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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT EXAMINE LE RAPPORT DE L'AUSTRALIE

13 septembre 2005

Comité des droits de l'enfant

13 septembre 2005


Le Comité des droits de l'enfant a examiné, aujourd'hui, les deuxième et troisième rapports périodiques de l'Australie sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant.

Présentant ce rapport, le Représentant permanent de l'Australie auprès des Nations Unies à Genève, M. Mike Smith a souligné que l'Australie a toujours pris - et continue de prendre - avec le plus grand sérieux ses obligations au titre de la Convention et des autres instruments de droits de l'homme. En dépit de certains progrès réalisés, les enfants autochtones restent parmi les plus défavorisés dans la société australienne, a-t-il reconnu. L'engagement du Gouvernement australien à améliorer les résultats concernant ces enfants se reflète dans une nouvelle série de mesures pour l'administration des affaires autochtones, sur la base du principe de responsabilité partagée, a-t-il indiqué. Les dépenses nationales à destination des autochtones se sont accrues pour atteindre un record de 3,144 milliards de dollars cette année, a-t-il souligné.

M. Smith a d'autre part indiqué que, dans le cadre du régime australien relatif à l'immigration et aux visas, les arrangements globaux pour la détention des arrivants non autorisés et de ceux qui ne respectent pas les conditions de visa ont de nouveau évolué, de telle sorte que, depuis le 29 juillet 2005, toutes les familles avec enfants ont été retirées des centres de détention de l'immigration pour être placées dans la communauté. À l'avenir, toutes les familles avec enfants placées en détention à l'immigration seront placées dans des infrastructures communautaires dès que possible, a insisté M. Smith.

La délégation australienne était également composée de représentants du Département du Procureur général; du Département de l'immigration et des affaires multiculturelles et autochtones; du Département des services familiaux et communautaires; et de la Mission permanente de l'Australie auprès des Nations Unies à Genève. Elle a fourni aux experts des compléments d'information s'agissant, notamment, de la place de la Convention dans le droit interne; du rôle de la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances; du rôle de l'ombudsman; de la situation des enfants autochtones; de la situation des enfants requérants d'asile; de l'administration de la justice pour mineurs, s'agissant en particulier de la compatibilité des mesures prises pour lutter contre le terrorisme et de leur compatibilité avec la Convention; des questions de santé; ou encore de l'assistance aux familles et des congés maternité.

La délégation a notamment indiqué que l'Australie est sur le point de ratifier les deux protocoles facultatifs se rapportant à la Convention. Les autorités veillent à ce que les droits de l'enfant ne soient pas violés dans le cadre des mesures de lutte contre le terrorisme, a par ailleurs assuré la délégation.

Présentant en fin de journée des observations préliminaires sur le rapport de l'Australie, M. Jean Zermatten, corapporteur du Comité chargé de l'examen de ce rapport, a déclaré que l'Australie doit être félicitée, en particulier, pour un certain nombre de changements législatifs intervenus très récemment, notamment en ce qui concerne le droit à la famille ou encore la législation relative à l'immigration. Le Comité souhaite que le pays s'engage rapidement à retirer sa réserve à la Convention (concernant la séparation des adultes et des enfants dans les centres de détention) et à ratifier les deux protocoles facultatifs se rapportant à cet instrument. M. Zermatten a estimé qu'il reste, sur le plan des droits de l'enfant, à améliorer la situation s'agissant de deux points particuliers, à savoir, d'une part, la discrimination qui règne à l'encontre des enfants aborigènes et insulaires du Détroit de Torres et, d'autre part, le statut des enfants réfugiés et demandeurs d'asile, qui reste précaire en dépit de la mesure entrée en vigueur à la date symbolique du 29 juillet 2005.

En début de journée, le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport australien, M. Kamel Filali, s'est notamment inquiété que la police détienne apparemment des pouvoirs exorbitants pour empêcher les enfants de se retrouver en des lieux bien précis.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, des observations finales sur le rapport de l'Australie; elles seront rendues publiques à l'issue de la session, le vendredi 30 septembre 2005.

Le Comité entamera demain matin, à 10 heures, l'examen du deuxième rapport périodique de l'Algérie (CRC/C/93/Add.7).


Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays, M. MIKE SMITH, Représentant permanent de l'Australie auprès des Nations Unies à Genève, a souligné que l'Australie a toujours pris - et continue de prendre - avec le plus grand sérieux ses obligations au titre de la Convention et des autres instruments de droits de l'homme. Il a en outre rappelé que le pays était doté d'un système constitutionnel fédéral dans le cadre duquel les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire sont partagés ou répartis entre le Gouvernement fédéral et les gouvernements des six États et deux territoires intérieurs autonomes. Le Gouvernement fédéral travaille en étroite consultation avec les gouvernements des États et territoires s'agissant de toute une gamme de questions. Il engage également l'institution nationale australienne des droits de l'homme - la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances - à traiter des questions de droits de l'homme, a précisé M. Smith. En outre, le Gouvernement a engagé un dialogue constructif avec des organisations non gouvernementales dans le cadre de la préparation de la présente audition devant le Comité, a-t-il indiqué.

M. Smith a souligné que les gouvernements australiens, tant au niveau fédéral qu'au niveau des États, sont convaincus du fait que l'investissement dans la petite enfance constitue une stratégie efficace et rentable pour améliorer la situation actuelle et à venir des enfants. Le Gouvernement australien est donc en train d'élaborer un Programme national pour la petite enfance afin de mieux coordonner les activités actuellement déployées dans le pays en faveur du développement de l'enfant. Un projet de cadre d'action est en passe d'être achevé et un document public final sur ce programme national devrait être publié d'ici la fin de l'année, a précisé M. Smith.

En dépit de certains progrès réalisés, les enfants autochtones restent parmi les plus défavorisés dans la société australienne, a poursuivi le Représentant permanent. L'engagement du Gouvernement australien à améliorer les résultats concernant ces enfants se reflète dans une nouvelle série de mesures pour l'administration des affaires autochtones, sur la base du principe de responsabilité partagée, a-t-il indiqué. Il a précisé que la Commission des aborigènes et des insulaires du Détroit de Torres a été abolie en mars dernier, suite à quoi le Bureau de coordination de la politique autochtone a été mis en place. Ce dernier bureau s'appuie sur un réseau de 30 centres de coordination autochtones à travers le pays. Les dépenses nationales à destination des autochtones se sont accrues pour atteindre un record de 3,144 milliards de dollars cette année, a fait valoir M. Smith.

Le Gouvernement australien est fermement engagé à prévenir l'exploitation des enfants, tant en Australie qu'ailleurs dans le monde, a poursuivi le Représentant permanent. À cette fin, plusieurs changements ont récemment été apportés aux lois pénales dans le but de renforcer la protection des enfants contre la traite et la pornographie, entre autres. La législation autorise la police fédérale australienne à identifier et arrêter les adultes "prédateurs" avant même qu'ils n'aient eu l'occasion d'abuser sexuellement des enfants.

M. Smith a d'autre part indiqué que, dans le cadre du régime australien relatif à l'immigration et aux visas, les arrangements globaux pour la détention des arrivants non autorisés et de ceux qui ne respectent pas les conditions de visa ont de nouveau évolué, de telle sorte que, depuis le 29 juillet 2005, toutes les familles avec enfants ont été retirées des centres de détention de l'immigration pour être placées dans la communauté. Cette évolution s'est faite conformément à un certain nombre de changements législatifs apportés à la Loi sur l'immigration entrée en vigueur cet été. Ces changements assureront une plus grande souplesse et une plus grande équité dans la manière dont est administrée la politique actuelle de détention à l'immigration, a précisé M. Smith. Le principe qui préside à ces changements veut qu'un enfant ne devrait être détenu qu'en mesure de dernier recours. À l'avenir, toutes les familles avec enfants placées en détention à l'immigration seront placées dans des infrastructures communautaires dès que possible, a indiqué M. Smith. Ces arrangements et infrastructures communautaires ont été mis en place en partenariat avec des ONG, a-t-il précisé.

En ce qui concerne la réforme du droit de la famille, M. Smith a indiqué que le Gouvernement australien avait récemment annoncé des changements majeurs au régime du droit familial, ainsi qu'une série de mesures budgétaires d'un montant de 397 millions de dollars sur quatre ans. Les amendements à la Loi relative au droit familial vont faciliter la responsabilité parentale partagée et promouvoir la consultation entre les parents pour les décisions qu'ils doivent prendre s'agissant notamment de l'école où doit aller leur enfant et des grandes questions de santé. Un réseau national de 65 centres de relations familiales est en train d'être mis en place, qui aidera les parents à prendre les arrangements nécessaires pour l'enfant après une séparation. Cette réforme du droit familial s'efforce également de répondre aux besoins spécifiques des enfants autochtones, a précisé M. Smith. Ainsi, les tribunaux se devront-ils, lorsqu'ils prendront des décisions en vertu de la Loi sur le droit familial, de prendre en compte les pratiques des cultures indigènes pour ce qui est d'élever les enfants.

En conclusion, M. Smith a souligné que l'Australie se réjouissait du fait que le besoin de réforme du système des organes de traités de droits de l'homme ait été reconnu aux plus hauts niveaux des Nations Unies.


Le document contenant les deuxième et troisième rapports périodiques de l'Australie (CRC/C/129/Add.4) affirme que l'un des principaux résultats obtenus durant la période visée par le présent rapport est une meilleure coordination des politiques et des mécanismes de surveillance en faveur des enfants. En 2002, le Premier Ministre a créé la fonction de Ministre aux affaires des enfants et jeunes aux fins de garantir la cohérence dans l'éventail des politiques et programmes du Gouvernement fédéral destinés aux enfants. En outre, un nouveau Département fédéral des services familiaux et communautaires a également été créé compte tenu de la nécessité de régler les questions relatives aux enfants et aux familles. Avec le système fédéral, les politiques et programmes mis en œuvre en faveur des enfants ne seront jamais complètement homogènes en Australie, poursuit le rapport. Depuis que le Comité a examiné le rapport initial de l'Australie, ajoute-t-il, un autre domaine qui a suscité une grande mobilisation est la création de services de santé mentale pour les enfants, en particulier les programmes visant à réduire le nombre de suicides chez les jeunes. Les stratégies nationales conçues pour aborder ce problème parmi les plus dramatiques ont réussi à faire baisser de 35% ce taux depuis 1997. Le rapport rappelle par ailleurs que l'Australie a toujours soutenu les deux protocoles facultatifs se rapportant à la Convention, dont elle signataire. Les modalités internes à mettre au point avant de ratifier un traité sont élaborées compte tenu de ces deux protocoles, précise le rapport. L'Australie a déjà soutenu concrètement ces instruments dans ses programmes d'aide internationale et par la promulgation de lois qui établissent de nouvelles infractions liées à la servitude sexuelle ainsi qu'à la vente et la traite de personnes humaines à des fins d'exploitation sexuelle. Malgré les efforts entrepris au nom des enfants, d'importants défis demeurent, reconnaît néanmoins le rapport. Les gouvernements des États et territoires australiens continuent de s'intéresser aux besoins des enfants aborigènes, notamment dans les domaines de la santé, de l'éducation, de la violence familiale et du système judiciaire pour mineurs. Ces enfants continuent pourtant de pâtir dans ces domaines d'un désavantage par rapport aux autres. Ils représentent une proportion grandissante de la population australienne. On estime qu'environ 5% de tous les enfants australiens sont aborigènes et que si cette tendance persiste, d'ici 2042, ils constitueront environ 12% du groupe des 0-14 ans en Australie. Le présent rapport souligne par ailleurs que malgré les vastes efforts réalisés depuis l'examen du rapport initial, le nombre d'enfants manquant de soins et de protection demeure élevé à un point inacceptable.

S'agissant de la protection des réfugiés, le rapport indique notamment qu'un requérant d'asile qui arrive illégalement en Australie, demande l'asile après le 20 octobre 1999 et nécessite une protection, peut obtenir un visa de protection temporaire qui accorde d'emblée un droit de résidence de trois ans. Les enfants dont les parents ont déposé une demande de visa de protection y seront normalement inclus. Un enfant peut remplir les conditions de la définition du "réfugié", même si tel n'est pas le cas de ses parents. La loi sur les migrations dispose que tout ressortissant non australien se trouvant illégalement en Australie doit être placé en détention jusqu'à ce qu'il soit considéré comme réfugié (et reçoive un visa de protection) ou refoulé. La détention des immigrés est de nature administrative, non pénitentiaire. Le Gouvernement fédéral cherche à réduire au minimum la durée de la procédure et, partant, de la détention. Dans les centres de détention, nombre de programmes sont administrés pour contribuer à l'épanouissement et à la qualité de vie des détenus. Il s'agit des services éducatifs pour enfants et adultes. Dans certains centres, les enfants vont à l'école locale; d'autres dispensent un programme scolaire. Du personnel médical qualifié décèle dès que possible les besoins en soins médicaux de tous les détenus dès leur arrivée. Les conditions de détention des enfants d'immigrés sont soumises à un examen administratif. Certaines dispositions permettent de libérer les enfants grâce à un visa relais et de les placer chez des particuliers. Les critères de libération reposent sur des arrangements relatifs à la garde et la protection compte tenu de l'intérêt supérieur de l'enfant; en règle générale, il n'est pas dans l'intérêt supérieur de l'enfant d'être séparé de ses parents, de sa famille ou de ses compatriotes. Les mineurs non accompagnés relèvent des organismes publics de protection de l'enfance, qui prennent des dispositions pour leur encadrement et leur protection et veillent à la satisfaction de leurs besoins, tels que logement, alimentation, soins médicaux et éducation.

Le programme d'enseignement de l'anglais en deuxième langue constitue un élément important pour répondre aux besoins particuliers des nouveaux écoliers immigrés, poursuit le rapport. L'admission à ce programme a été étendue; depuis le 1er juillet 2002, tout mineur y a droit en vertu du Programme humanitaire d'immigration, à titre permanent ou temporaire. De 2002 à 2006, le Gouvernement fédéral affectera 14,3 millions de dollars à cette initiative. Le rapport indique par ailleurs que la politique nationale en matière d'enseignement des aborigènes et des insulaires du Détroit de Torres comprend une stratégie nationale d'alphabétisation et d'initiation au calcul, en anglais, des autochtones.

Le rapport indique qu'à la suite de récents changements dans la législation fédérale, des États et des territoires, l'âge de la responsabilité pénale a été uniformisé à dix ans dans toutes les juridictions. De plus, il existe une présomption réfutable que les enfants âgés de 10 à 14 ans sont incapables de commettre un délit ou ne peuvent en être tenus responsables, soit par défaut d'intention, soit par ignorance de l'illégalité de certains actes ou manquements. Selon la Constitution australienne, l'administration de la justice pour mineurs relève des États et des territoires. Toutefois, le Gouvernement fédéral a pris d'importantes mesures pour prévenir la délinquance juvénile. En avril 1997, précise en outre le rapport, l'enquête nationale sur la séparation des enfants d'aborigènes et d'insulaires du Détroit de Torres s'est conclue par le rapport Bringing Them Home. Ce rapport informe des effets passés et continus de l'enlèvement d'enfants autochtones à la famille, qui a cessé dans les années 70, et des séparations actuelles de ces enfants d'avec leurs parents. «Pour aider les peuples autochtones touchés par ces principes périmés à retrouver leur identité», le Gouvernement fédéral a créé un réseau national des services de liaison pour aider au regroupement familial et a facilité la consultation de ses dossiers pour permettre aux peuples autochtones de retrouver des membres de leur famille. Le rapport indique par ailleurs que l'Australie a ratifié la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale, entrée en vigueur dans le pays le 1er décembre 1998; régulièrement utilisée dans le pays aux fins d'adoptions internationales, elle s'appliquait, en novembre 2002, entre l'Australie et 51 pays.


Examen du rapport

M. KAMEL FILALI, rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport australien, a souligné que la présence de hauts cadres dans la délégation australienne témoigne de l'importance que l'Australie accorde à la Convention et au présent dialogue avec le Comité. Le présent rapport est bon; il est conforme aux directives du Comité concernant l'élaboration des rapports des États parties. M. Filali a par ailleurs félicité l'Australie pour avoir accordé toute l'attention requise à certaines des recommandations antérieures du Comité.

En ce qui concerne les progrès réalisés, M. Filali a notamment pris acte du nouveau cadre pour la protection des droits de l'homme mis en place en 2004 ainsi que de la création des centres familiaux et communautaires ou encore du plan national d'action contre l'exploitation sexuelle des enfants, lancé en 2000. Le Comité prend également note de la ratification par le pays du Statut de Rome de la Cour pénale internationale et de la Convention de La Haye concernant l'adoption internationale, a indiqué M. Filali.

L'expert a néanmoins indiqué qu'il demeurait préoccupé par le fait que plusieurs des recommandations antérieures du Comité restent valables aujourd'hui, s'agissant notamment de la réserve que le pays a émise à l'égard de la Convention - alors que le Comité continue de penser que cette réserve constitue un obstacle à la mise en œuvre de la Convention; de l'application des principes généraux de non-discrimination et d'intérêt supérieur de l'enfant; ou encore du traitement réservé aux demandeurs d'asile. En ce qui concerne cette dernière question, l'Australie s'appuie sur le critère d'illégalité pour justifier sa politique de détention obligatoire des immigrés illégaux, a relevé M. Filali. C'est l'un des seuls pays au monde à appliquer une telle politique de détention obligatoire pour les immigrés illégaux, a-t-il souligné. De plus, cette détention ne fait l'objet d'aucune limitation dans le temps, a-t-il fait observer.

M. Filali s'est par ailleurs dit préoccupé par le fait que le Ministère des enfants et des jeunes ait été relégué au rang de simple secrétariat ne disposant pas du même budget. En outre, il semble que le Procureur général ait désormais le pouvoir de bloquer une décision de la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances, s'est inquiété M. Filali. Par ailleurs, la police détient apparemment des pouvoirs exorbitants pour empêcher les enfants de se retrouver en des lieux bien précis, ce qui semble contraire au droit à la liberté de réunion et d'association reconnu par la Convention.


M. JEAN ZERMATTEN, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Australie, a souhaité savoir ce qui en est de la signature et de la ratification par le pays des deux protocoles facultatifs se rapportant à la Convention. Attirant l'attention sur le sujet de préoccupation majeur que constitue, selon lui, la question du respect du principe de non-discrimination, il a rappelé que le principal organe chargé de veiller au respect de ce principe est la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances. Aussi, M. Zermatten s'est-il demandé si cette commission n'aurait pas besoin d'un rapporteur spécial pour les droits de l'enfant. En outre, quel est son budget et qu'en est-il de sa réelle indépendance? M. Zermatten a affirmé que le droit à la non-discrimination ne semble pas être toujours garanti en Australie pour deux catégories d'enfants: à savoir les enfants indigènes et insulaires du Détroit de Torres, d'une part, et les enfants requérants d'asile ou immigrés, de l'autre. M. Zermatten a notamment fait état de la sur-représentation des indigènes dans les centres de détention, ainsi que dans les statistiques relatives au chômage et à l'abus de stupéfiants. Quelles sont les mesures effectives prises par le pays pour garantir le droit à la non-discrimination, a-t-il alors demandé?

M. Zermatten s'est par ailleurs demandé si les trois lois antiterroristes adoptées par l'Australie étaient réellement conformes au principe de l'intérêt supérieur de l'enfant. Les nouvelles prescriptions en matière d'asile sont-elles respectueuses de ce principe, a-t-il également souhaité savoir?

Un autre membre du Comité a plaidé en faveur d'une interdiction pénale des châtiments corporels en Australie.

Plusieurs experts se sont enquis du statut de la Convention en droit interne.

Qu'en est-il exactement du droit de l'enfant d'être entendu - non seulement devant les tribunaux, mais aussi à l'école et dans le domaine médical -, se sont interrogés certains membres du Comité?

Un autre expert a souhaité obtenir davantage d'informations sur le nombre d'enfants pauvres en Australie. Selon un rapport des Nations Unies, environ 150 000 jeunes âgés de 15 à 24 ans se trouveraient en Australie dans des conditions de vie très difficiles, a relevé cet expert.

En ce qui concerne la place de la Convention dans le droit interne, la délégation australienne a rappelé que c'est aux tribunaux qu'il incombe d'appliquer la législation interne et de l'interpréter. Lorsqu'il n'y a pas d'ambiguïté du point de vue de l'interprétation de la loi, les tribunaux n'ont pas besoin d'invoquer un traité international; dans le cas contraire, ils ont recours aux instruments internationaux ratifiés par l'Australie et la législation doit être interprétée conformément à ces instruments.

La délégation a indiqué que l'Australie est sur le point de ratifier les deux protocoles facultatifs se rapportant à la Convention, qui traitent respectivement de l'implication des enfants dans les conflits armés, pour l'un, et de la vente des enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants, pour l'autre.

La délégation a en outre indiqué que, pour des raisons techniques, l'Australie n'est pas encore en mesure de ratifier les conventions n°138 et 182 de l'OIT, portant respectivement sur l'âge minimum d'admission à l'emploi et sur l'élimination des pires formes de travail des enfants.

La délégation a par ailleurs souligné que le Commissaire aux droits de l'homme de la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances est également responsable des droits de l'enfant. Cette commission est totalement indépendante, a assuré la délégation. Ces dernières années, son budget a été sensiblement réduit, a-t-elle reconnu; cela s'explique par le fait qu'une partie de ses prérogatives lui a été retirée pour être transférée au système judiciaire, s'agissant en particulier de la possibilité de rendre des décisions contraignantes, a précisé la délégation. Un membre du Comité s'est demandé si cette décision de transférer aux tribunaux des compétences qui appartenaient jusqu'ici à la Commission ne rendrait pas plus difficile le dépôt de plaintes individuelles devant la Commission. La délégation a précisé que la Commission gère toujours la phase liminaire des plaintes; mais dans les cas où elle n'est pas en mesure de les résoudre, ces plaintes sont transférées au système judiciaire. La délégation a d'autre part souligné qu'il incombe à la Commission de promouvoir au sein de la communauté la sensibilisation à la Convention.

Il existe en outre en Australie un ombudsman (ou médiateur) qui peut lui aussi recevoir des plaintes émanant de citoyens, a poursuivi la délégation. C'est à cet ombudsman qu'il incombe alors de déterminer si cette plainte doit être examinée par la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances ou par un organe de l'État, a-t-elle précisé.

La délégation a par ailleurs souligné que le Gouvernement fédéral apporte une assistance financière directe aux familles qui en ont besoin pour assurer les soins adéquats à leurs enfants. L'Australie dispose en outre d'un système de sécurité sociale universelle couvrant tous les Australiens, même s'ils ne sont pas en mesure de travailler. Les autochtones jouissent du même statut juridique que les non-autochtones et peuvent donc bénéficier de ce système au même titre que les autres citoyens, a souligné la délégation.

S'agissant précisément des autochtones, la délégation a indiqué que le pays compte environ 400 000 indigènes et insulaires du Détroit de Torres. Certains vivent dans des communautés qui comptent moins de 20 individus, ce qui ne va pas sans poser certains problèmes. Le Gouvernement estime que les disparités dont souffrent ces personnes ne sont pas le fruit d'une discrimination systémique mais résultent d'une série de facteurs géographiques, culturels et autres, a déclaré la délégation.

La délégation a indiqué que la Commission des indigènes et des insulaires du Détroit de Torres a été abolie, notamment parce qu'elle avait perdu le contact avec les indigènes et avait, de ce fait, perdu leur confiance. Elle a en outre rappelé l'existence d'un Bureau de coordination de la politique autochtone dont le siège se trouve à Canberra. Il existe également un conseil consultatif autochtone, composé de 14 membres. Ce conseil n'est pas un organe représentatif et n'est pas censé remplacer la commission susmentionnée, a précisé la délégation; il prodigue des conseils au Gouvernement dans les affaires intéressant les autochtones. Les accords de responsabilité partagée promus en Australie s'agissant des affaires autochtones se fondent sur l'idée que les autochtones doivent faire part de leurs points de vue sur les changements qu'il convient d'opérer dans tel ou tel domaine.

La délégation a admis que les enfants autochtones sont plus fréquemment victimes de sévices que les autres enfants.

Comment s'explique le nombre accru de dénonciations de cas d'enfants victimes de sévices, s'est interrogé un membre du Comité?

Les différents gouvernements s'efforcent d'interdire les châtiments corporels dans les écoles publiques, a notamment indiqué la délégation. La question des châtiments corporels évolue progressivement dans le contexte de la loi pénale, a-t-elle fait valoir.

En ce qui concerne la violence entre enfants à l'école, la délégation a notamment souligné que toutes les écoles australiennes devront appliquer d'ici janvier 2006 un accord-cadre qui énonce des principes applicables au niveau national s'agissant de ce type de maltraitance.

Plus de 20 000 enfants - dont près de 5000 enfants aborigènes - vivent en dehors du milieu familial, a relevé un autre expert; or qu'en est-il du sort de près de 2000 d'entre eux qui, selon les statistiques ne sont placés ni en famille d'accueil ni au sein de la famille élargie? Doit-on comprendre que ces 2000 enfants sont placés en institutions? Entre 1997 et 2003, le nombre d'enfants ainsi placés en dehors du milieu familial a augmenté de 45%, a fait observer l'expert.

La délégation a notamment indiqué qu'un système de soins alternatifs a été mis en place en Australie méridionale; il sera inauguré cette année et veillera au suivi de la qualité des soins apportés aux enfants qui l'intègrent. Au Queensland, un tribunal indépendant a été mis en place pour examiner les rapports relatifs aux soins de protection prodigués aux enfants.

La délégation a par ailleurs affirmé que la malnutrition est un problème bien connu, notamment dans les zones rurales. Elle a fait part de l'existence d'un plan d'action dont l'objet est de remédier aux différents problèmes rencontrés dans ce domaine. Cent millions de dollars supplémentaires ont été alloués à un programme de soins destinés à la mère et à l'enfant, a précisé la délégation.

S'agissant des questions de santé, la délégation a indiqué que le Gouvernement australien est préoccupé par l'augmentation du taux de transmission des maladies sexuellement transmissibles et a donc mis au point une stratégie de prévention dans ce domaine. La délégation a en outre souligné que les autorités australiennes sont soucieuses de lutter contre la surcharge pondérale des enfants. Elle a notamment fait part du lancement prochain, dans le courant de cette année, d'une campagne nationale visant à promouvoir l'activité physique des enfants. D'autre part, les femmes sont encouragées à allaiter pour assurer à leurs enfants le meilleur départ possible dans la vie. D'importants fonds vont en outre être débloqués afin de venir en aide aux personnes ayant des problèmes de santé mentale, d'alcoolisme ou de toxicomanie.

La délégation a par ailleurs fait valoir que la stratégie de prévention du suicide a porté ses fruits, si l'on considère la baisse du taux de suicide enregistrée dans le pays. L'Australie s'est dotée d'un Conseil consultatif spécialisé dans la prévention du suicide, a souligné la délégation.

En ce qui concerne les grossesses d'adolescentes, la délégation a fait état de statistiques datant de 1999 selon lesquelles 4% des grossesses concernent des jeunes filles de 15 à 19 ans; un grand nombre de ces grossesses sont interrompues.

Un membre du Comité s'est inquiété que les congés payés pour cause de maternité ne soient pas obligatoires dans tous les secteurs, en particulier dans le privé. En outre, les crèches pour enfants ne sont pas assez nombreuses et restent chères, a relevé ce même expert.

Depuis juillet 2004, a fait valoir la délégation, toute femme donnant naissance à un enfant perçoit une indemnité qui va progressivement augmenter en juillet 2006 et en juillet 2008, atteignant jusqu'à l'équivalent d'environ trois mois de salaire. En vertu de divers accords, la moitié environ des salariés australiens ont droit à un congé maternité rémunéré, a ajouté la délégation.

Un expert s'est fait l'écho d'informations préoccupantes relatives à la stérilisation d'enfants handicapés. Le Gouvernement estime que la stérilisation illégale d'enfants handicapés est une question extrêmement importante, a déclaré la délégation. Les aspects essentiels de cette question sont en cours de discussion et feront l'objet de décisions d'ici la fin de cette année, a-t-elle précisé. La délégation a par ailleurs souligné qu'en vertu de la loi, les enfants handicapés doivent pouvoir mener les mêmes activités scolaires et extra-scolaires que les autres enfants.

S'agissant des enfants requérants d'asile et réfugiés, la délégation a notamment fait valoir que le Gouvernement apporte aux requérants d'asile un soutien non seulement juridique mais aussi financier. L'Australie n'a connu que très peu de cas d'enfants requérants d'asile non accompagnés, a-t-elle précisé. Elle a rappelé que désormais, les familles avec enfants arrivant illégalement dans le pays sont rapidement placées dans des institutions communautaires, après une première procédure d'évaluation de leur situation.

En ce qui concerne l'administration de la justice pour mineurs, un membre du Comité a jugé trop bas l'âge de 10 ans fixé pour la responsabilité pénale en Australie. Un autre expert a recommandé à l'Australie de retirer la réserve qu'elle a émise à l'égard de la Convention s'agissant de la question de la séparation des adultes et des enfants dans les centres de détention. La délégation a rappelé que l'Australie possède des tribunaux spécialisés pour mineurs.

La délégation a par ailleurs admis que l'Australie connaît un taux très élevé - ce qui est inacceptable - d'autochtones incarcérés. En dépit d'un léger rebond sur la fin de la période, vers 2002-2003, le taux d'emprisonnement des jeunes autochtones a connu une baisse de 31% entre 1994 et 2003, a-t-elle toutefois fait valoir.

S'agissant plus particulièrement des mesures prises pour lutter contre le terrorisme et de leur compatibilité avec la Convention, la délégation a affirmé que les autorités australiennes s'efforcent d'assurer un équilibre entre la nécessité de protéger la sécurité nationale et la nécessité de protéger les libertés fondamentales. La législation antiterroriste permet aux autorités d'interroger des personnes suspectées de terrorisme ou d'association avec une entreprise terroriste, a précisé la délégation. Une période de détention est alors prévue pour les adultes ainsi suspectés, alors que les suspects mineurs ne peuvent être détenus, eux, que durant deux heures. Les enfants de moins de 16 ans ne peuvent pas être interrogés en vertu de la législation antiterroriste, a précisé la délégation. En tout état de cause, les autorités veillent à ce que les droits de l'enfant ne soient pas violés dans le cadre des mesures de lutte contre le terrorisme. Aucune disposition des lois antiterroristes ne vise telle ou telle communauté ou un quelconque groupe au sein de la communauté, a assuré la délégation.

Un membre du Comité ayant fait observer qu'il peut arriver qu'un enfant n'ait pas eu conscience qu'il fréquentait une personne suspectée de terrorisme, la délégation a souligné que, pour que le délit d'association avec une entreprise terroriste soit avéré, il faut prouver que la personne s'est intentionnellement associée avec l'organisation terroriste visée. Comme cela est le cas pour l'ensemble des dispositions de la loi pénale, les lois antiterroristes autorisent les personnes suspectées à communiquer avec une personne de leur choix, a précisé la délégation.

Dans un État au moins en Australie, une législation a été introduite pour interdire la réunion de jeunes, en fin de semaine, dans certains quartiers, a relevé un expert. Cette disposition législative, qui concerne l'Australie occidentale, n'a rien à voir avec une quelconque législation antiterroriste, a assuré la délégation. D'ailleurs, les lois antiterroristes relèvent des pouvoirs centraux, au niveau fédéral, a-t-elle souligné.


Observations préliminaires

Présentant en fin de journée des observations préliminaires en tant que corapporteur du Comité pour l'examen du rapport australien, M. Jean Zermatten a estimé que le dialogue qui s'est noué tout au long de cette journée a permis d'obtenir bon nombre de précisions souhaitées concernant des questions qui restaient en suspens. L'Australie doit être félicitée, en particulier, pour un certain nombre de changements législatifs intervenus très récemment, notamment en ce qui concerne le droit à la famille, la législation sur l'immigration ou encore les amendements apportés au Code pénal dans des domaines tels que la lutte contre la pornographie. Le Comité souhaite que le pays s'engage rapidement à retirer sa réserve à la Convention - ou à en réduire l'expression - et à ratifier les deux protocoles facultatifs se rapportant à cet instrument, a ajouté M. Zermatten. Il reste, sur le plan des droits de l'enfant, à améliorer la situation s'agissant de deux points particuliers, à savoir, d'une part, la discrimination qui règne à l'encontre des enfants aborigènes et insulaires du Détroit de Torres et, d'autre part, le statut des enfants réfugiés et demandeurs d'asile, qui reste précaire en dépit de la mesure entrée en vigueur à la date, désormais symbolique, du 29 juillet 2005 (ndlr: voir, en début de communiqué, la déclaration de présentation du rapport faite par le Représentant permanent de l'Australie auprès des Nations Unies à Genève).

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Le présent communiqué de presse n'est pas un compte rendu officiel et n'est publié qu'à des fins d'information.

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