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Allemagne : les experts du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes saluent les efforts menés dans le domaine de l'égalité de genre ; ils portent leur attention sur l'égalité salariale, l'accès à la santé reproductive, les discriminations à l'égard de femmes migrantes

11 mai 2023

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a examiné aujourd'hui le rapport périodique de l'Allemagne sur la mise en œuvre des dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

Les membres du Comité ont notamment félicité l'Allemagne pour sa diplomatie offensive concernant les droits des femmes et les efforts qu'elle mène en matière d'égalité entre hommes et femmes. Ils ont toutefois regretté que la loi générale pour l'égalité de traitement n'ait pas encore été modernisée. Ils ont également fait part de leur préoccupation concernant plusieurs sujets, parmi lesquels la représentation des femmes dans les postes à responsabilité, la protection des travailleuses du sexe et l'accès à la santé reproductive et sexuelle, notamment le droit effectif à l'interruption volontaire de grossesse. Certains ont relevé l'écart salarial important en Allemagne, parmi les plus élevés d'Europe. Ils ont également déploré le racisme et les discriminations auxquelles font face les femmes migrantes en Allemagne. L'accueil de plus d'un million de réfugiés ukrainiens, majoritairement des femmes et des enfants, a été salué.

Le rapport de l'Allemagne a été présenté par Mme Margit Gottstein, Secrétaire d'État fédérale pour les affaires familiales, les personnes âgées, la jeunesse et les femmes. Mme Gottstein a assuré que son pays considérait que l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes et des filles étaient primordiales. Elle a fait valoir, entre autres, la prise en compte d'une perspective de genre dans la politique allemande de développement international ; l'importance des organisations de la société civile dans la détermination de la politique nationale de lutte contre les discriminations ; le Plan national d'action à l'horizon 2030 pour les droits des femmes ; la protection des réfugiées ; les efforts en faveur de l'égalité salariale ; la lutte contre les violences intrafamiliales.

L'importante délégation allemande était également composée de représentants du Ministère de la famille, des personnes âgées, des femmes et de la jeunesse, du Ministère de la justice, du Ministère de l'intérieur et des communautés, du Ministère du travail, du Ministère des affaires étrangères, du Ministère de l'alimentation et de l'agriculture, du Ministère de la santé, du Ministère de la coopération et du développement économique, ainsi que du Bundestag.  Est également intervenu l'Institut national des droits de l'homme. La délégation a apporté des renseignements complémentaires s'agissant notamment de la compétence universelle pour poursuivre les crimes internationaux, de l'interdiction des discriminations sur le lieu de travail, de la prise en charge des réfugiés ukrainiens, de la législation concernant les travailleuses du sexe, de l'application de quotas pour favoriser l'égalité hommes-femmes, de la réduction de l'écart de salaire entre les hommes et les femmes, de la situation s'agissant de l'interruption volontaire de grossesse.

Le Comité adoptera, à huis clos, des observations finales sur le rapport de l'Allemagne et les rendra publiques à l'issue de sa session, le 26 mai prochain.

Demain, à partir de 10 heures, le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes examinera le rapport périodique de la Chine.

Examen du rapport de l'Allemagne

Le Comité est saisi du rapport périodique de l'Allemagne (CEDAW/C/DEU/9), qui contient des réponses à une liste de points et de questions établie par le Comité.

Présentation du rapport

MME MARGIT GOTTSTEIN, Secrétaire d'État fédérale pour les affaires familiales, les personnes âgées, la jeunesse et les femmes, a indiqué que le rapport présenté au Comité avait été rédigé par le précédent gouvernement, et non par le gouvernement actuel, au pouvoir depuis 2021, qui s'est fixé des objectifs ambitieux en matière d'égalité des genres à l'horizon 2030. L'accord de coalition, pilier de la nouvelle majorité, prévoit notamment la pleine mise en œuvre de la Convention. Le Gouvernement fédéral s'appuie fortement sur les organisations de la société civile dans sa politique d'égalité des genres. Le Conseil national des organisations allemandes de femmes est le point de rencontre entre les autorités et les organisations de la société civile œuvrant dans le domaine de la promotion des droits de la femme.

Un rapport alternatif au neuvième rapport de l'Allemagne a été présenté par les organisations de la société civile. Il sera pris en compte par les autorités dans le cadre de la mise en œuvre de sa politique d'égalité des genres. La première stratégie sur les questions de genre a été adoptée en 2020 et une fondation fédérale en faveur de l'égalité des genres débutera ses travaux cette année. Elle facilitera le transfert de connaissances entre la société civile, la recherche et le gouvernement. De plus, l'Agence fédérale anti-discrimination a vu son indépendance renforcée. Enfin, une réforme complète de la loi générale sur l'égalité de traitement est en cours de rédaction pour la renforcer et élargir son champ d'application. L'objectif est d'intégrer systématiquement une perspective de genre dans toutes les lois.

La cheffe de la délégation a fait valoir que, durant la pandémie de COVID-19, les politiques sociales mises en œuvre au niveau fédéral ont préservé de la pauvreté les familles à risque. La plupart des écoles sont restées ouvertes, a-t-elle ajouté. Néanmoins, force est de constater que les femmes ont été particulièrement sujettes au télétravail et à l'éducation des enfants du fait des restrictions adoptées face à la pandémie. Durant cette période, les mères ont davantage réduit leur temps de travail que les hommes.

La lutte contre les violences faites aux femmes est une priorité au niveau national comme au niveau international pour le Gouvernement allemand, a assuré Mme Gottstein, en conformité avec les recommandations du Conseil de sécurité des Nations Unies. Elle a souligné à cet égard que, depuis février 2022, de nombreuses femmes avec enfants ont fui l'Ukraine en direction de l'Allemagne. Le Gouvernement ne ménage pas ses efforts pour les protéger, les intégrer et leur offrir un travail.

L'agression russe contre l'Ukraine a en outre eu des conséquences sociales sur l'ensemble de la population allemande et la Secrétaire d'État a souligné que la politique sociale nationale protégeait spécifiquement les femmes et les familles. Mme Gottstein a aussi rappelé que la crise climatique n'était pas neutre d'un point de vue genre, particulièrement dans le «Sud global ». Cette perspective de genre est adoptée en Allemagne dans sa politique de développement international, a-t-elle fait valoir.

Les mesures visant à améliorer la situation des femmes sur le marché du travail ainsi que la possibilité de concilier vie professionnelle et vie familiale sont des priorités des autorités allemandes. Une loi sur la transparence salariale a été adoptée afin de mieux mettre en avant les disparités salariales entre les hommes et les femmes. Cette loi sera bientôt renforcée. Une réforme des « classes fiscales », en cours de rédaction, a pour objectif de niveler les différences fiscales de facto entre les hommes et les femmes au sein des couples mariés. La délégation a reconnu que les femmes étaient sous représentées dans les postes de direction en Allemagne, y compris dans le secteur public. Une politique ambitieuse de promotion des femmes à des postes de responsabilité a été lancée au niveau fédéral pour y remédier.

Un congé pour les femmes qui réduisent leur temps de travail afin de prendre soin d'un parent âgé sera bientôt mis en place, a aussi indiqué Mme Gottstein.

S'agissant de la santé sexuelle et reproductive, la cheffe de délégation a indiqué que la légalisation du don d'ovocytes et de la gestation pour autrui était actuellement examinée. Une loi visant à réprimer le harcèlement des femmes qui souhaitent avoir recours à une interruption volontaire de grossesse est en cours de rédaction.

Une loi fédérale sur la protection et le soutien pour les femmes victimes de violence domestique devrait être adoptée d'ici la fin de la législature, a aussi dit la délégation.

Mme Gottstein a par ailleurs fait valoir que l'Allemagne avait levé ses réserves sur certaines dispositions de la Convention d'Istanbul (Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique). Ainsi, cette Convention s'applique pleinement en Allemagne depuis le mois de février. Un plan d'action national contre la traite des personnes, qui vise particulièrement la protection des femmes, a été adopté.

Secrétaire d'État allemande a fait valoir que son gouvernement était engagé en faveur d'une politique de genre intersectionnelle, afin d'assurer les droits des femmes particulièrement vulnérables en raison de discriminations multiples.

Présentation de l'institution nationale des droits de l'homme

Une représentante de l'Institut national des droits humains d'Allemagne s'est félicitée que le Gouvernement fédéral ait mandaté son institut pour contrôler la mise en œuvre de la Convention d'Istanbul et la politique de lutte contre la traite des personnes. Si elle s'est également réjouit de la remise à plat prévue de la loi générale sur l'égalité de traitement, elle a souligné qu'à ce jour, rien n'avait été encore mis en place. Elle a regretté que l'Allemagne ne dispose pas d'autorité indépendante pour protéger les femmes particulièrement vulnérables, notamment les femmes en situation de handicap. Elle a par ailleurs dénoncé le fait que les femmes migrantes mariées ne disposaient pas d'un statut de résidence dissocié de celui de leur mari, ce qui entraîne des situations difficiles pour ces femmes lorsqu'elles sont victimes de violences intrafamiliales.

Questions et observations des membres du Comité

MME DAPHNA HACKER, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de l'Allemagne, a qualifié l'État partie de chef de file dans le domaine de l'égalité de genre, notamment s'agissant de l'égalité des salaires. Elle a déclaré espérer en entendre plus de la part de la délégation concernant la lutte contre les stéréotypes de genre et sur la question de l'interruption volontaire de grossesse, notamment. Elle a aussi souhaité en savoir davantage sur la révision de la loi générale sur l'égalité de traitement.

Parmi les autres membres du Comité, une experte a salué la « diplomatie féministe » de l'Allemagne. Elle s'est également félicitée que l'État partie ait accueilli plus d'un million de réfugiés ukrainiens, dont un grand nombre sont des femmes.

L'experte a relevé que les principes d'égalité et de non-discrimination figurant à l'article 3 de la Loi fondamentale contiennent une certaine forme d'ambiguïté concernant le droit du travail et la liberté de culte pour les femmes musulmanes. Elle s'est enquise de surcroît de l'applicabilité directe des dispositions de la Convention dans la jurisprudence constitutionnelle. Elle a encouragé les membres de la délégation à détailler les mesures qui seront prises pour adopter une perspective intersectionnelle dans la lutte pour l'égalité des genres, notamment pour ce qui est des femmes transgenres.

Une autre experte a souhaité voir la Convention être placée au cœur de la stratégie à l'horizon 2030 mise en œuvre par le Gouvernement. Elle s'est enquise de la participation de la société civile à la rédaction de cette stratégie. Elle a souhaité entendre les mesures prises pour renforcer les moyens de l'Agence fédérale contre les discriminations et les possibilités dont elle dispose pour saisir la justice. Elle a demandé quelles mesures avaient été prises pour protéger les femmes issues de groupes particulièrement vulnérables, notamment les femmes musulmanes.

Une experte a souligné que l'Allemagne disposait de la compétence universelle pour poursuivre les crimes internationaux, notamment s'agissant des violences sexuelles liées à un conflit. Elle a toutefois regretté que cette compétence soit difficilement exercée et a demandé à la délégation si l'Allemagne comptait prendre des dispositions en vue d'assurer une formation dans ce domaine à l'intention des fonctionnaires du bureau du Procureur.

Une nouvelle loi oblige les grandes entreprises privées à un devoir de vigilance quant au respect des droits de l'homme dans toute la chaîne d'approvisionnement. L'experte a souhaité savoir si ce devoir de vigilance s'étendait au harcèlement sexuel.

Notant que la législation allemande prévoit des circonstances aggravantes pour des crimes et délits commis sur la base de discriminations, l'experte a souhaité savoir si des formations de la police et des magistrats étaient prévues pour adopter une perspective de genre dans leur travail.

S'agissant de la lutte contre les stéréotypes de genre, l'experte a demandé quels étaient les moyens dont s'est doté l'État pour lutter contre les stéréotypes et les discours de haine et le harcèlement en ligne, notamment contre les femmes migrantes et musulmanes.

Après avoir relevé qu'une unité indépendante avait été créée afin de collecter des données sur la traite des êtres humains, l'experte s'est déclarée préoccupée par les faibles peines appliquées dans les cas ayant fait l'objet de poursuites. Elle s'est donc demandée si des formations spécifiques étaient prévues à l'intention des autorités compétentes. Des différences significatives entre les différents Länder sont observées dans la lutte contre la traite, a-t-elle regretté. Elle a également demandé si des mesures étaient prises contre la traite en ligne et pour protéger les femmes ukrainiennes dans ce contexte. Des informations alarmantes sont remontées au Comité concernant les travailleuses du sexe, qui ne disposeraient pas de programmes de sortie de la prostitution dans certains Länder. Par ailleurs, si une loi prévoit une incrimination spécifique pour les clients qui auraient recours au service de travailleuses du sexe victimes de la traite, elle semble malheureusement peu appliquée, a-t-elle regretté.

Une experte a déploré le taux élevé de féminicides dans le pays et a demandé quelles mesures avaient été prises pour lutter contre ce phénomène. Elle s'est notamment enquise de la mise en place de bracelets électroniques pour les conjoints violents. Enfin, elle a souhaité savoir si l'Allemagne disposait d'une stratégie pour éradiquer les mutilations génitales féminines.

Une autre a salué l'adoption de la directive 40% visant à mettre en place des quotas dans les conseils d'administration. Par ailleurs, si le Gouvernement fédéral est paritaire, ce n'est pas le cas des gouvernements des Länder. En outre, le Bundestag ne comporte qu'un tiers de femmes, bien que plusieurs d'entre elles y disposent de postes à responsabilité.

Une experte du Comité a salué l'adoption de modules sur les stéréotypes sexistes dans les manuels scolaires. Elle a toutefois souligné les disparités marquées entre les jeunes hommes et les jeunes femmes dans le choix de leur filière d'études, comme en atteste la participation fortement marquée des hommes dans certaines filières, spécialement les filières scientifiques.

L'écart salarial en Allemagne compte parmi les plus élevés d'Europe, a regretté une experte. La répartition des tâches ménagères et familiales ainsi que le faible nombre de crèches en sont les principales raisons. Elle a demandé à l'État partie s'il avait l'intention de multiplier les centres d'accueil de la petite enfance et des modes de garde des enfants. En outre, le Gouvernement pourrait prévoir des conventions collectives soutenant les salaires des femmes, notamment dans les secteurs où elles sont fortement représentées, comme le secteur de la santé, a-t-elle suggéré. Elle a également souhaité connaître les mesures prises par l'Allemagne pour s'assurer que les femmes migrantes, notamment les travailleuses à domicile, voient leurs droits respectés.

Une experte a regretté certaines restrictions imposées par la législation en matière de santé sexuelle et reproductive. Ainsi, après la douzième semaine, l'interruption volontaire de grossesse est considérée comme un crime, ce qui a un fort impact sur le nombre de centres de soins qui les pratiquent. En outre, les interventions invasives sont encore trop souvent pratiquées là où des interventions médicamenteuses auraient été suffisantes. Plus de mille femmes allemandes se rendent aux Pays-Bas chaque année pour pratiquer en sécurité une interruption volontaire de grossesse. Elle a suggéré de prendre en compte les directives de l'Organisation mondiale de la Santé sur le sujet. L'experte s'est par ailleurs enquise des mesures prises pour réprimer le harcèlement des femmes ayant recours à une interruption volontaire de grossesse. Une autre a demandé si l'Allemagne avait l'intention de légaliser la gestation pour autrui.

L'assurance maladie ne prévoit pas le remboursement des contraceptifs après l'âge de 22 ans, a-t-elle par ailleurs déploré. Elle a encouragé l'Allemagne à promouvoir l'éducation sexuelle dans le système scolaire. Elle a également demandé à la délégation si l'accès à des soins de santé abordables était proposé aux femmes particulièrement vulnérables.

Une experte s'est interrogée sur le soutien apporté par l'État fédéral aux femmes, qui sont particulièrement touchées par la pauvreté. Une autre a pour sa part relevé le nombre très faible de femmes employées dans le secteur agricole. Elle a demandé à la délégation si des mesures de discrimination positive étaient prises pour encourager les femmes et les autonomiser dans ce secteur.

Une experte du Comité a salué l'engagement de l'Allemagne dans la lutte contre le changement climatique. Elle a néanmoins mis en lumière le recours accru au charbon pour produire de l'énergie. L'experte a demandé si des mesures avaient été prises pour limiter l'impact du changement climatique en relation avec les femmes et les filles tant au plan interne qu'au niveau mondial.

Pour ce qui est de la protection des femmes migrantes, cette experte a déploré le racisme et les discriminations auxquelles elles font malheureusement régulièrement face en Allemagne.

Réponses de la délégation

Répondant aux questions et observations des membres du Comité, la délégation allemande a reconnu que la loi sur l'égalité devra être élargie dans son champ d'application, car elle date de 2006. La délégation a admis que cette réforme n'était pas encore terminée, et qu'en conséquence elle ne pouvait pas encore donner plus de détails aux membres du Comité. Elle a néanmoins réaffirmé que cette loi sera révisée avant la fin de la législature. Elle a également fait valoir que certains Länder avaient pris les devants et adopté des lois anti-discrimination avant-gardistes, comme l'a fait le Land de Berlin.

La décision de la Cour constitutionnelle validant l'interdiction des symboles religieux dans l'enseignement, posée par certains Länder, est conforme à l'article 3 de la loi fondamentale car il s'agit d'un principe de neutralité du service public, a fait valoir la délégation. La délégation a mis en avant une décision de la Cour constitutionnelle mentionnant directement les dispositions de la Convention.

Les personnes transgenres peuvent modifier administrativement leur sexe à l'État civil selon une procédure simplifiée a affirmé la délégation. Cela doit être effectué en accord avec le titulaire de l'autorité familiale quand l'enfant a moins de 14 ans. La validation de cette décision par deux experts psychiatres va être éliminée.

L'Agence fédérale de lutte contre les discriminations a été créée en lien avec les organisations de la société civile, afin d'adopter une perspective intersectionnelle dans toutes les décisions et dans la législation concernant la lutte contre les discriminations. La délégation a assuré que l'Agence était une autorité indépendante qui ne peut recevoir d'instructions politiques. Cette agence n'a pas de compétence en matière de déclenchement d'enquêtes judiciaires, a reconnu la délégation, qui a espéré voir ses possibilités d'action étendues grâce à la législation européenne.

La question du port du foulard islamique en Allemagne est un sujet de tension, a reconnu la cheffe de délégation. Il est difficile de porter un tel vêtement dans la fonction publique pour des raisons de neutralité, a-t-elle rappelé. Au niveau des Länder, elle a reconnu que la législation pouvait différer d'un État fédéré à l'autre quant à l'embauche d'enseignants qui portent le voile, en accord avec la Cour constitutionnelle. L'inclusion des femmes musulmanes est mieux défendue par les tribunaux que par le truchement de la loi, sur un sujet aussi politiquement sensible.

En réponse à la question du Comité sur la compétence universelle pour poursuivre les crimes internationaux, la délégation a affirmé que la poursuite des crimes contre l'humanité était une priorité pour l'Allemagne. Le Procureur général dispose d'unités dédiés et spécifiquement formées à cet effet.

Un catalogue clair, recensant 11 conventions de l'Organisation internationale du Travail et des Nations Unies, notamment le Pacte relatif aux droits sociaux économiques et culturels, établit le cadre de référence s'agissant de l'interdiction des discriminations sur le lieu de travail, y compris en raison du genre. L'interdiction des violences sexistes et sexuelles est également visée par cette législation.

La délégation s'est déclarée satisfaite de l'accord trouvé au sein du gouvernement allemand concernant le rôle de l'Agence nationale de lutte contre les discriminations dans la collecte de données sur la traite des personnes. Un groupe de travail entre Länder sur la traite des femmes a été mis en place pour faciliter la collecte de données et le partage des bonnes pratiques. Le Gouvernement fédéral est lui aussi fortement impliqué dans la lutte contre la traite et la mise en œuvre du Plan d'action national prévu pour lutter contre ce fléau, en coordination étroite avec les représentants des Länder. La délégation a affirmé que la police et les procureurs avaient été formés au phénomène massif de la traite en ligne. Par ailleurs, les victimes de la traite peuvent demander le droit de rester sur le sol allemand.

La délégation a affirmé que les agences de protection déjà existantes avaient obtenu des moyens supplémentaires pour prendre en charge les réfugiés ukrainiens, spécifiquement les femmes. Des informations ont été délivrées en ukrainien aux femmes dans les lieux d'arrivée, notamment les gares. La délégation a jugé la prise en charge des réfugiés ukrainiens « d'exemplaire » et de « modèle » à suivre pour les prochains afflux de réfugiés qui pourraient arriver dans le futur.  Plus généralement, les femmes réfugiées se voient proposer des cours d'allemand et des cours de culture allemande pour leur permettre de s'intégrer, non seulement dans la société, mais également sur le marché de l'emploi.

Pour ce qui est du harcèlement en ligne, le Gouvernement est mobilisé pour former la police et les procureurs à ce sujet. Une attention toute particulière est portée sur la publication d'images à caractère pornographique et dégradante à l'encontre de certaines femmes.

Un processus d'évaluation de la protection et de la législation concernant la prostitution a été entamé en juillet 2022 et aboutira en juillet 2025. Ce processus est mené par des chercheurs qualifiés afin de moderniser la politique actuelle avant de modifier l'approche nationale concernant la prostitution. Des programmes de sortie de la prostitution d'une durée de trois ans sont en cours de mise en œuvre afin de faciliter la transition vers d'autres formes d'emploi. Ces projets sont évalués par des chercheurs pour s'assurer de leur efficacité et les pérenniser le cas échéant.

La délégation a assuré que les mutilations génitales féminines étaient sévèrement réprimées en Allemagne. Le ministère de la santé dispose d'un protocole précis de prise en charge des victimes de mutilations génitales féminines et de signalement.

Les féminicides étaient autrefois traités de manière très différentes d'un tribunal à un autre. La loi a été clarifiée et durcie à ce sujet pour mettre fin à ces disparités, a fait valoir la délégation.

Répondant à des questions sur l'application de quotas pour favoriser l'égalité hommes-femmes, la délégation a expliqué que les lois de 2015 et 2021 prévoient que les conseils d'administration des grandes entreprises soient composés d'au moins un tiers de femmes. Malgré ces textes, la délégation a admis que la situation n'était pas encore satisfaisante, même si des progrès réguliers peuvent être constatés. Dans le secteur public fédéral, un objectif de parité avait été posé pour 2020. Malgré de véritables progrès, la délégation a fait le constat que l'objectif n'avait pas encore été atteint.

S'agissant des filières universitaires marquées par un fort biais de genre, le Ministère de l'éducation supérieure organise des campagnes de promotion afin d'attirer les jeunes femmes vers des filières traditionnellement dominées par les hommes, comme les filières scientifiques et techniques. Ces campagnes obtiennent des résultats, car le nombre de femmes, mais également d'hommes qui s'inscrivent dans des cursus dominés par l'autre sexe sont en augmentation. En outre, la délégation a rappelé que plus de femmes que d'hommes entamaient des études supérieures longues.

S'agissant de l'écart de salaire entre les hommes et les femmes, la délégation a fait valoir qu'il était en forte baisse depuis une quinzaine d'années, et atteignait aujourd'hui 18%, à travail égal.

La délégation a reconnu que l'Allemagne manquait de places dans les structures d'accueil de la petite enfance. Lorsque les Länder n'ont pas les moyens d'assurer pleinement la responsabilité financière de la construction de ces structures, alors ils peuvent faire appel à un fonds fédéral doté de plus d'un milliard d'euros, afin de construire près de 90 000 places en crèche au niveau national. L'Allemagne fait en outre face à un manque de personnel formé à la petite enfance.

Répondant à une question sur la situation s'agissant de la prostitution en Allemagne, la délégation a rappelé que cette activité était strictement encadrée, et que les travailleuses du sexe devaient être âgées d'au moins 21 ans, être dûment enregistrées, et qu'elles bénéficiaient d'une aide sanitaire et sociale contre les risques d'addiction et de violences.

Une commission pour les droits sexuels et reproductifs a été mise en place afin notamment d'étudier comment l'interruption volontaire de grossesse pouvait être encadrée sans avoir recours au droit pénal. La délégation a signalé toutefois que la coalition au pouvoir n'avait pas pu se mettre d'accord pour décriminaliser le recours à l'avortement en dehors des délais légaux. Toutefois, il y a un accord pour lever l'interdiction relative à l'information sur les interruptions volontaires de grossesse, qui est désormais libre. La formation des professionnels de santé concernant l'interruption volontaire de grossesse a été renforcée, notamment en ce qui concerne les avortements médicamenteux.

Par ailleurs, une commission a été mise en place il y a un peu moins d'un an concernant la gestation pour autrui, a indiqué la délégation. À ce stade, elle n'a pas encore rendu ses conclusions.

Interrogée sur l'aide apportée par l'État aux femmes connaissant des difficultés économiques, la délégation a affirmé que le salaire minimum avait été augmenté et que les prix de l'énergie avaient été encadrés afin de soutenir le niveau de vie des personnes les plus fragiles en Allemagne. S'agissant de la place des femmes dans l'agriculture, la délégation a indiqué qu'elle répondrait au Comité par écrit.

La délégation s'est enorgueillie de sa « diplomatie féministe » dans le cadre de la lutte contre le changement climatique. La stratégie nationale pour le climat a pris en compte une perspective de genre.

La délégation a notamment fait valoir qu'un délégué à la lutte contre les discriminations envers les Roms avait été nommé par le gouvernement.

Lien : https://www.ungeneva.org/fr/news-media/meeting-summary/2023/05/experts-committee-elimination-discrimination-against-women

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