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Philippines : le Comité des travailleurs migrants salue les progrès perceptibles réalisés d'un rapport périodique à l'autre s'agissant des migrants philippins mais l'encourage à améliorer la situation des travailleurs étrangers dans le pays

31 mars 2023

Le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a examiné, hier et ce matin, le rapport périodique des Philippines sur l'application des dispositions de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Le rapport des Philippines a été présenté par la Ministre des travailleurs migrants, Mme Maria Susana Ople, dont le ministère a été créé en décembre 2021, chargé de la mise en œuvre des lois et politiques, des accords bilatéraux et multilatéraux, et des instruments internationaux ratifiés par le pays portant sur les droits des travailleurs migrants et de leur famille. Son ministère veille à améliorer et à faire appliquer les règles en matière de placement à l'étranger, notamment pour les femmes ayant des emplois vulnérables, en particulier les travailleuses domestiques. La ministre a ajouté que tout acte de corruption par une agence privée de placement est motif de radiation immédiate. Elle a fait valoir la réputation de son pays comme l'un des champions mondiaux des droits des travailleurs migrants, ajoutant que « les vrais champions sont nos travailleurs d'outre-mer », qui sont considérés comme des héros.

La délégation était également composée de nombreux hauts fonctionnaires du Ministère des travailleurs migrants et du Secrétariat du Comité présidentiel des droits de l'homme, ainsi que du Ministère de la justice, du Ministère des affaires sociales, du Ministère de la santé et du Ministère des affaires étrangères, dont des membres de la Mission permanente des Philippines à Genève. Elle a apporté des réponses aux questions des membres du Comité s'agissant, notamment, de la situation des travailleuses domestiques philippines ; des accords bilatéraux avec les pays d'accueil des travailleurs philippins ; le contrôle des agences de placement privées ; la protection des enfants dont les parents sont partis travailler à l'étranger ; les mesures de protection en faveur des travailleurs migrants étrangers aux Philippines.

Les membres du Comité ont salué les progrès perceptibles réalisés par les Philippines d'un rapport périodique à l'autre. La mise en place d'institutions a été déterminante mais aussi faut-il déployer les capacités pour réellement répondre aux besoins des migrants. Les Philippines deviennent aussi un pays de destination, ce qui doit les encourager à améliorer la situation dans ce contexte. Les experts se sont préoccupés des mesures en faveur des travailleurs migrants philippins qui reviennent au pays, s'agissant notamment de la sécurité sociale. L'intérêt s'est également porté sur la protection des travailleurs étrangers aux Philippines, un expert relevant qu'il semblait que quelque 40 000 travailleurs migrants étrangers se retrouveront bientôt sans possibilité de renouvellement de leur permis de travail et risquent d'être expulsés. Les experts ont également exprimé des préoccupations s'agissant de pratiques abusives par les agences d'emploi privées. À cet égard, la délégation a souligné qu'une surveillance est assurée et que plusieurs de ces agences se sont vu retirer leur licence en raison de violations.

Le Comité des travailleurs migrants doit poursuivre, cet après-midi à 15 heures, l'examen du rapport d'El Salvador, le dernier prévu au cours de la présente session, dans le cadre du dialogue entamé hier avec la délégation salvadorienne et qui se conclura lundi 3 avril.

Examen du rapport des Philippines

Le Comité des travailleurs migrants est saisi du rapport des Philippines (CMW/C/PHL/3), établi en réponse à une liste de points qui lui a été adressée par le Comité.

Présentation du rapport

MME MARIA SUSANA OPLE, Ministre des travailleurs migrants, a déclaré que son ministère avait juridiction sur la mise en œuvre des lois et politiques, des accords bilatéraux et multilatéraux, et des instruments internationaux ratifiés portant sur les droits des travailleurs migrants et de leur famille. Il se doit, ce faisant, d'être inclusif dans la protection des droits des travailleurs migrants, de promouvoir « l'héroïsme et l'excellence des travailleurs philippins où qu'ils soient » et adopter une approche fondée sur les droits de l'homme en matière de migration de la main d'œuvre et de la gouvernance de la migration.

Mme Ople a affirmé que tous les ministères et agences gouvernementales œuvraient de concert pour faire progresser les droits des migrants et leur venir en aide en cas de besoin. Ainsi, lors du séisme tragique qui a frappé le sud et le centre de la Türkiye le mois dernier, les Philippines ont dépêché une équipe de secouristes pour porter assistance dans les secours et un abri temporaire pour les migrants philippins a été mis en place à Ankara, en coordination étroite avec l'ambassade des Philippines. Le Ministère des affaires étrangères a affrété des avions pour le rapatriement des migrants philippins souhaitant revenir au pays.

La cheffe de la délégation des Philippines a également attiré l'attention sur une vague sans précédent de retours au pays de travailleurs migrants philippins lors de la pandémie de COVID-19 à partir de mars 2020. Plus d'un million de migrants sont ainsi rentrés aux Philippines, nécessitant des milliards de pesos du budget national pour le rapatriement, les soins de santé et la réintégration. Mme Ople a ajouté que, pendant cette période, de nombreux autres Philippins ont choisi de rester sur les lignes de front de la lutte contre le coronavirus, au risque de leur vie. Les travailleurs de la santé philippins, reconnus pour leur dévouement et leur compassion, sont alors devenus « le cadeau des Philippines à un monde frappé par la pandémie », s'est enorgueilli Mme Ople.

La ministre a déclaré que les Philippines se voyaient en partenaire du Comité pour appeler à une ratification plus large de la Convention. Elle a souligné à cet égard que le Ministre des affaires étrangères des Philippines, M. Enrique Manalo, avait rencontré mardi à Manille le Représentant spécial de l'Union européenne aux droits de l'homme, M. Eamon Gilmore, notamment pour encourager les États de l'Union européenne à ratifier la Convention.

Mme Ople a indiqué que son ministère avait été créé en décembre 2021 et doté d'une enveloppe budgétaire de 278 millions de dollars pour 2023. Le Ministère des travailleurs migrants dispose d'un hôpital pour les travailleurs migrants, auquel s'ajoutent les hôpitaux régionaux, qui doivent aussi faire place aux travailleurs étrangers et leur famille. L'accès à la justice est également facilité pour les travailleurs philippins à l'étranger. Par ailleurs, des conseils tripartites ont été créés pour les travailleurs en mer, d'une part, et les autres d'autre part. De plus, un centre de réinsertion collabore étroitement avec les entreprises et la société civile pour des formations à l'entrepreneuriat, à l'intention de ceux qui veulent rentrer au pays et se consacrer aux affaires.

Depuis l'an dernier, le Ministère des travailleurs migrants veille à améliorer et à faire appliquer les règles en matière de placement à l'étranger, notamment pour les femmes ayant des emplois vulnérables, en particulier les travailleuses domestiques. La ministre a ajouté que tout acte de corruption par une agence privée de placement est motif de radiation immédiate. Elle a aussi fait état d'accords avec le Koweït, les Émirats arabes unis et l'Arabie saoudite pour la protection des travailleurs domestiques. Un groupe de travail technique conjoint avec l'Arabie saoudite a été établi en ligne.

Mme Ople a ensuite indiqué que le Ministère du travail et de l'emploi avait accordé 200 dollars mensuels aux travailleurs ayant perdu leur emploi pendant la pandémie. Pour permettre une réponse rapide aux demandes d'aide des travailleurs à l'étranger, une ligne téléphonique et un site internet ont été mis à disposition. En outre, la tenue d'audiences pour les migrants à l'étranger peut être organisée par visioconférence. La cheffe de délégation a aussi fait valoir que les enfants restés au pays et les mineurs victimes de la traite bénéficient de l'assistance sociale.

Mme Ople a souligné que, pour garantir la mise en œuvre des recommandations issues des mécanismes internationaux et régionaux de défense des droits de l'homme, les Philippines ont officiellement lancé, en février de cette année, une base de données nationale de suivi des recommandations, le pays étant l'un des deux pays d'Asie à l'avoir fait. Cette base de données est au cœur du mécanisme national de mise en œuvre, d'établissement de rapports et de suivi de l'État.

La Ministre philippine des travailleurs migrants a ensuite souligné que son pays était conscient des très nombreux défis à relever, en particulier s'agissant des liens entre la migration de main-d'œuvre et le changement climatique ; du recrutement illégal en ligne et de la traite des travailleurs migrants ; et de la méconnaissance des droits des travailleurs domestiques étrangers, en particulier dans les pays d'accueil et chez les employeurs. C'est pourquoi les Nations Unies et les États membres doivent soutenir des activités d'information et des initiatives multilatérales afin de sensibiliser aux droits des travailleurs migrants.

En conclusion, Mme Ople a fait valoir que son pays était régulièrement reconnu comme l'un des champions mondiaux des droits des travailleurs migrants, ajoutant que « les vrais champions sont nos travailleurs d'outre-mer », qui sont considérés comme des héros.

Questions et observations des membres du Comité

M. PABLO CERIANI CERNADAS, rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport des Philippines, s'est interrogé sur les raisons qui font qu'autant de Philippins quittent le pays. Il a voulu savoir quelles politiques sont menées pour offrir aux travailleurs philippins, dans leur propre pays, les mêmes opportunités qu'ils vont chercher ailleurs. Il a ajouté que la majorité des travailleurs migrants Philippins sont des femmes, dont une grande partie ont une formation professionnelle et qui décident de chercher du travail dans d'autres pays. Au cours des échanges, le rapporteur a demandé des précisions sur une nouvelle loi aux termes de laquelle les adultes âgés de 18 à 24 ans n'auraient plus le droit de migrer.

Le rapporteur a aussi demandé des renseignements sur les politiques et pratiques qui s'appliquent à la population migrante étrangère aux Philippines, notamment les Indonésiens et les Chinois. Il s'est notamment interrogé sur des cas d'exploitation et de traite de ces travailleurs. Il s'est aussi enquis des mesures de protection des migrants en situation irrégulière, souvent particulièrement vulnérables à l'exploitation et à la déportation. Le rapporteur a aussi voulu connaître les mesures prises pour faciliter l'accès à la justice des migrants et les mesures prises pour accélérer les procédures.

M. Ceriani a demandé de plus amples informations sur les programmes d'aide psychologique et sociale destinés aux enfants de travailleurs migrants restés au pays.

Le rapporteur a demandé si le pays envisageait de signer et ratifier la Convention n°181 de l'Organisation internationale du travail sur les agences d'emploi privées.

S'agissant des travailleurs migrants qui reviennent au pays, le rapporteur a demandé quelles mesures sont prises par les autorités philippines pour que ces travailleurs soient véritablement protégés et bénéficient d'une aide sociale ou d'une pension de retraite au retour.

MME JAZMINKA DZUMHUR, corapporteuse pour les Philippines, a demandé des informations sur le statut des immigrants étrangers aux Philippines ainsi que des statistiques sur le nombre des Philippins à l'étranger. Elle a aussi demandé ce que faisait le pays pour protéger ses ressortissants qui se trouvent dans des États qui ne sont pas parties à la Convention. Elle a souhaité savoir si des programmes ont été mis en place pour faciliter la réintégration des travailleurs migrants. Elle a en outre pointé l'article 29 de la loi sur la migration interdisant l'accès au pays à un migrant atteint du VIH/sida.

La corapporteuse a ensuite demandé des renseignements complémentaires sur le fonctionnement de la Commission philippine des droits de l'homme et a voulu savoir si le projet de loi relatif à la Charte de cette Commission avait été adopté. Elle a aussi souhaité des précisions sur les attributions du Ministère des travailleurs migrants. Les migrants connaissent-ils son existence et son mode de fonctionnement, a encore demandé la corapporteuse. Elle a aussi souhaité savoir comment le processus de consultation, notamment avec la société civile, avait été mené lors de la préparation du rapport.

M. EDGAR CORZO SOSA, également corapporteur, a rappelé que le Comité avait recommandé, lors de l'examen du précédent rapport périodique des Philippines, d'améliorer la transparence dont doivent faire preuve les agences d'emploi privées et de lutter contre les pratiques abusives en interdisant la perception de commissions. Il a aussi demandé quelles mesures étaient prises pour lutter contre les faux contrats délivrés par des agences de recrutement.

Le corapporteur s'est par ailleurs interrogé sur le taux de participation des Philippins de l'étranger aux élections nationales. Il a aussi demandé si les travailleurs migrants et leur famille sont au courant de la nouvelle loi les concernant et quels services seront mis à leur disposition par le Ministère des travailleurs migrants.

Parmi les autres membres du Comité, une experte a posé des questions sur les accords bilatéraux concernant les travailleurs saisonniers Philippins en République de Corée et au Japon, et sur les mécanismes de protection et de recours en cas d'exploitation.

Un autre membre du Comité a déclaré qu'il semblait que la migration était une « planche de salut pour les femmes migrantes » philippines et leur famille et s'est enquis des politiques publiques prévues pour que ces femmes restent au pays. Il a demandé s'il y avait des études d'impact sur cette problématique et, en cas de réinstallation aux Philippines, si ces travailleuses arrivaient à s'en sortir économiquement. Il a voulu savoir s'il existe des mécanismes de contrôle et de sanctions des agences de placement privées, ajoutant qu'il semble qu'il y a de la corruption également de la part de certains fonctionnaires.

Une experte a demandé de plus amples informations sur la sensibilisation aux dispositions de la Convention et a voulu savoir si le texte de la Convention avait été traduit dans les langues philippines. Elle a aussi voulu connaître le nombre d'associations militant pour la cause des migrants. Elle s'est demandée s'il existe un plan de formation pour la promotion des droits des migrants. Elle a souligné que de plus en plus de mères de famille travaillent à l'étranger et que l'on assiste à une « féminisation de la survie ».

Un autre membre du Comité a noté la réussite de l'accord bilatéral avec le Canada pour l'emploi d'infirmières philippines, souhaitant des précisions sur les conditions et la durée de ces contrats.

Les chiffres fournis sur le nombre de femmes migrantes sont contradictoires, a constaté un membre du Comité qui a souhaité obtenir des statistiques ventilées. Il a voulu également obtenir des informations sur les mesures prises pour prévenir les risques de harcèlement et d'exploitation.

Les experts ont aussi posé des questions sur l'application de la peine de mort, le pays comptant 64 personnes dans le couloir de la mort ; sur les effets sur l'emploi de la croissance économique récente et la réduction de la nécessité d'aller travailler à l'étranger ; sur la mise en place d'un système d'enregistrement des naissance efficace et accessible.

Des informations ont été requises sur les quelque 40 000 travailleurs migrants étrangers qui vont se retrouver sans possibilité de renouvellement de permis de travail aux Philippines et risquent d'être expulsés.

Le Comité avait prié les Philippines de fournir des explications sur le déplacement forcé, et a appris qu'il y avait 160 000 personnes déplacées à Mindanao. L'attention a aussi été attirée sur le déplacement d'un grand nombre d'enfants autochtones d'ascendance indonésienne, notamment, et des inquiétudes se sont exprimées sur le risque de cas d'apatridie et de négation de services.

Le cadre juridique en vigueur régissant les immigrants remonte aux années 1940 et gagnerait à être aligné avec la Convention, a-t-il été suggéré.

Réponses de la délégation

Répondant aux questions des membres du Comité s'agissant du cadre général d'application, la délégation a d'abord mis l'accent sur les mesures prises récemment par le pays dans le domaine économique afin, notamment, de renforcer l'investissement et la croissance économique, la formation des jeunes, la priorité étant l'éducation et l'apprentissage de haut niveau. Elle a également attiré l'attention sur les programmes de réduction de la pauvreté.

La délégation a assuré que la situation des travailleuses domestiques philippines était au premier plan des politiques du pays en matière de protection des migrants. Conformément à ces politiques, l'État ne promeut pas l'emploi à l'étranger comme un moyen de croissance économique et de développement national et s'efforce en permanence de veiller à ce que l'emploi à l'étranger soit un choix, et non une nécessité. S'agissant de l'écart de salaire entre hommes et femmes, les Philippines se classaient en 2022 au dix-neuvième rang de l'indice mondial, et au premier rang en Asie du Sud-Est.

La politique du pays sur les travailleurs domestiques est conforme à la Convention de l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE) sur les travailleurs domestiques, et des accords ont été conclus avec l'Arabie saoudite, le Koweït et les Émirats arabes unis, en particulier. Plusieurs mesures ont été prises en matière de soins de santé et de protection sociale pour les travailleuses qui rentrent au pays, y compris des soins et le traitement d'environ 4000 travailleuses rapatriées pendant la période de la pandémie, ainsi que la mise en place d'un programme de formation pour les femmes rapatriées. La délégation a fait valoir que les Philippines ont parrainé la résolution sur les travailleurs domestiques qui met l'accent sur leur vulnérabilité et encourage à l'adoption de politiques sensibles au genre.

La délégation a reconnu qu'il y avait eu des cas d'abus de pouvoir, notamment de diplomates à l'égard de leurs travailleurs domestiques, mais a souligné que des sanctions ont été appliquées dans de nombreux cas. Elle a par la suite indiqué, en réponse à une autre question, que dès que les autorités ont été mises au courant de l'assassinat d'une travailleuse domestique au Koweït, la famille a été immédiatement informée de l'engagement des autorités philippines. La politique diplomatique des Philippines en matière de travail migrant vise à améliorer les accords bilatéraux et les renforcer, mais la délégation a demandé quelles les réformes permettraient de prévenir des crimes comme celui commis au Koweït contre la jeune Julleebee Ranara par le fils de son employeur. La délégation a assuré qu'une réflexion est menée à ce propos dans le pays.

La délégation a expliqué que plusieurs pistes sont proposées pour donner accès à l'information pour les candidats à la migration, qui doivent participer à des séminaires avant le départ et à leur retour. Des campagnes d'information sont également menées sur la lutte contre le recrutement forcé.

Les Philippines ont signé plus de quarante accords bilatéraux, notamment avec le Moyen-Orient pour la protection des travailleurs domestiques, ainsi qu'avec des pays d'Europe et des Amériques sur le recrutement et la santé. Le Gouvernement fait appliquer les accords signés et des réunions de coopération entre les parties sont régulièrement organisées. La délégation a par la suite indiqué que des pourparlers bilatéraux ont débouché sur des résultats positifs : l'Arabie saoudite absorbe les coûts de l'assurance en cas de faillite de l'employeur, ce qui a permis la rémunération de 10 000 Philippins du bâtiment dans le royaume. Sur la question des travailleurs saisonniers philippins en République de Corée, des accords ont été conclus entre des gouvernements locaux des Philippines et des entreprises de ce pays. Ces accords comprennent des dispositions pour la réunification des familles.

La délégation a par la suite fourni des informations complémentaires sur la coopération bilatérale avec la Jordanie, le Koweït, le Liban, l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis et sur les améliorations obtenues récemment. Elle a attiré l'attention en particulier sur l'élaboration de contrats-type pour les travailleurs domestiques prévoyant de nouvelles clauses sur la protection de l'intégrité physique et mentale du travailleur migrant, en tenant compte des besoins sensibles au genre. Une liste noire et une autre, blanche, d'agences de recrutement ont été établies avec l'Arabie saoudite. Les agences de recrutement privées sont tenues de répondre aux normes éthiques de respect de la dignité des travailleurs, a insisté la délégation. Elle a également attiré l'attention sur le cas de Philippines travaillant dans des salons de beauté à Dubaï puis transférées au Bahreïn où elles ont été exploitées sexuellement. Les Philippines appellent à la responsabilité des pays d'accueil également, qui doivent signer et ratifier la Convention sur les travailleurs migrants. Elle a aussi mis l'accent sur l'incidence des technologies en ligne, les plateformes de médias sociaux pouvant cacher des réseaux illicites.

En octobre 2022, le Ministère des travailleurs migrants a signé un mémorandum d'accord avec la Province d'Alberta, au Canada, pour le recrutement d'infirmières philippines. La délégation a mis l'accent sur l'amélioration des compétences et des droits des infirmières, sur la base d'une approche éthique et, éventuellement, d'une résidence permanente au Canada et l'engagement d'un processus de réunification familiale.

La délégation a indiqué que 124 agences de placement privées ont été sanctionnées l'an dernier, précisant que toute violation donne lieu à une suspension de licence. Il est actuellement procédé à un examen en vue de la mise à jour des règles de fonctionnement des agences de recrutement. L'État prend aussi des mesures contre la diffusion de fausses informations en matière d'emploi, en particulier pour prévenir le recrutement illicite en ligne. Une plateforme en ligne invite les travailleurs philippins à coopérer pour lutter contre cette pratique.

Les travailleurs migrants philippins à l'étranger jouissent du droit de vote, notamment à travers les représentations diplomatiques, et leurs intérêts sont bien représentés au sein du Congrès, deux partis ayant des membres qui sont des Philippins de l'étranger.

Priée de fournir des chiffres sur les flux migratoires, la délégation a indiqué 1,96 million de Philippins travaillent à l'étranger, dont 52% de femmes. Des efforts ont été déployés pour améliorer le système de collecte et de traitement des données statistiques, et un cadre opérationnel amélioré avec de nouvelles définitions a été adopté pour parvenir à un système de données harmonisé.

D'autre part, la loi de 2022 sur la traite des êtres humains a été amendée pour ajouter une disposition relevant à 24 ans l'âge minimal pour le travail domestique à l'étranger. Par ailleurs, l'interdiction totale de travail à l'étranger peut être déclarée s'agissant de pays spécifiques, comme c'est le cas actuellement pour le Myanmar, l'Ukraine, la Libye ou la Syrie. Des mesures de rapatriement volontaire et d'évacuation d'urgence peuvent être prises également dans de telles situations.

L'idée maîtresse de l'engagement de l'État passe aussi par la protection des travailleurs migrants étrangers aux Philippines qui prévoit que les victimes de la traite ont le droit de bénéficier d'une assistance en ligne avec des équipes spéciales sur tout le territoire, ou auprès d'une organisation de la société civile, que la victime soit philippine ou non. Ainsi, l'an dernier, 64 nationaux étrangers victimes de la traite ont pu rentrer en toute sécurité dans leur pays et ont pu témoigner. En 2022, 1259 victimes de la traite ont été secourues. Des aides sont allouées aux survivants, indépendamment de leur nationalité. La délégation a par la suite précisé que des mécanismes de torts et griefs ont été renforcés et une assistance juridique est apportée aux travailleurs étrangers victimes de substitution de contrat par des entreprises philippines. Ainsi, 92 employeurs ont été radiés pour s'être livrés à une substitution de contrat. La délégation a réitéré son attachement à l'article 25 de la Convention. À cet égard, la délégation a par la suite indiqué qu'en 2019, 4418 travailleurs ont reçu des indemnisations grâce aux procédures d'arbitrage sur les contrats. En outre, la suspension de l'accréditation de l'employeur est également prévue dans ces cas. Cela renforce l'application de l'article 64 de la Convention. Répondant à une question sur l'annulation de permis de séjour de travailleurs chinois en raison de la violation par l'employeur des normes du travail, la délégation a souligné que les personnes concernées ont eu la possibilité de quitter le pays sans être poursuivis en justice.

La délégation a justifié l'interdiction d'entrée des personnes souffrant de maladies contagieuses par l'obligation de protection des frontières. Elle a précisé que, pendant la pandémie COVID-19, les travailleurs migrants étrangers aux Philippines ont bénéficié des mêmes soins que le reste de la population, y compris de la vaccination. Une question complémentaire ayant été posée sur la discrimination sur la base de l'état de santé, la délégation a indiqué qu'une loi sur la politique en matière de VIH/sida prévoit que l'État garantit des services de santé non-discriminatoires et des mécanismes de recours des personnes vivant avec le VIH. L'État encourage un dépistage volontaire avec un formulaire de consentement éclairé. Les soins de santé sont fournis de manière universelle quel que soit le statut migratoire.

Les activités de la Commission nationale des droits de l'homme, dont le fonctionnement est conforme aux Principes de Paris sur les institutions nationales des droits de l'homme, sont appréciées tant par les acteurs étatiques que non gouvernementaux. Son mandat consiste à surveiller le respect de tous les droits de l'homme et mène des activités de sensibilisation de la population. Elle peut également diligenter des enquêtes, se saisir de plaintes, y compris de la part de travailleurs migrants étrangers. L'Observatoire des travailleurs migrants est d'ailleurs lié au mécanisme d'enquête permettant aux travailleurs de faire des doléances. La Commission a en outre un rôle dans l'établissement d'un mécanisme de surveillance dans les lieux de détention. La délégation a reconnu qu'il était urgent pour la Commission de disposer d'une charte mais a précisé que son budget avait triplé pour s'élever à 18 millions de dollars, ce qui permet la mise en œuvre de programmes conséquents.

Interrogée sur l'obligation, pour les travailleurs philippins, de transférer une partie des émoluments à la famille, la délégation a précisé que cette règle ne concernait que les gens de la mer. De nouvelles mesures ont été prises pour que les centres d'appui assurent la protection des enfants dont les parents sont partis à l'étranger. Une aide est également apportée aux enfants abandonnés, qui reçoivent un appui psychosocial et sont accueillis dans un centre pour enfants abandonnés, sous la tutelle de l'État. Des dispositions sont prévues pour l'adoption de ces enfants, sous le contrôle de l'État.

Les Philippines ont ratifié la convention de 1961 sur la réduction des cas d'apatridie, et coopèrent avec les pays tiers pour l'enregistrement des naissances à l'étranger, notamment au Moyen-Orient. Au plan national, un projet national d'enregistrement des naissances a été lancé en 2022, qui a permis de constater que 2 millions de Philippins n'étaient pas inscrits, surtout les personnes marginalisées vivant dans des zones rurales, et les populations autochtones. Le système d'enregistrement est un projet charnière qui ambitionne d'enregistrer, d'ici 2024, 90% des Philippins.

Répondant à une question sur les déplacements forcés de populations, la délégation a fait état d'attaques d'extrémistes à Mindanao, ajoutant que certains déplacements de populations sont aussi la conséquence de l'impact du changement climatique. Elle a signalé l'appui de plusieurs organisations internationales face à ces situations, ajoutant que l'État s'efforce d'aider à la réinstallation et en fournissant un certain nombre de services sociaux et une allocation financière. La délégation a ajouté que les Philippines étaient très fortement affectées par l'impact du changement climatique.

La délégation a attiré l'attention sur les besoins croissants de main d'œuvre dans le monde entier en raison du vieillissement des populations.

Conclusions

Pour le Comité, Mme Dzumhur a salué le travail préparatoire réalisé par les Philippines pour la présentation du rapport. Des progrès considérables ont été effectués et sont perceptibles d'un rapport périodique à l'autre. La mise en place d'institutions a été déterminante mais aussi faut-il déployer les capacités pour réellement répondre aux besoins des migrants. Les Philippines deviennent aussi un pays de destination, ce qui doit les encourager à améliorer la situation dans ce contexte. M. Ceriani a pour sa part invité le pays à réviser son cadre normatif au vu des problèmes émergents suite à l'impact du changement climatique.

Pour la délégation des Philippines, la Ministre des travailleurs migrants a déclaré que le Comité lui avait rappelé l'importance de compter avec la participation de la société civile, de protéger les migrants à toutes les étapes, de construire une économie plus robuste. Le dialogue a aussi permis aux Philippines de partager leurs meilleures pratiques, avec des exemples concrets sur la façon dont toutes les institutions publiques œuvrent ensemble dans les situations d'urgence. Mme Ople a appelé de ses vœux la ratification de la Convention par un nombre croissant d'États.


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