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LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT EXAMINE LE RAPPORT PÉRIODIQUE DE LA SYRIE
03 juin 2003
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CRC
33ème session
3 juin 2003
Le Comité des droits de l'enfant a examiné, aujourd'hui, le deuxième rapport périodique de la Syrie, qui a été présenté par la Ministre des affaires sociales et du travail de la Syrie. La ministre a notamment souligné que le pays poursuit l'objectif de l'épanouissement de l'enfant et a indiqué qu'une Conférence nationale sur l'enfance se tiendra en octobre prochain en Syrie afin d'assurer le suivi du Sommet mondial sur les enfants de l'an dernier.
Présentant en fin de journée des observations préliminaires sur l'application de la Convention dans le pays, Mme Ghalia Mohd Bin Hamad Al-Thani, membre du Comité chargé de l'examen du rapport syrien, a noté en particulier que plusieurs de ses collègues ont fait des observations sur la question des réserves que la Syrie a émises à l'égard de plusieurs dispositions de la Convention, et a estimé que le Comité devrait recommander à la Syrie de retirer ces réserves. Il devrait également être recommandé à la Syrie de prendre toutes les mesures nécessaires afin d'empêcher toute discrimination à l'encontre de certaines catégories d'enfants, notamment, les enfants nés hors mariage. De l'avis de la rapporteuse, le Comité devrait recommander à la Syrie d'adopter une loi interdisant tout châtiment corporel contre les enfants, que ce soit à la maison ou à l'école. Une recommandation devrait en outre demander au pays de lutter contre l'absentéisme scolaire, a indiqué Mme Al-Thani. Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport syrien avant de les rendre publiques à la fin de la présente session, vendredi prochain.
La Ministre des affaires sociales et du travail de la Syrie, Mme Ghada Al Jabi, a présenté le rapport de son pays en attirant l'attention sur la création du Comité supérieur de l'enfance, chargé de toutes les activités relatives à l'enfance dans tous les domaines. Elle a aussi indiqué que tous les délits commis par des jeunes âgés de 7 à 18 ans sont amnistiés. En outre, tous les efforts sont faits pour réintégrer les enfants délinquants dans la société, a-t-elle insisté. Elle a par ailleurs souligné qu'il ne fait aucun doute que l'occupation israélienne du Golan syrien empêche la Syrie d'assurer la mise en œuvre de la Convention sur tout son territoire.
La délégation syrienne était composée, notamment, de M. Mohammad Yasminah, Vice-Ministre de l'éducation pour les affaires d'avant-garde et l'enseignement élémentaire; ainsi que de représentants du Ministère de la justice, du Ministère de la santé et de la Mission permanente de la Syrie auprès des Nations Unies à Genève. Elle a apporté des réponses aux questions soulevées par les membres du Comité en ce qui concerne, entre autres, les réserves que le pays a émises à l'égard de certaines dispositions de la Convention; le rôle et le fonctionnement du Comité supérieur de l'enfance; l'âge de la responsabilité pénale et l'âge minimum du mariage; les questions d'éducation et de santé; la violence et la maltraitance à l'égard des enfants; les réfugiés palestiniens.
Le Comité entamera demain matin, à 10 heures, l'examen du rapport initial du Kazakhstan (CRC/C/41/Add.13).
Présentation du rapport de la Syrie
MME GHADA AL JABI, Ministre des affaires sociales et du travail de la Syrie, a rappelé que son pays fut l'un des premiers pays à ratifier la Convention relative aux droits de l'enfant. L'enfance est l'une des priorités de la République arabe syrienne, tant au niveau de la politique officielle que de la base, a-t-elle affirmé. Elle a par ailleurs souligné que la Syrie poursuit l'objectif de l'épanouissement de l'enfant et a notamment établi dans cette optique un Comité supérieur de l'enfance qui est chargé de toutes les activités relatives à l'enfance dans tous les domaines, y compris du point de vue de leur coordination. Ce Comité supérieur s'occupe aussi des problèmes tels que le trafic d'enfants et la pornographie impliquant des enfants, a ajouté Mme Al Jabi.
Mme Al Jabi a en outre indiqué qu'un décret publié en 2002 prévoit une amnistie pour tous les délits commis par des jeunes âgés de 7 à 18 ans. Elle a également souligné qu'un projet de loi spéciale sur les handicapés prévoit la mise en place d'un Conseil supérieur sur l'invalidité. Pour sa part, a-t-elle poursuivi, le Ministère de la santé a adopté de nouveaux programmes tels que celui qui vise à faire effectuer aux futurs époux une visite médicale avant le mariage.
La nouvelle législation dans le domaine de la justice pour mineurs place la protection de l'enfance au premier plan, a poursuivi la Ministre des affaires sociales et du travail. Tous les efforts sont faits pour réintégrer les enfants délinquants dans la société, a-t-elle insisté. Elle a précisé que les affaires impliquant des délinquants mineurs sont traitées par des tribunaux pour mineurs. Mme Al Jabi a par ailleurs indiqué qu'une Conférence nationale sur l'enfance se tiendra en octobre prochain en Syrie afin d'assurer le suivi du Sommet mondial sur les enfants de l'an dernier.
La ministre syrienne a souligné que l'occupation du Golan syrien constitue la principale violation des droits des Syriens. Elle s'est traduite par des déplacements de personnes et des confiscations de terres, sans parler des multiples violations ayant des conséquences directes sur les droits de l'enfant. Il ne fait aucun doute que l'occupation israélienne du Golan syrien empêche la Syrie d'assurer la mise en œuvre de la Convention sur tout son territoire, a souligné Mme Al Jabi. Elle a réaffirmé l'engagement de son pays en faveur d'une paix totale et juste fondée sur les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. Il faut qu'Israël évacue totalement les territoires occupés, y compris le Golan syrien occupé, a-t-elle insisté.
Le deuxième rapport périodique de la Syrie (CRC/C/93/Add.2) signale d'emblée que les enfants syriens n'ont pas tous accès à la protection et aux services fournis par le Gouvernement parce que certains d'entre eux vivent dans des régions qui sont sous le joug de l'occupant israélien. Il précise en outre que la Syrie a fait de la paix un choix et un objectif stratégiques dans le cadre de sa politique intérieure et extérieure. Récemment, en dépit du manque de ressources financières et autres, le Gouvernement syrien a déployé d'intenses efforts pour promouvoir les politiques relatives à l'enfance et instaurer un environnement propice au bien-être, à la croissance et au développement de l'enfant, poursuit le rapport. Les autorités ont établi une base de données multi-indicateurs, un tel outil étant indispensable pour les différents ministères et organismes publics lors de l'élaboration de plans de développement globaux. Récemment, ajoute le rapport, l'État s'est efforcé de moderniser et de modifier de nombreuses lois. À cet égard, plusieurs projets de loi, dont certains avaient trait à la situation des enfants, ont été présentés à l'Assemblée du peuple, l'objectif étant de mettre la législation en conformité avec les nouveaux règlements et instruments internationaux. Un de ces projets de loi vise à relever l'âge limite de l'exercice du droit de garde par la mère et un autre tend à en faire de même pour l'âge minimum d'admission à l'emploi.
Le rapport souligne que la réserve émise au sujet de l'article 14 de la Convention, concernant le droit de l'enfant à la liberté de pensée, de conscience et de religion, se rapporte uniquement au droit de l'enfant de choisir sa religion. «Selon nous, explique le rapport, ce droit est plus nocif que bénéfique pour l'enfant en ce sens qu'il constitue une source de conflit entre lui et sa famille en cas de divergence sur la religion». En ce qui concerne la réserve faite au sujet du droit à l'adoption (articles 20 et 21 de la Convention), il convient de noter qu'elle ne vise pas à interdire la kafalah dans le cas des enfants trouvés, dès lors que celle-ci est garantie par la législation syrienne, mais tend uniquement à empêcher une famille qui prend en charge un enfant trouvé dans le cadre de la kafalah de lui donner son nom. En vertu de la loi sur les mineurs, les enfants jouissent de la capacité juridique à partir de l'âge de sept ans et ne peuvent pas être poursuivis pénalement avant 15 ans révolus, précise en outre le rapport.
Examen du rapport syrien
Mme Ghalia Mohd Bin Hamad Al-Thani, rapporteuse du Comité pour l'examen du deuxième rapport périodique de la Syrie, a noté que la Syrie dispose désormais d'une solide base de données, ce qui est essentiel pour pouvoir se faire une bonne idée de la situation des enfants dans le pays. Mme Al-Thani a néanmoins relevé que certaines dispositions de la Convention ne semblent avoir été mises en œuvre que partiellement. Elle a également relevé que la Syrie n'a pas ratifié certains instruments internationaux, s'agissant notamment de l'adoption.
Un autre membre du Comité a fait observer que jusqu'ici, la plupart des pays qui avaient émis des réserves à l'égard des articles 20 et 21 de la Convention, qui portent sur les questions d'adoption, les ont finalement retirées. Un expert a jugé très sérieux le problème des réserves que la Syrie maintient à l'égard de la Convention.
À cet égard, la délégation a indiqué que la réserve que la Syrie a émise à l'égard de l'article 14 de la Convention, qui porte sur la liberté de pensée, de conscience et de religion, n'est limitée qu'au seul droit de l'enfant à choisir sa religion. Pour ce qui est de la liberté de pensée et de conscience, la Syrie s'efforce de créer l'environnement le mieux adapté à l'enfant afin qu'il puisse jouir de ce droit, a assuré la délégation. S'agissant de la réserve que la Syrie a émise à l'égard des articles 20 et 21 de la Convention portant sur l'adoption, la délégation a expliqué que le principe de la kafalah garantit à l'enfant des possibilités d'adoption sans toutefois que cela ne s'accompagne de la transmission du nom de famille à l'enfant dans la mesure où cela aurait des répercussions en matière d'héritage. Il s'agit là d'une réserve émise à titre préventif afin de ne pas donner l'impression que l'on accepte le principe de l'adoption classique par laquelle l'enfant prend le nom de ses parents adoptifs, a indiqué la délégation.
En ce qui concerne le rôle et le fonctionnement du Comité supérieur de l'enfance, la délégation a indiqué que cet organe est l'autorité chargée d'élaborer la politique en faveur de l'enfance, d'en assurer le suivi et d'en contrôler l'application. Ce Comité supérieur dispose d'un budget qui lui est propre. Il est par exemple chargé de la préparation de la Conférence nationale sur l'enfance qui se tiendra en octobre prochain, a indiqué la délégation. Ce Comité supérieur examine les projets de loi avant qu'ils ne soient transmis aux autorités compétentes, a-t-elle ajouté. Actuellement, par exemple, il examine un projet de loi sur les handicapés, a précisé la délégation.
La délégation a par ailleurs expliqué que, si l'on constate actuellement une augmentation du nombre de personnes handicapées en Syrie, c'est parce que la politique préventive mise en place par le Gouvernement dans ce domaine fait que désormais, le handicap n'est plus considéré comme un tabou et les familles n'hésitent pas à fournir des informations sur les handicaps qui frappent leurs enfants.
La délégation a indiqué que la Syrie est en train de mettre en place un parlement des enfants. Elle a aussi fait valoir que la Syrie compte près de 600 organisations non gouvernementales, dont le travail est très utile.
S'agissant de l'âge de la responsabilité pénale, la délégation a indiqué qu'un enfant de moins de 15 ans ne peut pas être considéré comme responsable de ses actes. Aucune sanction pénale ne peut donc être prise à son encontre, a insisté la délégation. Seules des mesures de protection peuvent être prises à l'égard de l'enfant en conflit avec la loi âgé de 7 à 15 ans, a-t-elle ajouté.
L'âge minimum du mariage est fixé en Syrie à 17 ans pour les filles et à 18 ans pour les garçons, a en outre indiqué la délégation. Cet écart entre les deux sexes s'explique par le fait que le futur mari doit pouvoir financièrement subvenir aux besoins de sa future épouse et qu'il faut donc attendre, pour qu'il se marie, qu'il ait atteint l'âge d'assumer cette responsabilité. L'âge minimum du mariage fixé en Syrie pour les filles peut être considéré comme plutôt élevé, notamment si on le compare à ce qu'il est au Royaume-Uni, par exemple, où il est fixé à 16 ans, a fait remarquer la délégation.
La délégation a expliqué que l'enfant abandonné est un enfant dont on ignore qui sont les parents alors que l'enfant né hors mariage est un enfant né de parents connus. Dans ce dernier cas, la mère peut obliger le père, devant les tribunaux, à reconnaître sa paternité, a souligné la délégation. La délégation a par ailleurs indiqué que si les parents ne peuvent assumer la garde de leur enfant, c'est un autre membre de la famille qui est choisi pour garder l'enfant, celui-ci n'étant envoyé dans une institution d'accueil qu'en dernier recours, lorsque tous les autres membres de la famille ont refusé ou n'ont pas été en mesure de prendre en charge l'enfant.
En ce qui concerne les questions d'éducation, la délégation a notamment indiqué que des mesures ont été prises cette année pour envisager de faire passer de six à neuf années la durée de l'obligation scolaire. La délégation a par ailleurs souligné que du point de vue du droit, il n'existe aucune distinction entre filles et garçons en matière d'éducation. La délégation a néanmoins reconnu que les parents exigent parfois des jeunes filles qu'elles apportent une aide dans les tâches ménagères notamment, ce qui les conduit parfois à quitter l'école. Préoccupées par ce problème, les autorités ont pris un certain nombre de mesures spécifiques en vertu desquelles, par exemple, des écoles ont mis en place des horaires d'enseignement flexibles afin de permettre aux jeunes filles concernées d'effectuer une année de classe en deux années civiles, a précisé la délégation.
S'agissant des questions relatives à la violence et à la maltraitance contre les enfants, la délégation a notamment indiqué qu'un séminaire national sur la maltraitance des enfants s'est tenu cette année en Syrie. La police syrienne suit des cours de formation quant à la façon de traiter les jeunes, a par ailleurs souligné la délégation. S'il est prouvé qu'un membre de la police a mal agi, il est immédiatement sanctionné, a-t-elle assuré.
La délégation a d'autre part indiqué qu'il y a en Syrie 450 000 réfugiés palestiniens qui jouissent de tous les droits dont jouissent les Syriens à l'exception du droit de vote. Le Haut Commissariat pour les réfugiés dispose d'un bureau en Syrie en vertu d'un accord passé avec le Ministère des affaires étrangères, a précisé la délégation. La guerre qui vient d'être livrée à l'Iraq a montré l'utilité d'un tel bureau à Damas, a-t-elle ajouté.
En ce qui concerne la question des mines antipersonnel, la délégation a rappelé que, depuis 1967, le Golan syrien est occupé par Israël. Par conséquent, le problème des mines terrestres antipersonnel est à mettre en rapport avec cette occupation israélienne, a affirmé la délégation. Pour sa part, la Syrie ne produit ni n'utilise de telles mines, a-t-elle assuré.
Pour ce qui est des questions de santé, la délégation a notamment rappelé que l'année 2002 avait été déclarée année de la vaccination à 100%. La délégation a par ailleurs affirmé que le VIH/sida n'est pas véritablement un problème en Syrie, ce qui n'empêche pas les autorités de lancer des campagnes d'information sur cette maladie. La législation régissant les cliniques privées prévoit que 10% des lits de ces établissements doivent être mis à disposition gratuitement, a en outre souligné la délégation. Elle a par ailleurs indiqué que toute publicité pour la consommation de tabac est désormais interdite.
Observations finales sur le rapport de la Syrie
Présentant en fin de journée des observations préliminaires sur l'application de la Convention dans le pays, Mme Ghalia Mohd Bin Hamad Al-Thani, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport syrien, a jugé très enrichissant le dialogue qui s'est noué au cours de cette journée. Elle a rappelé que nombre de membres du Comité se sont prononcés sur la question des réserves que la Syrie a émises à l'égard de plusieurs dispositions de la Convention, de sorte que, dans le cadre de ses observations finales sur ce rapport, le Comité ne devrait pas manquer de présenter une recommandation visant à ce que la Syrie retire lesdites réserves. Une recommandation devrait également préconiser l'établissement d'une autorité spécifiquement chargée de la mise en œuvre de la Convention et du contrôle de cette mise en œuvre. Il devrait également être recommandé à la Syrie de prendre toutes les mesures nécessaires afin d'empêcher toute discrimination à l'encontre de certaines catégories d'enfants tels que ceux nés hors mariage. S'agissant de la violence contre les enfants, le Comité devrait recommander à la Syrie d'adopter une loi interdisant tout châtiment corporel contre les enfants, que ce soit à la maison ou à l'école. Une recommandation devrait en outre demander au pays de lutter contre l'absentéisme scolaire, a estimé Mme Al-Thani.
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