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Actualités Conseil des droits de l’homme

La situation des droits de l’homme en Érythrée reste « désastreuse » ; et en Afghanistan, est observé un nombre accru d'attaques contre les droits des femmes et contre les minorités, est-il indiqué au Conseil des droits de l’homme

06 mars 2023

Le Conseil des droits de l’homme a achevé ce matin, en entendant les déclarations de plusieurs délégations*, son dialogue autour de la mise jour présentée vendredi dernier par le Haut-Commissaire aux droits de l’homme concernant la situation des droits de l’homme dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est. Il a ensuite tenu un dialogue renforcé sur la situation des droits de l’homme en Érythrée et a engagé son dialogue avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan, M. Richard Bennett.

Dans le cadre du dialogue renforcé sur la situation des droits de l’homme en Érythrée, ont successivement fait des présentations : la Haute-Commissaire adjointe aux droits de l’homme, Mme Nada Al-Nashif ; le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Érythrée, M. Mohamed Abdelsalam Babiker ; et la fondatrice de One Day Seyoum, Mme Vanessa Tsehaye.

Mme Al-Nashif a d’emblée souligné que la situation des droits de l'homme en Érythrée reste « désastreuse », ne montre aucun signe d'amélioration et continue d'être caractérisée par de graves violations des droits de l'homme. Nous réitérons notre appel à l'Érythrée pour qu'elle mette son service national en conformité avec ses obligations internationales en matière de droits de l'homme et demandons aux États de mettre fin au retour forcé des demandeurs d'asile en Érythrée, a-t-elle indiqué. Elle a par ailleurs jugé « alarmant » que toutes ces violations des droits de l'homme soient commises dans un contexte d'impunité totale.


M. Babiker a pour sa part fait savoir que depuis la présentation de sa dernière mise à jour devant le Conseil en juin 2022, aucun élément n'indiquait une quelconque évolution de la situation. Le Rapporteur spécial s’est ainsi dit très préoccupé par la situation de nombreux Érythréens détenus arbitrairement dans des prisons secrètes depuis plus de vingt ans, et dont certains ont disparu. Il a par ailleurs indiqué avoir reçu, depuis novembre 2022, des informations crédibles indiquant que les rafles de jeunes se sont intensifiées, pour s'assurer qu'ils suivent une formation militaire et participent au service national.

Le représentant de l’Érythrée a, quant à lui, affirmé que son pays est « harcelé » depuis dix ans, comme le montre – selon lui – la multiplicité des mandats le concernant. L’Érythrée poursuivra ses objectifs de développement en dépit de ce « harcèlement », a-t-il déclaré.

Mme Tsehaye a rappelé que son oncle Seyoum Tsehaye était emprisonné depuis 2001 en Érythrée sans que sa famille n'ait aucune idée de l'endroit où il se trouve ni s'il est encore en vie. Tous les Érythréens sont enrôlés dans un service national indéfini qui a été comparé à de l'esclavage par les experts de l'ONU, a-t-elle en outre indiqué, ajoutant que la situation socioéconomique du pays est terrible.

De nombreuses délégations** ont participé au dialogue qui a suivi ces présentations.

Présentant son rapport, le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan a, pour sa part, déclaré que durant sa deuxième visite, en octobre 2022, il avait observé en Afghanistan un nombre accru d'attaques contre les droits des femmes et des filles, ainsi que contre les minorités ethniques et religieuses ; des difficultés économiques toujours plus grandes ; un rétrécissement de l'espace pour les médias et la société civile ; une répression de toute forme de dissidence ; et la poursuite des représailles contre les membres des forces de sécurité et certains employés de l'ancienne administration. M. Bennett a cependant jugé appréciable que les autorités de facto l’aient autorisé à visiter le pays et qu’elles aient dialogué avec lui.

Quoi qu’il en soit, a poursuivi le Rapporteur spécial, le Conseil doit s'attaquer sérieusement aux énormes problèmes en matière de droits de l'homme auxquels est confronté le peuple afghan, notamment ceux qui concernent ses droits économiques, sociaux et culturels, et veiller à ce qu'un message clair soit envoyé aux autorités de facto, à savoir que le traitement des femmes et des filles est absolument intolérable et injustifiable pour quelque motif que ce soit, y compris la religion. En outre, l'impunité de longue date doit être remise en question pour les crimes passés comme pour les crimes présents, a demandé M. Bennett.

Directement concernée, la délégation de l’Afghanistan a déclaré que ce rapport n’était que « la partie émergée de l'iceberg », de nombreuses violations n’y étant en effet pas documentées.

Plusieurs délégations*** ont ensuite engagé le dialogue avec le Rapporteur spécial.

Le Conseil poursuit ses travaux cet après-midi à 15 heures.

Fin du dialogue autour de la mise à jour du Haut-Commissaire sur la situation des droits de l’homme dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est

Aperçu du dialogue

Les intervenants se sont à nouveau dits préoccupés par les tensions aggravées entre Israël et la Palestine, en particulier en Cisjordanie. Cette dégradation de la situation appelle une solution politique urgente, a-t-il été souligné, d’aucuns estimant que les engagement pris par Israël et la Palestine à Aqaba, le 26 février dernier, sont à cet égard encourageants. Des délégations ont mis en garde contre les « actions unilatérales qui sapent les perspectives de paix, attisent les tensions et empêchent les Israéliens et les Palestiniens de jouir pleinement de leurs droits humains fondamentaux ».

Les activités de colonisation sur le territoire palestinien sont autant d’obstacles à la paix et à la réalisation d’une solution fondée sur deux États, a-t-il été affirmé. Israël a aussi été appelé à cesser les sanctions collectives infligées aux Palestiniens – une pratique interdite par le droit international, a-t-il été rappelé.

Les causes profondes du conflit demeurent, à savoir les violations des droits fondamentaux des Palestiniens commises avec la complicité des pays occidentaux, a affirmé une délégation. Une autre délégation a rappelé que l'occupation est au cœur de cette situation et a déploré l'impunité accordée à Israël malgré son mépris des obligations qui lui incombent en vertu du droit international humanitaire et des droits de l'homme. Les engagements idéologiques du nouveau Gouvernement israélien et les politiques qu'il a mises en œuvre sur le terrain jusqu'à présent montrent qu'une intervention internationale urgente est nécessaire, a déclaré une organisation non gouvernementale (ONG).

Des intervenants ont dénoncé les tirs aveugles de roquettes contre Israël par le Hamas ; certaines de ces roquettes ont même tué des Palestiniens, a relevé une ONG. Une ONG a déploré le parti-pris pro-palestinien du rapport du Haut-Commissariat.

*Liste des intervenants : Fédération de Russie, Belgique, Cuba, Brésil, Afrique du Sud, Australie, Organisation internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, Institute for NGO ResearchBADILResource Center for Palestinian Residency and Refugee RightsTouro Law Center on Human Rights and The HolocaustUnited Nations WatchAl Mezan Centre for Human RightsMedical Aid for Palestinians (MAP), Défense des enfants - international, Meezaan Center for Human RightsAssociation Ma'onah for Human Rights and Immigration.

Réponses et remarques de conclusion du Haut-Commissaire

M. VOLKER TÜRK, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a indiqué que le Haut-Commissariat travaillait, sur le terrain, avec les autorités palestiniennes et avec les organisations de la société civile pour s’attaquer au problème des violences sexistes.

M. Türk a insisté, d’une manière générale, sur l’importance de renoncer aux stéréotypes et aux théories du complot et d’en revenir aux droits de l’homme des populations concernées. Le rapport propose à cet égard des mesures qui pourraient être appliquées immédiatement pour aller de l’avant, mesures qui ont aussi été évoquées à la réunion d’Aqaba, a-t-il indiqué.

Le mandat du Haut-Commissariat est de mener des activités humanitaires dans le Territoire palestinien occupé, ce qui peut aussi lui donner l’occasion de faciliter le dialogue, a par ailleurs souligné M. Türk, affirmant être en contact avec les autorités israéliennes pour résoudre le problème de l’octroi de visas au personnel tant international que local du Haut-Commissariat.

Dialogue renforcé sur la situation des droits de l’homme en Érythrée

Présentations

MME NADA AL-NASHIF, Haute-Commissaire adjointe aux droits de l’homme, a affirmé que la situation des droits de l'homme en Érythrée reste « désastreuse », ne montre aucun signe d'amélioration et continue d'être caractérisée par de graves violations des droits de l'homme. La Haut-Commissariat aux droits de l’homme continue de recevoir des rapports crédibles faisant état de torture, de détention arbitraire, de conditions de détention inhumaines, de disparitions forcées, et de restrictions des droits aux libertés d'expression, d'association et de réunion pacifique. Des milliers de prisonniers politiques et de prisonniers d'opinion seraient, semble-t-il, derrière les barreaux depuis des décennies, a-t-elle ajouté. En outre, le harcèlement et la détention arbitraire de personnes en raison de leur foi se poursuivent sans relâche et des centaines de chefs religieux et de fidèles sont touchés.

Les Érythréens continuent par ailleurs d'être soumis à un service militaire national indéfini, qui s'est intensifié à la suite du conflit du Tigré. Les conscrits continuent d'être enrôlés pour une durée de service indéterminée au-delà des 18 mois prévus par la loi, souvent dans des conditions abusives, qui peuvent inclure le recours à la torture, à la violence sexuelle et au travail forcé. Ceux qui tentent de déserter le service militaire sont détenus et punis, a souligné Mme Al-Nashif. L'Érythrée poursuit en outre la pratique consistant à punir - notamment par des expulsions de domicile – les membres de la famille pour le comportement de leurs proches qui se soustraient à la conscription militaire.

En fait, a souligné la Haute-Commissaire ajointe, le service national reste la principale raison pour laquelle les Érythréens fuient le pays : selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), à la fin de 2022, il y avait plus de 160 000 demandeurs d'asile et réfugiés en Éthiopie et 130 000 au Soudan. Ces chiffres représentent une légère augmentation par rapport aux années précédentes. Selon les informations en possession du Haut-Commissariat, certains autres pays procèdent au retour forcé de demandeurs d'asile érythréens, les exposant de fait à de graves violations des droits humains dans leur pays. Nous réitérons notre appel à l'Érythrée pour qu'elle mette son service national en conformité avec ses obligations internationales en matière de droits de l'homme et demandons aux États de mettre fin au retour forcé des demandeurs d'asile en Érythrée, a déclaré Mme Al-Nashif.

Elle a également jugé « alarmant » que toutes ces violations des droits de l'homme soient commises dans un contexte d'impunité totale. L'Érythrée n'a pris aucune mesure démontrable pour assurer la responsabilité des auteurs de violations des droits de l'homme passées et en cours. Par exemple, personne n'a été tenu responsable des violations des droits de l'homme documentées par la Commission d'enquête sur les droits de l'homme en Érythrée en 2016 (A/HRC/32/47) et en 2017 (A/HRC/29/42) – Commission qui a conclu que l'Érythrée avait commis des crimes contre l'humanité, y compris l'esclavage, l'emprisonnement, la disparition forcée, la torture et d'autres actes inhumains, la persécution, le viol et le meurtre. L'Érythrée n'a en outre pris aucune mesure pour établir les responsabilités pour les violations commises par les Forces de défense érythréennes dans le contexte du conflit du Tigré en Éthiopie, comme l'a constaté l'Equipe d'enquête conjointe du Haut-Commissariat et de la Commission éthiopienne des droits de l'homme, a déploré la Haut-Commissaire adjointe.

Mme Al-Nashif a par ailleurs informé le Conseil de l’état de la coopération entre l'Érythrée et le Haut-Commissariat. Elle a notamment indiqué que le Représentant régional du Haut-Commissariat pour l'Afrique de l'Est a mené, après celle de janvier 2022, une deuxième mission en Érythrée du 4 au 7 mai 2022, à l'invitation du Gouvernement. Mais les autorités n'ont pas répondu à la demande de suivi vers l'élaboration d'un plan concret d'activités et de mise en œuvre, a-t-elle fait observer. De même, à Genève, la Mission permanente n'a pas communiqué avec le Haut-Commissariat, et celui-ci n'a reçu aucune réponse aux communications relatives à l'implication de l'Érythrée dans le conflit du Tigré. Ce manque total de coopération et de réactivité contraste fortement avec les engagements de l'Érythrée, en tant que membre du Conseil, à poursuivre son engagement avec le Haut-Commissariat, a déploré Mme Al-Nashif.


M. MOHAMED ABDELSALAM BABIKER, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en Érythrée, a d’emblée fait savoir que depuis la présentation de sa dernière mise à jour devant le Conseil en juin 2022, aucun élément n'indiquait une quelconque évolution de la situation.

Le Rapporteur spécial s’est ainsi dit très préoccupé par la situation de nombreux Érythréens détenus arbitrairement dans des prisons secrètes depuis plus de vingt ans, et dont certains ont disparu. Malheureusement, a-t-il ajouté, dans la plupart des cas, l'Érythrée n'a pas reconnu de privation de liberté et elle dissimule l'endroit où se trouvent les personnes disparues, qui sont donc soustraites à la protection de la loi. La pratique généralisée ou systématique de la disparition forcée constitue un crime contre l'humanité en vertu du droit international, a rappelé le Rapporteur spécial, qui a demandé au Conseil d'exercer une pression maximale sur l'Érythrée – pays membre du Conseil des droits de l'homme – pour qu'elle mette fin à la disparition systématique et généralisée de nombreux Érythréens depuis des décennies.

De plus, l'Érythrée ne dispose toujours pas d'un État de droit, d'une constitution, d'une assemblée nationale ni d'un système judiciaire indépendant, a souligné le Rapporteur spécial.

M. Babiker a aussi noté une détérioration s’agissant du système de service national ou militaire sans limite de temps. Il a indiqué avoir reçu, depuis novembre 2022, des informations crédibles indiquant que les rafles de jeunes se sont intensifiées, pour s'assurer qu'ils suivent une formation militaire et participent au service national. Des témoins ont également signalé l'augmentation de la conscription forcée par les forces militaires et de sécurité, qui entrent et fouillent les maisons à cette fin. De nombreuses familles ont été expulsées de leurs propriétés faute d’avoir livré les membres de leur famille ou leurs proches, tandis que de nombreux jeunes vivent cachés, parfois dans des forêts, pour échapper à la conscription.

M. Babiker a regretté que le Gouvernement érythréen s'oppose toujours à son mandat [de Rapporteur spécial] et que ses demandes de visite restent sans réponse. Il a espéré que le Gouvernement reviendrait sur sa position et s’est dit prêt à travailler avec le Gouvernement pour traiter les violations persistantes des droits de l'homme qui ont lieu dans le pays.

Le représentant de l’Érythrée a affirmé que son pays est « harcelé » depuis dix ans, comme le montre la multiplicité des mandats le concernant. Or, a-t-il ajouté, les rapports de ces mécanismes, dont une commission d’enquête ou un Rapporteur spécial, ne font que reprendre les accusations « étriquées » de ceux qui veulent imposer leur volonté à l’Érythrée. Le Rapporteur spécial s’écarte même de son mandat, en ne prenant jamais en compte la réalité du terrain sans cesser d’accuser l’Érythrée, a-t-il insisté. Les objectifs économiques de l’Érythrée ne peuvent être pris en otage par la volonté d’autres pays, a déclaré le représentant, assurant des réussites de son pays en matière de lutte contre la pauvreté. L’Érythrée poursuivra ses objectifs de développement en dépit de ce « harcèlement », a-t-il déclaré.

MME VANESSA TSEHAYE, fondatrice de l’organisation One Day Seyoum, a précisé que son oncle Seyoum Tsehaye était emprisonné depuis 2001 en Érythrée sans que sa famille n'ait aucune idée de l'endroit où il se trouve ni s'il est encore en vie. Cette souffrance n'est cependant qu'une infime partie de l'immense souffrance du peuple érythréen, a-t-elle souligné, avant de se dire « fatiguée de devoir rappeler aux gens à quel point la situation en Érythrée est réellement désastreuse ». Il n'y a ni élections, ni parlement, ni constitution, ni budget publié, ni société civile, ni universités, ni média indépendant, ni aucun parti politique à l'exception du parti au pouvoir, a énuméré Mme Tsehaye. Les Érythréens ne sont pas autorisés à quitter le pays sans la permission du Gouvernement, qui la donne rarement, voire jamais, a-t-elle également rappelé.

Tous les Érythréens sont enrôlés dans un service national indéfini qui a été comparé à de l'esclavage par les experts de l'ONU, a poursuivi Mme Tsehaye. D'innombrables personnes, même des enfants, des adolescents et des personnes âgées, sont emprisonnées sans procès pour s’être opposées au Gouvernement ou avoir cherché à quitter le pays. Depuis 2020, les Érythréens sont obligés de se battre dans une guerre illégale, a-t-elle ajouté. Enfin, a rappelé Mme Tsehaye, la situation socioéconomique du pays est terrible : les gens dépendent de leurs familles à l'étranger pour survivre et les politiques gouvernementales ont créé une crise alimentaire, de l'eau, des médicaments et de l'électricité – dont on ne sait si c’est pour contrôler la population ou pour la punir, a affirmé Mme Tsehaye.

La vie est insupportable en Érythrée, alors les gens fuient ; mais même après avoir fui, ils continuent à souffrir et à être traités de manière dégradante dans tous les pays qu'ils traversent, tandis que les routes vers l'Occident ont été rendues aussi dangereuses et mortelles que possible par les politiques migratoires des pays occidentaux, a enfin regretté Mme Tsehaye.

Aperçu du dialogue

De nombreuses délégations, dont celles d’organisations non-gouvernementales (ONG) ont, à l’instar du Haut-Commissariat et du Rapporteur spécial, regretté l’absence d’amélioration de la situation des droits de l’homme en Érythrée. Ce pays, pourtant membre du Conseil des droits de l’homme, continue de ne pas respecter ses propres engagements internationaux, ont déploré nombre d’intervenants, avant de l’appeler à tenir ses engagements.

Ont été maintes fois dénoncés les cas de détention au secret – de membres de minorités religieuses, de journalistes et de représentants de la société civile, entre autres – ainsi que les violences sexuelles, les cas de torture, les punitions collectives et les violations des droits de l'homme découlant de la durée indéterminée du service national.

De nombreuses délégations ont fait part de leurs préoccupations suite aux allégations selon lesquelles l’Érythrée a déployé des troupes en Éthiopie, notamment dans la région du Tigré, et y commet des crimes. Elle ont appelé l’Érythrée à retirer ces troupes et à ouvrir des enquêtes concernant toutes les allégations. Il a également été demandé à l’Érythrée de ne pas intervenir dans le processus politique en Éthiopie.

Un groupe de pays a en revanche loué l’Érythrée pour ses mesures « positives » en faveur de droits de l’homme en dépit de la situation difficile que connaît le pays. Le Conseil devrait le reconnaître et encourager cette dynamique au lieu de s’illustrer, « une fois de plus », par la sélectivité, la politisation et les « deux poids deux mesures » de ses travaux, a-t-il été estimé. Le Conseil devrait cesser cette politique « discriminatoire » et « contreproductive » qui consiste à créer des mandats promus par des « pays hostiles », « hégémoniques » et « impérialistes » qui veulent imposer leur volonté contre les pays du Sud et promeuvent la désinformation, sur la base d’informations et d’accusations « infondées » et « erronées », a-t-il été affirmé. Le Conseil ne devrait pas renoncer aux principes de la Charte des Nations Unies que sont la coopération et le dialogue, ont plaidé des délégations.

La Haut-Commissaire adjointe et le Rapporteur spécial ont en outre été interrogés sur les conséquences du service militaire à durée indéterminée ; sur la manière dont la communauté internationale pourrait venir en aide à l’Érythrée ; ou encore sur les mécanismes de reddition de comptes disponibles au plan international pour les violations des droits de l'homme commises par l’Érythrée, entre autres.

** Liste des intervenants : Union européenne, Luxembourg (au nom d’un groupe d’États), France, États-Unis, Chine, République populaire démocratique de Corée, Venezuela, Djibouti, Royaume-Uni, Soudan, Soudan du Sud, Éthiopie, Bélarus, Yémen, République arabe syrienne, République islamique d’Iran, Arabie saoudite, Sri Lanka, Irlande, Nicaragua, Fédération de Russie, ainsi que Christian Solidarity WorldwideEast and Horn of Africa Human Rights Defenders ProjectInternational Fellowship of Reconciliation, Conscience and Peace Tax InternationalCIVICUS, Amnesty International, Human Rights Watch, International Bar Associationpour les organisations non-gouvernementales.


Réponses et remarques de conclusion

MME TSEHAYE a dit comprendre l’argument du deux poids, deux mesures soulevé par plusieurs délégations ; mais cela ne saurait constituer une excuse pour violer des droits de l'homme et laisser les États continuer d’agir comme bon leur semble, a-t-elle souligné. Cela ne saurait constituer une excuse pour faire fi de la situation en Érythrée, a-t-elle insisté. Soulignant la chance qu’elle a eue de pouvoir sortir du pays, elle a affirmé que ceux qui sont restés sont voués à une vie de souffrance et a assuré qu’elle continuerait à utiliser tous les fora à sa disposition pour évoquer la question des droits de l’homme en Érythrée.

Le représentant de l’Érythrée a déclaré que la question du déploiement des forces érythréennes au Tigré est un sujet sur lequel le Gouvernement va réfléchir. Il a aussi indiqué que son pays avait envoyé plusieurs communications au Rapporteur spécial et au Haut-Commissariat, sans réponse aucune. L’Érythrée a également envoyé des invitations à divers titulaires de mandats thématiques, qui sont également restées sans réponses à ce jour, a-t-il ajouté.

M. BABIKER a déclaré qu’il avait envoyé des communications à la l’Érythrée, notamment pour l’inviter à faire des observations et commentaires sur ses rapports. L’Érythrée n’a jamais répondu, a-t-il assuré. Le Rapporteur spécial a par ailleurs affirmé que le service national obligatoire a de nombreuses répercussions sur les droits de l’homme. Il a rappelé que de nombreuses personnes essaient de fuir cette circonscription forcée. Quant à la manière dont le Conseil peut l’aider à accomplir son mandat, le Rapporteur spécial a relevé que le Conseil est divisé sur cette question, comme sur son mandat. En ce qui le concerne, M. Babiker a indiqué rester disponible pour dialoguer avec l’Érythrée.

MME AL-NASHIF a réitéré sa préoccupation face au manque de progrès en Érythrée. Le Haut-Commissariat reste disponible dans son intention de dialoguer avec l’Érythrée dans le respect des normes internationales, a-t-elle indiqué. Elle a également fait savoir que le Haut-Commissariat n’avait jamais reçu les communications évoquées par la délégation. Mais si la délégation le souhaite, il est possible d’organiser une réunion sur ce sujet, a-t-elle ajouté. Le Haut-Commissariat est disposé à apporter son aide à Érythrée pour la ratification des instruments internationaux auxquels le pays n’est pas encore partie, dont la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et celle relative aux droits des personnes handicapées, a en outre souligné Mme Al-Nashif.

Dialogue avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan

Le Conseil est saisi du rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan (A/HRC/52/84, à paraître en français)

Présentation du rapport

M. RICHARD BENNETT, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en Afghanistan, a déclaré que durant sa deuxième visite, en octobre 2022, il avait observé en Afghanistan un nombre accru d'attaques contre les droits des femmes et des filles, ainsi que contre les minorités ethniques et religieuses ; des difficultés économiques toujours plus grandes ; un rétrécissement de l'espace pour les médias et la société civile ; une répression de toute forme de dissidence ; et la poursuite des représailles contre les membres des forces de sécurité et certains employés de l'ancienne administration.

M. Bennett a cependant jugé appréciable que les autorités de facto l’aient autorisé à visiter le pays et qu’elles aient dialogué avec lui : après de nouveaux échanges de vues, les autorités ont émis des commentaires approfondis sur le projet de rapport, qui en reprend certains. Le Ministère des affaires étrangères de facto a également répondu aux communications du Rapporteur spécial et une conversation a été entamée sur la mise en œuvre de certaines recommandations incluses dans le rapport initial, a fait savoir M. Bennett.

Quoi qu’il en soit, a poursuivi le Rapporteur spécial, le Conseil doit s'attaquer sérieusement aux énormes problèmes en matière de droits de l'homme auxquels est confronté le peuple afghan, notamment ceux qui concernent ses droits économiques, sociaux et culturels, et veiller à ce qu'un message clair soit envoyé aux autorités de facto, à savoir que le traitement des femmes et des filles est absolument intolérable et injustifiable pour quelque motif que ce soit, y compris la religion. En outre, l'impunité de longue date doit être remise en question pour les crimes passés comme pour les crimes présents, a demandé M. Bennett.

S’agissant du rapport proprement dit, M. Bennett a indiqué qu’il présentait de manière générale les schémas des violations des droits de l'homme commises au cours de la période considérée. Le Rapporteur spécial a relevé, en particulier, que la politique intentionnelle et calculée des Taliban consistait à dénier aux femmes et aux filles leurs droits humains et à les effacer de la vie publique.

Le rapport évoque aussi la situation des droits économiques, sociaux et culturels en Afghanistan, qui était déjà mauvaise avant que les Taliban ne reprennent le pouvoir et qui est actuellement aggravée par l'interdiction faite aux femmes de travailler pour des ONG. Malgré les rapports indiquant que l'économie s'est stabilisée dans une certaine mesure, 28 millions de personnes ont besoin d'une aide humanitaire, dont plus de six millions d'Afghans vivant au bord de la famine, a fait observer le Rapporteur spécial. Il a demandé instamment aux autorités de facto de cesser immédiatement les actions qui perturbent l'accès équitable et rapide de l'aide humanitaire à celles et ceux qui en ont le plus besoin.

M. Bennett a ajouté que son rapport relaie en outre des préoccupations devant l'effondrement de l'État de droit et de l'indépendance de la justice en Afghanistan ; la pratique de la flagellation en public pour des crimes présumés tels que le vol, les relations « illégitimes » ou la violation des codes de comportement social ; la discrimination envers les minorités ethniques et religieuses ; le déclin des libertés fondamentales, en particulier des libertés d'expression et de réunion ; ou encore les exécutions extrajudiciaires de combattants capturés par les Taliban.

Pays concerné

M. NASIR AHMAD ANDISHA, Représentant permanent de l’Afghanistan auprès des Nations Unies à Genève, a estimé que le rapport de M. Bennett n’était que « la partie émergée de l'iceberg », que de nombreuses violations n’y étaient en effet pas documentées, et que la nature et l'étendue des violations exigeaient une réponse immédiate et efficace du système des droits de l'homme. Le rapport, a relevé M. Andisha, appelle la communauté internationale à soutenir les mécanismes internationaux d'enquête et de responsabilité. À cet égard, compte tenu notamment du démantèlement de l'État de droit et de la Commission indépendante des droits de l'homme, ainsi que de l'absence d'enquêtes complètes, rapides et transparentes en Afghanistan, il est nécessaire, a demandé M. Andisha, de mener des enquêtes en temps réel, au moment même où les atrocités se déroulent. Un mécanisme d'enquête indépendant peut combler cette lacune, a-t-il ajouté.

M. Andisha a rappelé les deux demandes essentielles de son peuple, à savoir que la communauté internationale doit soutenir activement la création d'un gouvernement inclusif et représentatif, capable de fournir de manière légitime des services essentiels, et que le Conseil doit veiller à ce que tout engagement avec les Taliban soit centré sur le respect des droits humains et des libertés fondamentales du peuple afghan et subordonné à cela.

Aperçu du débat

L'avenir de l'Afghanistan, a-t-il été affirmé, dépend de la participation de tous ses habitants, y compris les femmes, les filles, les personnes handicapées, les personnes âgées, les personnes LGBTQI+ et les membres de toutes les communautés marginalisées, dans tous les aspects de la vie politique, sociale et économique du pays.

De nombreuses délégations ont dénoncé « l'effacement quasi absolu des femmes et des filles de la vie publique par les Taliban », notamment après l’interdiction qui leur a été faite de suivre un enseignement secondaire et supérieur ou de travailler dans les organisations non gouvernementales. Interdire aux filles d’aller à l’école compromet la capacité de l'Afghanistan à progresser vers une paix durable et vers le développement économique et social, a-t-il été souligné. De même, 94% des ONG dirigées par des femmes ont dû cesser totalement ou partiellement leurs activités, ce qui place concrètement les 13,8 millions de femmes et de filles qui ont besoin d'une aide humanitaire cette année dans des situations de vulnérabilité accrue, a-t-il été ajouté. « Le déni discriminatoire des droits des femmes et des filles contrevient aux obligations de l'Afghanistan en matière de droits de l'homme, et peut s'apparenter à une persécution fondée sur le sexe, voire à un crime contre l'humanité », ont mis en garde plusieurs orateurs.

La communauté internationale a été invitée à accorder une attention suffisante aux conditions humanitaires en Afghanistan, s’agissant en particulier de l'accès aux soins de santé primaires et aux médicaments ; à apporter une aide humanitaire répondant aux besoins fondamentaux de la population ; et à collaborer avec le Gouvernement afghan pour l’aider à lutter contre le terrorisme et à instaurer des relations pacifiques avec ses voisins. Une responsabilité particulière incombe aux pays qui entretiennent des relations diplomatiques ou commerciales avec les autorités de facto : ces pays devraient faire usage de leur influence pour obtenir des concessions en matière de protection et de réalisation des droits civils et politiques en Afghanistan, a estimé un intervenant.

L’imposition de mesures coercitives unilatérales contre l’Afghanistan par les États-Unis et l’Union européenne a été jugée contre-productive par plusieurs orateurs.

Le fait que les Taliban semblent prêts à continuer à collaborer avec le Rapporteur spécial a été jugé positif. Plusieurs délégations ont demandé au Rapporteur spécial comment amener les Taliban à respecter leurs obligations au titre du droit international.

Un groupe de pays a regretté que M. Bennett, dans son rapport, « ne formule pas de recommandations réalistes pour remédier aux violations des droits de l’homme en Afghanistan ».

*** Liste des intervenants : Union européenne, Islande (au nom d’un groupe de pays), Pakistan (au nom de l’Organisation de la coopération islamique), Ouzbékistan (au nom d’un groupe de pays), Union européenne (au nom d’un groupe de pays), Liechtenstein, ONU Femmes, France, États-Unis, Équateur, Qatar, Suisse, Irlande, Émirats arabes unis, Allemagne, Belgique, République de Corée, Israël, Japon, Sierra Leone, Chypre, Luxembourg, Inde, Costa Rica, Chine, Indonésie, Macédoine du Nord, Venezuela, Canada, Pologne, Pays-Bas et Albanie.

 

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