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Examen du rapport du Kazakhstan : le Comité contre la torture se penche sur les événements survenus en janvier 2022 et sur les conditions de détention
03 mai 2023
Le Comité contre la torture a examiné, hier matin et cet après-midi, le rapport du Kazakhstan au titre de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Les événements survenus en janvier 2022 et les conditions de détention ont figuré en bonne place des préoccupations des experts membres du Comité.
Une experte a ainsi rappelé que le 2 janvier 2022, une forte augmentation des prix du gaz liquide avait déclenché des manifestations pacifiques dans la ville de Zhanaozen. Dans certaines villes, dont Almaty, des manifestations pacifiques ont pu être infiltrées par des éléments violents et ont dégénéré en troubles violents que les autorités ont qualifiés de tentative de prise de pouvoir. Les forces de sécurité ont réprimé les troubles, qui ont fait 238 morts – surtout des manifestants pacifiques et des passants, ainsi que 19 policiers et agents de sécurité.
Dans ce contexte, a indiqué l’experte, des groupes de défense des droits de l'homme ont signalé que des centaines de personnes avaient été détenues dans des salles de sport ou dans des cellules surpeuplées, forcées de rester debout dans des positions inconfortables, obligées de dormir à même le sol, privées de nourriture et d'eau et se voyant refuser des soins médicaux. Quelque 71% des détenus interrogés auraient subi des blessures, mais l’on ne sait pas exactement combien d'allégations de torture ont été reçues par les autorités après les événements de janvier, ni combien de plaintes ont donné lieu à des enquêtes et à des poursuites à l'encontre des auteurs, a souligné l’experte.
Une autre experte a fait part de la préoccupation du Comité face à l’accès des personnes détenues dans les prisons kazakhes aux soins de santé physique et mentale. Le Comité, a fait savoir l’experte, est aussi très gravement préoccupé par le problème persistant de la violence sexuelle contre les femmes détenues. D’autres préoccupations ont été exprimées concernant l'isolement cellulaire des détenus. Il a été relevé que le Kazakhstan avait hérité d'un système correctionnel affecté, entre autres, par la sous-culture criminelle et la hiérarchie parmi les prisonniers, par la discrimination à l’encontre des prisonniers souffrant de handicaps psychosociaux ainsi que par la violence sexuelle sur des groupes particuliers de prisonniers.
A cependant été jugée positive l’adoption par le Kazakhstan de plusieurs dispositions visant à faire respecter les garanties juridiques fondamentales, s’agissant notamment du droit des détenus à l'assistance d'un avocat de leur choix.
En revanche, a signalé une experte, il semble que les avocats indépendants rencontreraient des difficultés pour avoir accès à leurs clients pendant la détention provisoire. De plus, l'arrestation administrative serait parfois utilisée de manière disproportionnée et injustifiée, en particulier à l’encontre de manifestants, a-t-il été relevé. Il a par ailleurs été regretté que la définition de la torture figurant dans le Code pénal kazakh ne soit pas pleinement conforme à celle donnée par la Convention.
Présentant le rapport de son pays, M. Igor Ivanovich Rogov, Président de la Commission des droits de l'homme auprès du Président de la République du Kazakhstan, a notamment souligné que le pays avance par étapes et, en suivant les recommandations de la Commission de Venise du Conseil de l’Europe, vers un renouvellement complet des structures de l’État, avec notamment un système parlementaire renforcé, le renforcement du statut constitutionnel du Commissaire aux droits de l’homme et l’abolition récente de la peine de mort.
Pour sa part, M. Bulat Beknazarovich Dembayev, Procureur général adjoint du Kazakhstan, a évoqué les suites données par le Gouvernement du Kazakhstan à « la tragédie de janvier 2022, qui a choqué le Kazakhstan et [nous] a servi de leçon ». Il a indiqué qu’il y avait eu une tentative de coup d'État impliquant la direction du Comité de sécurité nationale : l'ancien président du Comité de sécurité nationale et ses trois adjoints viennent d'être condamnés à des peines d'emprisonnement de longue durée, a-t-il précisé. Les personnes qui ont commis des actes de torture seront dûment punies, quels que soient leur grade ou leur position, a poursuivi M. Dembayev, assurant que toutes les allégations de torture formulées par des citoyens ont été enregistrées et font l'objet d'une enquête. Les dossiers de 35 officiers de police et du Comité de sécurité nationale ont été soumis au tribunal. Quatre-vingt-quatre personnes sont reconnues comme victimes. Cinq fonctionnaires de police qui ont torturé 23 détenus ont été condamnés. Le chef du Département de police lui-même a été condamné : la torture a été tolérée avec son consentement tacite et huit de ses subordonnés sont également poursuivis en justice, a précisé M. Dembayev.
Pour prévenir la torture, les contacts non procéduraux avec les détenus ont été interdits et les interrogatoires doivent être menés dans des salles transparentes avec enregistrement vidéo, a par ailleurs indiqué M. Dembayev. Parallèlement, le Kazakhstan met en place un système de vidéosurveillance permanente : il y a plus de 22 000 caméras vidéo dans les bâtiments des forces de l'ordre et 1800 autres seront installées d'ici la fin de l'année, a-t-il ajouté.
Le Kazakhstan ne cache pas les faits de torture : au contraire, les autorités enquêtent et poursuivent les responsables, a insisté M. Dembayev. Le Gouvernement a tiré des leçons des tragiques « événements de janvier » et il s'est fixé pour objectif de former le nouveau Kazakhstan, a-t-il déclaré.
La délégation kazakhe était également composée de M. Yerlan Alimbayev, Représentant permanent du Kazakhstan auprès des Nations Unies à Genève, et de nombreux représentants de la Cour Suprême, du Bureau du Procureur général, du Comité de sécurité nationale, ainsi que des Ministères des affaires étrangères, de l'intérieur, de la santé, du travail et de la protection sociale de la population.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Kazakhstan et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 12 mai prochain.
Le Comité achèvera demain, à 15 heures, l’examen du rapport de l’Éthiopie, entamé ce matin.
Examen du rapport du Kazakhstan
Le Comité est saisi du quatrième rapport périodique du Kazakhstan (CAT/C/KAZ/4) ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter qui avait été soumise par le Comité.
Présentation du rapport
Présentant le rapport, M. IGOR IVANOVICH ROGOV, Président de la Commission des droits de l'homme auprès du Président de la République du Kazakhstan, a notamment indiqué que son pays entendait instaurer des conditions telles que les fonctionnaires n’aient plus de raison de recourir aux mauvais traitements ni à la torture. Le pays avance par étapes et, en suivant les recommandations de la Commission de Venise du Conseil de l’Europe, vers un renouvellement complet des structures de l’État, avec notamment un système parlementaire renforcé, le renforcement du statut constitutionnel du Commissaire aux droits de l’homme et l’abolition récente de la peine de mort, a fait valoir M. Rogov.
En 2022, le Kazakhstan a fêté ses trente ans d’adhésion à l’ONU et sa deuxième élection au Conseil des droits de l’homme, a ensuite rappelé M. Rogov. Le chef de la délégation kazakhe a en outre fait état d’une réforme en profondeur du processus pénal et d’un renforcement du statut des avocats. La volonté exprimée par le Chef de l’État est que les forces de l’ordre kazakhes adoptent les méthodologies ayant cours au niveau international : le Kazakhstan applique pour cela les recommandations du Comité européen pour la prévention de la torture relatives à la formation des fonctionnaires concernés, a précisé M. Rogov.
M. BULAT BEKNAZAROVICH DEMBAYEV, Procureur général adjoint du Kazakhstan, Conseiller d’État à la justice de troisième classe, a ensuite évoqué les suites données par le Gouvernement du Kazakhstan à « la tragédie de janvier 2022, qui a choqué le Kazakhstan et [nous] a servi de leçon ». Il y a eu une tentative de coup d'État impliquant la direction du Comité de sécurité nationale et l'ancien président du Comité de sécurité nationale et ses trois adjoints viennent d'être condamnés à des peines d'emprisonnement de longue durée, a indiqué M. Dembayev. Au total, a-t-il précisé, 1273 personnes ont été condamnées pour avoir participé aux « événements de janvier » ; une loi d'amnistie a été adoptée et 1151 personnes ont été graciées, sauf les personnes ayant commis des actes de torture, des infractions terroristes ou des crimes particulièrement graves.
Les personnes qui ont commis des actes de torture seront dûment punies, quels que soient leur grade ou leur position, a poursuivi M. Dembayev. Toutes les allégations de torture formulées par des citoyens ont été enregistrées et font l'objet d'une enquête, a-t-il souligné. Les dossiers de 35 officiers de police et du Comité de sécurité nationale ont été soumis au tribunal. Quatre-vingt-quatre personnes sont reconnues comme victimes. Cinq fonctionnaires de police qui ont torturé 23 détenus ont été condamnés. En outre, le chef du Département de police a été condamné : la torture a été tolérée avec son consentement tacite et huit de ses subordonnés sont également poursuivis en justice. Une enquête sur les tortures subies par M. Rakhmetov est en cours, mais les responsables n'ont pas encore été identifiés, a fait savoir le Procureur général adjoint.
Le Président du Kazakhstan s'est donné pour mission d’« éliminer totalement le phénomène négatif de la torture », a déclaré M. Dembayev. Pour prévenir la torture, les contacts non procéduraux avec les détenus ont été interdits et les interrogatoires doivent être menés dans des salles transparentes avec enregistrement vidéo, a-t-il indiqué. Parallèlement, le Kazakhstan met en place un système de vidéosurveillance permanente : il y a plus de 22 000 caméras vidéo dans les bâtiments des forces de l'ordre et 1800 autres seront installées d'ici la fin de l'année.
Le Kazakhstan ne cache pas les faits de torture : au contraire, les autorités enquêtent et poursuivent les responsables, a insisté M. Dembayev. Le Gouvernement a tiré des leçons des tragiques « événements de janvier » et il s'est fixé pour objectif de former le nouveau Kazakhstan, a-t-il affirmé. Le Gouvernement est en train de lutter contre la monopolisation de l'économie et la kleptocratie, et œuvre pour récupérer les capitaux transférés illégalement, qui seront utilisés pour résoudre les problèmes dans la sphère sociale, a ajouté M. Dembayev.
Questions et observations des membres du Comité
MME ANA RACU, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Kazakhstan, a d’abord salué l'adoption, le 17 mars 2023, de la loi introduisant la définition d'une « personne agissant à titre officiel » dans le contexte de la commission d’actes de torture et interdisant la condamnation avec sursis pour ces actes. Mme Racu a cependant regretté que la définition de la torture figurant dans le Code pénal kazakh ne soit pas pleinement conforme à celle donnée par la Convention ; l’experte a en particulier regretté le fait que « les souffrances physiques et mentales causées par des actes licites de personnes agissant à titre officiel ou par d'autres personnes » ne seraient pas reconnues comme des actes de torture et des mauvais traitements.
Mme Racu a ensuite prié la délégation de préciser de quel degré d’indépendance jouissait le Mécanisme national de prévention (MNP), alors que ses visites préventives doivent être « accompagnées et coordonnées » par un représentant du Commissaire aux droits de l’homme (Médiateur).
Mme Racu a rappelé la recommandation antérieure du Comité concernant le transfert au Ministère de la justice de l'autorité sur tous les lieux de détention et d'enquête, y compris les prisons, les centres de détention temporaire et les centres de détention provisoire : cette mesure réduirait les incitations pour les fonctionnaires concernés à commettre des actes de torture et des mauvais traitements, a affirmé l’experte.
Mme Racu a ensuite jugé positive l’adoption de plusieurs dispositions pour faire respecter les garanties juridiques fondamentales, s’agissant notamment de la responsabilité pénale en cas de violation du droit des détenus d'informer leurs proches et du droit des détenus à l'assistance d'un avocat de leur choix. En revanche, a ajouté l’experte, il semble que les autorités n’informent pas systématiquement les personnes privées de liberté de leurs droits au moment de l'arrestation et de la détention, et les avocats indépendants rencontreraient des difficultés pour avoir accès à leurs clients pendant la détention provisoire. De même, a-t-elle regretté, l'arrestation administrative serait parfois utilisée de manière disproportionnée et injustifiée, en particulier à l’encontre de manifestants.
Mme Racu a ensuite rappelé que le 2 janvier 2022, une forte augmentation des prix du gaz liquide avait déclenché des manifestations pacifiques dans la ville de Zhanaozen. Dans certaines villes, dont Almaty, des manifestations pacifiques ont pu être infiltrées par des éléments violents et ont dégénéré en troubles violents que les autorités ont qualifiés de tentative de prise de pouvoir. Les forces de sécurité ont réprimé les troubles, qui ont fait 238 morts, surtout des manifestants pacifiques et des passants, ainsi que 19 policiers et agents de sécurité.
Dans ce contexte, des groupes locaux de défense des droits de l'homme ont signalé que des centaines de personnes ont été détenues dans des salles de sport ou dans des cellules surpeuplées, forcées de rester debout dans des positions inconfortables, obligées de dormir à même le sol, privées de nourriture et d'eau et se voyant refuser des soins médicaux, a poursuivi Mme Racu. Quelque 71% des détenus interrogés auraient subi des blessures, a-t-elle fait observer.
L’experte a en outre relevé que l’on ne savait pas exactement combien d'allégations de torture ont été reçues par les autorités après les événements de janvier, ni combien de plaintes avaient donné lieu à des enquêtes et à des poursuites à l'encontre des auteurs. Elle a demandé combien de personnes étaient décédées en détention ; ce qui avait été fait pour traduire en justice tous les responsables de décès, de torture et de mauvais traitements ; et combien d’agents de l’État avaient été sanctionnés pour usage excessif de la force.
Mme Racu a espéré que l'enquête sur les allégations liées aux événements de janvier serait impartiale et efficace. Elle a salué plusieurs mesures prises par les autorités kazakhes, notamment la spécialisation des procureurs dans les enquêtes sur les crimes commis par les forces de l'ordre et les autres mesures prises par les institutions de l’État pour prévenir la torture et les mauvais traitements.
Mme Racu a demandé comment le Kazakhstan garantissait l'indépendance des médecins qui soignent les personnes privées de liberté, et si les médecins pouvaient porter à l'attention du Procureur, à titre confidentiel, les rapports médicaux concernant des lésions soupçonnées d'avoir été causées par la torture.
Mme Racu a ensuite relevé que le Kazakhstan avait hérité d'un système correctionnel affecté, entre autres, par la sous-culture criminelle et la hiérarchie parmi les prisonniers, par la discrimination à l’encontre des prisonniers souffrant de handicaps psychosociaux ainsi que par la violence sexuelle sur des groupes particuliers de prisonniers. Elle a demandé quelles mesures étaient prises pour prévenir les incidents violents parmi les prisonniers, y compris les automutilations et les suicides. Mme Racu a insisté sur le fait que le maintien de la sécurité en prison nécessitait des investissements dans un ratio personnel/détenus adéquat, dans la sélection et la formation du personnel, et dans des interventions en amont pour prévenir les comportements préjudiciables qui conduisent à un conflit.
Mme Racu a ensuite évoqué d’autres questions ou préoccupations liées à l'isolement cellulaire des détenus ; à la persistance des brimades, mauvais traitements et suicides au sein des forces armées ; et à l’inaction de la police face à des cas de violence domestique et fondée sur le genre.
Observant que plusieurs plaintes ont été classées pour « épuisement des moyens d’enquête », Mme Racu a demandé quels obstacles s’opposaient aux enquêtes sur les faits de torture commis pendant les événements de janvier 2022.
MME ILVIJA PUCE, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Kazakhstan, a insisté, pour sa part, sur l’importance de la formation des fonctionnaires de police et de la lutte contre la culture de l’impunité. Elle a demandé quelle formation recevaient, au Kazakhstan, les procureurs chargés des enquêtes sur les allégations de mauvais traitements commis par la police, et si les policiers eux-mêmes étaient formés aux Règles Nelson Mandela (Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus).
L’experte a ensuite fait observer que le taux de rotation des membres du MNP était important, ce qui pose la question de la préservation de la mémoire institutionnelle du Mécanisme.
Mme Puce a par ailleurs voulu savoir comment les enfants atteints de troubles sociaux et mentaux placés en institutions pouvaient déposer plainte en cas de mauvais traitements.
L’experte a en outre prié la délégation de dire combien de personnes avaient été condamnées au Kazakhstan depuis cinq ans pour des faits de torture ; et si les tribunaux avaient refusé des aveux obtenus par la torture.
Mme Puce a fait part de la préoccupation du Comité face à l’accès des personnes détenues dans les prisons kazakhes – y compris pour ce qui est des personnes handicapées – aux soins de santé physique et mentale. Le Comité est aussi très gravement préoccupé par le problème persistant de la violence sexuelle contre les femmes détenues, a indiqué l’experte.
D’autres questions de Mme Puce ont porté sur la dynamique de la surpopulation carcérale, les conditions de détention des personnes condamnées à perpétuité, l’attitude de la police face aux LGBT et l’application du principe de non-refoulement de personnes vers des pays où elles risqueraient de subir la torture.
La délégation ayant indiqué que le Gouvernement était en train de généraliser la surveillance vidéo dans les commissariats et lieux de détention pour mieux combattre la torture et les mauvais traitements, Mme Puce a relevé qu’une telle démarche devrait aussi tenir compte des exigences en matière de protection de la vie privée.
Un autre expert membre du Comité a demandé si le Kazakhstan adopterait une procédure pour traiter les demandes d’asile déposées par des requérants aux frontières du pays.
Réponses de la délégation
La délégation a indiqué que l’article 146 du Code pénal avait été amendé pour aligner loi nationale sur la Convention s’agissant de la qualification des infractions de torture et de mauvais traitements. Cet article donne une définition claire et précise de la torture, s’appliquant à tous les fonctionnaires, a-t-elle ajouté.
Les procédures pénales pour faits de torture sont supervisées par le parquet dès le début des enquêtes : le processus est rendu plus transparent et permet de mieux faire respecter les droits des justiciables, a ajouté la délégation.
L’article 146 du Code pénal ne mentionne pas la notion de « souffrances aiguës », contrairement à la Convention et cette question devra faire l’objet d’une discussion approfondie, a ensuite admis la délégation.
En ce qui concerne le Mécanisme national de prévention (MNP) la délégation a indiqué que ses membres, indépendants dans l’exercice de leurs fonctions, publiaient solidairement leurs rapports de visite. Le Mécanisme a publié, jusqu’en 2023, plus de 3000 recommandations à l’attention des autorités concernées, dont environ la moitié ont été suivies d’effet, a-t-elle précisé. Le MNP effectue plusieurs types de visites, y compris des visites spéciales lorsque des informations ont été reçues au sujet d’actes de torture ou de mauvais traitements. Il peut aussi visiter les institutions de la police militaire, a expliqué la délégation.
Le Ministère de l’intérieur a mis en place des moyens vidéo et techniques pour contrôler ce qu’il se passe en détention et le comportement des policiers et des gardiens, a poursuivi la délégation. Les enregistrements vidéo sont conservés par le Ministère de l’intérieur. Des enregistrements vidéo relatifs aux événements de janvier 2022 ont été effacés, a admis la délégation, avant d’assurer que des mesures avaient été prises pour qu’il ne soit plus possible d’effacer les fichiers. Aux moins deux agents de police ont été inculpés après que la surveillance vidéo eut montré qu’ils avaient commis des actes de torture ou des mauvais traitements, a ajouté la délégation.
Si le Comité estime qu’il faut réfléchir à un transfert des attributions en matière de supervision du système carcéral, les autorités réfléchiront à la question, a affirmé la délégation.
La délégation a en outre insisté sur le fait que le Kazakhstan s’inspirait, en matière de procédure pénale, de ce qui se faisait dans d’autres pays de l’ancien bloc communiste, notamment l’Ukraine et la République de Moldova. Elle a évoqué des arrêts de la nouvelle Cour constitutionnelle relatifs à la nécessité de tenir compte des droits des personnes détenues.
La délégation a par ailleurs fait état d’une réduction de la durée maximale de l’isolement cellulaire de six à quatre mois.
Les détenus ne sont placés à l’isolement, si nécessaire, qu’après un examen médical, a par la suite souligné la délégation. Les mineurs et les femmes enceintes ne peuvent être soumis à cette mesure disciplinaire, a-t-elle précisé.
La délégation a également mentionné plusieurs initiatives prises dans les établissements pénitentiaires pour prévenir le suicide parmi les détenus.
Les infrastructures pénitentiaires kazakhes sont relativement vétustes, a d’autre part reconnu la délégation, précisant que plusieurs d’entre elles, où les conditions de détention n’étaient plus appropriées, avaient été fermées. Le Gouvernement procède actuellement à la rénovation de plusieurs prisons et est en train d’organiser le passage de la détention en baraquements à la détention en cellules individuelles, ce qui devrait permettre d’améliorer les conditions de détention, a indiqué la délégation.
Quelque 180 personnes sont actuellement détenues à perpétuité, a fait savoir la délégation. Elles sont placées dans des cellules spéciales, reçoivent des visites de leurs famille et peuvent travailler et suivre des études, a-t-elle indiqué.
Le Gouvernement a déjà déployé plus de cinquante terminaux électroniques dans les établissements pénitentiaires pour permettre aux détenus de dénoncer toute violation de leurs droits. Les terminaux se trouvent dans une pièce fermée toujours accessible. Les plaintes déposées par ce moyen sont transmises directement à l’administration. Depuis 2021, plus de 10 000 plaintes ont été déposées par ce moyen, a précisé la délégation. Les détenus qui subissent des représailles après une plainte, ou qui risquent de subir des représailles, peuvent être déplacés dans d’autres établissements, a-t-elle souligné.
La délégation a aussi indiqué que les autorités, conscientes du problème de la hiérarchie en prison, s’efforçaient d’isoler les détenus qui jouent le rôle de caïds en prison et d’éliminer cette sous-culture carcérale.
La délégation a ensuite décrit plusieurs dispositifs mis en place pour favoriser la réinsertion sociale des détenus libérés, notamment des formations professionnelles correspondant aux besoins du marché et des aides à la création de petites entreprises.
La délégation a fourni d’autres explications relatives aux prestations de santé offertes aux détenus, en particulier le dépistage des maladies infectieuses ; au formulaire électronique de dénonciation des traitements cruels ou dégradants ; ou encore à la surveillance des institutions abritant des enfants atteints de troubles psychosociaux.
La délégation a assuré que toutes les mesures prises tendaient à créer au sein de la société et des organes de l’État une « tolérance zéro » envers la torture, une démarche qui s’accompagne d’un alignement du Code pénal et du Code de procédure pénale sur les normes internationales. Les personnes arrêtées sont dûment informées de leurs droits et chaque arrestation est enregistrée dans un répertoire électronique, a assuré la délégation. Des examens médicaux sont systématiquement pratiqués sur les personnes incarcérées, a-t-elle insisté. L’obtention de preuves par la torture est interdite, a en outre souligné la délégation.
Le taux de suicide au sein de l’armée a été divisé par deux grâce aux mesures de prévention qui ont été prises par les autorités concernées, a par ailleurs fait valoir la délégation. De plus, le Ministère de la défense a créé un département chargé de prévenir les mauvais traitements, y compris les bizutages, et toutes les casernes disposent de services d’appui psychologique, a-t-elle ajouté.
Le Kazakhstan dispose de plus de soixante refuges, ou centres de crise, pour victimes de violences familiales et sexistes et de la traite des êtres humains, a ensuite indiqué la délégation. Le pays s’inspire de dispositifs appliqués en République de Corée, au Canada et en Allemagne en matière de soutien aux victimes de violence domestique et de prévention de ce problème, ainsi que de prise en charge des agresseurs, a-t-il été précisé. Le Gouvernement kazhak, qui est toujours à la recherche de nouvelles approches de la lutte contre la violence envers les femmes, a ratifié la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et son Protocole facultatif, a en outre rappelé la délégation.
Les fonctionnaires du Gouvernement et les militaires suivent des formations obligatoires aux normes internationales des droits de l’homme relatives au traitement des justiciables, a aussi fait savoir la délégation. D’autres formations sont dispensées aux policiers et gardes-frontières chargés de la lutte contre la traite des êtres humains et le Kazakhstan collabore avec les autres pays de la région dans l’organisation de ces formations.
Les étrangers qui demandent l’asile au Kazakhstan peuvent déposer leur demande à la frontière, a-t-il par ailleurs été précisé. Les personnes qui sont entrées au Kazakhstan de manière irrégulière peuvent demander à être régularisées a posteriori. Les requérants d’asile viennent majoritairement d’Ukraine et de Fédération de Russie, a indiqué la délégation.
S’agissant des événements de janvier 2022, la délégation a précisé que plus de 600 affaires pénales avaient été transmises au tribunaux, 215 personnes ayant finalement reçu des peines privatives de liberté. Les autorités, après enquête, ont pu confirmer que 238 personnes avaient perdu la vie pendant ces événements. Les autorités ont bouclé les enquêtes pénales au sujet de six personnes ayant perdu la vie après des actes de torture ou des mauvais traitements ; les policiers coupables seront sanctionnés conformément à la loi, a assuré la délégation. D’autre part, les cinq fonctionnaires suspectés d’avoir torturé une personne avec un fer à vapeur ont fait l’objet d’une enquête circonstanciée.
Comme suite aux leçons tirées des événements de janvier 2022, la délégation a cité le transfert de toutes les affaires aux services du parquet et un meilleur contrôle de l’utilisation des caméras de surveillance.
Parallèlement, a ajouté la délégation, le Kazakhstan a lancé une réforme constitutionnelle prévoyant, entre autres, la création d’une Cour constitutionnelle et l’ouverture des candidatures au Parlement à d’autres candidats que les membres des partis politiques.
Enfin, la délégation a insisté sur le fait que le Kazakhstan s’inspirait des expériences de nombreux autres pays en matière de lutte contre la torture et qu’il considérait l’examen devant le Comité comme un véritable séminaire de formation dans ce domaine.
La délégation a enfin précisé que les « enlèvements de fiancées », mentionnés par une experte du Comité, étaient sanctionnés de la même manière que tout autre enlèvement de personnes.
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