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Turkménistan : le Comité des droits de l'homme se penche sur les questions de disparitions forcées, de l'indépendance du système judiciaire, du traitement des journalistes et des défenseurs des droits de l'homme
03 mars 2023
Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique du Turkménistan sur les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Le rapport a été présenté par le Vice-Ministre turkmène des affaires étrangères, M. Vepa Hjiyev, qui a affirmé que de nombreux progrès avaient été réalisés au Turkménistan ces dernières années sur la base notamment des recommandations du Comité lors de l'examen du précédent rapport. Il a notamment fait valoir qu'en 2023, une loi constitutionnelle a été adoptée pour modifier les dispositions régissant la chambre basse du Parlement, ajoutant que la loi électorale actuellement en vigueur était conforme aux normes internationales et garantissait le pluripartisme et le caractère secret et transparent du scrutin. Pour sa part, un Bureau du Médiateur soumet, au Président et au Parlement, un rapport sur ses activités et l'état des lieux des droits humains dans le pays.
La délégation était également composée de représentants du Parlement, de représentants du Ministère des affaires étrangères, du Ministère de la justice et du Ministre de l'intérieur. Elle a apporté des compléments d'information demandés par les membres du Comité concernant des allégations de disparitions forcées, les mesures visant à garantir l'indépendance du système judiciaire, la transparence de la justice, le respect des droits de la défense, les cas de personnes détenues au secret, des allégations de persécution de journalistes et des défenseurs des droits de l'homme, le phénomène du travail forcé dans le secteur du coton, entre autres.
Les membres du Comité ont également posé des questions et présenté des observations sur des informations faisant état de restrictions de circulation aux organisations non gouvernementales et organisations internationales des droits de l'homme, à quoi s'ajoute le refus d'entrée sur le territoire turkmène aux titulaires de mandats des Nations Unies.
Le Comité adoptera, lors de séances à huis clos, des observations finales sur le rapport de la Zambie (CCPR/C/ZMB/4), qui se poursuivra demain matin.
Examen du rapport du Turkménistan
Le Comité des droits de l'homme était saisi du troisième rapport périodique du Turkménistan (CCPR/C/TKM/3), ainsi que de réponses de l'État partie à une liste de points à traiter qui lui avait été adressée par le Comité.
Présentation du rapport
M. VEPA HAJIYEV, Vice-Ministre des affaires étrangères du Turkménistan, a déclaré que de nombreux progrès avaient été réalisés au Turkménistan ces dernières années, en grande partie sur la base des recommandations du Comité lors de l'examen du précédent rapport périodique. Le Turkménistan a salué l'excellente collaboration entre les institutions de l'ONU et les autorités turkmènes dans des domaines aussi variés que le développement, l'éducation, le développement durable, le sport et les services publics.
Le Turkménistan a déployé un plan national 2021-2025 pour les droits des femmes afin de renforcer la mise en œuvre effective de leurs droits. Un effort important a par ailleurs été consenti pour lutter contre l'apatridie et favoriser l'inclusion des migrants. Le Turkménistan leur a délivré de nombreux certificats de nationalité.
En 2023, une loi constitutionnelle a été adoptée pour modifier les dispositions régissant le Conseil du peuple, chambre basse du parlement, afin d'améliorer la coopération avec l'exécutif et le judiciaire, renforcer la représentativité et mieux répartir les pouvoirs entre les autorités locales et nationales. M. Hajiyev a ajouté que la loi électorale actuellement en vigueur était conforme aux normes internationales, garantissant le pluripartisme et le caractère secret et transparent du scrutin. Toutes les élections ont lieu désormais le même jour pour des raisons d'organisation et de participation des citoyens.
Le chef de la délégation a par ailleurs fait valoir que le pays avait promulgué une loi sur l'Ombudsman, qui prévoit notamment que ce bureau du médiateur soumet un rapport au Président sur ses activité et fait l'état des lieux dans le domaine des droits humains dans le pays. Ce rapport est également présenté au Parlement et est rendu public. La délégation a déclaré que le gouvernement avait entamé les démarches auprès de l'Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l'homme en vue de l'accréditation du bureau du médiateur du Turkménistan.
Le Code pénal a pour sa part été modifié en vue de dépénaliser une série d'infractions, conformément aux recommandations du Comité. De manière générale, toutes les lois reposent sur les normes et principes des conventions internationales auxquelles le Turkménistan a souscrit, en premier lieu la Convention relative aux droits civils et politiques.
L'ordre judiciaire est également en train d'être modifié pour renforcer l'indépendance de la justice et moderniser le système pénal, a fait valoir le chef de délégation turkmène.
Questions et observations des membres du Comité
Une experte du Comité a souligné que depuis l'examen par le Comité du précédent rapport périodique, en 2017, le Turkménistan aurait toujours recours aux détentions arbitraires. Des allégations font de plus état d'emploi de la torture et de disparitions forcées. Les organisations a société civile seraient en outre soumises à de nombreux obstacles pour mener leurs activités. Le Comité est actuellement saisi de 23 communications, portant en particulier sur des cas d'objection de conscience, ou encore d'actes de torture et de non-respect du droit à un procès équitable. L'experte a ajouté que le Turkménistan devait veiller à consentir des réparations aux victimes de ces violations. Elle a également regretté qu'aucune des observations du Comité n'ait été appliquée et a demandé à la délégation turkmène comment son gouvernement comptait désormais les prendre en compte. Elle a par ailleurs demandé à la délégation de présenter au Comité des décisions de justice s'appuyant sur les dispositions du Pacte.
Il faut également relever que le Bureau du Médiateur est peu accessible ; la Médiatrice ne reçoit pas les plaignants. Une plainte ne peut être déposée que par écrit, et reste souvent sans réponse. Comment le Turkménistan compte-t-il rendre les locaux de la Médiatrice accessibles au grand public ? De quels moyens juridiques disposent les citoyens qui réclament le respect de leurs droits auprès de la Médiatrice ? Il a aussi été constaté que le Bureau du Médiateur n'a pas accès aux prisons de haute sécurité où l'on sait que les mauvais traitements sont quotidiens, a déclaré une experte.
Une experte a déploré que le Turkménistan refuse systématiquement l'entrée sur son territoire aux titulaires de mandats et de procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme. De la même manière, les organisations non gouvernementales internationales de défense des droits de l'homme ne peuvent demeurer de manière permanente et libre dans le pays.
Le Comité est très préoccupé en particulier par les allégations faisant état de disparitions forcées de militants des droits de l'homme et de journalistes, alors que le Groupe de travail de l'ONU sur les disparitions forcées n'a pas obtenu le droit d'entrée sur le territoire turkmène. Quelles sont les raisons de ce refus ?
Concernant la « lutte contre l'extrémisme », l'experte a rappelé que lors du dernier examen périodique du Turkménistan, le Comité avait déjà encouragé le pays à établir une définition plus restrictive de la notion d'extrémisme, qui est floue et peut s'appliquer à des actes extrêmement différents les uns des autres. Des journalistes et des autorités religieuses auraient été condamnés sur cette base. Comment les autorités comptent-t-elles réduire l'étendue de cette incrimination ? La délégation considère-t-elle que les textes réprimant l'extrémisme sont en accord avec les objectifs de certitude, de prévisibilité et de proportionnalité prévus par le Pacte ? L'experte a aussi voulu savoir combien de personnes ont déposé plainte pour dénoncer une détention arbitraire ou des infractions similaires ? Le cas échéant, comment ont été traitées ces plaintes ? Combien de personnes sont incarcérées dans la prison de haute sécurité d'Owadan-depe ? Combien de personnes détenues pour extrémisme islamique dans ces prisons ?
Une autre experte du Comité a relevé que la corruption était endémique dans le pays, particulièrement au sein des autorités judiciaires. Elle est présente dans tous les domaines de la vie publique. La corruption toucherait particulièrement les membres du Gouvernement et l'entourage du Président. Or, les procès pour corruption ne sont lancés que contre les opposants au pouvoir. Elle a suggéré aux membres de la délégation de laisser de côté les dispositions législatives pertinentes dans ses réponses pour se pencher sur la mise en œuvre réelle de ces lois. Elle a demandé comment fonctionnaient les organes chargés de lutter contre la corruption.
Pour ce qui a trait à la non-discrimination, l'experte a estimé que les dispositions constitutionnelles étaient en elles-mêmes insuffisantes, faute de mise en œuvre concrète. Elle a demandé quels organes de l'État étaient chargés de lutter contre la discrimination. Elle a souligné l'absence d'informations transmises par la délégation s'agissant des persécutions contre des citoyens à cause de leur identité de genre ou de leur orientation sexuelle. Qu'en est-il de la suppression de l'article 135 du Code pénal criminalisant les relations sexuelles consenties entre personnes de même sexe ? Combien de personnes ont été condamnées sur la base de cette incrimination ? Pour quels types de peines ? Quelles mesures de sensibilisation de la population ont été prises pour lutter contre les persécutions fondées sur l'identité de genre et l'orientation sexuelle ? Les fonctionnaires de police qui brutalisent ces personnes sont-elles soumises à des sanctions ? a-t-elle enchainé.
Une troisième experte a également constaté que les observations précédentes du Comité avaient été ignorées. Elle s'est interrogée sur les restrictions de circulation prises dans le cadre de la lutte contre la pandémie de COVID-19. Le Turkménistan a nié la présence de COVID-19 de janvier 2020 à janvier 2022 en dépit de preuves d'une augmentation forte d'infections respiratoires aiguës. Elle a déploré que les travailleurs de la santé et les particuliers n'aient donc pas obtenu les moyens de protection nécessaires.
Un autre membre du Comité a pour sa part abordé les questions d'égalité de genre et les violences faites aux femmes. Il a dénoncé la sous-représentation des femmes dans la fonction publique, dans les fonctions électives et les postes de décision de manière générale. Il a noté que la Constitution consacrait l'égalité des hommes et des femmes mais a demandé à la délégation de fournir des décisions de justice se basant sur ces dispositions. Le Comité est préoccupé par le message véhiculé par les autorités encourageant les représentations traditionnelles de la femme dans la société et au sein de la famille. Il s'est enquis des mesures prises par les autorités turkmènes pour lutter contre les violences intrafamiliales, alors que 12% des femmes affirment avoir été victimes de violence de la part de leur conjoint actuel ou passé.
Un expert a estimé que la loi ne fournissait pas un cadre juridique suffisamment clair quant à l'utilisation de la force, y compris létale, de la part des forces de l'ordre, laissant aux agents de police une marge d'interprétation trop large.
Le Comité a reçu des informations faisant état de nombreuses détentions au secret et de la disparition de plus de 140 personnes, parmi lesquelles des membres des autorités religieuses, des journalistes et des défenseurs des droits de l'homme. De surcroît, certaines personnes ayant officiellement purgé leur peine ne sont pas réapparues. Il a donc demandé à la délégation de révéler ce qu'il était advenu de ces personnes. Il a aussi voulu savoir comment les visites dans les prisons, qui sont rares, ont eu un effet sur la réduction du recours à la torture et aux mauvais traitements ? Les conclusions de ces visites ont-elles pu avoir été utilisées comme preuves devant les tribunaux ? La torture et les mauvais traitements sont monnaie courante, spécialement à l'encontre des partisans du mouvement Gülen.
Par ailleurs, quelles mesures sont prises pour s'assurer que les confessions sous la contrainte ne soient plus admissibles devant les tribunaux ? Quels mécanismes sont mis en œuvre pour condamner les auteurs de violences contre les détenus ?
Une experte a relevé que la délégation ayant fait état de la suppression de certaines incriminations dans le nouveau Code pénal, elle a demandé à quelles incriminations la délégation faisait référence.
L'experte a par ailleurs suggéré au Turkménistan de lancer une invitation générale et permanente aux titulaires de mandat du Conseil des droits de l'homme pour renforcer la collaboration entre l'État partie et les experts indépendants.
S'agissant du Bureau du Médiateur, elle a demandé si ses membres avaient eu accès à la prison d'Owadan-depe ? Elle a noté que des détenus s'apparentant à des prisonniers politiques s'y trouvaient enfermés, notamment des personnes accusées d'extrémisme religieux.
Une experte a mis en avant la problématique des droits de la défense dont doivent pouvoir bénéficier les détenus. Ils sont censés avoir un accès permanent et confidentiel à leurs conseils, a-t-elle rappelé, et ce dès leur arrestation. Le rôle de la Médiatrice dans ce domaine est essentiel. Pourtant, celle-ci n'a effectué que de trop rares visites dans les prisons, et jamais dans celle d'Owodan-depe. Quelles mesures l'État partie compte-t-il prendre pour veiller à ce que la Médiatrice ou des représentants des associations puissent s'acquitter de leur tâche au mieux, notamment dans les lieux de privation de liberté ? L'experte s'est par la suite enquise de la durée moyenne des détentions provisoires. Une deuxième experte a fait état de conditions de détention très dégradées, d'un point de vue sanitaire notamment, alors que des maladies infectieuses se répandent en détention. Elle a demandé si les conditions de vie dans les lieux de détention faisaient l'objet d'un suivi de la part de l'État, et si oui lequel. Les détenus ont-ils des recours effectifs pour faire valoir leurs droits ?
D'après les informations dont dispose le Comité, 72 personnes sont toujours détenues au secret, en contradiction totale avec les dispositions du Pacte. La délégation peut-elle donner au Comité des nouvelles de ces personnes ? Toutes les personnes détenues à l'issue de procès confidentiels, ou hors procédure, doivent être libérées et obtenir réparation. Les détenus qui n'ont pas eu accès à un avocat peuvent-ils faire un recours contre l'État pour violation des droits de la défense ? Selon certaines informations, de nombreux avocats refusent de défendre les prévenus dans les affaires « politiquement motivées ».
Des procès à huis-clos continuent de se tenir au Turkménistan, les personnes condamnées selon cette procédure inique sont ensuite tenues au secret ; leurs familles demeurent donc sans nouvelles. Quelles sont les règles régissant l'exclusion du public lors des procès ? Le Turkménistan a-t-il l'intention de promouvoir la transparence des procédures judiciaires, notamment en publiant les décisions de justice ? De plus, les détenus politiques, qu'ils soient journalistes, défenseurs des droits de l'homme ou chefs religieux n'ont souvent pas plus accès à leurs avocats qu'à leurs proches, a déploré l'experte.
Quelles mesures concrètes ont été prises pour revoir la procédure de nomination des juges, afin d'assurer leur impartialité ? Les citoyens ont-ils un recours à disposition lorsqu'ils estiment que les magistrats auxquels ils font face ne sont pas impartiaux ?
Une experte a regretté que les critères d'enregistrement des associations soient trop stricts. Elle a demandé aux membres de la délégation si des recours contre les refus d'enregistrement étaient prévus ? En outre, aucune organisation non gouvernementale indépendante de défense des droits de l'homme ne peut s'enregistrer au Turkménistan car elles sont accusées de « porter atteinte à l'unité du pays ». L'experte a aussi fait état de cas d'harcèlement des défenseurs des droits de l'homme à l'étranger par les services de sécurité turkmènes.
Le Comité avait déjà appelé à une révision de la législation concernant le service militaire au Turkménistan afin de faire reconnaître le droit à l'objection de conscience. Pourtant, les objecteurs de conscience font toujours l'objet de persécutions, allant des retenues sur salaire jusqu'à l'internement en camp de travail. Quelles alternatives au service national les autorités turkmènes comptent-elles mettre en place ?
Une autre experte a souligné que les femmes et les enfants étaient les principales victimes du travail forcé dans les champs de coton. L'Organisation internationale du Travail s'est récemment déclarée très préoccupée par les conditions de travail dans l'industrie du coton au Turkménistan. L'État partie se contente de nier ces faits. Qu'en est-il des suites des visites des organes de l'OIT sur place ? Quelles sont les mesures envisagées pour mettre fin de manière urgente et définitive au recours au travail forcé, au-delà de la question technique de la mécanisation ?
Pour ce qui est de la liberté de circulation, la même experte a demandé à la délégation si la pays appliquait encore le système d'enregistrement obligatoire de résidence, un système qui ne permettait pas de se déplacer pour travailler dans la capitale sans accord du ministère du travail. Elle a déploré que des interdictions de voyage visant les avocats, les défenseurs des droits de l'homme et les opposants politiques soient toujours délivrés.
Les autorités assureraient une surveillance ciblée des journalistes et des militants des droits de l'homme, ainsi que des personnes ayant des contacts à l'étranger, a déclaré un autre expert, en contradiction avec les dispositions du Pacte. Les opposants politiques sont surveillés et se voient menacés d'être jugés pour trahison. Il a aussi regretté les limites administratives et financières à la création et au maintien de médias libres et indépendants. La délégation a été priée de fournir des données sur les mesures prises pour assurer aux citoyens un accès libre et abordable à toutes les formes d'information, notamment étrangères, y compris sur internet.
Les autorités continuent de refuser régulièrement la tenue de manifestations pour des motifs futiles. Les organisateurs sont par ailleurs souvent l'objet de harcèlement, d'emprisonnement ou de disparition.
Un expert a regretté que le Turkménistan exige des communautés religieuses de s'accréditer auprès des autorités afin de pouvoir librement pratiquer leur culte. Il a appelé la délégation à prendre toute mesure utile pour faire disparaître ces obstacles. Les Témoins de Jéhovah sont toujours interdits de pratiquer leur culte sur le territoire turkmène et sont persécutés.
Les électeurs ne disposent pas d'options politiques variées en raison de l'absence de médias critiques du pouvoir, du faible nombre de partis différents, a constaté un membre du Comité. Le directeur de la Commission électorale centrale est nommé par le Président lui-même. Ainsi, tant l'environnement médiatique que l'environnement politique empêche les citoyens turkmènes de faire un choix éclairé qui corresponde à leurs aspirations.
Réponses de la délégation
La délégation du Turkménistan a indiqué que le Bureau du Médiateur menait actuellement des consultations pour se conformer aux Principes de Paris afin d'être accrédité auprès de l'Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l'homme, et ce dès 2023, a espéré la délégation. Le Turkménistan souhaite créer des bureaux régionaux du Médiateur afin d'obtenir un maillage territorial satisfaisant. Le budget du Bureau a été multiplié par deux en 2022. Lorsqu'on lui transmet une plainte, le Bureau du Médiateur formule des recommandations auprès de la personne ou de l'organisation qui a violé les droits de l'homme. Les recommandations du Médiateur sont également transmises à toutes les autorités pertinentes pour faire progresser le respect des droits dans leur domaine de compétence. Le plan de travail du médiateur pour 2023 prévoit d'améliorer les délais dans l'examen des plaintes.
La délégation a déclaré que la torture était interdite au Turkménistan, ainsi que l'incitation au recours à la torture. Les aveux forcés ne peuvent être présentés devant les tribunaux.
Le Parlement organise des activités de sensibilisation aux normes des droits de l'homme auxquelles le pays a souscrit. Au cours de l'année écoulée, en collaboration avec le Ministère de la justice, dans tous les districts de Turkménistan, des autorités locales se sont vues présenter les nouveautés législatives chargées de garantir les droits civils et politiques des citoyens. En outre, des cours spécifiques sur les droits de l'homme de l'homme sont dispensés dans tous les cursus universitaires juridiques. La sensibilisation de la population est une priorité de la politique turkmène dans le domaine des droits de l'homme. Des centres de ressources régionaux sur ces questions sont organisés dans toutes les régions. Des séminaires d'information et des campagnes de sensibilisation, particulièrement auprès des jeunes, ont régulièrement lieu dans le cadre du Plan d'action national de promotion des droits humains.
Répondant à une question sur les mesures prises dans la répression de l'extrémisme, la délégation a affirmé que le Parlement œuvrait constamment à l'amélioration de la législation pertinente en lien avec les instruments internationaux.
Le Ministère de la santé a pris de nombreuses mesures de prévention visant à préserver le droit à la vie et à la santé de la population face à la pandémie de COVID-19. En la matière, les recommandations de l'Organisation mondiale de la Santé ont été appliquées, a fait valoir la délégation. En outre, des opérations d'évacuation et de rapatriement ont été réalisées afin de protéger les citoyens étrangers présents sur le territoire turkmène, et réunir les familles. Plusieurs délégations de l'OMS se sont rendues au Turkménistan afin d'évaluer les besoins du pays et faire des recommandations aux autorités. Vingt millions de dollars ont été débloqués afin de renforcer le dépistage, former le personnel médical et limiter les risques sociaux. Un membre de la délégation a indiqué que la couverture vaccinale était large et touchait toutes les couches de la société.
L'orateur a par ailleurs souligné que le Turkménistan avait aboli la peine de mort dès 1999.
La délégation a réfuté les accusations selon lesquelles les titulaires de mandat des Nations Unies se verraient refuser l'entrée sur le territoire turkmène et a assuré rester en contact avec toutes les organisations chargées des droits de l'homme et tous les titulaires de mandat. La coopération avec le Groupe de travail sur les disparitions forcées se déroule de manière satisfaisante, a notamment affirmé la délégation. Le dialogue n'est jamais rompu, et concerne de nombreuses autorités turkmènes, au niveau du Gouvernement, du Parlement, comme au sein de la haute fonction publique. Revenant en cours de séance sur la proposition des membres du Comité d'ouvrir une invitation permanente aux titulaires de mandat, la délégation a déclaré qu'elle étudierait cette possibilité, ajoutant que des questions de calendrier pouvaient entrer en ligne de compte.
L'égalité entre les hommes et les femmes est inscrite dans de nombreux programmes publics, notamment dans la sphère économique. Le passage du secteur économique informel vers le secteur formel est une priorité du gouvernement et bénéficiera en priorité aux femmes, plus souvent employées que les hommes dans l'économie informelle. De plus, près de la moitié des fonctionnaires sont des femmes et elles sont notamment majoritaires au sein du Ministère de la justice. Plusieurs dizaines de députées ont été élues, et certains gouverneurs de districts sont également des femmes. Afin d'assurer l'inclusion des femmes dans le monde du travail, des sanctions pénales sont prévues pour lutter contre le harcèlement sexuel des femmes dans la sphère professionnelle.
Un groupe d'experts interministériel a été créé afin d'élaborer des recommandations pour réduire les violences domestiques. Un sondage d'envergure a été réalisé afin de mieux connaître l'étendue des violences physiques, psychologiques et sexuelles à l'encontre des femmes. Les résultats de cette enquête ont été largement diffusés tant auprès de la population qu'auprès des autorités.
S'agissant des personnes dont les familles demeurent sans nouvelles, la délégation a assuré qu'elles avaient été libérées à l'issue de leur peine, celle-ci ayant même été réduite par grâce présidentielle. Par ailleurs, le Bureau du Médiateur a accès sans notification préalable à tous les lieux de détention. Malheureusement, à cause des dispositions prises pour lutter contre la pandémie, cela n'a pas été possible pendant un certain temps. Les fonctionnaires du Ministère de l'intérieur ont régulièrement accès à des formations spécifiques sur les droits de l'homme. La délégation a précisé au cours du dialogue, s'agissant de la mort en détention de Mme Ogulsapar Muradova, qu'une enquête indépendante avait démontré qu'il s'agissait d'un suicide et qu'aucune preuve de mauvais traitement n'avait été rapportée aux autorités. Elle a aussi réfuté fermement les accusations selon lesquelles les détenus étaient mal nourris et n'obtenaient pas les colis de leur famille sauf paiement de pots-de-vin. L'état sanitaire des prisons est satisfaisant, a estimé la délégation. Dans le cadre de la lutte contre la pandémie, tout a été mis en œuvre pour protéger les détenus. Les locaux ont été désinfectés régulièrement, et les prisonniers ont quasiment tous été vaccinés.
La délégation a assuré que les prévenus ne sont que rarement placés en détention provisoire, respectant ainsi le principe fondamental de la présomption d'innocence. Le prévenu a toujours le droit à un avocat, et d'une aide juridictionnelle gratuite s'il le désire. Près de 30% des prévenus ont recours à l'aide juridictionnelle, chiffre en augmentation. Le barreau du Turkménistan s'acquitte de sa tache concernant l'aide juridictionnelle, sans entrave de la part du gouvernement. Une aide juridique gratuite est régulièrement proposée.
Un Code d'éthique des juges a été promulgué pour encadrer les devoirs et responsabilités des magistrats dans le cadre de leur fonction, afin d'assurer leur impartialité et renforcer la confiance des citoyens. L'administration de la justice au Turkménistan est conforme à la Constitution, aux normes de l'État de droit et aux Conventions internationales, a insisté la délégation.
Le Turkménistan a adopté dès 2005 la Convention des Nations Unies contre la corruption. Le parquet a défini un modèle de lutte contre la corruption en 2017 qui a été précisé en 2022. En mars, une loi sur la fonction publique a été adoptée qui prévoit qu'un fonctionnaire ne peut avoir une autre activité rémunérée, à l'exception d'activités d'enseignement ou artistiques. La délégation a par la suite assuré que la lutte contre la corruption n'avait aucunement un caractère discriminatoire ou politique au Turkménistan, contrairement à ce qu'ont avancé des membres du Comité. La loi est la même pour tous et s'applique à tous les fonctionnaires. La commission inter-institutions de lutte contre la corruption a été créée en 2020, sur décision présidentielle, pour obtenir de meilleurs résultats. Le parquet coordonne les activités de cette institution. Les membres de cette Commission, nommés par le Président, sont protégés par les statuts de ladite Commission. En outre, ses décisions s'imposent à toutes les autorités de l'État, et sont rendues publiques, a poursuivi le représentant du Turkménistan. Les travaux publics font l'objet de marchés publics, accompagnés de sérieuses garanties de procédure pour assurer un choix impartial.
Répondant à une question sur les règles régissant l'usage de la force par la police, la délégation a fait valoir que les fonctionnaires de police avaient l'ordre de n'utiliser la force qu'en cas d'absolue nécessité et avec des moyens proportionnés. En cas d'accusations de violences excessives et inappropriées, le parquet mène une enquête, conformément à la loi.
Un membre de la délégation a réfuté les affirmations des experts du Comité selon lesquelles les organisations non gouvernementales et les associations de défense des droits de l'homme seraient empêchées de fonctionner librement dans le pays. Il a ajouté que celles-ci étaient vues comme des partenaires de l'État pour soutenir les citoyens dans des domaines variés comme la protection de l'enfance et la lutte contre la traite des êtres humains. Les associations peuvent librement définir leurs objectifs, leur mode d'organisation et leur domaine d'activité. La délégation a précisé que le Ministère de la justice n'avait pas reçu de demande d'enregistrement d'ONG internationale de défense des droits de l'homme, ajoutant que les autorités étaient ouvertes à leur installation sur le territoire national. De surcroît, la délégation a assuré que le Plan d'action national sur les droits humains avait été rédigé avec l'aide et le soutien des associations pertinentes.
Aux questions sur l'organisation et le déroulement des élections dans le pays, la délégation a assuré que la campagne électorale en cours faisait l'objet d'un intérêt croissant de la part de la population, avec un nombre satisfaisant de candidats, se présentant sous la bannière de trois partis différents. Elle a assuré que ces trois partis avaient toute latitude pour organiser des événements liés à la campagne et qu'ils avaient les mêmes chances au terme d'un processus transparent. En outre, de nombreuses organisations régionales et internationales seront présentes pour observer les opérations électorales.
S'agissant du travail forcé dans le secteur du coton, un représentant du Turkménistan a indiqué que des visites étaient prévues de la part, notamment de l'Organisation internationale du Travail, qui aura un large accès pour observer et faire ses recommandations. En outre, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et la Turquie sont également impliquées pour mécaniser le secteur du coton au Turkménistan, former les travailleurs et protéger les travailleuses. Un système d'inspection du travail devrait être bientôt mis en place. Ces progrès font que le travail forcé n'a pas de raison d'être, a assuré l'orateur.
La délégation a affirmé que la liberté de circulation était entièrement assurée dans le pays durant les restrictions imposées dans le cadre de la lutte contre la pandémie, et les citoyens turkmènes à l'étranger ont vu la durée de validité de leurs documents de voyage prolongée. De plus, des opérations de rapatriement ont été mises en place pour réunir les familles. À la question sur le système d'enregistrement obligatoire de résidence (propiska), la délégation a souligné que l'enregistrement géographique des travailleurs ne constitue pas une limitation injuste à la liberté de circulation, mais leur offre au contraire une garantie du respect de leurs droits en tant que travailleurs.
Sur l'accès à l'information de la population, la délégation a assuré qu'Internet était accessible partout dans le pays sans restriction et à un prix abordable et constamment en baisse.
Les accusations faisant état d'arrestations arbitraires et de disparitions forcées de journalistes dans le cadre de leurs fonctions sont totalement infondées, a affirmé la délégation. S'agissant des personnes appartenant au mouvement Gülen arrêtées au Turkménistan, elles ont été condamnées conformément à la législation pour des crimes et délits qu'elles avaient commis, et pas pour leurs opinions politiques ou idéologiques.
La traite d'êtres humains est un phénomène rare au Turkménistan, a assuré la délégation. Une loi visant à lutter contre la traite a été adoptée en 2016 pour définir les modalités institutionnelles et légales pour lutter contre cette pratique. Les auteurs de ce crime sont sévèrement punis. Tous les types d'actes s'apparentant ou facilitant la traite sont visés par le Code pénal. Un Plan national 2020-2022 a été rigoureusement appliqué. Un nouveau Plan national est en cours d'élaboration en lien avec l'Organisation internationale des migrations.
La liberté religieuse est largement assurée au Turkménistan, qui reconnaît toutes les confessions dûment enregistrées. Les refus d'enregistrement ne peuvent avoir lieu que lorsque les documents présentés aux autorités ne correspondent pas aux critères imposés par la loi. Alors qu'un recours juridictionnel est mis à disposition pour contester ces refus, aucune organisation confessionnelle n'en a fait usage jusqu'ici, a fait observer la délégation. En réponse à une question des experts, la délégation a assuré qu'il n'y avait pas d'organisation des Témoins de Jéhovah dans le pays. Ils ne sont donc pas dûment enregistrés. Toutefois, cela ne signifie en aucun cas qu'il leur est interdit de pratiquer leur culte en privé ou en groupe. Ils ne sont d'ailleurs pas tenus de taire leur affiliation confessionnelle en public. Ne pas être enregistré ne signifie en aucun cas que les fidèles sont persécutés.
Trente-cinq condamnations seulement ont été prononcées contre les objecteurs de conscience. Le nombre de poursuites sur ce motif a été divisé par deux depuis 2020.
Conclusions
Des membres du Comité ont regretté l'absence de réponses claires sur plusieurs points, notamment sur la question des restrictions de déplacement au sein de l'État partie, sur l'enregistrement des organisations religieuses, sur la tenue de procès à huis clos n'avaient pas été détaillées, sur l'impossibilité pour certains détenus de contacter leurs familles.
Le Vice-Ministre turkmène des affaires étrangères, a salué le travail des membres du Comité et s'est félicité des échanges productifs de sa délégation avec ses membres. M. Hjiyev s'est engagé à fournir des réponses écrites aux questions encore en suspens, après consultations avec les membres du Gouvernement. Il a assuré que ce dialogue allait donner lieu à une réflexion profonde de la part du Turkménistan, et qu'il en ressortirait des avancées positives.
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