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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT EXAMINE LE DEUXIÈME RAPPORT PÉRIODIQUE DE CHYPRE

21 mai 2003



CRC
33ème session
21 mai 2003





Le Comité des droits de l'enfant a examiné aujourd'hui le deuxième rapport périodique de Chypre sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant.
Présentant en fin de journée des observations préliminaires sur le rapport de Chypre, Mme Marilia Sardenberg, membre du Comité chargée de l'examen de ce rapport, a notamment indiqué que, s'agissant de Chypre, les observations finales que le Comité adoptera ultérieurement à huis clos avant de les présenter à la fin de la session, le vendredi 6 juin, devraient relever un certain nombre de faits positifs et tenir compte des faits nouveaux intervenus récemment dans le pays. Mme Sardenberg a invité Chypre à considérer l'enfant comme sujet de droit et, dans ce contexte, à traduire en actes concrets, susceptibles d'améliorer encore davantage la situation des enfants, l'engagement du Gouvernement en faveur des droits de l'enfant.
Présentant le rapport de son pays, Mme Leda Koursoumba, Commissaire aux lois de Chypre, chargée de la révision et de la consolidation de la législation, a souligné que la préparation de l'accession du pays à l'Union européenne et les efforts déployés afin d'apporter une solution au problème politique de Chypre ont monopolisé toutes les ressources du Gouvernement. Elle a néanmoins a assuré que la situation dans le pays s'est améliorée, même s'il reste des améliorations possibles, le pays devant notamment effectuer un énorme effort pour mettre sa législation en conformité avec ce qu'il est convenu d'appeler les acquis communautaires de l'Union européenne, a-t-elle précisé.
La délégation chypriote était également composée de représentantes de la Mission permanente de Chypre auprès des Nations Unies à Genève, du Ministère du travail et de la prévoyance sociale, du Ministère de l'éducation, et du Bureau du Procureur général. Elle a apporté des réponses aux questions soulevées par les membres du Comité s'agissant, entre autres, de la définition de l'enfant, eu égard notamment aux âges minima de la responsabilité pénale et du mariage; des enfants nés hors mariage; des questions d'éducation, y compris en ce qui concerne l'éducation religieuse; de l'interdiction des châtiments corporels; du travail des enfants; des adoptions; du système de santé; de la traite des êtres humains; des mineurs en conflit avec la loi.
Plusieurs membres du Comité ayant fait état d'informations selon lesquelles Chypre serait une plaque tournante de la traite de jeunes femmes, parfois mineures, expédiées vers certains pays, la délégation a assuré qu'il n'y a pas de problème réel de traite d'êtres humains à Chypre et que le pays prend toutes les mesures nécessaires pour prévenir ce phénomène
Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport initial de la Zambie (CRC/C/11/Add.25).

Présentation du rapport de Chypre
Présentant le rapport de son pays, MME LEDA KOURSOUMBA, Commissaire aux lois de Chypre, a souligné que la préparation de l'accession du pays à l'Union européenne, qui s'est concrétisée le 16 avril dernier, ainsi que les efforts déployés afin d'apporter une solution au problème politique de Chypre, qui se sont malheureusement conclus sans résultat le 11 mars dernier, ont monopolisé toutes les ressources du Gouvernement. Rappelant que son pays a signé le Protocole facultatif à la Convention, concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, elle a indiqué que la loi portant ratification de cet instrument est désormais prête à être présentée à la Chambre des représentants et devrait être adoptée très prochainement. Pour ce qui est du Protocole facultatif concernant l'implication des enfants dans les conflits armés, elle a indiqué que la question était encore à l'examen, car la ratification de cet instrument implique d'adapter la loi actuelle, qui prévoit qu'une personne peut être recrutée dans les forces armées au 1er janvier de l'année de ses 18 ans, c'est-à-dire avant d'avoir atteint l'âge de 18 ans.
Mme Koursoumba a par ailleurs souligné que les traités internationaux ratifiés par Chypre ont un rang supérieur par rapport à la législation interne, à l'exception de la Constitution. La Commissaire aux lois a en outre déclaré que Chypre est une société axée sur l'enfant qui met l'accent sur la famille. Cela ne signifie pas que la situation y soit parfaite mais elle s'est incontestablement améliorée, même s'il reste encore une marge d'amélioration. Il reste notamment au pays à effectuer un énorme effort pour mettre sa législation en conformité avec ce qu'il est convenu d'appeler les acquis communautaires de l'Union européenne.
Le deuxième rapport périodique de Chypre (CRC/C/70/Add.16) souligne que l'âge minimum de la responsabilité pénale a été relevé puisqu'il est maintenant de 10 ans. La responsabilité pénale des enfants âgés de 10 à 12 ans est engagée s'il est prouvé que pendant l'acte ou l'omission, l'enfant était pleinement conscient qu'il aurait dû agir autrement. Au Comité qui estimait que le principe d'intérêt supérieur de l'enfant énoncé à l'article 3 de la Convention n'était pas pleinement respecté dans le domaine de l'adoption, Chypre répond qu'elle ne partage pas ce point de vue car la législation et la pratique du Département des affaires sociales ont pour objet même de servir l'intérêt supérieur de l'enfant. En effet, la loi sur l'adoption de 1995 fait de ce principe une condition fondamentale de l'adoption : elle dispose que le tribunal autorise l'adoption s'il a la certitude qu'elle est dans l'intérêt de l'enfant, compte dûment tenu des vœux de celui-ci si son âge et ses facultés intellectuelles le permettent.
Le rapport ajoute qu'à Chypre, il existe toujours une catégorie d'enfants dont le droit d'avoir des contacts réguliers avec leurs parents est complètement bafoué. Il s'agit des enfants dont les parents résident dans la partie de Chypre occupée par les forces militaires turques depuis 1974, où l'enseignement secondaire pour les Grecs et les Maronites est interdit. Ces enfants sont donc soit privés d'études secondaires, soit séparés de leurs parents pour aller suivre un enseignement secondaire dans la région libre contrôlée par le Gouvernement de la République de Chypre. Ils vivent dans des pensionnats administrés par l'État (pour les garçons uniquement) ou sont hébergés par des proches. Les plus jeunes enfants ne sont autorisés par les forces d'occupation à rendre visite à leurs parents que pendant la période des fêtes (Noël et Pâques). Les plus âgés ne peuvent pas voir leur famille du tout, tandis que ceux qui souhaitent rentrer chez eux une fois leurs études terminées sont empêchés de le faire.
Le rapport précise en outre qu'en 2000, une nouvelle loi sur la lutte contre la traite des personnes et l'exploitation sexuelle des enfants a été promulguée qui érige en infractions passibles de peines sévères certaines formes d'esclavage moderne. Le rapport assure également qu'aucune donnée scientifique ou empirique ne permet de confirmer l'allégation selon laquelle, d'après le Comité, des enfants seraient employés comme domestiques. En vertu de la législation et des pratiques en vigueur, le travail des enfants n'est pas autorisé à Chypre, souligne le rapport.

Examen du rapport
La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de Chypre, Mme Marilia Sardenberg, a déploré que le deuxième rapport périodique de Chypre ne respecte pas les directives du Comité relatives à la présentation des rapports par les États parties, alors que c'était le cas s'agissant du du rapport initial. Il est de ce fait très difficile d'évaluer les progrès accomplis à Chypre, a-t-elle regretté. Elle a néanmoins jugé très positive la réaction du Gouvernement face à cet état de fait, se réjouissant en effet que des informations complémentaires mises à jour aient été mises à disposition des experts. Nombre d'observations et de recommandations antérieures du Comité n'ont pas été suivies, a par ailleurs relevé Mme Sardenberg. Elle a d'autre part félicité le pays pour son adhésion à l'Union européenne et a en revanche déploré l'échec des négociations engagées entre 1999 et 2003 s'agissant du problème politique de Chypre.
Mme Sardenberg a souhaité savoir comment est coordonnée, entre les différents ministères, l'action menée en faveur de l'enfance. Elle a relevé que les autorités chypriotes se sont fixées quatre priorités en matière de mise en œuvre de la Convention; ces priorités concernent la coordination, la mise à jour de la législation, la collecte de données et la sensibilisation de l'opinion publique.
À l'instar de Mme Sardenberg, d'autres membres du Comité ont regretté que le présent rapport de Chypre ne soit pas conforme aux directives du Comité relatives à la présentation des rapports des États parties. Un expert a souhaité obtenir davantage d'informations sur le mandat et le fonctionnement du Comité central pour la mise en œuvre de la Convention mis sur pied à Chypre en 2002.
Un autre expert a affirmé que le véritable problème, c'est la situation territoriale du pays, les négociations avec l'autre partie du territoire n'ayant pas été couronnées de succès. Cet expert a souhaité connaître les difficultés que rencontrent les enfants à Chypre du fait de la division de l'île.
Un expert a par ailleurs jugé encore trop bas l'âge minimum de la responsabilité pénale, qui a été porté de sept à dix ans à Chypre. Affirmant avoir l'impression que la définition de l'enfant varie d'une loi à l'autre, un autre expert a mis l'accent sur la nécessité pour le pays d'harmoniser cette définition dans les différents textes législatifs.
La délégation a indiqué qu'elle prenait note de l'observation du Comité qui considère que 10 ans est pour la responsabilité pénale un âge trop bas qui devrait être porté à 15 ans. Elle a par ailleurs indiqué qu'un jeune de moins de 12 ans est réputé incapable de commettre un délit sexuel et ne saurait donc être tenu pour responsable d'un tel délit du point de vue pénal.
En ce qui concerne l'âge minimum du mariage, la délégation a indiqué que toute personne âgée de plus de 18 ans peut se marier librement. Les jeunes filles âgées de 17 à 18 ans peuvent également se marier avec l'autorisation de leurs parents, a-t-elle précisé. Une jeune fille peut éventuellement se marier avant l'âge de 17 ans si elle est enceinte et à condition d'obtenir une autorisation spéciale de l'Église, a ajouté la délégation.
Répondant à une question, la délégation a confirmé qu'il est toujours impossible pour des Chypriotes turcs de se marier civilement avec des Chypriotes grecs du fait du maintien en vigueur de la disposition constitutionnelle datant des années 1960 qui rend impossibles de telles unions. Les autorités chypriotes ont jusqu'ici pensé qu'étant donné le problème soulevé par la question de Chypre, il valait mieux ne pas modifier cette disposition constitutionnelle. Il n'en demeure pas moins que les autorités sont conscientes que cette disposition est contraire aux droits de l'homme et c'est pourquoi un projet de loi visant à modifier cette disposition est actuellement devant le Parlement. Les choses doivent en effet changer, en particulier dans le contexte de l'adhésion du pays à l'Union européenne, a ajouté la délégation.
La délégation a précisé que la législation chypriote contient des dispositions portant spécifiquement sur les enfants nés hors mariage, garantissant que l'enfant né hors mariage acquiert dès la naissance les mêmes droits qu'un enfant né de manière légitime.
En ce qui concerne les questions d'éducation, la délégation a indiqué que l'enseignement public est gratuit et obligatoire jusqu'à l'âge de 15 ans et ce, quelle que soit l'origine des enfants. Pour ce qui est de l'école privée, le Gouvernement paie les frais de scolarité lorsqu'il s'agit d'enfants chypriotes turcs mais pas s'il s'agit de Chypriotes grecs, a-t-elle précisé. La délégation a par ailleurs souligné que pour les années à venir, il est envisagé d'accorder une plus grande attention à l'éducation pré-primaire ainsi qu'à l'éducation primaire et secondaire.
La délégation a rappelé que, pour les Grecs orthodoxes, l'éducation religieuse est obligatoire. Il est aussi possible pour les enfants des autres groupes de suivre une instruction religieuse qui leur soit propre, a-t-elle poursuivi.
La délégation a affirmé qu'elle ne peut porter la responsabilité de la division du pays. Il existe des enfants vivant dans la zone septentrionale qui n'ont pu bénéficier d'une éducation appropriée, a-t-elle rappelé. Les enfants d'origine turque venus vivre dans la zone contrôlée par le Gouvernement ne sont pas, eux, victimes de discrimination et perçoivent même un certain nombre d'aides, a assuré la délégation.
En ce qui concerne la violence contre les femmes, la délégation a expliqué que par le passé, les femmes ne signalaient pas que leur mari leur infligeait des violences, alors que désormais elles brisent cette loi du silence.
Toute forme de châtiment corporel est considérée comme un délit en vertu du Code pénal, a par ailleurs fait observer la délégation. Certes, il peut arriver en la matière que des allégations soient portées à l'encontre d'un enseignant; mais les règlements scolaires interdisent spécifiquement les châtiments corporels; depuis 1977 dans les écoles primaires et depuis 1990 dans les écoles secondaires, a précisé la délégation chypriote.
La délégation a par ailleurs assuré qu'il est impossible qu'un jeune chypriote de moins de 15 ans travaille comme domestique à Chypre. En effet, la loi interdit expressément le travail des personnes de moins de 15 ans. Il n'y a pas non plus de marché noir dans ce domaine ni aucun cas d'exploitation connu, a assuré la délégation. En outre, aucun étranger de moins de 18 ans ne peut être autorisé à venir travailler comme domestique à Chypre, a-t-elle ajouté.
En ce qui concerne les adoptions, la délégation a indiqué qu'en 2002, il y a eu 102 enfants adoptés à Chypre en provenance de l'étranger et 47 enfants chypriotes adoptés à Chypre.
La délégation a rappelé qu'à Chypre, les traités internationaux peuvent être adoptés soit en Conseil des ministres, pour des instruments portant sur des questions économiques et sociales, soit par le biais d'une loi, pour tous les autres instruments, en particulier ceux relatifs aux droits de l'homme. La délégation a précisé que Chypre a ratifié en janvier dernier la Convention d'Ottawa sur les mines antipersonnel.
C'est au Commissaire aux lois de Chypre qu'il incombe de coordonner la préparation des rapports que le pays est appelé à présenter à différents organes internationaux, dont le Comité des droits de l'enfant, a indiqué la délégation. Elle a par ailleurs souligné qu'un comité central présidé par le Directeur des services sociaux a été mis sur pied afin de superviser l'application de la Convention relative aux droits de l'enfant. Ce comité est responsable devant le Conseil des ministres, a précisé la délégation.
Il n'y a pas de réfugiés à Chypre, a souligné la délégation; il y a seulement des personnes déplacées à l'intérieur du pays. En effet, lors de l'invasion perpétrée par la Turquie, une grande partie de la population de l'île s'est retrouvée déplacée vers la zone actuellement contrôlée par le Gouvernement, a expliqué la délégation.
La délégation a affirmé que le taux d'abandon scolaire n'est pas très élevé à Chypre. En outre, l'école étant obligatoire jusqu'à l'âge de 15 ans, aucun abandon scolaire ne peut se faire avant cet âge. L'enseignement étant gratuit jusqu'à l'âge de 15 ans, un enfant qui a redoublé et souhaite poursuivre sa scolarité au-delà de l'âge de 15 ans doit obtenir une autorisation spéciale du Ministère de l'éducation pour continuer à bénéficier de la gratuité de l'enseignement.
En ce qui concerne les handicapés, la délégation a notamment assuré que lorsqu'une école accueille un enfant handicapé, ses locaux sont réaménagés en conséquence.
Pour ce qui est du système de santé, la délégation a indiqué qu'une loi va bientôt entrer en vigueur qui vise l'instauration d'un système de santé national couvrant l'ensemble de la population, alors que jusqu'ici, 75% de la population bénéficient du système de santé publique, le reste de la population pouvant recourir à un système privé.
Plusieurs membres du Comité ayant fait état d'informations selon lesquelles Chypre serait une plaque tournante de la traite de jeunes femmes, parfois mineures, expédiées vers certains pays, la délégation a affirmé savoir que de nombreuses organisations non gouvernementales se disent préoccupées à ce sujet. Mais le fait est qu'il n'y a pas de problème de traite d'êtres humains à Chypre, a déclaré la délégation. Le pays a harmonisé ses lois avec les normes internationales s'agissant de cette question et prend toutes les mesures nécessaires pour prévenir ce phénomène, a ajouté la délégation.
Il n'y a à Chypre que deux prisonniers de moins de 18 ans et ils sont séparés des détenus adultes, a par ailleurs indiqué la délégation.

Observations préliminaires sur le rapport chypriote
Présentant en fin de journée des observations préliminaires sur le rapport de Chypre, Mme Marilia Sardenberg, rapporteuse du Comité chargée de l'examen de ce rapport, a remercié la délégation et a jugé très bon le dialogue qui s'est noué tout au long de cette journée d'examen du rapport. Elle a expliqué que le Comité entend se montrer équitable, en particulier lorsqu'il siège à huis clos pour adopter ses observations finales. Celles-ci, s'agissant de Chypre, ne devraient pas manquer de relever un certain nombre de faits positifs et de tenir compte des faits nouveaux intervenus récemment dans le pays. Mme Sardenberg a invité Chypre à considérer l'enfant comme sujet de droit et, dans ce contexte, à traduire en actes concrets, susceptibles d'améliorer encore davantage la situation des enfants, l'engagement du Gouvernement en faveur des droits de l'enfant.



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