Actualités Conseil des droits de l’homme
Le Conseil des droits de l’homme tient un dialogue renforcé sur la situation des droits de l’homme en République démocratique du Congo – qui s’est détériorée depuis octobre dernier, lui est-il indiqué
31 mars 2023
Après avoir achevé son débat général sur le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en entendant les déclarations de nombreuses délégations*, le Conseil des droits de l’homme a tenu, cet après-midi un dialogue renforcé sur la situation des droits de l’homme en République démocratique du Congo.
Ce dialogue a bénéficié des présentations préliminaires du Haut-Commissaire aux droits de l’homme, M. Volker Türk ; du Ministre des droits humains de la République démocratique du Congo, M. Albert Fabrice Puela (dont le discours a été lu par M. Paul Empole Losoko Efambe, Représentant permanent de la République démocratique du Congo auprès des Nations Unies à Genève) ; de Mme Bintou Keita, Représentante spéciale du Secrétaire général en République démocratique du Congo et Cheffe de la Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) ; de M. Bacre Waly Ndiaye, Président de l’Équipe d’experts internationaux en République démocratique du Congo ; et de M. Junior Safari Runiga, représentant du Réseau de protection des défenseurs des droits de l’homme, victimes, témoins et professionnels des médias (REPRODEV).
M. Türk a notamment souligné que la situation des droits humains en République démocratique du Congo s’était encore détériorée depuis la dernière mise à jour au Conseil, en octobre 2022. La violence armée s'est en effet intensifiée dans les provinces de l’Est, notamment en Ituri et au Nord-Kivu, où les groupes armés M23, ADF, CODECO, Zaïre et Nyatura continuent de perpétrer des attaques ignobles contre la population civile, en toute impunité, a-t-il précisé, avant d’indiquer que depuis octobre 2022, au moins 1338 personnes y ont été tuées. Le Haut-Commissaire a encouragé le Gouvernement à faire de la lutte contre l'impunité l'épine dorsale de sa stratégie pour le retour de la paix dans les zones touchées par le conflit.
Dans sa déclaration, M. Puela a, pour sa part, notamment indiqué que le Gouvernement avait entrepris la rédaction de la politique nationale de justice transitionnelle, un document qui sera examiné par les parlementaires lors de la présente session de mars 2023. Afin de donner forme à son engagement de lutter contre l’impunité des crimes graves et autres violations des droits de l’homme commises sur son territoire, le Gouvernement continue de plaider pour la création d’un tribunal pénal international afin d’élucider les 617 incidents documentés par le rapport Mapping du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, a en outre fait savoir le Ministre.
Mme Keita a dressé un constat similaire à celui du Haut-Commissaire quant à la détérioration de la situation des droits de l’homme et de la sécurité dans le pays depuis octobre dernier. Elle a relevé que le processus électoral en République démocratique du Congo continue d’être contesté et a dit noter également avec inquiétude « la montée, dans le discours politique, des messages à relents xénophobes et racistes qui constituent un danger pour la cohésion nationale, la paix et la sécurité ».
M. Ndiaye a indiqué que la première visite de l’Équipe sur le terrain s’était déroulée du 14 au 26 janvier 2023 et que l’Équipe y a constaté des progrès significatifs, notamment dans les domaines de la lutte contre l’impunité et de la justice transitionnelle. Cependant, a-t-il observé, le progrès noté dans les poursuites contre les miliciens contraste avec la lenteur de l’instruction des dossiers impliquant les forces de défense et de sécurité inclus parmi les seize cas prioritaires suivis avec les autorités judiciaires militaires congolaises dans le Kasaï. Il a ajouté que l’Équipe constate avec regret la montée des discours de haine entre communautés et l’accroissement des activités criminelles des groupes armés.
Pour sa part, M. Safari Runiga a regretté qu’aux violences de la guerre se soient ajoutées des restrictions abusives et des entraves à l’exercice des libertés publiques. Les autorités congolaises ont placé la protection et la promotion des droits de l’homme et des libertés fondamentales parmi leurs priorités, « mais les moyens n’ont jamais suivi la promesse des discours », a-t-il regretté. Il a mis en garde contre l’absence d’élections crédibles et inclusives qui entraîne une crise de légitimité et met sérieusement la cohésion nationale et la paix en danger.
De nombreuses délégations** ont ensuite pris part à ce dialogue renforcé.
À l’issue du débat général sur le racisme et la discrimination raciale, le Japon, la Lituanie, l’Azerbaïdjan, la République populaire démocratique de Corée et l’Arménie ont exercé leur droit de réponse.
Demain matin, à 10 heures, le Conseil tiendra un dialogue avec l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Mali, suivi d’un dialogue autour de la mise à jour du Haut-Commissaire sur l’Ukraine.
Suite et fin du débat général sur le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée
Aperçu du débat
Les intervenants ont insisté pour que toutes les causes du racisme, de la discrimination raciale et de la xénophobie soient abordées. Par exemple, a-t-il été souligné, toutes les puissances coloniales actuelles ou passé doivent reconnaître leurs responsabilités dans la mise en place des mécanismes et structures du racisme et doivent les démanteler.
La question des réparations pour les faits de l’esclavage et de la colonisation a également été soulevée par plusieurs délégations. Les anciennes puissances coloniales ont été invitées à prendre exemple sur l’Allemagne, qui a reconnu avoir commis un génocide contre les Herero et les Nama en Namibie à l'époque coloniale et a fait part de son intention de verser des réparations.
L’accent a été mis sur la nécessité de veiller à ce que la Déclaration et le Programme d’action de Durban, ainsi que les recommandations du Conseil des droits de l’homme et de l’Assemblée générale soient suivis d’effet. Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a été appelé à publier le programme d’activités qu’il a prévu pour célébrer la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine [qui prendra fin l’année prochaine], maintenant que l’Assemblée générale a adopté le budget y relatif.
L’attention du Conseil a également été attirée sur les diverses violations des droits de l’homme dont sont victimes de nombreuses minorités faisant l’objet de discrimination à travers le monde.
*Liste des participants : Tchad, Botswana, État de Palestine, l’Union européenne, International Youth and Student Movement for the United Nations (ISMUN), Association internationale d’avocats et de juristes juifs, Organisation internationale pour l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, Association pour les victimes du Monde, Alliance internationale pour la défense des droits et des libertés, Asociación Cubana de las Naciones Unidas, European Union of jewish students, Institute for NGO Research, The Next Century Foundation, International Service for Human Rights, International Federation for the Protection of the Rights of Ethnic, Religious, Linguistic & Other Minorities, International Youth and Student Movement for the United Nations, Ligue pour la solidarité congolaise, Pasumai Thaayagam Foundation, Human Rights and democratic participation center, Organization for Defending Victims of Violence, Arab-european Forum for dialogue and Human Rights, China Foundation for Human Rights Development, Sikh Human Rights Group.
Friends World Committee for Consultation, Al Mezan Centre for Human Rights, Advocates for Human Rights, Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme, European Centre for Law and Justice, United Nations Association of China, International Council Supporting Fair Trial and Human Rights, Al-Haq, Law in the Service of Man, International Organization for the Elimination of All Forms of Racial Discrimination, Women's Centre for Legal Aid and Counseling, United Nations Watch, Tumuku Development and Cultural Union, International Human Rights Association of American Minorities (IHRAAM), Institut international pour les droits et le développement, Association MIMAN, Americans for democracy and Human Rights in Bahrain, International-Lawyers, Human Rights Watch, Elizka Relief Foundation, Youth Parliament for SDG, Association des étudiants tamouls de France, Indigenous People of Africa Coordinating Committee, Fitilla, Al Baraem Association for Charitable Work, Integrated Youth Empowerment, Asociacion HazteOir.org, Association pour la défense des droits de l'homme et des revendications démocratiques/culturelles du peuple azerbaidjanais-Iran (ARC), Union of Northwest Human Rights Organisation, Maloca Internationale, Global Institute for Water, Environment and Health, Alsalam Foundation, Institute for Human Rights, Society for Development and Community Empowerment, Association pour l'intégration et le développement durable au Burundi, Platform for Youth Integration and Volunteerism, World Barua Organization (WBO), Association Bharathi Centre Culturel Franco-Tamoul, et Human Is Right.
Dialogue renforcé sur la situation des droits de l’homme en République démocratique du Congo
Par sa résolution 51/36 (2022), le Conseil a renouvelé le mandat de l’Équipe d’experts internationaux en République démocratique du Congo et lui a demandé de présenter une mise à jour orale à sa cinquante-deuxième session ; et a prié le Haut-Commissaire de présenter, à la même session, dans le cadre d’un dialogue renforcé, une mise à jour orale sur la situation des droits de l’homme en République démocratique du Congo. Le Conseil examine cet après-midi les comptes rendus oraux du Haut-Commissaire et de l’Équipe d’experts internationaux.
[NdR : le Bureau conjoint des Nations Unies pour les droits de l’homme en République démocratique du Congo (BCNUDH) est composé de la Division des droits de l’homme de la Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) et de l’ancien Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme en République démocratique du Congo.]
Présentations
M. VOLKER TÜRK, Haut-Commissaire aux droits de l’homme, a déclaré que la situation des droits humains en République démocratique du Congo s’était encore détériorée depuis la dernière mise à jour au Conseil, en octobre 2022. La violence armée s'est en effet intensifiée dans les provinces de l’Est, notamment en Ituri et au Nord-Kivu, où les groupes armés M23, ADF, CODECO, Zaïre et Nyatura continuent de perpétrer des attaques ignobles contre la population civile, en toute impunité. Depuis octobre 2022, au moins 1338 personnes y ont été tuées, et des zones généralement épargnées par le passé ont également connu des flambées de violence, notamment les provinces de Maï-Ndombe et de Kwilu.
Les violences ciblées que subissent les civils dans les zones affectées par les conflits comprennent notamment des violences sexuelles d’une grande brutalité, a souligné M. Türk. En 2022, le Bureau conjoint des Nations Unies pour les droits de l'homme en République démocratique du Congo a confirmé des cas de violences sexuelles liées au conflit sur 701 victimes, dont 503 femmes, 11 hommes et 187 filles.
Les autorités, a poursuivi le Haut-Commissaire, ont pris des mesures importantes pour lutter contre l'impunité. Ainsi, en 2022, au moins 91 membres des forces de défense et de sécurité et au moins 143 membres de groupes armés ont été condamnés pour des infractions liées à des violations des droits humains. Il s'agit là de résultats importants, tant pour les victimes que pour leur effet dissuasif. Toutefois, l'ampleur des violations et des abus des droits humains subis exige davantage d'actions pour enrayer le sentiment généralisé d'impunité : M. Türk a encouragé le Gouvernement à faire de la lutte contre l'impunité l'épine dorsale de sa stratégie pour le retour de la paix dans les zones touchées par le conflit.
Les autorités ont également pris des engagements de principe pour élargir l'espace civique et politique : ces promesses, a affirmé le Haut-Commissaire, doivent être mises en œuvre de manière beaucoup plus concrète. Alors que des élections - présidentielle, législatives et locales - sont prévues en décembre, M. Türk s’est en effet dit préoccupé par la persistance des restrictions aux libertés publiques et à l'espace civique de la population congolaise, et notamment par le harcèlement et l'arrestation arbitraire de journalistes et de défenseurs des droits de l'homme par l'Agence nationale des renseignements, y compris des cas présumés de mauvais traitements et de torture.
Le Bureau conjoint des Nations unies pour les droits de l’homme continuera de soutenir les efforts déployés par les autorités pour faire progresser les droits humains, notamment dans le contexte du retrait prévu de la MONUSCO, a assuré le Haut-Commissaire. Les populations de la République démocratique du Congo ont le droit de vivre en paix, à l'abri du besoin et de la peur, et méritent bien plus que ces cycles continus de brutalité et de misère, a conclu M. Türk.
M. PAUL EMPOLE LOSOKO EFAMBE, Représentant permanent de la République démocratique du Congo auprès des Nations Unies à Genève, a ensuite donné lecture d’une déclaration de M. ALBERT FABRICE PUELA, Ministre des droits humains de la République démocratique du Congo.
Dans sa déclaration, le Ministre indique notamment qu’après le lancement de consultations populaires dans neuf provinces, le Gouvernement a entrepris, avec l’appui du Bureau conjoint des Nations Unies, de la MONUSCO et de l’Équipe d’experts internationaux, la rédaction de la politique nationale de justice transitionnelle, un document qui met en exergue la vision du Gouvernement en cette matière et sera – comme l’a annoncé le Président de la République à l’occasion du débat de haut niveau de la cinquante-deuxième session du Conseil des droits de l’Homme – examiné par les parlementaires lors de la présente session de mars 2023.
D’autre part, poursuit le Ministre dans sa déclaration, à travers son Programme de démobilisation, désarmement, relèvement communautaire et stabilisation, le Gouvernement organise des consultations afin de faciliter l’intégration communautaire de certains groupes armés. En ce qui concerne la lutte contre l’impunité, le Gouvernement s’active sur deux volets, dont l’un relatif à la production normative devant encadrer le processus de justice transitionnelle, l’autre relatif à l’institution des juridictions spécialisées afin d’y déférer les auteurs des graves violations des droits de l’homme.
Afin de donner forme à son engagement de lutter contre l’impunité des crimes graves et autres violations des droits de l’homme commises sur son territoire, le Gouvernement continue de plaider pour la création d’un tribunal pénal international afin d’élucider les 617 incidents documentés par le rapport Mapping du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, fait aussi savoir le Ministre.
Le Ministre précise encore que son Gouvernement compte – entre autres mesures pour favoriser le respect des droits humains, la protection des civils et la cohésion – renforcer la lutte contre les groupes armés réfractaires opérant à l’Est du pays, particulièrement « le groupe terroriste dit M.23 soutenu par le Rwanda », dont les opérations militaires sont à la base de la détérioration de la situation humanitaire et sécuritaire ainsi que des violations graves des droits humains dans cette partie du territoire national.
S’agissant du respect, de la promotion, de la protection et de la mise en œuvre des droits de l’homme, le Gouvernement a opté pour la libéralisation des espaces de manifestations publiques et des libertés d’opinion et de pensée afin de garantir la liberté d’expression, surtout en cette période pré-électorale, souligne en outre le Ministre.
MME BINTOU KEITA, Représentante spéciale du Secrétaire général en République démocratique du Congo et Cheffe de la Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), a dressé un constat similaire à celui du Haut-Commissaire quant à la détérioration de la situation des droits de l’homme et de la sécurité dans le pays depuis octobre dernier. Elle a relevé que le processus électoral en République démocratique du Congo continue d’être contesté. Les opérations [d’inscription dans les rôles électoraux] qui ont débuté le 16 février ont connu des retards du fait de problèmes logistiques et techniques, a-t-elle observé, ajoutant prendre note que des milliers de Congolais n’ont pu être enrôlés en raison de l’insécurité. Elle a dit noter également avec inquiétude « la montée, dans le discours politique, des messages à relents xénophobes et racistes qui constituent un danger pour la cohésion nationale, la paix et la sécurité ». Dans ce contexte électoral, a souligné Mme Keita, la MONUSCO, avec le soutien du Haut-Commissariat, élabore des mécanismes d'alerte rapide et de réponse à la violence électorale dans le cadre du soutien de la Mission à la tenue des élections prévues par la Commission électorale nationale indépendante le 20 décembre 2023.
Mme Keita a dit apprécier la contribution actuelle du Haut-Commissariat aux droits de l’homme au processus de transition, en particulier le rôle essentiel qu'il joue dans la préservation des acquis en matière de paix et de sécurité. Elle a instamment prié les États Membres de renforcer leur soutien aux efforts du Haut-Commissariat sur le terrain, notamment en matière de surveillance, d'alerte rapide et de lutte contre l'impunité : en effet, le retrait de la MONUSCO, même s'il a été minutieusement planifié, laissera des lacunes qu'il faudra combler en matière de soutien logistique et de sécurité pour le Haut-Commissariat, a fait remarquer Mme Keita.
Enfin, la Représentante spéciale du Secrétaire général a félicité les autorités congolaises pour les progrès réalisés dans le domaine de la justice transitionnelle ; mais elle a fait part de sa préoccupation devant les indicateurs de développement humain en République démocratique du Congo. Mme Keita a insisté sur la nécessité d'améliorer les conditions de vie de la population, même celle qui n'est pas directement touchée par le conflit. Les aspects de stabilisation et de consolidation de la paix du mandat de la MONUSCO englobent les droits économiques, sociaux et culturels, y compris, entre autres, les droits à la santé, à l'eau potable, à l'alimentation, à l'éducation, au travail, au logement et à un niveau de vie adéquat, a rappelé la Cheffe de la Mission.
M. BACRE WALY NDIAYE, Président de l’Équipe d’experts internationaux en République démocratique du Congo, a indiqué que la première visite de l’Équipe sur le terrain s’était déroulée du 14 au 26 janvier 2023 et que l’Équipe y a constaté des progrès significatifs, notamment dans les domaines de la lutte contre l’impunité et de la justice transitionnelle.
S’agissant d’abord de la lutte contre l’impunité, l’Équipe salue l’effort du Gouvernement d’avoir recruté 5000 nouveaux magistrats actuellement en phase de formation initiale. Plusieurs dossiers de poursuites judiciaires ouverts dans le cadre de la crise Kamuina Nsapu ont abouti à trente condamnations de miliciens dans la province du Kasaï, tandis que dans la province du Kasaï central, 27 miliciens ont été condamnés, a indiqué M. Ndiaye. Le dossier relatif au meurtre des deux experts du Conseil de sécurité est pendant en appel, a-t-il ajouté.
Cependant, a poursuivi M. Ndiaye, le progrès noté dans les poursuites contre les miliciens contraste avec la lenteur de l’instruction des dossiers impliquant les forces de défense et de sécurité inclus parmi les seize cas prioritaires suivis avec les autorités judiciaires militaires congolaises dans le Kasaï. L’Équipe salue toutefois l’ouverture le 20 mars 2023 devant la Haute cour militaire, après la levée par le Chef de l’État de l’immunité de deux officiers généraux, du procès dit Mulombodi : il s’agit de « crimes contre l’humanité, y compris par meurtre et viols, avec une centaine de victimes concernées », a indiqué le Président de l’Équipe.
En ce qui concerne le processus de justice transitionnelle, l’Équipe salue notamment la validation par le Gouvernement du projet de politique nationale dans ce domaine, élaboré par le Comité scientifique mis en place par le Ministre des droits humains à l’issue de l’atelier que l’Équipe a conjointement organisé avec le Gouvernement et le Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme, en juillet 2022.
Dans ce contexte de volonté politique, l’Équipe constate avec regret la montée des discours de haine entre communautés et l’accroissement des activités criminelles des groupes armés, outre la guerre atroce dans l’Est du pays, avec la résurgence de la rébellion du M23. L’Équipe réaffirme que les populations de la région des Grands Lacs ont le droit de vivre en paix et que tout doit être mis en œuvre par la communauté internationale pour mettre fin à cette guerre qui est à l’origine de multiples violations graves et massives des droits de l’homme et du droit international humanitaire. M. Ndiaye a enfin remercié les autorités congolaises pour leur franche collaboration.
M. JUNIOR SAFARI RUNIGA, représentant du Réseau de protection des défenseurs des droits de l’homme, victimes, témoins et professionnels des médias (REPRODEV), a regretté qu’aux violences de la guerre se soient ajoutées des restrictions abusives et des entraves à l’exercice des libertés publiques, notamment la répression des manifestations pacifiques, des arrestations et détentions arbitraires à motivation politique et des menaces et des intimidations contre les défenseurs des droits de l’homme, journalistes et opposants politiques. Cette situation est aggravée par la faible présence de l’autorité de l’État partout dans le pays et par la corruption, a ajouté M. Safari Runiga. Les autorités congolaises ont placé la protection et la promotion des droits de l’homme et des libertés fondamentales parmi leurs priorités, « mais les moyens n’ont jamais suivi la promesse des discours », a-t-il regretté.
M. Safari Runiga a, d’autre part, salué les initiatives du Ministère des droits humains, avec le soutien du BCNUDH, dans le cadre de la justice transitionnelle, et a souhaité que les consultations populaires aboutissent à l’adoption de mécanismes efficaces et que le processus au Kasaï soit soutenu davantage.
M. Safari Runiga a ensuite mis en garde contre l’absence d’élections crédibles et inclusives qui entraîne une crise de légitimité et met sérieusement la cohésion nationale et la paix en danger. Les observations des organisations de la société civile indiquent que le cycle actuel est loin d’être crédible, inclusif et apaisé pour les citoyens des zones contrôlées par le M23, tandis que ceux de la province du Maï-Ndombe n’ont pas été inscrits dans les rôles électoraux, a souligné M. Safari Runiga. Le processus électoral lui-même est émaillé de discours de haine, de mésinformation et de désinformation qui constituent un frein au caractère apaisé et inclusif des élections, a-t-il ajouté. Les députés devraient rapidement examiner et adopter la proposition de loi contre le racisme, le tribalisme et la xénophobie afin d’offrir un cadre de prévention et de réponse efficace, a recommandé M. Safari Runiga.
Il est illusoire de prétendre protéger et promouvoir les droits de l’homme ainsi que les libertés fondamentales dans un contexte de guerre qui exacerbe les tensions et affaiblit l’État, a insisté M. Safari Runiga.
Aperçu du débat
Si les efforts consentis par la République démocratique du Congo en vue d’améliorer la situation des droits de l’homme ont été salués à maintes reprises, de très nombreuses délégations ont exprimé leur préoccupation face à la détérioration de la situation sécuritaire et humanitaire ainsi que face aux violations massives et récurrentes des droits de l’homme dans l’est du pays, perpétrées par différents groupes armés, notamment les Forces démocratiques alliées, la Coopérative pour le développement du Congo (Codeco), les Forces démocratiques de libération du Rwanda, les Maï-Maï et le Mouvement du 23 Mars (M23).
Plusieurs intervenants ont également regretté la persistance d’un sentiment anti-MONUSCO.
A particulièrement été soulignée la prévalence des cas de violences sexuelles liées au conflit, qui – a-t-il été observé – est « la plus élevée au monde en 2021 ». D’aucuns ont également rappelé que les six millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays constituent la plus importante population de déplacés internes sur le continent africain. Des inquiétudes ont en outre été exprimées face au manque d’accès à l’éducation découlant, pour de nombreux enfants, des violences dans le pays.
Certains intervenants ont attiré l’attention sur la situation préoccupante des journalistes et des défenseurs des droits humains, particulièrement dans les provinces affectées par les conflits armés. Plusieurs délégations se sont inquiétées du rétrécissement de l'espace civique et du fait que les représentants de la société civile soient ciblés par des agents étatiques. Ont notamment été dénoncées des violations des droits de l’homme de la part de l’Agence nationale de renseignements. Les autorités congolaises ont été appelées à respecter la liberté d’expression, le droit de réunion pacifique et la liberté d’association, ainsi que la liberté de presse, notamment dans le contexte pré-électoral actuel.
De nombreuses délégations ont demandé aux autorités congolaises de faire de la lutte contre l’impunité une de leurs priorités.
Dans le contexte des élections prévues pour la fin de cette année 2023, plusieurs délégations ont salué la décision du Bureau conjoint des Nations unies pour les droits de l’Homme en République démocratique du Congo de renforcer ses moyens de prévention de la violence électorale. Toujours dans le contexte électoral, une délégation s’est inquiétée du retour dans le débat de la proposition de loi sur la « congolité », proposition qui imposerait à tout candidat à la présidence congolaise d’avoir un père et une mère congolaises, alors même que cette proposition avait été jugée inconstitutionnelle en 2021. L’inscription de cette loi à l’agenda du Parlement et son éventuelle adoption provoqueront sans aucun doute un déferlement de violence à Kinshasa et dans le pays et entacheront l’inclusivité et la légitimité des élections à venir, a prévenu cette délégation.
Plusieurs intervenants ont condamné les discours de haine, y compris de la part du personnel politique, et l’incitation à la violence basée sur l’origine ethnique.
Enfin, la communauté internationale a été invitée à s’impliquer davantage aux côtés de la République démocratique du Congo pour consolider le processus de restauration de la paix et de l’autorité de l’État.
**Liste des intervenants : Côte d'Ivoire (au nom du Groupe des pays africains), Union européenne, Islande (au nom d'un groupe de pays), États-Unis, France, Chine, Belgique, Venezuela, Togo, Égypte, Pays-Bas, Royaume-Uni, Soudan, Angola, Sénégal, Niger, Botswana, Kenya, Australie, Fédération de Russie, Suisse, Rwanda, Association PANAFRICA, Ensemble contre la Peine de Mort, Christians for the Abolition Of Torture, Rencontre Africaine pour la defense des droits de l'homme, International Service for Human Rights, Elizka Relief Foundation, Amnesty International, World Organisation Against Torture, International Bar Association and The Next Century Foundation.
Remarques de conclusion des panélistes
M. SAFARI RUNIGA a appelé les autorités de la République démocratique du Congo à traduire leurs engagements en actes, conformément aux recommandations du rapport Mapping, afin de stopper l’impunité.
MME MARIE-THÉRÈSE KEITA-BOCOUM, membre de l’Équipe d’experts internationaux en République démocratique du Congo, a déclaré que les réponses aux victimes devraient se concentrer sur les femmes, qui sont les premières victimes du conflit. Elle a elle aussi appelé à la mise en œuvre des recommandations issues du rapport Mapping, en incluant les femmes dans les processus.
M. NDIAYE a souligné qu’il y avait « énormément » à faire en République démocratique du Congo et que la communauté internationale doit apporter son aide, pour soutenir la justice transitionnelle, aider à former les 5000 magistrats recrutés, lutter contre les discours de haine, et répondre à la situation humanitaire. On peut également aider la République démocratique du Congo en mettant en œuvre le principe de la juridiction universelle, a-t-il ajouté.
MME KEITA a elle aussi estimé qu’il y avait beaucoup à faire. Il faut notamment assurer des discussions avec le Gouvernement et apporter des ressources suffisantes au Bureau conjoint des Nations Unies pour les droits de l’homme en République démocratique du Congo, a indiqué la Représentante spéciale du Secrétaire général.
M. EMPOLE LOSOKO EFAMBE a remercié les intervenants d’avoir relevé les efforts déployés par les autorités congolaises pour mettre en œuvre les droits de l’homme dans le pays. Tous les orateurs ont reconnu que pour mettre fin aux violations, il fallait mettre fin à la situation de conflit à l’est du pays, a-t-il souligné. Le Représentant permanent a souligné que la République démocratique du Congo croit au dialogue et est engagée dans différents processus ; il est regrettable que le Rwanda puisse nier cette évidence alors que c’est le M23 qui ne veut pas respecter les engagements pris dans le cadre de ces processus, a-t-il ajouté. Le Rwanda continue de soutenir avec des armes lourdes le M23 et est présent en République démocratique du Congo avec ses troupes armées, a déclaré M. Empole Losoko Efambe, avant d’inviter le Rwanda à retirer toutes ses troupes du territoire congolais.
Le Représentant permanent a par ailleurs souligné que la volonté du gouvernement congolais de lutter contre la torture est manifeste, comme en témoigne notamment sa volonté de créer un mécanisme de prévention de la torture.
MME MAARIT KOHONEN SHERIFF, Cheffe de la Branche Afrique au Haut-Commissariat aux droits de l’homme, a notamment souligné que la communauté internationale devait se tenir prête à soutenir le dialogue pour la réconciliation et la cohésion sociale en République démocratique du Congo. Elle a ajouté qu’il était extrêmement important de restaurer la confiance entre les différents acteurs en ce qui concerne la commission électorale, de maintenir l'espace civique ouvert et de s'assurer que les personnes déplacées internes puissent s'inscrire pour voter.
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