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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE ADOPTE SES OBSERVATIONS FINALES SUR LA TRINITE-ET-TOBAGO
07 août 2001
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CERD
59ème session
7 août 2001
Après-midi
Il examine le rapport du Sri Lanka
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a adopté, cet après-midi, ses observations finales sur le rapport de la Trinité-et-Tobago, examiné les 1er et 2 août dernier. Il a en outre entamé l'examen du rapport périodique de Sri Lanka.
Dans ses observations concernant le rapport de la Trinité-et-Tobago, présentées par M. Raghavan Vasudevan Pillai, membre du Comité chargé de l'examen du rapport, le Comité se félicite de la mise en place d'une Division des droits de l'homme chargée de mettre en œuvre les dispositions de la Convention. Par contre, il est préoccupé par l'absence de mesures spécifiques sur les plans législatif, administratif ou autre visant à la mise en oeuvre de l'article 4 de la Convention, sur l'interdiction de la propagande et des organisations racistes. Tout en prenant note de l'opinion exprimée par la délégation selon laquelle la qualification en tant que crime de la diffusion d'idées basées sur la supériorité d'une race et des organisations racistes pourrait avoir des effets contraires, le Comité souligne les obligations contractées en vertu de la Convention et réitère ses vues concernant le rôle préventif d'une telle législation.
Présentant le rapport de son pays, M. Prasad Kariyawasam, Représentant permanent de Sri Lanka auprès des Nations Unies à Genève, a déclaré que des mesures importantes ont récemment été prises pour protéger les droits de l'homme et l'harmonie entre toutes les composantes de la population sri-lankaise. Il a déclaré que la guerre civile qui sévit dans son pays est un conflit armé avec une organisation terroriste dont l'objectif principal est la création d'un pays séparé monoethnique, dont les agissements sont à l'origine de nombreuses violations des droits de l'homme dans le pays. Il a rappelé que son gouvernement a accepté la médiation du Gouvernement de la Norvège afin d'entamer un dialogue en vue de définir une issue au conflit acceptable par toutes les communautés.
La délégation de Sri Lanka est également composée de M. G.B. Keerawella, Secrétaire au du Ministère des affaires ethniques et de l'intégration nationale, de M. C.R. De Silva, du Département de la justice, ainsi que de membres de la Mission permanente de Sri Lanka auprès des Nations Unies à Genève.
M. Tang Chengyuan, expert du Comité chargé de l'examen du rapport de Sri Lanka, a relevé les efforts consentis par le gouvernement pour prendre des mesures visant à améliorer la situation de tension entre certaines communautés: le cinghalais et le tamoul sont par exemple devenus les deux langues officielles du pays. Il a demandé des précisions concernant les résultats obtenus par la médiation norvégienne dans les efforts pour trouver une solution négociée au conflit. Il a regretté le manque d'informations concernant la protection et la promotion des droits des peuples autochtones, notamment les Veddhas.
Les experts suivants du Comité sont également intervenus: M. Luis Valencia Rodríguez, M. Régis de Gouttes, Mme Gabriele Britz, M. Marc Bossuyt, M. Mario Jorge Yutzis, M. Patrick Thornberry, M. François Lonsény Fall, M. Agha Shahi et M. Yuri Rechetov.
Le Comité achèvera l'examen du rapport de Sri Lanka demain matin, mercredi 8 août, à partir de 10 heures.
Présentation du rapport de Sri Lanka
Présentant le rapport de son pays, M. Prasad Kariyawasam, Représentant permanent de Sri Lanka auprès des Nations Unies à Genève, a déclaré que, ces dernières années, des mesures importantes ont été prises pour protéger les droits de l'homme et l'harmonie entre toutes les composantes de la population sri-lankaise. Dans le cadre de ces initiatives, Sri Lanka est désormais partie à seize instruments internationaux relatifs à la protection des droits de l'homme.
Le représentant a indiqué que les autorités de son pays reconnaissent le rôle important des organisations non gouvernementales dans la promotion et la protection des droits de l'homme. Plusieurs centaines d'organisations non gouvernementales exercent leurs activités à Sri Lanka sans de pression et peuvent librement critiquer le gouvernement. Le représentant a également évoqué la levée par le gouvernement de toutes les mesures de restrictions sur les médias. En outre, le Ministère de la défense a aboli, le 15 juillet 2001, le système qui exigeait que les journalistes obtiennent des autorisations pour visiter les régions du Nord et de l'Est de Sri Lanka.
Le représentant a fait valoir que les citoyens sri-lankais connaissent désormais la procédure d'appel devant la Cour suprême dans les cas de violation des leurs droits protégés par la Constitution. Il a informé le Comité des mécanismes mis en place pour éduquer et sensibiliser les autorités publiques sur la promotion et la protection des droits de l'homme. De plus, le Ministère des affaires ethniques et de l'intégration nationale a pris des mesures visant à mobiliser plusieurs organisations non gouvernementales pour sensibiliser le public sur les normes internationales et les différentes conventions protégeant les droits de l'homme.
M. Kariyawasam a indiqué que de nombreuses communautés religieuses et ethniques cohabitent sur le territoire sri-lankais. À cet égard, le gouvernement est conscient de l'importance que revêt la politique menée dans le domaine des affaires ethniques. Le représentant a reconnu que, malgré les efforts déployés, le gouvernement n'a pas encore réussi à éliminer les préjugés raciaux au sein de la société sri-lankaise.
Le représentant a évoqué la guerre civile qui sévit dans son pays. Il a déclaré qu'il s'agit d'un conflit armé avec une organisation terroriste dont l'objectif principal est la création d'un pays séparé monoethnique. Le groupe en cause, les Tigres de libération de l'Eelam Tamoul (LTTE), commet des actes de terrorisme d'une extrême violence, qui affectent la société sri-lankaise dans son ensemble. Le représentant a estimé que la campagne de terrorisme des LTTE a échoué, mais il a déploré que leurs activités soient à l'origine de nombreuses violations des droits de l'homme dans le pays. Il a rappelé que son gouvernement a accepté la médiation du Gouvernement de la Norvège afin d'entamer un dialogue en vue de définir une issue au conflit acceptable par toutes les communautés. Il a déploré que, malgré cette preuve de bonne volonté de son gouvernement, les LTTE ont attaqué le seul aéroport international de l'île le mois dernier, mettant en danger la vie de centaines de civils non armés, parmi lesquels des touristes étrangers.
M. Kariyawasam a indiqué que son gouvernement est particulièrement préoccupé par le sort de ses citoyens vivant dans les régions du Nord et de l'Est du pays. Avec l'aide de plusieurs organisations des Nations Unies, le maintien d'un niveau acceptable des conditions de vie de ces personnes a été possible. Le représentant a loué, par exemple, le travail très important du Haut-commissaire aux réfugiés, qui a installé six centres à Sri Lanka.
Dans le cadre de l'amélioration du bien-être de toutes communautés vivant à Sri Lanka, le représentant a informé le Comité d'une initiative prise par la Présidente, Chandrika Bandaranaike Kumaratunga, pour réagir aux violences anti-Tamoul qui ont eu lieu entre 1981 et 1984. Un comité de trois membres a été nommé pour enquêter sur tous les incidents afin de déterminer leur nature et leurs causes, de trouver les responsables, d'évaluer les réparations possibles et de trouver les moyens de prévenir de telles violences. Les membres du Comité doivent soumettre leur rapport en janvier 2002.
Le représentant a en outre fait état des récents amendements apportés aux mesures d'urgence, afin que des magistrats soient autorisés à visiter et inspecter les lieux de détention. Les suspects interpellés au titre des Mesures d'urgence devront être promptement présentés à un juge, au plus tard dans un délai de 14 jours.
Le rapport de Sri Lanka (CERD/C/357/Add.3) réunit en un seul document les septième, huitième et neuvième rapports périodiques de Sri Lanka. Il est complété par une Note supplémentaire datée du 30 juillet 2001 distribuée au Comité. Il indique que l'actuel gouvernement, qui a pris ses fonctions en 1994, a arrêté une position nette et positive et a poursuivi une politique hostile à toute tergiversation sur la question ethnique. Au cours des cinq dernières années, des mesures sans précédent ont été adoptées en vue de renforcer plus encore l'égalité, la justice sociale et la dignité du peuple sri-lankais. Pendant cette période, le gouvernement s'est tenu à une politique centrée sur l'idée d'«une seule nation-un seul peuple», qui insiste sur l'unité du pays tout en reconnaissant son pluralisme culturel et religieux. Le rapport affirme qu'il n'y a jamais eu de pratique de discrimination fondée sur la race à Sri Lanka.
Le rapport indique que le gouvernement a entrepris une étude des mesures de décentralisation qui offriraient un cadre constitutionnel effectif pour le partage du pouvoir avec les régions. La décentralisation au profit des régions permettrait d'émanciper la population excentrée, qui pourrait alors se prononcer sur les questions qui l'intéressent directement sans avoir à en référer aux instances centrales. Un projet de Constitution est actuellement en négociation entre les deux principaux partis politiques et d'autres partis politiques tamouls. Le rapport indique en outre que le
gouvernement sri-lankais a accordé la priorité à la reprise du dialogue avec les Tigres de libération de l'Eelam Tamoul (LTTE) pour trouver une solution durable aux problèmes qui affectent le Nord et l'Est du pays.
Le rapport évoque également la création en mars 1997 d'une Commission des droits de l'homme, qui a le pouvoir de surveiller, d'enquêter et de conseiller en matière des droits de l'homme. La Commission comprend cinq membres, trois Cinghalais, un Tamoul et un musulman. La Présidente procède aux nominations sur la recommandation du Premier ministre, en consultation avec le président de la Chambre et le chef de l'opposition.
Examen du rapport de Sri Lanka
M. Tang Chengyuan, expert du Comité chargé de l'examen du rapport de Sri Lanka, a rappelé que Sri Lanka est une République démocratique pluriethnique et multireligieuse. Le dernier recensement fait apparaître une population totale de plus de 18 millions d'habitants. Les deux groupes ethniques principaux sont les Cinghalais et les Tamouls. Toutefois, les chiffres concernant la composition ethnique de la population datent de 1981 et méritent une actualisation. En outre, la caractérisation d'une communauté de «musulmans» au même titre que la communauté des Cinghalais et des Tamouls a paru abusive.
L'expert a noté les efforts consentis par le gouvernement pour prendre des mesures visant à améliorer la situation de tension entre certaines communautés: le cinghalais et le tamoul sont par exemple devenus les deux langues officielles du pays. M. Tang a également évoqué la volonté de modification de la Constitution exprimée par le gouvernement. À cet égard, il a pris bonne note de la déclaration de la Présidente de Sri Lanka datant du 11 juillet dernier, expliquant que la réforme de la Constitution permettrait une meilleure gestion des problèmes régionaux.
L'expert a évoqué la création de la Commission nationale des droits de l'homme, dont il a estimé qu'elle manquait d'autorité pour mener une action efficace dans le domaine de la protection des droits de l'homme. Il a demandé des informations sur les cas traités et sur les mesures prises par cette instance. Les solutions envisagées pour renforcer son autorité ont également fait l'objet de questions de la part des membres du Comité. Les experts ont en outre regretté l'absence de mention de mesures pour la mise en œuvre de l'article 4 de la Convention visant à la condamnation de toute propagande et de toutes organisations qui s'inspirent d'idées fondées sur la supériorité d'une race. Ils ont rappelé l'importance de cette disposition de la Convention et ont souhaité savoir comment le Gouvernement sri-lankais compte la mettre en œuvre.
M. Tang a évoqué les conflits ethniques qui perdurent à Sri Lanka, notamment avec les Tigres de libération de l'Eelam Tamoul (LTTE), dans une guerre civile qui se poursuit depuis 18 ans. Il a cependant estimé que le gouvernement fait preuve d'une volonté constante de parvenir à une solution négociée et pacifique. Il a demandé à la délégation de préciser quelles sont, selon le gouvernement, les perspectives possibles pour parvenir à la paix civile. À cet égard, des informations ont été demandées sur les résultats obtenus par la médiation norvégienne dans les efforts pour trouver une solution négociée au conflit. Les experts ont regretté que la guerre civile entraîne de nombreuses violations des droits de l'homme.
Un expert a évoqué le mouvement du «Sudu Nelum» (Lotus blanc) lancé en juillet 1995 qui, selon le rapport, vise à sensibiliser l'opinion à l'importance cruciale des propositions politiques envisagées en tant que solution au conflit, en diffusant des informations et en mobilisant l'appui pour leur application. Mais il a regretté que le terme d'«unité nationale sri-lankaise» soit utilisé dans ce contexte, préférant le terme d'«union sri-lankaise» qui refléterait mieux la notion d'indépendance de toutes les communautés ethniques. Les experts ont également demandé si le mouvement du Sudu Nelum sert au Gouvernement sri-lankais à faire la promotion de sa politique, ce qui constituerait un sujet d'inquiétude.
Un expert a souhaité savoir s'il est vrai que des fonctionnaires de l'État exercent des pressions pour que l'anglais devienne langue officielle unique à Sri Lanka. Des experts ont également souhaité savoir si le bilinguisme est respecté dans les établissements scolaires, dans l'administration, ainsi que dans le système judiciaire. Les experts se sont interrogés sur le maintien de la séparation entre les écoles cinghalaises et les écoles tamoules.
Concernant la liberté de la presse, un expert a demandé des précisions sur l'information selon laquelle un journal aurait été censuré en mai 2000. L'état de la discussion sur le contrôle des médias a suscité l'intérêt des experts. Ils ont notamment demandé si Sri Lanka est en mesure de mettre en place un organisme indépendant de centralisation et de contrôle des médias.
Concernant les droits des peuples autochtones en général, des experts ont souhaité recevoir des informations plus complètes. Un expert a notamment évoqué la communauté autochtone veddha, composée de descendants des habitants originaires de l'île. À cet égard, il a noté la création d'une commission nationale pour entreprendre un programme qui devrait permettre de mieux connaître et de mieux comprendre les autochtones de Sri Lanka. L'expert a souhaité connaître les résultats obtenus par ce programme d'action. Un autre expert a évoqué le regroupement dans un parc naturel des membres de cette communauté afin de leur permettre de maintenir leur mode de vie traditionnel. Il a souhaité savoir si les personnes appartenant à cette communauté autochtone ont été consultées sur cette mesure qui les concerne directement.
Un expert s'est par ailleurs interrogé sur le Pacte Srima-Shasthri de 1964 prévoyant d'accorder la nationalité sri-lankaise à 375 000 ouvriers agricoles d'origine indienne et la nationalité indienne à 600 000 autres. Pour ces derniers, l'expert a souhaité savoir si leur rapatriement est obligatoire et si ces personnes qui ont longtemps vécu sur le territoire sri-lankais sont forcées de partir, ce qui serait contraire à l'esprit et à la lettre de la Convention. Concernant la question des réfugiés et des demandeurs d'asile, un expert a souhaité être informé sur le sort des réfugiés retenus à l'aéroport de Colombo en 2000.
Observations finales concernant le rapport de la Trinité-et-Tobago
Dans ses observations finales concernant le rapport de la Trinité-et-Tobago, présentées par M. Raghavan Vasudevan Pillai, membre du Comité chargé de l'examen du rapport, le Comité se félicite de la mise en place d'une Division des droits de l'homme au Ministère de la justice afin de mettre en œuvre les dispositions de la Convention. Le Comité se félicite des mesures proposées pour renforcer les pouvoirs du Médiateur, y compris la possibilité qui lui est donnée de recourir à la Cour suprême pour la mise en œuvre de ses recommandations.
Le Comité est préoccupé par l'absence de mesures spécifiques sur les plans législatif, administratif ou autre visant à la mise en œuvre de l'article 4 de la Convention. Tout en prenant note de l'opinion exprimée par la délégation selon laquelle la criminalisation de la diffusion d'idées basées sur la supériorité d'une race et des organisations racistes pourrait avoir des effets contraires, le Comité souligne les obligations contractées en vertu de la Convention et réitère ses vues concernant le rôle préventif d'une telle législation. Le Comité recommande que l'État partie fournisse dans son prochain rapport des informations statistiques sur les poursuites et les condamnations dans les cas de discrimination raciale. Il rappelle que l'absence de plaintes de victimes de discrimination raciale pourrait être une indication du manque de sensibilisation de la population à l'existence de tels recours légaux.
Le Comité exprime sa préoccupation en ce qui concerne l'absence, dans le rapport de la Trinité-et-Tobago, d'informations spécifiques sur la population autochtone ainsi que sur d'autres groupes ethniques de faible importance. Il est également préoccupé par le fait que l'Autorité de plainte concernant la police, qui reçoit les plaintes sur le comportement des officiers de police et contrôle leurs enquêtes, ne poursuit pas les plaintes de discrimination raciale en raison de leur faible nombre.
Le Comité note l'absence dans le rapport de toute référence à la contribution des organisations de la société civile dans la promotion de l'harmonie ethnique et dans la préparation du rapport périodique et souhaite que le prochain rapport périodique reflète la contribution de ces organisations. La Trinité-et-Tobago est invitée à fournir des informations supplémentaires sur la composition ethnique de la population, le recrutement des membres des minorités dans le service public et le fonctionnement et l'impact de la nouvelle législation visant à la lutte contre la discrimination raciale.
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