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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE ACHÈVE L'EXAMEN DE LA SITUATION EN AUSTRALIE AU TITRE DE LA PROCÉDURE D'ACTION URGENTE

15 mars 1999


MATIN

HR/CERD/99/22
15 mars 1999




Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a achevé, ce matin, l'examen, au titre de la procédure d'action urgente, de la situation en Australie eu égard aux modifications récemment envisagées ou apportées à la loi de 1993 sur les droits fonciers autochtones.

L'experte chargée de l'examen du rapport spécial de l'Australie sur la question, Mme Gay McDougall, a suggéré que le Comité étudie la manière dont il pourrait continuer de débattre de cette question avant la fin de la présente session et avant que d'autres droits autochtones ne viennent s'éteindre et rejoindre la catégorie des «injustices du passé qui ne peuvent être rectifiées».

Les membres suivants du Comité sont également intervenus : M. Theodoor van Boven, M. Mahmoud Aboul-Nasr, M. Luis Valencia Rodriguez, M. Agha Shahi, M. Régis de Gouttes, M. Mario Jorge Yutzis, Mme Shanti Sadiq Ali. Plusieurs experts ont souligné que, quelle que soit la complexité du débat juridique, il n'en demeure pas moins que les points de vue des populations autochtones ont été insuffisamment pris en compte en Australie.

La délégation australienne a apporté des compléments d'informations en ce qui concerne son interprétation de l'arrêt Wik, le régime de confirmation et le régime de validation des droits fonciers, ainsi que le droit de négocier. Pour l'heure, le Gouvernement n'a pas l'intention de revenir sur les modifications apportées en 1998 à la Loi sur les droits fonciers autochtones, a déclaré la délégation.

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport du Koweït (CERD/C/299/Add.16 et Corr.1).


Examen du rapport spécial de l'Australie

La délégation australienne a indiqué que selon le Gouvernement, la décision Wik laisse place à beaucoup d'incertitudes en ce qui concerne les liens entre baux de pâturage et Loi sur les droits fonciers autochtones (Native Title Act). Ce qui est certain, c'est que l'arrêt Wik a montré que des droits fonciers autochtones pouvaient exister sur des baux de pâturage, a souligné la délégation. L'arrêt Wik exige, en la matière, une analyse au cas par cas. Il est un fait que le Gouvernement australien a résisté aux pressions qui visaient à lui faire reconnaître l'extinction de tous les droits fonciers autochtones sur les terres ayant fait l'objet de baux de pâturage. Ce qui est également certain, c'est que désormais, le titulaire d'un bail de pâturage ne peut pas exercer d'autres activités que des activités primaires ni faire reclasser son bail. En outre, les droits fonciers autochtones sont bien mieux protégés qu'ils ne l'étaient par la common law qui admettait l'extinction de droits fonciers autochtones par l'octroi de bail.

La délégation a estimé que l'option offerte aux autochtones d'acheter la terre qui a fait l'objet d'une extinction de droits fonciers autochtones est préférable à celle qui consiste à porter devant les tribunaux des litiges qui entraîneront des procès que les autochtones ont de grandes chances de perdre.

L'approche retenue dans le cadre du régime de confirmation n'est pas discriminatoire, a déclaré la délégation. Ce régime ne fait que reconnaître la situation historique des droits fonciers autochtones qui avaient été éteints par l'octroi de pleine propriété, ce qui n'est nullement contraire à la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Désormais, ce qui est important, c'est que le Gouvernement a décidé que pour l'avenir, il faut empêcher toute autre extinction de droits fonciers autochtones. A l'avenir, les droits fonciers autochtones ne pourront être éteints que par accord du titulaire ou par le biais d'un processus non discriminatoire.

Le régime de validation va dans le sens des recommandations relatives aux populations autochtones en ce qui concerne l'octroi de droits dans le cadre des exploitations minières puisque lorsque la mine cesse d'être exploitée, le titulaire de droits fonciers autochtones recouvre ses droits, a indiqué la délégation. Certes, le régime de validation ne concerne que des actes affectant des droits fonciers autochtones mais cela ne lui confère pas un caractère discriminatoire dans la mesure où cette limitation s'explique par le fait que la loi elle-même ne concerne que les droits fonciers autochtones.

Le Gouvernement australien est d'accord pour reconnaître que le droit de négocier a été retiré dans certains domaines, a admis la délégation; mais lorsqu'il y a retrait de ce droit, la loi prévoit qu'il doit exister d'autres procédures permettant de reconnaître les droits fonciers autochtones.

Un membre du Comité, relevant que la délégation a assuré que 79% des terres australiennes peuvent encore être revendiquées en vertu de la Loi sur les droits fonciers autochtones, s'est enquis de la qualité de ces terres. Il aurait été souhaitable que la délégation reconnaisse la marginalisation des autochtones en Australie, a estimé cet expert avant de souligner que les questions soulevées par la délégation ont été très juridiques et techniques et qu'il aurait été souhaitable que l'on perçoive davantage les êtres humains qui se cachent derrière ce débat.

Le Président du Comité, M. Mahmoud Aboul-Nasr, a affirmé qu'un débat juridique est très monotone et opaque pour le public et a rappelé que le Comité n'est pas un tribunal de juristes. Puisque la délégation affirme que le Gouvernement australien subit de très fortes pressions pour agir dans un sens donné, il serait bon, par exemple, de savoir de qui proviennent ces pressions et quelle est leur nature, a-t-il affirmé. Quoi qu'il en soit du débat juridique, il est un fait que les populations autochtones et leurs points de vue n'ont pas été pris en considération étant donné que les consultations n'ont pas pu aboutir et que le Parlement a finalement imposé son point de vue, a souligné le Président. Le Gouvernement peut-il indiquer s'il peut envisager de revenir sur la législation actuelle afin de s'orienter vers une législation plus concertée avec les populations autochtones, a demandé un autre membre du Comité ?

Un autre expert s'est demandé dans quelle mesure les modifications apportées à la Loi sur les droits fonciers autochtones en 1998 érodent les dispositions de la Loi sur la discrimination raciale (Racial Discrimination Act, 1975). Un membre du Comité a rappelé que les conclusions finales que le Comité avait adoptées en août 1994 à l'issue de l'examen du précédent rapport de l'Australie étaient particulièrement élogieuses. Aussi, comment se fait-il que l'on ait pu passer, en cinq ans, d'une situation si exemplaire à une situation de conflit, a demandé cet expert ? Il y a probablement là l'indice d'un changement profond des milieux politiques et de l'opinion publique, a-t-il estimé. Il serait donc souhaitable que la délégation parle franchement des changements intervenus du point de vue politique à travers le pays. Ce membre du Comité a relevé que le Comité avait d'ailleurs pressenti, en 1994, des potentialités de difficultés puisqu'il considérait déjà comme exorbitante la nécessité, pour les intéressés, d
e prouver qu'ils ont maintenu leurs liens avec la terre revendiquée.

Une experte s'est demandée si, étant donnée la complexité de la situation dans le pays, Mme Gay McDougall ne pourrait pas être invitée à se rendre en Australie pour faire rapport au Comité.

L'experte chargée de l'examen de la situation en Australie, Mme Gay McDougall, a souhaité connaître la durée moyenne d'un bail d'exploitation minière dont la délégation a indiqué ce matin qu'il laissait place aux droits fonciers autochtones à son expiration.







La délégation a reconnu que «le Gouvernement a travaillé sous pression des intérêts ruraux» étant donné que l'arrêt Wik laissait place à certains doutes en ce qui concerne la propriété de terres pourtant détenues, parfois, depuis plusieurs générations. Le Gouvernement a donc choisi la voie du compromis, un compromis qui n'est pas parfait puisqu'il semble qu'actuellement personne n'en soit réellement satisfait. Il est vrai que la plupart des parlementaires sont blancs mais cela n'empêche pas nombre d'entre eux d'être préoccupés par la justice sociale même s'ils ne sont pas autochtones, a affirmé la délégation. Il est regrettable que certains aient l'impression que la situation actuelle est le fruit d'une décision prise à la hâte sous l'action de certaines pressions car la réalité est tout autre, a déclaré la délégation.

A ceux qui lui reprochent de ne pas faire suffisamment cas de la situation critique des autochtones, la délégation a par ailleurs rappelé que dans ses remarques préliminaires, vendredi, elle avait mentionné la marginalisation des autochtones. La restructuration envisagée pour la Commission nationale des droits de l'homme n'entraînera aucune coupe budgétaire, a assuré la délégation.

Pour l'heure, le Gouvernement n'a pas l'intention de revenir sur les modifications apportées en 1998 à la Loi sur les droits fonciers autochtones, a déclaré la délégation.

Mme Gay McDougall a souligné que les questions qui ont été débattues depuis vendredi au sujet de la situation en Australie sont extrêmement complexes. Elle a rappelé que les droits fonciers autochtones sont uniques et font appel à des liens traditionnels qui sont désormais reconnus par le droit international. Relevant que le Gouvernement australien se défend de ne pas pouvoir revenir en arrière afin de remédier aux injustices du passé, elle a souligné que les modifications apportées en 1998 à la Loi sur les droits fonciers autochtones contiennent des dispositions qui sont applicables à des actes datant seulement des années 1994-1996. Elle a rappelé que le mandat du Comité consiste à déterminer la compatibilité de la Loi sur les droits fonciers autochtones telle que modifiée en 1998 avec les dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Certes, en 1994, le Comité considérait la Loi sur les droits fonciers autochtones comme un progrès par rap
port à la situation antérieure, a-t-elle reconnu : mais ce qui importe aujourd'hui le Comité c'est de savoir si les modifications qu'elle a subies ont érodé cette Loi.

L'enjeu est important et ne saurait souffrir que ces questions soient différées, a estimé Mme McDougall. Aussi, a-t-elle suggéré que le Comité étudie la manière dont il pourrait continuer de débattre de cette question avant la fin de la présente session et avant que d'autres droits autochtones ne viennent s'éteindre et rejoindre la catégorie des «injustices du passé qui ne peuvent être rectifiées».

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