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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE CHYPRE
02 août 2001
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CERD
59ème session
2 août 2001
Après-midi
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a entamé, cet après-midi, l'examen du rapport de Chypre sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Présentant le rapport de son pays, M. Alecos Markides, Procureur général et Ministre de la justice de la République de Chypre, a regretté de ne pouvoir fournir toutes les informations demandées par le Comité lors de ses recommandations finales précédentes, en raison de l'occupation militaire illégale d'une partie de son territoire par les forces turques. Il a estimé que la tâche principale de son gouvernement est actuellement de mettre en place une nouvelle législation complète concernant les étrangers et l'immigration, conformément aux dispositions des traités internationaux. Un projet de loi sur la question devrait être présenté au Parlement dans six mois.
L'importante délégation chypriote est également composée de M. George Stavrinakis, Commissaire aux lois; de Mme Eliana Nicolaou, Médiatrice, accompagnée d'un de ses collaborateurs; de Mme Eleni Loizidou, du Bureau du Procureur général; de M. Alexandros Vikis, Représentant permanent de Chypre auprès des Nations Unies à Genève et de deux autres membres de la Mission de Chypre.
M. Patrick Thornberry, membre du Comité chargé de l'examen du rapport de Chypre, s'est félicité de la création récente de l'Organisme national de la protection des droits de l'homme. Il s'est notamment interrogé sur le fait que les membres des petites communautés chypriotes doivent adhérer à l'une des deux communautés principales pour jouir librement de leurs droits politiques. Dans le domaine de l'éducation, l'expert a noté avec satisfaction les nombreux développements récents qui prévoient la prise en compte des groupes ethniques et l'établissement d'écoles élémentaires pour les Maronites. Mais la sensibilisation de la majorité de la population aux cultures des différents groupes ethniques, ainsi que l'utilisation des langues des minorités, dans les écoles en particulier, a semblé lacunaire.
Les experts suivants du Comité sont également intervenus: M. François Lonsény Fall, M. Marc Bossuyt, M. Régis de Gouttes, M. Luis Valencia Rodríguez, Mme Gay McDougall, M. Ion Diaconu, M. Raghavan Vasudevan Pillai, M. Mario Jorge Yutzis, M. Mahmoud Aboul-Nasr et M. Yuri A. Rechetov.
Le Comité poursuivra l'examen du rapport de Chypre demain, vendredi 3 août, à partir de 10 heures.
Présentation du rapport de Chypre
Présentant le rapport de son pays, M. Alecos Markides, Procureur général et Ministre de la justice de la République de Chypre, a indiqué que de nombreux faits nouveaux sont intervenus depuis la rédaction du rapport périodique, c'est pourquoi un rapport supplémentaire a été rédigé.
Il a rappelé que la République de Chypre est dotée d'un système démocratique de gouvernement. La Constitution est la loi suprême du pays. Les dispositions des traités internationaux sont intégrées au droit interne et prévalent sur la législation interne en cas de divergence. L'article 28 de la Constitution chypriote établit le principe de l'égalité et interdit directement toutes les formes de discrimination raciale.
M. Markides a regretté de ne pouvoir fournir toutes les informations demandées par le Comité lors de ses recommandations finales précédentes, en raison de l'occupation militaire illégale d'une partie de son territoire par les forces turques. Pour la même raison, il est impossible pour le Gouvernement chypriote d'appliquer toutes les dispositions de la Convention dans le territoire occupé depuis 1974. Dans ce cadre, M. Markides a mentionné la décision prise le 10 mai 2001 par la Cour européenne des droits de l'homme qui dénonce la violation du droit à la propriété des personnes déplacées d'origine chypriote grecque.
Malgré les améliorations de la situation des droits de l'homme à Chypre, il y a encore des allégations de mauvais traitement de détenus perpétrés par la police, a déploré le Ministre de la justice. Le Conseil des ministres a récemment pris la décision d'étendre le pouvoir du Procureur général afin qu'il lance des enquêtes sur le comportement de la police. Depuis avril 2001, le Procureur général n'a plus besoin de recevoir une plainte écrite de la part des victimes supposées : il peut intervenir dès qu'il reçoit une information, par la presse ou par d'autres voies, concernant des cas de discrimination raciale.
M. Markides a souligné qu'il est important de promouvoir la sensibilisation aux droits de l'homme dans les écoles, dans le cadre de séminaires et d'autres événements culturels et dans les programmes de télévision et de radio.
La tâche principale actuellement est de mettre en place une nouvelle législation complète concernant les étrangers et l'immigration qui soit conforme aux dispositions des traités internationaux, a déclaré le Ministre de la justice. Il a indiqué qu'une nouvelle loi devrait être présentée au Parlement dans six mois environ.
Le rapport de Chypre (CERD/C/384/Add.4) réunit en un seul document les quinzième et seizième rapports périodiques. Un rapport supplémentaire (disponible en anglais seulement), en date du 29 juillet 2001, a également été distribué. Le rapport indique que la population de Chypre
est composée de 84% de Chypriotes grecs, de 12% de Chypriotes turcs, de 0,4% d'Arméniens, de 0,6% de maronites, de 0,1% de personnes appartenant à la communauté latine et de 3% d'étrangers. Il rappelle que la Constitution de la République de Chypre est fondée sur un système de quotas qui régit la participation des deux principales communautés chypriotes dans tous les secteurs de la vie publique. Aux termes de la Constitution, 70% des sièges sont réservés à la communauté chypriote grecque et 30% à la communauté chypriote turque.
Le rapport fait état de la modification en 1998 de la loi sur la citoyenneté, afin de supprimer la discrimination qui existait jusqu'alors entre les citoyens chypriotes de sexe masculin et féminin. Il évoque également la création en septembre 1998 de l'Organisme national pour la protection des droits de l'homme. Il s'agit d'un organisme indépendant composé de deux comités: le Comité de mise en œuvre qui s'occupe de l'application des conventions et le Comité directeur qui s'occupe de l'examen des plaintes. Son président est nommé pour cinq ans par le Conseil des ministres. Le rapport fait état de nouvelles lois de 1999 et 2000 visant à la protection des femmes et des enfants contre l'exploitation.
Le rapport rappelle que, depuis l'invasion turque de 1974 et l'expulsion forcée de la plupart des Chypriotes grecs qui vivaient dans la partie occupée de Chypre, les possibilités de relation économiques entre les deux principales communautés sont pratiquement inexistantes. Le fait que la Turquie porte la responsabilité de la séparation continue des deux communautés et de la privation des Chypriotes de tous leurs droits a fait récemment l'objet d'une décision de la Cour européenne des droits de l'homme, fait remarquer le rapport.
Examen du rapport de Chypre
M. Patrick Thornberry, expert du Comité chargé de l'examen du rapport de Chypre, s'est félicité de la création récente de l'Organisme national de la protection des droits de l'homme. Il a demandé si, lors des consultations menées pour la rédaction du rapport présenté au Comité, les points de vue des communautés arménienne et latine ont été pris en compte. De même, le rôle du Commissaire aux minorités récemment institué et celui des organisations non gouvernementales dans la rédaction du rapport nécessiteraient des éclaircissements. De manière plus générale, la collaboration avec les organisations non gouvernementales a été encouragée par les experts.
Concernant les statistiques démographiques fournies par le rapport, M. Thornberry s'est félicité des efforts fournis par le Gouvernement chypriote pour proposer des données aussi complètes que possible étant donné la situation politique prévalant à Chypre. Des informations supplémentaires ont cependant été demandées quant à l'installation de Chypriotes turcs sur des territoires considérés par les Turcs comme leur appartenant. Par ailleurs, l'absence de mention de la minorité rom a fait l'objet d'interrogations. L'expert a soulevé des problèmes de définition de la minorité maronite, qualifiée dans le rapport de minorité religieuse alors qu'elle est aussi une minorité culturelle et linguistique. De même, la définition de la minorité dite «latine» pose problème. La place faite aux nouveaux immigrants parmi les minorités mérite aussi quelques précisions. De manière générale, des statistiques actualisées sur la composition ethnique de la population chypriote ont été souhaitées.
En ce qui concerne la participation des communautés minoritaires à la vie politique du pays, M. Thornberry s'est interrogé sur le fait que les membres des petites communautés chypriotes doivent adhérer à l'une des deux communautés principales pour jouir librement de leurs droits politiques. Bien que cette disposition ait des justifications historiques, il a semblé problématique
que les petites communautés ne puissent pas participer à la vie politique en conservant leur appartenance propre. Par ailleurs, l'expert a regretté que les Chypriotes turcs ne puissent pas participer aux votes au Parlement et aux élections présidentielles. Il a également demandé des explications sur l'interdiction du mariage mixte entre les Chypriotes turcs et les Chypriotes grecs. Il a également souhaité connaître le nombre de Chypriotes turcs au sein de l'administration .
M. Thornberry a par ailleurs exprimé des réserves sur le fait que le texte de la Constitution soit considéré comme immuable. Il a rappelé que du point de vue du droit international, l'impossibilité de changer une Constitution ne peut constituer une excuse à la violation d'un principe international. Il a encouragé le Gouvernement chypriote à mener une réflexion sur la possibilité de moderniser la Constitution. M. Thornberry a également regretté que les dispositions visant à la protection des individus contre les violations dans le secteur privé soient en nombre limité. Il s'est en outre interrogé sur l'existence d'une législation contre la discrimination raciale dans le domaine de l'emploi.
Dans le domaine de l'éducation, M. Thornberry s'est félicité des nombreux développements récents qui prévoient la prise en compte des groupes ethniques et l'établissement d'écoles élémentaires pour les Maronites. Mais la sensibilisation de la majorité de la population aux cultures des minorités, dans les écoles en particulier, a semblé lacunaire. La langue d'enseignement a également fait l'objet de questions: le turc est-il enseigné, par exemple?
L'expert a exprimé son inquiétude s'agissant de plusieurs cas de mauvais traitements infligés par la police à des Chypriotes turcs et à des étrangers illégaux. À cet égard, il a noté que le Procureur général a instruit une plainte et a permis le paiement d'une compensation dans le cas «Denizci et autres contre Chypre». Dans ce cas précis, il a demandé si certaines des victimes chypriotes turques appartenaient également à la minorité rom. Les fonctions du Médiateur nécessitent des précisions, a-t-il ajouté. À cet égard, il a demandé s'il est vrai que le Médiateur reçoit un grand nombre de plaintes concernant des étrangers et les services de l'immigration. L'expert a regretté l'absence d'une agence gouvernementale chargée de collecter des informations sur la discrimination, d'un organe spécialisé pour combattre le racisme et l'intolérance et d'un organe indépendant pour les plaintes concernant la police.
Concernant les travailleurs migrants, M. Thornberry a noté que la procédure concernant l'examen des plaintes déposées par les employés de maison étrangers a été révisée. Cependant, est-il possible que ces travailleurs étrangers craignent de déposer une plainte par peur de la déportation, puisque le droit de résidence est directement lié au recrutement par une entreprise spécifique? De manière plus générale, l'expert a estimé qu'une nouvelle politique de l'immigration, plus généreuse et sensible à la discrimination raciale, permettrait à Chypre de s'adapter à sa situation de pays d'émigration. Des données sur la composition de la population immigrée devraient en outre figurer dans le prochain rapport.
Plusieurs experts ont soulevé la question de la protection des femmes chypriotes contre la discrimination. Ils ont demandé des informations sur l'adoption des projets de loi concernant la protection des femmes contre la violence, la lutte contre la traite et l'exploitation sexuelle des femmes et le harcèlement sexuel dans le cadre du travail. Dans ce domaine aussi, ils ont regretté que le rapport ne fournisse pas d'exemples ou de statistiques judiciaires sur les plaintes, les poursuites, les jugements et les réparations en matière d'infractions ou d'actes de discrimination à l'égard des femmes.
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