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Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes auditionne la société civile s’agissant de Bahreïn, de la Mauritanie et du Costa Rica

13 février 2023

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a auditionné, cet après-midi, les représentants de la société civile s’agissant de l’application de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes dans trois des quatre pays dont les rapports doivent être examinés d’ici le 24 février prochain, date de la fin de la session, à savoir Bahreïn, la Mauritanie et le Costa Rica. Aucun membre de la société civile de la Slovénie – pays dont le rapport doit également être examiné durant cette session – n’a participé à cette audition.

S’agissant de Bahreïn, l’accent a notamment été mis sur l’importance d’assurer l’applicabilité réelle de la Convention devant les tribunaux ordinaires, notamment pour ce qui a trait à la protection contre la violence domestique. A par ailleurs été regretté le choix opéré par l’État de Bahreïn de préférer le terme d’«équilibre» (entre les sexes) à celui d’«égalité». Les lois sur la famille restent fondamentalement patriarcales à Bahreïn, a-t-il été déploré. L’attention a également été attirée sur les violations dont sont victimes les femmes défenseures des droits humains.

En ce qui concerne la Mauritanie, il a notamment été déploré que le pays continue de condamner à mort des femmes, alors même que ces dernières sont victimes de discriminations intersectionnelles dans le processus judiciaire. Les discriminations et les violences à l’égard des femmes persistent en Mauritanie, en raison notamment de l’absence de lois spécifiques pour protéger les femmes et les filles, a-t-il été souligné. Il a en outre été observé que les lois mauritaniennes sur la famille restent fondamentalement patriarcales. Une ONG a attiré l’attention sur la rapidité de l’intervention de la Mauritanie pour faire face à la crise sanitaire de la COVID-19 en mars 2020.

En ce qui concerne le Costa Rica, ont notamment été dénoncées les attaques contre les acteurs clés de la démocratie, à savoir les médias et la société civile. Une ONG a plaidé en faveur de la protection des droits humains de la population LBTIQ+ et a dénoncé les thérapies de conversion, auxquelles sont soumis les gens contre leur volonté ou sans leur consentement préalable, libre et éclairé. Il a par ailleurs été déploré qu’en dehors de l’avortement dit « thérapeutique », l’avortement reste interdit et criminalisé au Costa Rica.

Plusieurs membres du Comité ont ensuite posé des questions auxquelles les représentants de la société civile répondront ultérieurement par écrit.

Demain matin à 10 heures, le Comité entamera l’examen du rapport de Bahreïn.

Audition de la société civile

S’agissant de Bahreïn

Bahrain Women Union a insisté sur l’importance d’assurer l’applicabilité réelle de la Convention devant les tribunaux ordinaires, notamment pour ce qui a trait à la protection contre la violence domestique. L’organisation non gouvernementale (ONG) a par ailleurs indiqué ne pas avoir été impliquée dans les différentes étapes de la préparation du rapport officiel et a déploré l’absence de relations basées sur un partenariat réel entre le Gouvernement et les institutions de la société civile. Aucun soutien financier n’a été reçu par les associations de femmes, en dépit de ce qu’affirme le paragraphe 71 du rapport, a insisté l’ONG, avant de dénoncer les nombreuses restrictions juridiques et administratives visant la société civile contenues dans la loi sur les ONG de 1989. L’ONG a d’autre part regretté le choix opéré par l’État de Bahreïn de préférer le terme d’«équilibre» (entre les sexes) à celui d’«égalité».

La législation relative aux conditions de travail des femmes doit en outre être revue pour tenir compte de la nécessité de lutter contre le chômage des femmes, alors que ces dernières représentent 77% du nombre total des demandeurs d’emplois, a ajouté l’ONG, avant d’attirer l’attention sur la situation des femmes dans l’économie informelle.

Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain a déploré la situation désastreuse à laquelle sont confrontées les femmes à Bahreïn, notamment du point de vue de la violence domestique et des violations des droits humains. Le Gouvernement n’a toujours pas adopté de lois protégeant les femmes contre ces violences et leur fournissant des mécanismes de protection juridique, a souligné l’ONG, avant de déplorer l’absence de données fiables relatives au nombre de femmes victimes de ces violences.

Musawah a déclaré que les lois sur la famille restaient fondamentalement patriarcales à Bahreïn et a observé que le pays continuait de justifier ses lois discriminatoires en affirmant qu’elles sont fondées sur la charia islamique. Les lois introduites au nom de la charia devraient refléter les valeurs d’égalité, d’amour, de justice, de compassion et de respect mutuel entre tous les êtres humains, a estimé l’ONG. Elle a exhorté Bahreïn à retirer sa réserve à l’article 16 de la Convention, car sans égalité dans la famille, il ne peut y avoir d’égalité dans la société.

Salam for Democracy and Human Rights a déploré l’augmentation à Bahreïn, depuis 2017, du nombre d'arrestations sans mandat de femmes défenseures des droits humains. Dans ce contexte, a ajouté l’ONG, les interrogatoires s’accompagnent souvent de sévices physiques et psychologiques, qui s’apparentent parfois à des abus voire de la torture, a affirmé l’ONG. Des cas d’abus sexuels sont également rapportés par les militants, a-t-elle insisté. Selon l’organisation, ces mauvais traitements visent à réduire au silence les femmes qui critiquent le Gouvernement. Il a été instamment demandé au pays de cesser les abus, d’adopter des réglementations qui respectent la notion de genre et de mettre fin à la violence et à la discrimination basées sur le genre au sein du système de justice pénale.

Bahrain Center for Human Rights a également plaidé en faveur des femmes militantes des droits de l’homme à Bahreïn. L’ONG a dénoncé les diverses violations dont elles sont victimes, notamment des arrestations et des menaces, ainsi que l’interdiction qui leur est faite de voyager. Les femmes et les enfants sont les premières victimes de violence, a-t-elle insisté. Elle a notamment déploré que l’âge du mariage soit fixé à seize ans pour les femmes et qu’il puisse parfois intervenir plus tôt. L’ONG a aussi déploré que les femmes ne soient pas en mesure de transmettre leur nationalité à leurs enfants ni à leurs époux étrangers.

S’agissant de la Mauritanie

L’Association mauritanienne des droits de l'homme a fait part de ses préoccupations relatives à la protection des droits des femmes en lien avec l’application de la peine de mort. Ainsi, la Mauritanie continue-t-elle de condamner à mort des femmes, alors même que ces dernières sont victimes de discriminations intersectionnelles dans le processus judiciaire. Les discriminations s’observent notamment dans l’accès à un procès équitable - souvent nié aux femmes condamnées à mort - ainsi que dans les motifs de condamnations à mort, a précisé l’Association. Elle a plaidé pour que les autorités mauritaniennes prennent toutes les mesures pour abolir la peine de mort ; veillent à ce que le système de justice pénale tienne pleinement compte de toutes les circonstances atténuantes ; promeuvent une formation sur la discrimination et la violence fondée sur le genre ; et prévoient l’application de peines alternatives visant la réinsertion sociale des femmes et des filles.

Malgré les efforts fournis par l’État mauritanien dans le cadre de la mise en œuvre de la Convention, les femmes dans ce pays continuent de souffrir de toutes formes de violences, a affirmé l’Association mauritanienne pour la santé de la mère et de l’enfant. L’Association a néanmoins reconnu les efforts déployés par le Gouvernement concernant la stratégie d'institutionnalisation du genre, la publication de la Convention dans le Journal officiel et sa vulgarisation, ou encore la mise en place de plates-formes régionales de lutte contre les violences, ainsi que la création de l’Observatoire national des droits des femmes et des filles.

Durant la pandémie de COVID-19, les violences sexuelles ont augmenté et les agresseurs sont restés impunis, a par ailleurs observé l’Association. La question des mutilations génitales féminines demeure également un sujet de préoccupation en Mauritanie, puisqu’une enquête révèle que 66% des fillettes de moins de 5 ans, sur la période allant de 2019 à 2021, ont subi une forme de mutilation génitale.

Voix des Femmes a fait observer que les lois mauritaniennes sur la famille restaient fondamentalement patriarcales et que la mise en œuvre de politiques favorables aux femmes demeurait un défi. De plus, le cadre juridique matrimonial est toujours basé sur des droits «complémentaires» plutôt qu’«égaux» entre les époux. Les femmes ne peuvent se marier sans le consentement de leur tuteur et des dispositions discriminatoires demeurent s’agissant de la garde et de la tutelle des enfants, du divorce ou encore du droit de la femme de transmettre sa nationalité à son conjoint et à ses enfants. L’ONG s’est par ailleurs dite préoccupée que le Parlement mauritanien n'ait pas adopté en 2016 le projet de loi sur la violence à l'égard des femmes sous prétexte qu’il serait en conflit avec la loi islamique (charia). Il existe des outils et des concepts juridiques qui peuvent être utilisés pour réformer les lois musulmanes discriminatoires, a indiqué l’ONG.

L’Association « Paix » pour la lutte contre la contrainte et l’injustice (APLCI) a attiré l’attention sur la rapidité de l’intervention de la Mauritanie pour faire face à la crise sanitaire de la COVID-19 en mars 2020. Ainsi, des mesures telles que l’interdiction de tous les rassemblements, la fermeture d’écoles, la suspension de la prière du vendredi, la fermeture des ports et aéroports ou encore la limitation du transport terrestre ont immédiatement été adoptées, a-t-elle rappelé. Puis des mesures institutionnelles ont été prises par le Gouvernement pour limiter les dégâts et les conséquences du confinement des populations, a-t-elle ajouté. Un fond de solidarité sociale doté de 60 millions de dollars a été créé en vue de lutter contre la pandémie et ses conséquences, a en outre rappelé l’Association. Elle a exhorté les experts du Comité à apporter un appui institutionnel et financier au Gouvernement mauritanien.

L’Association mauritanienne d’appui aux nécessiteux (AMANE) a rappelé que cela fait plus de vingt ans que la Mauritanie est partie à la Convention. Or, a-t-elle observé, les discriminations et les violences à l’égard des femmes persistent dans ce pays, en raison notamment de l’absence de lois spécifiques pour protéger les femmes et les filles. L’Association a salué la révision et l’approbation par le Gouvernement du projet de loi relatif aux violences à l’égard des femmes et des filles, mais s’est dite préoccupée par la réticence de certains parlementaires à adopter ce texte.

L’AMPDH a insisté sur l’importance pour les femmes et les filles mauritaniennes de jouir de tous leurs droits et de ne pas se voir empêchées d’accéder à une bonne éducation. L’ONG a par ailleurs plaidé pour que le Gouvernement mauritanien prenne des mesures afin de prévenir les violences faites aux femmes et aux filles et de sensibiliser le grand public au danger des mariages d’enfants et des mariages forcés.

S’agissant du Costa Rica

Grupo de Trabajo de Agenda a dénoncé la violation de l’État de droit social au Costa Rica et notamment les attaques quotidiennes, répétées et diverses contre les acteurs clés de la démocratie, à savoir les médias et la société civile. Il y a une remise en question permanente de la légitimité de ces structures et des mécanismes de reconnaissance et de protection des droits humains en général, et plus particulièrement des droits des femmes, a insisté l’ONG. Au cours des quatre dernières années, la Défenseure du peuple, qui historiquement soutenait la société civile, a vu peu à peu ses prérogatives se restreindre jusqu’à complètement disparaître. Il en a été de même avec l’Institut national de la femme. L’ONG a déploré l’absence de mécanismes et de protocoles visant à protéger les femmes défenseures des droits humains.

L’ONG a par ailleurs plaidé en faveur de mécanismes et de protocoles permettant de protéger les femmes autochtones, les femmes rurales, les femmes noires, migrantes, lesbiennes, bisexuelles et trans, ainsi que les femmes handicapées, âgées ou encore les filles et les adolescentes. Elle a également mis l’accent sur la nécessité de disposer d’informations relatives à toutes les formes de violence.

Mulabi/Espacio Latinoamericano de Sexualidades y Derechos a plaidé en faveur de la protection des droits humains de la population LBTIQ+. L’ONG a dénoncé les thérapies de conversion, auxquelles sont soumis les gens contre leur volonté ou sans leur consentement préalable, libre et éclairé, par l’intermédiaire de procédures visant à modifier ou à annuler l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. L’ONG a également insisté sur la nécessité d’assurer sans discrimination les droits des femmes trans dans le contexte du travail, alors que le Code du travail ne fait toujours aucune mention de la discrimination fondée sur l’identité de genre.

Centro de derechos reproductivos a déploré qu’en dehors de l’avortement dit « thérapeutique », l’avortement reste interdit et criminalisé au Costa Rica. La seule réaction de l'État face aux recommandations que lui avait adressées le Comité sur cette question à l’issue de l’examen du précédent rapport du pays a consisté à publier une norme technique pour l'avortement, qui présente de multiples lacunes. Il n’y a toujours pas suffisamment d’informations pour permettre de comparer le nombre d’interruptions demandées à celles qui sont finalement approuvées et pratiquées, a déploré l’ONG.

Questions des membres du Comité

Plusieurs membres du Comité ont posé un certain nombre de questions aux organisations de la société civile, s’agissant majoritairement du Costa Rica au sujet des questions relatives à l’avortement, aux droits reproductifs et aux stéréotypes sexistes.

Un expert a regretté l’absence d'organisations de la société civile de la Slovénie [alors que le rapport de ce pays doit être examiné jeudi prochain].


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