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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE TERMINE L'EXAMEN DU RAPPORT DE CHYPRE
03 août 2001
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CERD
59ème session
3 août 2001
Matin
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a achevé, ce matin, son examen du rapport de Chypre. Le Comité adoptera, au cours de la session, des observations finales sur ce rapport.
La délégation chypriote a notamment déclaré que l'occupation d'une partie de son territoire par la Turquie constitue une forme d'apartheid qui prive la population chypriote de la jouissance de tous ses droits et libertés fondamentaux. Dans ce contexte, le droit international constitue le bouclier le plus sûr pour le Gouvernement de Chypre, a déclaré la délégation.
En réponse aux questions posées hier par les experts, la délégation a par ailleurs reconnu que le processus permettant d'amender la Constitution est long et difficile. Concernant les droits des étrangers, la Médiatrice, Mme Eliana Nicolaou, a déclaré que le Département de l'immigration collabore avec ses services et a le souci constant de pratiquer ses activités en accord avec les traités internationaux protégeant les droits de l'homme.
M. Patrick Thornberry, expert chargé de l'examen du rapport de Chypre, a noté le sérieux avec lequel le Gouvernement chypriote a répondu aux observations et recommandations finales adoptées précédemment par le Comité. Il a rappelé les observations du Comité concernant la nécessité d'interdire les organisations racistes et de permettre la déposition de plaintes contre les forces de police, notamment. M. Thornberry a enfin indiqué qu'il présentera au Comité un projet de résolution concernant la situation à Chypre et l'application sur tout le territoire des dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination.
Sont également intervenus les experts suivants du Comité: M. Luis Valencia Rodríguez, M. Mahmoud Aboul-Nasr, M. Agha Shahi, M. Mario Jorge Yutzis, M. Michael E. Sherifis, Mme January-Bardill et M. Régis de Gouttes.
Le Comité a poursuivi, en fin de séance, l'examen de la question de sa participation à la préparation de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée.
Le Comité entamera, cet après-midi à partir de 15 heures, son examen du rapport périodique des États-Unis (CERD/C/351/Add.1).
Examen du rapport de Chypre
En réponse aux questions posées hier par les experts, la délégation chypriote a déclaré que la participation des organisations non gouvernementales à l'élaboration du rapport sera mieux prise en compte à l'avenir. Elle a indiqué que dans l'affaire «Denizci et autres contre Chypre», la Cour européenne des droits de l'homme n'a pas retenu la plainte pour torture mais a reconnu l'existence de mauvais traitements de la part de la police à l'égard du détenu. Le Procureur général a donc ordonné sa libération et lui a donné la possibilité de présenter un recours devant le Médiateur, opportunité qu'il n'a pas utilisée. Parmi les autres plaignants, quatre étaient d'origine rom, mais les allégations de discrimination à l'égard de la communauté tzigane ont été prononcées trop tard pour pouvoir être reçues. Concernant les résultats de l'enquête suite aux incidents rapportés par Amnesty International, à savoir une révolte des détenus dans une prison de Chypre qui aurait donné lieu à de mauvais traitements de la part d'un officier de police, la délégation a indiqué que le tribunal a acquitté l'accusé.
La délégation a déclaré que la Constitution n'est pas considérée comme immuable à Chypre et qu'il est possible de lui apporter des amendements, mais le processus est très long et très difficile, a-t-elle reconnu. Ainsi, pour l'amendement de 1989 visant à l'abolition des privilèges de l'Église pour le mariage, la Cour suprême a dû statuer à deux reprises et l'amendement a été accepté à une très courte majorité. Dans ce cadre, la délégation a estimé qu'il n'existe pas de discrimination à l'égard des groupes ethniques et des minorités religieuses dans le domaine de l'exercice des droits politiques, mais elle a reconnu qu'en vertu de la Constitution actuelle, toutes les communautés minoritaires doivent choisir une des deux communautés majoritaires ) chypriote grecque ou chypriote turque ) pour les exercer. La nécessité d'apporter dans le futur, un amendement de la Constitution afin de se conformer aux dispositions de la Convention a toutefois été admise. Mais la délégation a affirmé le droit de la République indépendante de Chypre d'apporter des amendements à sa Constitution lorsqu'elle le juge bon.
S'agissant du nombre des étrangers présents sur le territoire chypriote, la délégation a indiqué qu'il s'agit de soldats britanniques sous autorité britannique, de soldats grecs, et de plus de 30 000 soldats des forces d'occupation turque, ainsi que des forces des Nations Unies. Pour ce qui est du droit des étrangers, la Médiatrice a déclaré au Comité que le Département de l'immigration fait preuve d'un esprit de collaboration et d'un souci constant de pratiquer ses activités en accord avec les traités internationaux protégeant les droits de l'homme. Les procédures ont été récemment révisées pour faire face à l'arrivée importante de travailleurs migrants, et notamment de travailleurs illégaux.
La délégation a expliqué que l'interdiction des mariages mixtes est un héritage de la période coloniale. Le mariage civil a été introduit en 1989 et un projet de loi est actuellement soumis à la Chambre des représentants afin de permettre les mariages entre Chypriotes grecs et Chypriotes turcs.
Dans le domaine de l'enseignement, la délégation a indiqué qu'il existe des programmes gouvernementaux d'enseignement en turc. Dans les universités, les langues grecque et turque sont utilisées et il est interdit de refuser l'inscription d'un Chypriote turc dans une université ou tout autre établissement scolaire.
Concernant la question de l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes, la délégation a déclaré qu'un nouveau projet de loi sera prochainement présenté à la Chambre des représentants. Ce projet prévoit l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes dans le domaine du travail, qu'il s'agisse des conditions d'embauche, des salaires et des recours en cas de discrimination. Les plaignantes n'auront plus à fournir elles-mêmes les preuves de discrimination et pourront recevoir des dédommagements. La délégation a également fait part de mesures récentes contre la traite des femmes. Les plus vulnérables sont les artistes de spectacle et les hôtesses de boîtes d'origine étrangère dont l'entrée dans le pays est désormais mieux contrôlée.
La délégation a indiqué qu'au titre de la loi, toute personne participant à une organisation encourageant la discrimination raciale peut être accusée de collusion. Elle a toutefois reconnu que des lois complémentaires doivent être élaborées afin de mettre en œuvre toutes les dispositions de l'article 4 de la Convention concernant la condamnation de toute propagande et toutes organisations s'inspirant d'idées fondées sur la supériorité d'une race. En revanche, la délégation a exprimé des doutes quant à l'utilité de la déclaration de reconnaissance de la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de personnes placées sous sa juridiction, prévue au titre de l'article 14 de la Convention, car seules deux communications ont été déposées à ce jour.
La délégation a remercié les experts qui ont demandé qu'une issue soit rapidement trouvée concernant l'occupation turque à Chypre. Elle a déclaré que cette occupation constitue une forme d'apartheid qui prive la population chypriote de la jouissance de tous ses droits et libertés fondamentaux. Dans ce contexte, le droit international constitue le bouclier le plus sûr pour le Gouvernement de la République de Chypre, a-t-elle indiqué. Elle a toutefois estimé que la difficulté réside dans le fait que le seul tribunal international reconnu par la Turquie est la Cour européenne des droits de l'homme. Or, le Gouvernement turc a rejeté la récente décision prise par cette Cour en faveur de Chypre. Les recours juridiques internationaux sont donc limités dans les faits.
M. Patrick Thornberry, expert chargé de l'examen du rapport de Chypre, a noté le sérieux avec lequel le Gouvernement chypriote a abordé et répondu aux observations et recommandations finales du Comité. De nombreuses mesures positives ont été prises à Chypre pour améliorer l'application des dispositions de la Convention. M. Thornberry a rappelé les observations du Comité concernant la nécessité d'interdire les organisations racistes et de prendre des mesures permettant de porter plainte contre les forces de police, notamment. Il a estimé que les problèmes complexes, anciens et nouveaux, auxquels est confronté le Gouvernement chypriote sont abordés avec sérieux et respect du droit international. Il a souhaité que la Convention serve de texte de référence pour le Gouvernement chypriote afin qu'il apporte les modifications nécessaires à sa Constitution.
M. Thornberry a indiqué qu'il présentera un projet de résolution concernant la situation à Chypre, qui empêche la mise en œuvre, sur tout le territoire, de toutes les dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination.
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