérennité de ces mécanismes devrait émaner d’une loi et non d’un décret [comme c’est actuellement le cas]. Quant à l’Observatoire, son autonomie serait plus crédible s’il s’émancipait du Ministère des affaires sociales, de l’enfance et de la famille, duquel il dépend. Cet Observatoire devrait d’ailleurs disposer d’une autonomie financière et juridique pour mener à bien son mandat, a insisté le Président de la Commission.

La Commission estime en outre que la multiplicité des mécanismes et autres plans stratégiques de promotion des droits - qu’elle n’entend pas remettre en cause - cache mal la nécessité d’avoir une loi majeure de protection de la femme, alors que le projet de loi relatif à la lutte contre les violences à l’égard des femmes et des filles, qui ne cesse d’être amendé, retiré puis réintroduit devant l’Assemblée nationale, peine à être voté.  A cet égard, la Commission se réjouit de l’initiative récente du Ministère de la justice d’organiser un atelier pour relancer ce projet de loi.

Questions et observations des membres du Comité

Ouvrant la discussion, MME ESTHER EGHOBAMIEN-MSHELIA, rapporteuse du Comité pour l’examen du rapport de la Mauritanie, a salué les divers efforts déployés par le pays pour surmonter les lacunes et les obstacles qui entravent le respect de ses obligations en vertu de la Convention.  Elle a ainsi noté, au nombre des progrès récents, le dernier amendement de la Constitution (2018) ; la création de l'Agence nationale « Tadamoun » de lutte contre les séquelles de l'esclavage, d’insertion et de lutte contre la pauvreté ; ou encore la législation incriminant et sanctionnant les mutilations génitales féminines pratiquées sur une enfant de moins de 18 ans.

Cependant, a fait observer l’experte, les garanties constitutionnelles de non-discrimination et de protection des droits des femmes et des filles restent évasives. 

En outre, les réserves que la Mauritanie maintient à l’égard des articles 13a et 16 de la Convention semblent être en contradiction directe avec les réformes juridiques et avec la stratégie nationale de prospérité partagée visant à promouvoir une forte croissance inclusive, a souligné la rapporteuse.  Le mariage précoce ou forcé, ainsi que les dispositions sur les « filles incapables » permettant aux filles mineures d'être données en mariage par un tuteur, aggravent la discrimination et la vulnérabilité des victimes, a-t-elle ajouté.  Mme Eghobamien-Mshelia a exhorté la Mauritanie à respecter ses obligations en vertu de la Convention et à mettre en œuvre ces [deux] articles comme première étape essentielle pour libérer potentiel des femmes et des filles mauritaniennes.

Une autre experte a salué les efforts déployés par le Gouvernement mauritanien en faveur de la paix dans le monde, ainsi que le rôle joué par le pays dans les opérations de paix en Afrique de l’Ouest – région confrontée à des crises et à des questions de sécurité majeures. Cette experte a également noté les efforts menés pour consolider l’état de droit. Elle a demandé à la délégation de clarifier la hiérarchie des normes et de confirmer la portée juridique de la Convention dans le droit positif.  Elle lui a également demandé de fournir des indications sur le dialogue entretenu avec les responsables religieux et les efforts menés pour diffuser la Convention.

Une experte a souhaité savoir si l’institution nationale des droits de l’homme de la Mauritanie était indépendante et si elle était habilitée à recevoir des plaintes de femmes.

Alors que le monde s’apprête à commémorer cette année le 75ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, la Mauritanie doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour abroger la peine capitale sans délai, a-t-il par ailleurs été affirmé.

Une experte s’est félicitée de la création de l’Observatoire national des droits de la femme et de la fille en tant qu’institution consultative indépendante et autonome. Elle a toutefois interrogé la délégation sur la relation entre cette entité et le Ministère des affaires sociales, de l'enfance et de la famille. Outre la création de cet Observatoire, qu’en est-il des mesures juridiques, politiques et de protection sociale visant à promouvoir et protéger les droits des femmes dans tous les secteurs, conformément aux principes de la Convention, a demandé l’experte ?  Elle a également souhaité savoir quel pourcentage du budget national était alloué au Ministère et à l'Observatoire.

Qu’en est-il par ailleurs d’une éventuelle politique de quotas pour l’accès des femmes à la vie politique et publique, a-t-il été demandé ?

Plusieurs interrogations ont porté sur les pratiques néfastes et plus précisément les mutilations génitales féminines.

Les progrès dans le domaine de l’égalité entre les sexes sont entravés par des stéréotypes sexistes répandus et par des attitudes conservatrices concernant le rôle et la position des femmes dans la société et dans les communautés, qui viennent ajouter à la pauvreté et à la marginalisation des femmes, a fait observer une experte.

Les femmes et les filles victimes de violences, et notamment de violences sexuelles, ne sont pas protégées par la loi, a-t-il été déploré.  La protection des femmes contre la violence sexuelle ne correspond pas aux normes internationales : elle n'est pas basée sur la notion de consentement, alors que les relations consensuelles entre hommes et femmes en dehors du mariage sont, elles, criminalisées, a-t-il été relevé.

En ce qui concerne la traite de personnes, il a été observé que la Mauritanie reste un pays d'origine, de transit et de destination pour les hommes, les femmes et les enfants soumis au travail forcé et à la traite à des fins d’exploitation sexuelle. Qu’en est-il du nombre de victimes de la traite dans le pays, a-t-il été demandé ?  Pouvez-vous confirmer qu’il n'existe aucun marché aux esclaves dans le pays, a demandé une experte ?  Une autre experte a interrogé la délégation sur l’aide apportée aux victimes de la traite et sur les sanctions prises à l’encontre des trafiquants.

Une experte a souligné que le Comité reconnaissait les efforts de l'État partie pour égaliser les chances des femmes pour ce qui est d’occuper des postes de direction à l'échelle nationale. Elle s’est toutefois enquise des efforts déployés par le pays pour combler l'écart entre les sexes en matière de participation des femmes dans les instances régionales et mondiales.

Relevant que le Code de la nationalité permet désormais aux Mauritaniens de détenir la double nationalité, une experte a souhaité savoir si le Gouvernement envisageait de modifier le Code de la nationalité afin d'accorder aux femmes mauritaniennes les mêmes droits qu'aux hommes en ce qui concerne la transmission de leur nationalité à leurs enfants.

Seules 17% des filles arrivent à l’université, alors que 47% des filles n’atteignent pas le cycle secondaire, a relevé une experte, avant de s’enquérir des mesures prises par le Gouvernement pour réduire ce fossé.

Tout en prenant note des efforts entrepris par le Gouvernement pour promouvoir des réformes sociales et économiques visant à réduire la pauvreté et à éliminer les obstacles qui compromettent l’égalité des femmes avec les hommes, une experte a noté que dans la pratique, les femmes et les filles continuent d'être victimes de discrimination dans tous les domaines, y compris dans la secteur de l'emploi. Par exemple, bien que le Gouvernement promeuve l'égalité de rémunération entre hommes et femmes, les femmes continuent de recevoir des rémunérations inégales par rapport à celles des hommes. En outre, elles se voient refuser l'accès à certains emplois et sont censées choisir leurs professions dans les limites de la charia, a observé l’experte.

D’autres questions ont été posées concernant la criminalisation de l’avortement et la pratique de tests de virginité.

Une experte s’est enquise de la situation des femmes rurales et a notamment souhaité savoir si elles avaient accès au crédit et aux microfinancements.

Réponses de la délégation

S’agissant des questions de justice, la délégation a notamment fait part de l’existence d’une assistance juridique qui permet aux femmes mauritaniennes d’avoir accès aux différents tribunaux, aussi bien pour la justice civile que pénale.  Elle a ensuite fait état de l’initiative, lancée le  mois dernier, concernant la tenue de forums destinés à élaborer une stratégie de réforme du secteur de la justice nationale.

La Constitution mauritanienne permet à toute victime de porter plainte, a par ailleurs souligné la délégation. Lorsque des dossiers ou des plaintes relatifs à la discrimination sont envoyés aux tribunaux, ils sont immédiatement traités, a-t-elle ajouté.

Dans les cas de litiges familiaux, a poursuivi la délégation, des cellules d'accompagnement assistent les femmes qui rencontrent des problèmes avec leur mari. Ces cellules prennent notamment en charge les frais d’avocat et accompagnent les victimes devant les tribunaux. Il existe également une institution chargée de traiter les différends au sein de la famille.

Par ailleurs, dans le cas de violences conjugales, de nombreux acteurs sont aujourd’hui formés sur ces questions et il existe des centres d'accueil, supervisés par des organisations non gouvernementales, pour apporter un soutien aux femmes victimes.

Alors que plusieurs expertes se sont inquiétées de l’absence de loi et de procédures pénales pour protéger les femmes et les fillettes contre les violences sexuelles, la délégation a indiqué que le projet de loi sur la violence faite aux femmes et aux filles devait être présenté le 9 mars prochain, afin de permettre à la population mauritanienne d’être au courant, après quoi le texte devrait être présenté devant le Conseil des ministres en mars prochain avant d’être adopté par l’Assemblée nationale en avril ou mai de cette année.

En vue d’abandonner la pratiques néfaste des mariages précoces, des campagnes impliquant des imams et des médecins ont été menées et il existe même une fatwa nationale sur ce sujet, qui confirme l'engagement des leaders religieux sur cette question. Cela a permis de briser des tabous et de faire reculer parfois presque de moitié, dans certaines zones reculées, le taux de mariages précoces, a fait valoir la délégation. Il a été précisé que le Ministère de la justice s’était engagé à organiser un atelier de deux jours sur cette question, qui se tiendra prochainement dans la capitale mauritanienne, Nouakchott. L’idée générale du Gouvernement est d’obtenir un plus grand consensus en vue de sanctionner les mariages précoces ; cela doit prendre la forme d’une incrimination prévue par la loi, a affirmé la délégation.

Concernant le Code du Statut Personnel, la délégation a indiqué qu’un consultant a été recruté pour en réviser les dispositions et les harmoniser avec les engagements de la Mauritanie en matière de droits de l’homme, notamment pour ce qui concerne la femme. C’est là le fruit de plusieurs années de revendications et de militantisme des femmes et l’aboutissement de plusieurs décennies de réflexions et d'échanges, a souligné la délégation.

Pour ce qui est des violences faites aux femmes et aux filles, les leaders religieux ont constitué un élément essentiel en vue de vulgariser la loi et d’expliquer aux communautés les plus reculées que cette dernière n’était pas contraire à la charia.

Le Gouvernement a lancé contre la traite, la torture et l’esclavage une campagne de vulgarisation qui a atteint tous les coins de la Mauritanie, a par ailleurs souligné la délégation, avant de préciser que cette campagne a été réalisée en partenariat avec la société civile et les oulémas.

La délégation a précisé que la charia restait en Mauritanie la seule source de droit.

Si les réserves aux articles 13a et 16 de la Convention sont maintenus, une loi interdit en revanche les mutilations génitales féminines, a poursuivi la délégation, rappelant les résultats significatifs qui ont été enregistrés à ce jour, alors que le pourcentage des victimes de ces pratiques s'élève à environ 64% chez les femmes âgées de 15 à 49 ans et à 45% chez les fillettes âgées de 0 à 14 ans.

La peine de mort n’a toujours pas été abolie dans le pays, mais il existe concernant cette peine un moratoire qui est le plus ancien au monde, puisqu’il date de 1987, a d’autre part souligné la délégation.

S’agissant du nouvel Observatoire national des droits de la femme et de la fille, qui est une institution consultative indépendante autonome de protection et de promotion des droits des femmes et des filles, la délégation a indiqué que les membres de cet organe ont été nommés en 2021.  L’Observatoire est confronté à des défis, relatifs notamment aux lois patriarcales en vigueur dans les zones rurales, a-t-elle souligné. Elle a insisté sur l’importance pour l’Observatoire de l'obtention du statut A de pleine conformité aux Principes de Paris, lui permettant de disposer de ressources afin de mener à bien des campagnes de sensibilisation, notamment pour modifier les mentalités qui s’opposent encore trop souvent à l’émancipation des femmes.  Dans le contexte de l’élaboration du projet de loi présenté par le Gouvernement contre les violences faites aux femmes et aux filles, l'Observatoire a pu émettre ses contributions.

La délégation a par ailleurs rappelé les révisions majeures opérées, plus particulièrement en 2010, dans la législation relative à la nationalité.  L’article 6 de la loi 61-112 portant Code de la nationalité est très clair par rapport à l’ordonnancement juridique, a-t-elle souligné, rappelant ce qu’indique le paragraphe 60 du rapport, à savoir que « les dispositions relatives à la nationalité contenues dans les traités ou accords internationaux dûment ratifiés et publiés s’appliquent, même si elles sont contraires aux dispositions de la législation interne mauritanienne ».

La Mauritanie a entrepris ces dernières années des réformes en vue de promouvoir la participation politique des femmes, a d’autre part souligné la délégation, rappelant notamment qu’un programme national visant la promotion de la participation politique des femmes aux différentes élections avait été mis en place. À ce jour, a notamment précisé la délégation, sur 27 ministres, six sont des femmes et trois femmes sont ambassadrices dans des pays importants où elles coordonnent la coopération multilatérale. Cela n’est toutefois pas suffisant, a reconnu la délégation, soulignant notamment que sur le plan de la sécurité et de lutte contre le terrorisme, les femmes ne sont pas toujours bien représentées.

La Mauritanie dispose d’un arsenal juridique relativement important pour lutter contre la traite des personnes, a par ailleurs fait valoir la délégation. Comme les autorités ne disposaient pas de suffisamment de cas documentés sur ces questions, une campagne menée en coopération avec la société civile a permis au Gouvernement de disposer de davantage d’éléments, a-t-elle expliqué. Ainsi, un cas d’esclave présumé et un cas de traite ont été rapportés par deux ONG, et l’État s’est constitué partie civile pour pouvoir aller au bout de la procédure, a fait savoir la délégation.

Actuellement trois lois intéressant ces questions ont été adoptées, l’une en 2015 et deux en 2020, a précisé la délégation, avant d’ajouter qu’une circulaire conjointe des ministères de l’intérieur, de la justice et de la défense a été élaborée afin de permettre un traitement plus efficace des cas et des enquêtes plus proactives. Quant à l’Instance nationale de lutte contre la traite des personnes et le trafic de migrants, mise en place en 2022, elle a enregistré 84 cas, donc 40 dossiers jugés en première instance ou en appel et 44 dossiers en cours d'instruction, a indiqué la délégation.

Parfois, a déploré la délégation, les gens qui ne connaissent pas la Mauritanie pensent qu’il existe un marché aux esclaves dans ce pays, alors que l’esclavage est considéré comme un crime contre l’humanité en Mauritanie et que toutes les lois condamnent ce crime, a-t- elle insisté. Si quelqu’un a recours à l’esclavage, il commet un crime contre l’humanité et la loi sera alors appliquée strictement, a-t-elle assuré.  Le 13 octobre dernier, une vaste campagne de sensibilisation sur les lois contre la traite des personnes, l’esclavage, la discrimination et la torture, a été lancée conjointement avec les organisations de défense des droits de l’homme, a rappelé la délégation.

La délégation a par ailleurs souligné que s’il est pratiqué sans indication médicale, l’avortement est considéré comme un crime en vertu de la législation mauritanienne. 

En Mauritanie, il n’y a pas de stérilisation forcée ni d’avortement ciblant les foetus de sexe féminin, a d’autre part assuré la délégation. 

Les tests de virginité n'existent pas non plus en Mauritanie, a-t-elle ajouté.

Les femmes constituent une force économique importante en Mauritanie et les femmes rurales ont été incluses dans les politiques d’autonomisation, a souligné la délégation. Ainsi, un programme de financement pour l’autonomisation des femmes en milieu rural a-t-il été mis en place et quelque 5600 femmes et 500 filles ont été diplômées du centre professionnel d'insertion.

Par ailleurs, il existe une nouvelle caisse d’assurance maladie, qui est orientée vers le secteur informel – où les femmes sont très présentes. Cette caisse devrait à moyen terme prendre en charge à 100% la couverture maladie, a précisé la délégation.

Des mesures sont prises pour encourager la scolarisation des filles, a d’autre part souligné la délégation.

 

Lien : https://www.ungeneva.org/fr/news-media/meeting-summary/2023/02/experts-committee-elimination-discrimination-against-women-2

 

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