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Le Conseil entend M. Orellana attirer son attention sur l’impact toxique de certaines solutions proposées pour lutter contre les changements climatiques et tient un dialogue avec le Groupe de travail sur les disparitions forcées
19 septembre 2023
Ce matin, le Conseil des droits de l’homme a tenu un dialogue avec la Présidente-Rapporteuse du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, Mme Aua Baldé, avant d’engager son dialogue avec le Rapporteur spécial sur les incidences sur les droits de l’homme de la gestion et de l’élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux, M. Marcos Orellana.
Présentant son rapport, consacré aux effets néfastes de certaines solutions proposées pour lutter contre les changements climatiques, M. Orellana a notamment souligné que l’impact toxique de certaines solutions proposées pour lutter contre les changements climatiques menace d’aggraver la « vague de toxicité » qui s’abat sur l’humanité.
À titre d’exemple, M. Orellana a attiré l’attention sur les conséquences de l’extraction de lithium, cobalt, nickel ou zinc, composants essentiels de nombreuses technologies de décarbonisation, telles que les éoliennes, les panneaux solaires, les véhicules électriques et les batteries de stockage : leur extraction peut entraîner des pénuries d'eau et produire des déchets miniers toxiques, a souligné le Rapporteur spécial, ajoutant que ces impacts sont exacerbés lorsque les gouvernements renoncent aux garanties environnementales et sociales pour accélérer l’exploitation minière.
De même, a poursuivi le Rapporteur spécial, les technologies de captage et de stockage du carbone sont de plus en plus demandées car elles pourraient permettre d’atténuer les émissions de dioxyde de carbone provenant de grandes sources [d’émissions], telles que les raffineries, les centrales électriques et autres installations industrielles. Mais ces technologies reposent sur de grandes quantités de produits chimiques et peuvent rejeter des quantités importantes d’ammoniac hautement toxique dans l'environnement, a souligné M. Orellana.
Certaines stratégies de décarbonisation sont mises en œuvre sans analyse adéquate du cycle de vie et ne tiennent souvent pas compte des effets délétères de l’extraction, de l’utilisation et de la production de substances dangereuses, a d’autre part fait observer le Rapporteur spécial. Par exemple, dans le cadre de la transition vers l’électrification du secteur des transports, les capacités de gestion environnementale des batteries lithium-ion usagées des véhicules électriques doivent encore être conçues et installées à grande échelle, a-t-il précisé.
M. Orellana a également évoqué les produits chimiques dangereux connus sous le nom de PFAS [substances per-et polyfluoroalkylées], qui sont présentés comme faisant partie intégrante de la transition énergétique sans tenir compte de leur persistance dans l’environnement et de leurs effets toxiques. De même, il a regretté qu’en qualifiant à tort la production d’énergie nucléaire de « verte », on minimise les graves problèmes posés par l’élimination des déchets radioactifs ou les effets néfastes de l’extraction d’uranium.
Fort de ces exemples, le Rapporteur spécial a souligné que les principes des droits de l’homme devraient guider la mise en œuvre des stratégies de décarbonisation et de détoxification. Reconnaissant que l’action climatique est « indispensable et urgente », M. Orellana a souligné qu’elle ne sera ni légitime ni durable si elle exacerbe la pollution toxique et les violations des droits de l’homme qui en découlent.
Le Rapporteur spécial a ensuite rendu compte des visites qu’il a effectuées au Paraguay, au Ghana et à l’Organisation maritime internationale (OMI). Le Paraguay et le Ghana ont fait des déclarations en tant que pays concernés, avant que plusieurs délégations** n’engagent le dialogue avec M. Orellana.
Présentant pour sa part le rapport du Groupe de travail qu’elle préside, Mme Baldé a fait observer que le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires était toujours confronté à des justifications explicites ou implicites de l’utilisation de la disparition forcée, en particulier dans le contexte de mesures antiterroristes ou de lutte contre le crime organisé. Mme Baldé a jugé cette situation injustifiable et a rappelé que tant la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées que la Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées stipulent qu’aucune circonstance exceptionnelle ne peut être invoquée pour justifier une disparition forcée.
Le rapport annuel présenté aujourd'hui indique que le Groupe de travail a signalé 1103 nouveaux cas de disparition forcée à 28 États, la majorité des cas ayant trait à des informations reçues par le Groupe de travail concernant des disparitions forcées de civils et de prisonniers de guerre par les forces armées russes dans le contexte du conflit armé en Ukraine, a précisé Mme Baldé.
La pratique des disparitions forcées ayant évolué au fil des ans, le Groupe de travail a décidé de mener une étude thématique sur la manière dont les nouvelles technologies sont utilisées contre les défenseurs des droits de l'homme et les organisations de la société civile, y compris les proches des personnes disparues et leurs représentants, mais aussi pour faciliter la recherche des personnes disparues, de même que pour obtenir des preuves des actes de disparition forcée et veiller à ce que les responsables rendent compte de leurs actes, a indiqué Mme Baldé.
La Présidente-Rapporteuse a ensuite rendu compte des visites que le Groupe de travail a effectuées en Uruguay et au Honduras. Directement concernées, les délégations de ces deux pays, ainsi que la Commission nationale des droits de l’homme du Honduras, ont fait des déclarations, avant que de nombreux intervenants* ne prennent part au dialogue avec Mme Baldé.
Le Conseil achèvera cet après-midi, à partir de 15 heures, son dialogue avec le Rapporteur spécial sur les incidences sur les droits de l’homme de la gestion et de l’élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux. Il tiendra ensuite un dialogue avec le Groupe de travail sur l’utilisation de mercenaires comme moyen de violer les droits de l’homme et d’empêcher l’exercice du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Dialogue avec le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires
Le Conseil est saisi d’un rapport rendant compte des activités menées par le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires entre mai 2022 et mai 2023 (A/HRC/54/22) ; de deux rapports consacrés aux visites effectuées par le Groupe de travail en Uruguay (A/HRC/54/22/Add.1 et Add.3 à paraître en français) et au Honduras (Add.2 et Add.4 à paraître en français) ; et d’une étude consacrée aux « nouvelles technologies et disparitions forcées » (Add.5 à paraître en français).
Présentation
Présentant ces rapports, MME AUA BALDÉ, Présidente-Rapporteuse du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, a d’abord fait observer que plus de quarante ans après sa création, en 1980, le Groupe de travail était toujours confronté à des justifications explicites ou implicites de l’utilisation de la disparition forcée, en particulier dans le contexte de mesures antiterroristes ou de lutte contre le crime organisé. Mme Baldé a jugé cette situation injustifiable et a rappelé que tant la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (2006) que la Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (1992) stipulent qu’aucune circonstance exceptionnelle ne peut être invoquée pour justifier une disparition forcée.
Le rapport annuel présenté aujourd'hui indique que le Groupe de travail a signalé 1103 nouveaux cas de disparition forcée à 28 États, la majorité des cas ayant trait à des informations reçues par le Groupe de travail concernant des disparitions forcées de civils et de prisonniers de guerre par les forces armées russes dans le contexte du conflit armé en Ukraine, a précisé Mme Baldé.
La pratique des disparitions forcées ayant évolué au fil des ans, a poursuivi la Présidente-Rapporteuse, le Groupe de travail a décidé de mener une étude thématique sur la manière dont les nouvelles technologies sont utilisées contre les défenseurs des droits de l'homme et les organisations de la société civile, y compris les proches des personnes disparues et leurs représentants, mais aussi pour faciliter la recherche des personnes disparues, de même que pour obtenir des preuves des actes de disparition forcée et veiller à ce que les responsables rendent compte de leurs actes.
S’agissant de la visite qu’il a effectuée en Uruguay en juillet 2022, le Groupe de travail a noté que les processus de recherche et de justice relatifs aux disparitions forcées ont rencontré de sérieux obstacles institutionnels qui ont entraîné de longs retards, a ensuite indiqué Mme Baldé. À cet égard, les proches [de personnes disparues] que le Groupe de travail a rencontrés ont exprimé leur angoisse face à l'absence de résultats substantiels. Le Groupe de travail est préoccupé de constater que, ces dernières années, de nombreuses personnes sont décédées sans jamais connaître la vérité sur le sort de leurs proches ni obtenir justice.
Le Groupe de travail estime que l'État uruguayen devrait assumer pleinement le sentiment d'urgence que les proches ont ressenti à chaque instant au cours des cinquante dernières années et que les plus hautes autorités de l'État devraient envoyer un message clair et sans équivoque à l'ensemble de la société uruguayenne pour que cette tâche soit entreprise conjointement avec un sens du sérieux, de la proactivité et de l'urgence.
En ce qui concerne la visite qu’il a menée au Honduras en mars 2023, le Groupe de travail a constaté que, pour ce qui concerne les disparitions forcées, l'impunité est presque totale, tant pour les actes commis dans le passé – en particulier les disparitions forcées commencées dans les années 1980 et 1990 dans le cadre de la doctrine dite de sécurité nationale – que pour les cas récents. Cette absence de progrès résulte de la combinaison d'un cadre législatif inadéquat, de la faiblesse des institutions et du manque de coordination, de capacités et de ressources, combinés à un climat d'insécurité, de collusion et de corruption, a déclaré la Présidente-Rapporteuse du Groupe.
Reconnaissant les mesures prises pour surmonter les défis identifiés au Honduras, le Groupe de travail espère que ces mesures aboutiront à des changements concrets et efficaces pour les victimes de graves violations des droits de l'homme et la société dans son ensemble au Honduras, a dit Mme Baldé.
La Présidente-Rapporteuse a regretté que le Groupe de travail rencontre de plus en plus de difficultés à réaliser des visites de pays, et a rappelé que le Groupe de travail avait – à l'occasion de la Journée internationale des victimes de disparition forcée, le 30 août – appelé tous les États à fournir un accès effectif à la justice aux victimes de disparitions forcées.
Pays concernés
L’Uruguay a remercié le Groupe de travail pour sa visite, qui a eu lieu dans le cadre de l'invitation permanente que le pays a adressée à toutes les procédures spéciales du Conseil. L’Uruguay a précisé que l’incrimination de la disparition forcée, les lieux de mémoire et les actes publics de reconnaissance, la réforme du Code de procédure pénale, la création d'un Bureau du Procureur spécial pour les crimes contre l'humanité, ainsi que les mesures de réparation étaient autant d’exemples des progrès accomplis par l’Uruguay au cours des dernières décennies, malgré les limitations budgétaires inhérentes à une économie en développement.
Au cours de sa visite, le Groupe de travail a pu confirmer le consensus social autour de la nécessité de condamner les violations graves et systématiques des droits de l'homme pendant la période d'action illégitime de l'État, a poursuivi la délégation uruguayenne. L’Uruguay est fermement engagé dans la tâche de prévention (des disparitions forcées) et de recherche des personnes encore disparues, a assuré la délégation.
Le Honduras a, quant à lui, déclaré que les conclusions du rapport du Groupe de travail étaient pour l'État du Honduras une occasion précieuse de réaliser des progrès dans la sauvegarde des droits fondamentaux de l'ensemble de sa population. Le Gouvernement actuel, qui reconnaît le rôle fondamental des victimes et de leurs organisations dans les progrès réalisés en matière de prévention et de traitement global des disparitions forcées, intègre les proches des victimes et la société civile dans la formulation de politiques et de changements structurels dans ce domaine. Ces efforts représentent une avancée sans précédent dans l'histoire du Honduras, a souligné la délégation, demandant au Groupe de travail d’en tenir compte.
Entre autres progrès, la délégation hondurienne a mentionné l'approbation du Programme de mémoire, vérité, réparation, justice et non-répétition pour la réconciliation et la refondation du Honduras, ainsi que l'inauguration du premier musée de la mémoire du pays et l’approbation de la loi sur le système national de base de données ADN visant à améliorer les enquêtes médico-légales.
La Commission nationale des droits de l’homme du Honduras a également fait une déclaration [qui n’a pas été interprétée en français].
Aperçu du dialogue
Tous les États ont été appelés à collaborer avec le Groupe de travail, à accepter ses visites et à appliquer ses recommandations – alors même que, a-t-il été relevé à plusieurs reprises ce matin, quelque 47 000 cas de disparitions forcées n’ont pu encore être élucidés dans plus de 90 pays. Aucune menace, y compris terroriste ou mafieuse, ne saurait justifier la disparition forcée, et toute personne privée de liberté doit être gardée dans un lieu accessible aux visites d’observateurs indépendants, y compris celles du Comité international de la Croix-Rouge s’il y a lieu, a-t-il été souligné.
D’aucuns ont déploré que les nouvelles technologies soient utilisées pour cibler des opposants politiques, des représentants des médias et des défenseurs des droits de l’homme. Le Groupe de travail a été prié de se pencher sur ce problème dans ses travaux. Par ailleurs, il a été souligné que l’étude du Groupe de travail présentée ce matin par Mme Baldé devrait permettre aux États de mieux comprendre les enjeux des nouvelles technologies, y compris les médias sociaux et l’intelligence artificielle, en rapport avec les disparitions forcées.
Plusieurs délégations ont décrit les cadres juridiques mis en place par leur pays pour combattre la disparition forcée et protéger les témoins, ainsi que les formations que leurs pays organisent dans ces domaines et les moyens techniques utilisés pour identifier les dépouilles de personnes disparues et les remettre aux familles.
Plusieurs intervenants ont salué le rôle joué par le Groupe de travail pour aider les familles à retrouver leurs proches disparus. Il a été demandé, dans ce contexte, de sanctionner tout acte de représailles envers les proches de victimes de disparition forcée, de même qu’envers les organisations qui les représentent.
Le Groupe de travail a par ailleurs été prié de suggérer des solutions au problème des adoptions internationales illicites et de donner des indications sur l’utilisation des technologies pour retrouver les personnes disparues.
Nombre de délégations ont dénoncé ce qu’elles ont estimé être des disparitions forcées imputables à des États ou à des groupes armés dans plusieurs pays, régions ou territoires occupés.
Des délégations ont mentionné les efforts de leurs pays pour donner suite aux recommandations du Groupe de travail et élucider des cas de disparition forcée. D’aucuns ont regretté que certains « abusent » de cette instance, de même que du mécanisme de plainte devant le Comité des disparitions forcées, en leur soumettant des « allégations infondées », voire « trompeuses », de disparition forcée. Le Groupe de travail a été prié de poursuivre ses travaux sur la base d'un dialogue et d'une coopération constructifs avec les États, en se fondant sur les principes d'objectivité, d'impartialité, de non-sélectivité, de respect de la souveraineté et de non-ingérence dans leurs affaires intérieures.
Il a été regretté que, malgré les résolutions de l'Assemblée générale et les appels du Secrétaire général en faveur d'une ratification universelle, seuls 72 États aient ratifié la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.
*Liste des intervenants : Lituanie (au nom d’un groupe de pays), Union européenne, Liechtenstein (au nom d’un groupe de pays), Chili (au nom d’un groupe de pays), Colombie (au nom d’un groupe de pays), Luxembourg, Costa Rica, Égypte, Koweït, Chypre, Israël, Paraguay, Croatie, Chili, Iraq, Belgique, États-Unis, Chine, Malawi, Arménie, Indonésie, Roumanie, Afrique du Sud, Argentine, Bangladesh, Angola, Maldives, Pérou, Burkina Faso, Pakistan, Maroc, Yémen, Cuba, Togo, République bolivarienne du Venezuela, Éthiopie, République populaire démocratique de Corée, Afghanistan, Kenya, Zambie, Grèce, Inde, Azerbaïdjan, Thaïlande, Botswana, Sri Lanka, République islamique d’Iran, Gambie et Colombie.
Plusieurs organisations non gouvernementales ont aussi pris part au débat : Right Livelihood Award Foundation, Comisión Mexicana de Defensa y Promoción de los Derechos Humanos, Asociación Civil, Lawyers' Rights Watch Canada, Helsinki Foundation for Human Rights, Syrian Center for Media and Freedom of Expression, Women's Human Rights International Association, World Federation of Ukrainian Women's Organizations, Association Ma'onah for Human Rights and Immigration, Organization for Poverty Alleviation and Development et Comisión Colombiana de Juristas.
Réponses et remarques de conclusion de la Présidente-Rapporteuse du Groupe de travail
MME BALDÉ a remercié le Honduras et l’Uruguay d’avoir pris en considération les recommandations du Groupe de travail. Elle a également remercié les pays qui ont relayé les appels du Groupe de travail en faveur d’enquêtes sur les disparitions forcées et sur la non-répétition. Il n’est possible d’élucider les cas de disparition forcée qu’avec la participation des États concernés, a insisté Mme Baldé, qui a prié les États où il reste des cas en suspens à prendre contact avec le Groupe de travail et à collaborer avec lui.
Mme Baldé a par ailleurs recommandé que les États échangent les bonnes pratiques qu’ils appliquent déjà en matière d’emploi des technologues pour retrouver les personnes disparues. Elle a dit attendre avec intérêt l’aboutissement des démarches de plusieurs pays en vue de la ratification de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.
L’accès des victimes à la justice est un élément très important pour le Groupe de travail, qui prodigue des formations dans ce domaine, a ajouté Mme Baldé. Cependant, ces formations ne remplacent pas des visites en bonne et due forme, a-t-elle souligné, appelant les États à accepter ces visites.
Le Groupe de travail prépare actuellement, avec le Comité des disparitions forcées, une étude sur le problème des disparitions forcées « de court terme », a par ailleurs indiqué Mme Baldé. Une autre priorité du Groupe de travail est la sécurité des proches des personnes disparues, a-t-elle ajouté.
Aux États qui remettent en cause l’objectivité du Groupe de travail, Mme Baldé a assuré que ce dernier exerçait son mandat en toute bonne foi et sans visée politique. Elle a en outre insisté sur le rôle crucial joué par la société civile pour aider le Groupe de travail dans l’exercice de son mandat.
Dialogue avec le Rapporteur spécial sur les incidences sur les droits de l’homme de la gestion et de l’élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux
Le Conseil est saisi du rapport du Rapporteur spécial sur les incidences sur les droits de l’homme de la gestion et de l’élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux intitulé « Effets néfastes de certaines solutions proposées pour lutter contre les changements climatiques » (A/HRC/54/25) ; et de trois additifs concernant les visites du Rapporteur spécial au Ghana (Add.1), auprès de l’Organisation maritime internationale (Add.2) et au Paraguay (Add.3 à paraître en français).
Présentation
M. MARCOS ORELLANA, Rapporteur spécial sur les incidences sur les droits de l’homme de la gestion et de l’élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux, a souligné que l’impact toxique de certaines solutions proposées pour lutter contre les changements climatiques menace d’aggraver la « vague de toxicité » qui s’abat sur l’humanité. Il a expliqué que face à l’urgence climatique, il faut prendre des mesures pour décarboniser les économies nationales et réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais que cela n’est pas sans risque. En effet, poursuivant cette nécessaire décarbonisation et réduction des émissions, les États et les entreprises se mobilisent pour créer de nouvelles technologies et autres innovations. Or, certaines d’entre elles sont susceptibles d’exacerber la pollution toxique, a précisé le Rapporteur spécial, qualifiant cette situation de problématique, compte tenu des violations des droits de l’homme résultant des niveaux de pollution « déjà intolérables » dans le monde.
À titre d’exemple, M. Orellana a attiré l’attention sur les conséquences de l’extraction de lithium, cobalt, nickel ou zinc, composants essentiels de nombreuses technologies de décarbonisation, telles que les éoliennes, les panneaux solaires, les véhicules électriques et les batteries de stockage : leur extraction peut entraîner des pénuries d'eau et produire des déchets miniers toxiques, a souligné le Rapporteur spécial, ajoutant que ces impacts sont exacerbés lorsque les gouvernements renoncent aux garanties environnementales et sociales pour accélérer l’exploitation minière.
De même, a poursuivi le Rapporteur spécial, les technologies de captage et de stockage du carbone sont de plus en plus demandées car elles pourraient permettre d’atténuer les émissions de dioxyde de carbone provenant de grandes sources [d’émissions], telles que les raffineries, les centrales électriques et autres installations industrielles. Mais ces technologies reposent sur de grandes quantités de produits chimiques et peuvent rejeter des quantités importantes d’ammoniac hautement toxique dans l'environnement, a souligné M. Orellana.
Certaines stratégies de décarbonisation sont mises en œuvre sans analyse adéquate du cycle de vie et ne tiennent souvent pas compte des effets délétères de l’extraction, de l’utilisation et de la production de substances dangereuses, a d’autre part fait observer le Rapporteur spécial. Par exemple, dans le cadre de la transition vers l’électrification du secteur des transports, les capacités de gestion environnementale des batteries lithium-ion usagées des véhicules électriques doivent encore être conçues et installées à grande échelle, a-t-il précisé.
Fort de ces exemples, le Rapporteur spécial a souligné que les principes des droits de l’homme devraient guider la mise en œuvre des stratégies de décarbonisation et de détoxification. L’un de ces principes clés est le « droit à la science », a-t-il insisté, déplorant que ce principe soit sapé par les campagnes de désinformation qui prônent des solutions climatiques fausses ou qui minimisent les effets toxiques de certaines technologies d’atténuation des changements climatiques.
À l’appui de son propos, M. Orellana a fait référence aux produits chimiques dangereux connus sous le nom de PFAS [substances per-et polyfluoroalkylées], qui sont présentés comme faisant partie intégrante de la transition énergétique sans tenir compte de leur persistance dans l’environnement et de leurs effets toxiques. De même, il a regretté qu’en qualifiant à tort la production d’énergie nucléaire de « verte », on minimise les graves problèmes posés par l’élimination des déchets radioactifs ou les effets néfastes de l’extraction d’uranium.
La toxification de la planète entraîne un déni massif, généralisé et systématique des droits de l’homme pour d'innombrables individus et groupes, a insisté le Rapporteur spécial. Il a tout particulièrement relevé les risques et préjudices subis par les peuples autochtones pendant des décennies, voire des siècles, suite à l’exploitation minière de leurs terres et territoires.
Reconnaissant que l’action climatique est « indispensable et urgente », M. Orellana a souligné qu’elle ne sera ni légitime ni durable si elle exacerbe la pollution toxique et les violations des droits de l’homme qui en découlent. Il a préconisé de cesser d’opposer l’une à l’autre les stratégies de décarbonisation et de détoxification et de s’assurer qu’elles sont guidées par les principes des droits de l’homme.
Évoquant ensuite sa visite au Paraguay, le Rapporteur spécial a salué les mesures prises par ce pays pour la gestion des déchets dangereux, ainsi que l’adoption d’un plan d'action pour lutter contre le mercure dans l’exploitation aurifère à petite échelle. Il s’est toutefois dit préoccupé par la faible mise en œuvre dudit plan, ainsi que par l’absence de délai pour l'élimination du mercure. Il a également attiré l’attention sur la situation de certains groupes vulnérables, comme les peuples autochtones et les communautés paysannes, qui se retrouvent acculés à travailler des cultures et des monocultures dépendantes des pesticides. Il a assuré le Gouvernement paraguayen de la disponibilité de son équipe pour toute demande d’assistance technique.
S’agissant de sa visite au Ghana, le Rapporteur spécial s’est félicité du rôle de premier plan du pays dans des initiatives importantes liées aux produits toxiques et aux déchets. Il a notamment fait référence au fait que le Ghana a pris la tête du Groupe des États africains pour intégrer une approche fondée sur les droits de l’homme dans la négociation d'un instrument juridiquement contraignant concernant la pollution plastique. Il a en outre salué l’adoption, au niveau national, d’un plan stratégique 2021-2030 pour la gestion rationnelle des produits chimiques et des déchets. Malgré ces réalisations, M. Orellana a déploré des lacunes dans la mise en œuvre, indiquant à l’appui de son propos que sur les 12 710 tonnes de déchets produits chaque jour au Ghana, seuls 10% sont collectés et éliminés dans des sites agréés. En outre, l’exploitation minière à petite et grande échelle, légale et illégale, est une source majeure de pollution toxique, notamment en raison de l’utilisation généralisée du mercure, a souligné le Rapporteur spécial.
Rendant par ailleurs compte de sa visite à l’Organisation maritime internationale (OMI), le Rapporteur spécial a souligné l’impact de l’industrie du transport maritime sur les êtres humains et l’environnement, citant notamment les conséquences des marées noires, les émissions atmosphériques des navires et la pollution causée par le démantèlement, voire l’échouage, des navires. L'ampleur de ces impacts est évidente étant donné que 90% des marchandises échangées dans le monde sont transportées par voie maritime, a-t-il souligné. Il a, dans ce contexte, regretté que rien n’indique que l’industrie du transport maritime considère les droits de l'homme comme un élément pertinent de son travail. Saluant les divers traités de l’OMI qui protègent et promeuvent les droits de l’homme, notamment en améliorant la sécurité en mer et la protection de l’environnement, M. Orellana a déploré que l’absence d'une mise en œuvre adéquate de ces instruments au niveau mondial ne réduise de facto leur impact.
Pays concernés
Le Ghana s’est enorgueilli d’avoir ratifié la plupart des principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ainsi que les accords internationaux sur les produits chimiques et les déchets. Faisant référence aux observations du Rapporteur spécial relatives à la faible mise en œuvre et aux lacunes de la législation ghanéenne relative à la gestion rationnelle des produits chimiques et des déchets, la délégation ghanéenne a regretté que le Rapporteur spécial n’ait pas mentionné dans son rapport le Plan stratégique décennal (2021-2030) du Ghana pour la gestion rationnelle des produits chimiques et des déchets dans le pays. La délégation a par ailleurs attiré l’attention sur différentes initiatives prises par le pays, parmi lesquelles l’élaboration d’une réglementation sur la qualité de l’air pour lutter contre la pollution de l'air et d'autres problèmes connexes ; le lancement d’un plan d’action national sur l’exploitation minière artisanale de l’or à petite échelle ; une loi sur les e-déchets, promulguée en 2016 ; ainsi qu’une initiative de recyclage des vêtements usagés.
Le Paraguay a pour sa part regretté que le Rapporteur spécial n'ait pas pris en compte certaines considérations relatives au contexte national, en particulier dans son communiqué de presse relatif à la visite qu’il a effectuée dans le pays : la délégation paraguayenne a affirmé que les termes employés par M. Orellano étaient imprécis et inexacts et a regretté que l’accent ait été mis presque exclusivement sur les pesticides sans aucune référence aux efforts ou aux bonnes pratiques identifiées au cours de la visite.
La délégation s’est dite préoccupée par la manière dont les observations du Rapporteur spécial ont été présentées et communiquées, estimant que ce procédé est contre-productif et va à l'encontre des objectifs de la visite et de ceux du mandat lui-même. Les titulaires de mandat doivent maintenir une approche objective et impartiale et ne pas perdre de vue la nécessité de maintenir la confiance que leur accordent toutes les parties prenantes, afin de ne pas compromettre le climat nécessaire à la bonne exécution du mandat, a insisté la délégation. Elle a reconnu que des défis subsistent dans le pays en ce qui concerne la gestion et l'élimination des substances et des déchets dangereux, et a souligné qu’un changement durable exige des efforts et la collaboration de toutes les parties concernées, appréciant à cet égard le soutien technique offert par le Rapporteur spécial.
L’OMI n’a pas pu faire de déclaration en raison d’un problème technique.
Aperçu du dialogue
Les délégations qui ont engagé le dialogue avec M. Orellano ont reconnu que la lutte contre les changements climatiques était un défi majeur pour la communauté internationale, a fortiori lorsque les technologies et activités qui visent à faire progresser les États vers une économie décarbonisée ont des effets néfastes, polluent et dégradent l'environnement.
La Terre vient de connaître les trois mois les plus chauds de son histoire, a fait remarquer une délégation. Citant le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), elle a également souligné que 99% de la population mondiale respire de l'air pollué. Des mesures urgentes doivent être prises, notamment pour décarboniser et désintoxiquer nos économies et notre planète, a-t-elle alerté. L’ère de la négligence doit cesser, a ajouté un intervenant.
Une délégation a fustigé les mauvaises pratiques des entreprises, qui augmentent les émissions de gaz à effet de serre et les niveaux de carbone dans l'atmosphère, mettant en péril les droits essentiels de la population mondiale. Elle a salué la recommandation du Rapporteur spécial invitant les entreprises, y compris les organismes financiers, à cesser d'investir dans des projets d’extraction ou d’exploitation de combustibles fossiles.
Soulignant les risques que l’énergie nucléaire pose pour l'environnement et la santé, une délégation a déploré que certains États exploitent cette énergie comme moyen d'obtenir une électricité sans émission de carbone.
Une délégation a attiré l’attention sur les contraintes auxquelles font face certains pays et régions en raison, notamment, de leur vulnérabilité environnementale et économique. Une autre délégation a fait observer que certains pays qui contribuent le moins aux changements climatiques sont les plus touchés par leurs effets.
Une délégation a plaidé pour la mise en place et le respect de garanties environnementales et sociales, affirmant que c’est là le meilleur moyen de s’assurer que les actions de lutte contre les changements climatiques n'entraînent pas de dégradation environnementale ou de pollution supplémentaire, tout en protégeant et en garantissant la pleine jouissance des droits de l'homme des populations du monde. Un autre participant à abondé dans le même sens, appelant à une transition vers un système climatique sûr grâce à des solutions intégrées qui, tout en s'attaquant à une crise environnementale et à une crise des droits de l'homme, n'en créent ni n'en exacerbent une autre.
Plusieurs délégations ont relevé la pertinence d’intégrer une perspective de genre dans les stratégies intégrées de décarbonisation et de détoxification. Il a en outre été demandé instamment aux États de prendre en compte les droits des enfants dans leurs efforts pour accélérer la décarbonisation. Si l'exposition aux substances toxiques est nocive pour tout le monde, les enfants sont particulièrement vulnérables à la dégradation de l'environnement résultant de l'exploitation des minéraux qui soutiennent les technologies de décarbonisation, a-t-il été souligné.
Un appel à la coopération internationale sur ces questions a été lancé, une délégation faisant valoir qu’une consultation internationale doit être la priorité. Un intervenant a fait observer que le Sommet sur le climat (COP 28) qui se tiendra à la fin de cette année pourrait constituer une plate-forme pour parvenir à un consensus sur ces questions.
**Liste des intervenants : Honduras, Union européenne, Costa Rica (au nom d’un groupe de pays), Côte d’Ivoire (au nom du Groupe des États africains), Trinité-et-Tobago (au nom d’un groupe de pays), Samoa, Équateur, Émirats arabes unis, Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), Luxembourg, Israël, France, Égypte, et Chili.
Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel.
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