État d’urgence en El Salvador

Depuis que les autorités salvadoriennes ont instauré l’état d’urgence il y a un an, plusieurs de leurs mesures soulèvent de graves préoccupations en matière de droits de l’homme.

L’état d’urgence a été décrété le 27 mars 2022 pour une durée initiale d’un mois et a été régulièrement renouvelé depuis. 

Nous sommes conscients des graves problèmes posés par la violence des gangs et le devoir de l’État d’assurer la sécurité. Cependant, l’État se doit d’y travailler dans le respect du droit international des droits de l’homme.

Au cours de l’année écoulée, au moins 65 000 personnes ont été mises en détention. Certaines de ces détentions massives, y compris celles d’enfants, peuvent s’apparenter à des détentions arbitraires, car elles semblent fondées sur des enquêtes peu approfondies et sur un portrait sommaire de l’apparence physique ou de l’origine sociale des personnes détenues.

Les conditions de détention dans des centres souvent surpeuplés sont également très préoccupantes. Nous avons reçu des allégations de violations graves des droits des prisonniers, dont le recours à l’isolement prolongé et des cas de détenus souffrant de maladies chroniques ne recevant pas les médicaments qui leur ont été prescrits. D’autres formes de mauvais traitements ont également été signalées.

La situation est d’autant plus préoccupante que 90 personnes seraient mortes en détention depuis l’entrée en vigueur de l’état d’urgence, et que peu d’informations sont disponibles sur le déroulement des enquêtes relatives à ces décès. 

Les États ont un devoir accru de protéger la vie des personnes privées de liberté.

L’institution nationale des droits de l’homme a jusqu’à présent recueilli environ 7 900 plaintes concernant des violations des droits de l’homme commises à l’encontre de prisonniers.   

Nous demandons aux autorités salvadoriennes de veiller à ce que les individus ne soient pas arrêtés sans autorisation légale suffisante et à ce que les personnes détenues bénéficient de toutes les garanties fondamentales prévues par le droit international relatif aux droits de l’homme.

Nous demandons également aux autorités d’autoriser l’institution nationale des droits de l’homme à accéder librement à tous les établissements pénitentiaires afin qu’elle puisse effectuer des rapports réguliers et indépendants sur les conditions de détention.

Nous rappelons aux autorités que selon l’expérience internationale dans ce domaine, le recours à un modèle pénitentiaire trop répressif réduit les chances de réinsertion des détenus dans la société. Le droit à la vie, l’interdiction absolue de la torture, les principes d’un procès équitable, y compris la présomption d’innocence, ainsi que les garanties procédurales qui protègent ces droits s’appliquent à tout moment, même en situation d’état d’urgence.

Pour trouver des solutions durables à l’insécurité et à la criminalité, il faut s’attaquer aux causes profondes de la violence des gangs, telles que les inégalités sociales, la marginalisation et l’absence de politiques sociales et de gouvernance efficaces.

FIN