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A LA SUITE DES VIOLATIONS DES DROITS DE L’HOMME PERPETREES DANS LA REGION DE L’ITURI, LE CONSEIL REFLECHIT AUX MOYENS DE METTRE FIN A LA CULTURE DE L’IMPUNITE AU CONGO-KINSHASA

13 février 2003



Conseil de sécurité
13 février 2003
4705e séance – après-midi



La poursuite des combats dans la région de l’Ituri et les violations graves des droits de l’homme qui en ont découlé ont conduit, cet après-midi, les membres du Conseil de sécurité à réfléchir, avec le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, Jean-Marie Guéhenno, et le Haut Commissaire aux droits de l’homme, Sergio Vieira de Mello, aux moyens de mettre fin à la culture de l’impunité dans cette région du nord-est de la République démocratique du Congo (RDC), en particulier, et dans l’ensemble du pays, en général.

Malgré l’Accord global et inclusif pour une gestion consensuelle de la transition en RDC du 17 décembre 2002, -Accord de Pretoria- et avant l’Accord de Gbadolite du 30 décembre 2002, la région de l’Ituri a continué, selon les deux personnalités citées, d’être secouée par des affrontements opposant le Mouvement de libération du Congo (MLC), le Rassemblement congolais pour la démocratie-National (RCD-N) et l’Union des patriotes congolais (UPC) au Rassemblement congolais pour la démocratie-Kisangani/Mouvement de libération (RCD-K/ML).

Compte tenu de la configuration des alliances militaires, Jean-Marie Guéhenno a dit craindre l’implication à terme du RCD-Goma et des armées ougandaises et rwandaises. Il a donc exprimé son espoir devant l’accord du 9 février, conclu entre les Présidents de la RDC et de l’Ouganda, concernant le calendrier des travaux de la Commission de pacification de l’Ituri. Ces travaux, prévues entre le 17 février et le 20 mars, devraient être suivis par le retrait complet de toutes les troupes ougandaises.

L’impunité dont jouissent les auteurs de violations des droits de l’homme et notamment les officiers supérieurs de l’armée gouvernementale et les commandants des diverses forces rebelles est un obstacle majeur à une paix durable en RDC, a estimé, dans ce cadre, le Haut Commissaire aux droits de l’homme. Citant les informations recueillies par la Mission des Nations Unies en RDC (MONUC), il a dénoncé le recours aux pillages, aux assassinats et aux viols, voire aux mutilations suivies de cannibalisme par les forces du MLC, du RCD-N et de l’UPC.

Sergio Vieira de Mello a d’emblée qualifié les procès annoncés comme le MLC comme «manquant de légitimité et ne se conformant pas au normes juridiques et humanitaires internationales». A la lumière des informations recueillies, les membres du Conseil ont condamné unanimement les actes dénoncés en arguant que l’amélioration de la situation ne peut venir que de la mise en œuvre de l’Accord de Pretoria dont l’objectif est de mener à la mise en place des institutions de transition respectueuse des droits de l’homme.

Dans leur dialogue avec le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix et le Haut Commissaire aux droits de l’homme, les membres du Conseil, soulignant l’importance de mettre fin à la culture de l’impunité, ont posé de nombreuses questions sur la manière de resserrer les liens de travail entre la MONUC et le Haut Commissaire aux droits de l’homme et sur les modalités de fonctionnement d’un observatoire des droits de l’homme et d’une commission d’établissement des faits suggérés par ce dernier. A l’instar du représentant de la RDC, des délégations se sont interrogées sur les possibilités de saisine de la Cour pénale internationale (CPI).

L’exigence de justice fait partie intégrante de toute paix durable, a souligné le représentant congolais en jugeant essentiel de briser le «cycle néfaste de l’impunité». Si le Conseil, a-t-il estimé, avait eu la volonté politique d’appliquer pleinement ses propres résolutions, il n’aurait pas à déplorer aujourd’hui les massacres répétés des populations civiles congolaises. Le Conseil se doit d’assumer pleinement ses responsabilités, a-t-il dit, et mettre sur pied un tribunal pénal international pour la RDC ou un tribunal pénal spécial calqué sur le modèle de celui de la Sierra Leone.

Proposant d’autres mesures pratiques, le représentant de la RDC a appelé le Conseil à engager tous les pays voisins à exercer leur influence sur les groupes armés qu’ils ont créés afin qu’ils respectent les droits de l’homme; à exiger un retrait total des troupes d’agression; à soutenir l’Accord de Pretoria et la transition politique qui en découle; et à envisager des sanctions pour toutes parties récalcitrantes. Compte tenu de la fragilité de toute transition, il a plaidé pour la transformation de la MONUC en une véritable mission de maintien de la paix.

Rejetant les accusations portées contre son pays, le représentant du Rwanda a qualifié d’injustifiées les informations selon lesquelles l’Armée rwandaise serait toujours présente en RDC.


LA SITUATION CONCERNANT LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

Déclarations

M. JEAN-MARIE GUEHENNO, Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, a évoqué la situation militaire dans le nord-est de la République démocratique du Congo (RDC) et les initiatives de la MONUC et des autres acteurs pour parvenir à une solution pacifique du conflit qui déchire cette partie du pays. Il a d’abord indiqué qu’en appui aux efforts du Facilitateur du dialogue intercongolais pour convoquer la session finale du dialogue intercongolais, l’Envoyé spécial du Secrétaire général a convoqué, du 20 au 25 février, deux commissions techniques pour discuter des questions en suspens, à savoir la finalisation de la Constitution de transition et des questions de sécurité et militaires. L’Envoyé spécial s’est rendu en RDC, du 4 au 10 février, pour préparer ces deux réunions. Le Facilitateur du dialogue intercongolais, a ajouté M. Guéhenno, s’est dit convaincu de la nécessité pour le Conseil d’inciter les parties à coopérer pour qu’un accord puisse être trouvé rapidement sur les questions en suspens.

Venant à la situation militaire, il a fait état de la poursuite des affrontements dans la région de l’Ituri malgré la signature des Accords de Pretoria, les 16 et 17 décembre. Le Mouvement de libération du Congo (MLC) et son allié le Rassemblement congolais pour la démocratie National (RCD-N) ont entrepris une action défensive dans le Nord-Kivu contre les forces du RCD-K/ML, et ce, avec la participation de l’Union des patriotes congolais (UPC). Des milliers de personnes ont ainsi été déplacées et ont subi des violations des droits de l’homme. Par la suite, la MONUC a réussi à amener les parties à signer une trêve le 30 décembre à Gbadolite. Le MLC s’est, par conséquent, retiré de Mambasa-Komanda, le 3 février. Ensuite, l’UPC, qui n’avait pas signé l’Accord de Gbadolite, s’est emparé de Mambasa. La MONUC a prévu de mettre en place une équipe dans cette ville dès que les conditions de sécurité le permettront. Pendant ce temps, les forces de l’UPC ont poursuivi leur avancée à 25 km à l’est de Mambasa. La MONUC est préoccupée par le fait que l’UPC se déclare seule habilitée à occuper la région de l’Ituri. Si l’UPC est maintenant alliée du RCD-Goma, le RCD–K/ML est lui appuyé par les Forces armées congolaises. En outre, lors d’une conférence de presse, un chef de l’Ituri, Kawa, a formé un nouveau groupe rebelle, le Front pour l’intégration et la paix (FIPI) qui appelle à s’opposer à l’UPC et au maintien des forces ougandaises dans la région de l’Ituri.

Pendant ce temps, dans la région contrôlée par le RCD-K/ML, le RCD-Goma s’est avancé vers le nord de Kanyabayonga, sans doute pour élargir son territoire. Compte tenu de cette situation, le Secrétaire général adjoint a dit craindre qu’une attaque contre le RCD-K/ML ne conduise les forces ougandaises à répondre militairement. Passant aux aspects politiques dans le nord-est, il a souligné que dans cette partie de la RDC, la situation est des plus préoccupantes. L’importance d’une solution politique est essentielle. La MONUC fait de grands efforts pour atténuer les tensions en rencontrant les protagonistes au plus haut niveau, notamment pour prévenir un conflit entre l’Ouganda et le Rwanda. La MONUC a continué de rencontrer les acteurs politiques pour organiser un cessez-le-feu au niveau local et dans le même ordre d’idées, le Président de l’Angola a dépêché un Envoyé spécial en République-Unie de Tanzanie, pour une réunion entre les Présidents de la RDC et de l’Ouganda. Pendant cette réunion, les Ministres des affaires étrangères des pays concernés ont convenu d’un nouveau calendrier pour les travaux de la future Commission de pacification de l’Ituri. Les travaux devraient se dérouler entre le 17 février et la fin du mois de mars. Ceci devrait être suivi par un retrait complet des troupes ougandaises.

Une réunion ministérielle devrait se tenir le 14 février à Luanda, a encore indiqué M. Guéhenno pour fixer les modalités de la Commission. Quant au rôle futur de la MONUC, il a souligné que si la culture de l’impunité ne prend pas fin, les progrès politiques seront compromis. Il a donc invité le Conseil à réfléchir à la manière de faire en sorte que l’on porte davantage attention aux droits de l’homme en RDC.

M. SERGIO VIEIRA DE MELLO, Haut Commissaire aux droits de l’homme, a déclaré que l’impunité dont jouissent les violateurs des droits de l’homme en République démocratique du Congo (RDC) et, notamment les officiers supérieurs de l’armée gouvernementale et les commandants des diverses forces rebelles, est un obstacle majeur à la promotion des droits de l’homme et d’une paix durable en RDC. La situation humanitaire se détériore du fait des obstacles qui se posent à l’accès du personnel humanitaire aux populations dans le besoin. Il est donc vital de faciliter l’accès et l’aide qu’apportent les agents humanitaires aux populations affectées par le conflit. Les intérêts économiques qui sont à l’origine du pillage des ressources de la RDC et des revenus de l’Etat demeurent un facteur de déstabilisation et contribuent aux violations des droits de l’homme dans l’est du pays. La corruption s’est généralisée dans le pays et rend l’administration publique totalement inefficace. La MONUC a confirmé en outre le recours aux pillages, aux assassinats et aux viols comme instruments de guerre prémédités, par les forces du Mouvement de libération du Congo (MLC) et du Rassemblement congolais pour la démocratie National (RCD-N) avec l’appui des soldats de l’Union des patriotes congolais (UPC). Les exécutions sommaires ont pour cible l’ethnie Nandé et certains groupes pygmées forcés de fuir dans les forêts. Des victimes et des témoins ont fait état de plusieurs cas de mutilations suivies de cannibalisme. On a fait état de 220 exécutions sommaires, 95 cas de viols, 122 disparitions forcées, 102 parents disparus dont des enfants, 32 cas de torture et plus de 100 cas de séquestrations à des fins de travail forcé.

Selon les rapports en notre possession, 27 officiers ont été arrêtés et leur procès devraient commencer le 18 février 2003. Mais nous n’avons pas répondu à une requête invitant le Bureau du HCR à observer ces jugements, le système judiciaire mis en place par les rebelles manquant de légitimité et ne se conformant pas aux normes juridiques et humanitaires internationales. A notre avis, ces crimes doivent relever du système de justice transitoire qui sera mis en place dans le respect de l’Accord de Pretoria. Une mission récente à Bunia a confirmé des violations flagrantes des droits de l’homme, et à Nyakunde, plus de 2 000 assassinats ont été reportés, la population se réfugiant dans les forêts. Des atrocités similaires ont été commises à Kindu, et des viols en masse semblent avoir été commis dans le Kivu. De nombreux crimes sont à mettre au compte de l’Union des patriotes congolais-Réconciliation et paix. Nous recommandons au Conseil de continuer à surveiller la situation des droits de l’homme en RDC et de demander aux parties en présence de mettre fin à ces crimes, et de traduire en justice les officiers militaires qui en sont responsables. Le Conseil devrait aussi s’assurer que la mise œuvre de l’Accord de Pretoria soit basée sur le respect des droits de l’homme et nous demandons que soit rapidement créé un observatoire des droits de l’homme en RDC.

M. MASOOD KHALID (Pakistan) a qualifié d’inacceptables les crimes dont il est fait mention aujourd’hui. L’ironie, a-t-il relevé, veut que le rapport soit présenté le jour où des nouvelles positives arrivent quant au dialogue entre l’Ouganda, le Rwanda et la RDC, et la formation d’un gouvernement de transition en RDC. Le représentant a déploré les pertes en vies humaines en RDC malgré les accords et les progrès accomplis dans la mise en oeuvre de ces accords. Il s’est dit tout aussi préoccupé par la capacité du conflit à déstabiliser la région. Pour lui, la communauté internationale doit faire le bilan de la situation et prendre les décisions qui s’imposent. Aujourd’hui, l’engagement de tous est essentiel, a-t-il dit. Que peuvent faire la communauté internationale et les acteurs régionaux, s’est interrogé le représentant? Le Conseil doit-il envisager le renforcement du mandat de la MONUC, a-t-il encore demandé?

M. JEAN-MARC DE LA SABLIERE (France) a déclaré que les informations présentées par M. de Mello traduisent la gravité de la situation en RDC. Ce qui se passe dans l’est du pays et, notamment dans le Kivu, atteint des proportions rarement observées. L’impunité ne doit pas s’installer en RDC, et la France préparera dans les prochains jours une déclaration présidentielle sur la question. De solides déclarations de principes devront être faites par les chefs des différentes factions, si on veut sauver l’Accord de Pretoria et le processus de paix. La France aimerait aussi savoir si la mission qui se rendra dans les prochains jours en RDC se rendra dans l’est du pays, où le besoin semble se faire pressant.

M. ALEXANDER KONUZIN (Fédération de Russie) s’est dit préoccupé par la situation qui continue de prévaloir en RDC. Il est évident, a-t-il dit, que toutes les parties qui ont signé les Accords de Pretoria du 17 décembre continuent d’imposer avancer par la force des exigences très importantes. Le représentant s’est particulièrement dit préoccupé par la situation militaire en dénonçant que des groupes étrangers exercent une influence sur les rebelles congolais. Il s’est ensuite attardé sur la situation humanitaire pour rappeler les termes clairs de toutes les résolutions adoptées jusqu’ici sur la situation de la RDC. Il faut mettre un terme aux obstacles des parties à l’action humanitaire, a conclu le représentant.

M. RICHARD WILLIAMSON (Etats-Unis) a estimé que les violences qui ont cours en RDC sont une menace sérieuse à la paix, et qui remet en question les progrès accomplis. Les Etats-Unis remercient le HCR pour le compte-rendu qu’il a fait sur les aspects humanitaires de la situation. Nous invitons les différentes parties à respecter le droit international humanitaire. Il est difficile d’établir les responsabilités quand le gouvernement en place est lui-même corrompu et ne respecte pas les droits de l’homme. Il faudrait donc parvenir rapidement à la mise en place d’un gouvernement de consensus en RDC. Le HCR et les autres institutions pourront alors soutenir ce gouvernement à établir de nouvelles institutions. Nous nous félicitions des pourparlers menés par le HCR avec la MONUC. Nous espérons que la MONUC pourra contribuer à la création d’un cadre de protection des droits de l’homme. Nous sommes choqués par les atrocités commises par les troupes de Jean-Pierre Bemba, et nous suivrons de près les procès qu’il a promis pour que soient jugés les auteurs des crimes reprochés à ses troupes.

Si ces procès n’avaient pas lieu sur des critères acceptables, il serait difficile pour les Etats-Unis de travailler avec le futur gouvernement de la RDC. Quant au RCD-Goma, les Etats-Unis constatent que malgré ses promesses, il a été incapable de répondre aux demandes qui lui sont faites concernant les exécutions sommaires qui sont reprochées à ses combattants. La responsabilité concernant les droits de l’homme incombe désormais à tous les chefs militaires qui prétendent jouer demain un rôle politique en RDC. Notre Gouvernement n’acceptera pas le règne de l’impunité.

M. ADAM THOMSON (Royaume-Uni) a condamné les atrocités et tous les abus en matière des droits de l’homme et du droit international qui ont pu avoir lieu en RDC et a appelé toutes les parties à traduire en justice les présumés coupables. Il a également condamné la poursuite du conflit et tout appui extérieur qui pourrait être fourni aux parties. Il faut mettre un terme à toutes les activités militaires, parvenir à la mise en œuvre de l’Accord de Pretoria et consolider le respect des droits de l’homme, a insisté le représentant. Il a, à cet égard, rappelé l’accent mis par le Conseil sur la protection des civils dans les conflits armés. Jugeant important de régler les questions en suspens de l’Accord de Pretoria, il a lancé un appel urgent aux acteurs régionaux pour qu’ils exercent leur influence sur les parties congolaises et évitent toute action qui pourrait accroître la tension. Le représentant s’est donc félicité de l’annonce faite par le Président de l’Ouganda selon lequel les troupes ougandaises se retireront de la RDC d’ici au 20 mars. Dans ce cadre, le représentant a prié le Gouvernement de la RDC de retirer ses troupes du nord-est du pays. Concluant par deux questions dans le domaine des droits de l’homme, le représentant a souhaité un avis sur l’interaction entre la question des droits de l’homme et la MONUC et demandé des informations sur la manière dont la question des enfants soldats est intégrée dans les processus de Démobilisation, Désarmement, Rapatriement, Réinstallation, Réinsertion (DDRRR) de la MONUC.

M. GABRIEL VALDES (Chili) a déclaré que sa délégation atteindrait les résultats de la mission dépêchée par la MONUC dans l’est de la RDC. Il est cependant inacceptable que des actes d’une cruauté innommable soient perpétrés en plein XXIème siècle en RDC au vu et au su de la communauté internationale. Le Chili condamne l’utilisation d’enfants soldats dans les conflits et demande qu’une commission d’enquête soit mise en place pour savoir ce qui se passe réellement en RDC et pour que les responsables soient condamnés.

M. STEFAN TAFROV (Bulgarie) a regretté que les différents groupes congolais et leurs protecteurs étrangers cherchent à mieux se positionner avant l’entrée en vigueur de l’Accord final et la mise en place des institutions de la transition. Comme dans tous les conflits, a-t-il dit, cette période est la plus propice aux pires exactions et aux violations des droits de l’homme. Le niveau d’atrocités atteint à l’est de la RDC est inacceptable et il est important que le Conseil se penche davantage sur ces réalités, a souligné le représentant en souhaitant que le Conseil accorde plus d’attention à cet aspect de la situation en RDC et renforce sa coopération avec le Haut Commissaire pour les droits de l’homme. L’avenir de la RDC ne peut se fonder sur la culture de l’impunité qui serait moralement inacceptable mais aussi contre-productif pour la mise en place d’institutions stables et la réconciliation nationale.

De ce point de vue, le représentant a estimé que l’idée d’un observatoire des droits de l’homme et d’une commission d’établissement des faits sur les crimes commis méritent l’appui du Conseil. Le représentant a jugé important que les coupables des exactions soient traduits sans tarder devant les institutions transitoires de justice qui doivent être mises en place et qui, seules, jouiront d’une légitimité internationale. Le représentant a conclu en manifestant son appui à l’élaboration d’un mandat clair pour le Haut Commissariat aux droits de l’homme afin de renforcer sa capacité et celle de la MONUC. Il s’est interrogé sur la nature, la forme et le délai d’entrée en vigueur d’un tel mandat.

M. ISMAEL ABRAAO GASPAR MARTINS (Angola) a déclaré que le niveau de violations contre les droits de l’homme en RDC est devenu inacceptable, au vu du rapport que vient de faire le Haut Commissaire aux droits de l’homme. L’Angola apporte son soutien aux recommandations faites par M. Sergio Vieira de Mello. Il est maintenant temps de mettre rapidement en œuvre l’Accord de Pretoria. Nous félicitons la MONUC pour le travail qu’elle a accompli, et l’Angola continuera à s’associer aux différentes initiatives de soutien à la paix en RDC, a assuré le représentant.

M. ZHANG YISHAN (Chine) a appelé toutes les parties à respecter l’Accord de Pretoria en condamnant tous les crimes et autres atrocités perpétrés au cours du conflit. Il a aussi appelé les parties à assurer davantage la sécurité de la population civile. Le représentant a, par ailleurs, espéré que les pays étrangers respecteront leur engagement de retirer leurs troupes. Il a aussi appelé la MONUC à commencer la phase III de son mandat, en mettant particulièrement l’accent sur le processus de Désarmement, Démobilisation, Rapatriement, Réinstallation et Réinsertion (DDRRR). Il a conclu en annonçant la disposition de son pays à envoyer des troupes en RDC et, ce, dans le cadre de l’appui de la Chine à la MONUC.

M. CARLOS PUJALTE (Mexique) a dit regretter les exactions commises en violation des droits de l’homme en RDC. Il faut mettre en place, comme l’a recommandé M. de Mello, un observatoire des droits de l’homme et un processus de réconciliation nationale. Le Mexique soutient aussi l’envoi d’une commission d’établissement des faits, et invite M. Bemba à traduire devant des tribunaux reconnus les membres de son mouvement responsables de violations graves des droits de l’homme et de la dignité humaine.

M. FAYSSAL MEKDAD (République arabe syrienne) a souligné l’importance qu’il y a à ce que les différentes parties congolaises respectent les accords signés récemment, notamment entre la RDC, l’Ouganda et le Rwanda. Il a invité toutes les parties à respecter les droits de l’homme, à traduire en justice les responsables des violations et à mettre un terme à la culture de l’impunité. Il a jugé important d’amplifier les activités de DDRRR pour garantir l’aide humanitaire aux différentes populations congolaises dans le besoin. Il s’est par ailleurs dit préoccupé par les actes d’assassinats, les problèmes de sécurité, l’insécurité alimentaire et l’augmentation du nombre de personnes déplacées. Il faut, a-t-il dit, absolument assurer la coopération entre les différentes institutions internationales. Il a, dans ce contexte, demandé aux donateurs de renforcer leur aide afin d’alléger les souffrances du peuple congolais. Souhaitant une issue heureuse au dialogue intercongolais pour mettre en place rapidement un gouvernement véritablement représentatif du peuple congolais, il a salué les efforts régionaux, en particulier de l’Afrique du Sud.

Mme ANA MARIA MENENDEZ (Espagne) a déclaré que d’énormes défis se posent au processus de paix en RDC. L’Espagne aimerait connaître les mesures que le gouvernement de transition devra prendre pour mettre fin aux violations des droits de l’homme. Quelle est d’autre part la voie à emprunter pour soulager les populations affectées par le conflit dans l’est du pays?

M. MARTIN BELINGA-EBOUTOU (Cameroun) s’est dit préoccupé par la situation dans le nord-est de la RDC, et en particulier dans la région de l’Ituri. Malgré l’Accord de Pretoria, a-t-il déploré, des combats continuent à opposer divers mouvements rebelles provoquant de nombreuses victimes et engendrant des mouvements de population. La population de l’Ituri vit aujourd’hui une situation tragique à la suite de massives violations des droits de l’homme, a-t-il insisté en souhaitant que ceux qui se sont rendus coupables répondent de leurs actes. L’impunité n’est ni envisageable ni de mise. Le représentant s’est donc félicité des mesures prises pour traduire certains des coupables en justice. Ce processus doit être poursuivi et renforcé, a-t-il voulu. La précarité de la situation des réfugiés et des personnes déplacées est particulièrement accentuée par les difficultés des organisations humanitaires à accéder à ses populations du fait de l’inexistence des infrastructures et surtout de l’insécurité ambiante, a rappelé le représentant. Il a appelé la communauté internationale à venir en aide à ses populations en détresse. Il a appelé à de semblables efforts en faveur des populations de la région de Yumbi dans l’ouest de la RDC, victime le 2 février, d’une violente tornade. Revenant au processus de paix, il s’est félicité des engagements pris récemment par les Présidents Kabila et Museveni. Souhaitant des précisions sur les mesures que pourrait prendre la communauté internationale pour s’assurer que les responsables des atrocités commises en RDC ne restent pas impunis, il a demandé un avis sur l’idée d’une saisine de la Cour pénale internationale et de la création d’une juridiction spéciale.

M. GUNTER PLEUGER (Allemagne) a dit que la situation des droits de l’homme en RDC était alarmante. Le Conseil tiendra compte des rapports qui viennent de lui être faits pour déterminer la marche des mesures à mettre en œuvre dans ce pays. L’impunité doit prendre fin en ce qui concerne les auteurs de violations des droits de l’homme, même s’ils sont au sein du gouvernement et des institutions militaires des différents groupes. Nous aimerions savoir si les parties en présence sont réellement prêtes à traduire en justice les auteurs de crimes de guerre. Des informations nous sont également parvenues sur d’utilisation d’enfants soldats, que nous condamnons. Quelle est d’autre part le statut de mise en œuvre du processus de DDRRR? Nous pensons enfin que le rapport fait par le Haut Commissaire aux droits de l’homme devrait être distribué à tous les membres des comités chargés de la question de la situation en RDC.

M. ATOKI ILEKA (République démocratique du Congo) a rendu hommage au Haut Commissaire aux droits de l’homme pour avoir eu le courage de dénoncer publiquement les massacres, les graves atrocités ainsi que les violations massives et flagrantes des droits de l’homme et du droit international humanitaire perpétrés en toute impunité par les troupes de l’Armée patriotique rwandaise, de l’Armée ougandaise ainsi que celles des groupes armés qui leurs sont affiliés, qu’ils soient ou non signataires de l’Accord de Lusaka et des autres accords de paix consécutifs. L’exigence de justice fait partie intégrante de toute paix durable, a souligné le représentant en jugeant essentiel de s’occuper de la question de l’impunité et de briser son cycle néfaste. A ce sujet, a-t-il estimé, le message de la communauté internationale et du Conseil a manqué de clarté.

Si le Conseil avait eu la volonté politique d’appliquer pleinement ses propres résolutions, on n’aurait jamais déploré les massacres répétés des populations civiles congolaises. Ce sentiment d’impunité n’a certainement pas été absent dans l’esprit de ceux qui ont commis les sauvageries en Ituri, a insisté le représentant.

Pour lui, le moment est venu pour le Conseil de déclarer que la dégradation de la situation des droits de l’homme en RDC a dépassé les limites du tolérable et de l’acceptable. Il est temps pour le Conseil de mettre l’accent sur la nécessité de consolider et de parachever le processus de paix en cours, notamment par un soutien à l’Accord de Pretoria. L’Accord devrait être formellement adopté lors de la dernière séance du dialogue intercongolais et ce serait, a dit le représentant, un signal fort à l’endroit de la communauté internationale que cette séance se tienne sur le territoire de la RDC. Il a estimé que la ville de Kisangani, de par son lourd symbole, serait la mieux indiquée pour cette réunion. Tenir la dernière réunion du dialogue intercongolais à Kisangani, c’est rendre un hommage renouvelé à la mémoire des victimes congolaises et étrangères de l’agression armée, un témoignage de toute la sollicitude de la communauté internationale lorsqu’il s’agira de panser les plaies, de soulager les misères et de reconstruire les ruines que la guerre d’agression a accumulées sur la Province orientale.

Le représentant a appelé le Conseil à engager tous les pays voisins à exercer leur influence sur les groupes armés qu’ils ont créés afin qu’ils respectent les droits de l’homme. Il a aussi appelé le Conseil à exiger un retrait total des troupes d’agression, et à soutenir l’Accord de Pretoria et la transition politique qui en découle. Pourtant, le changement du mandat de la MONUC s’impose, a-t-il dit. Le nouveau plafond autorisé du personnel militaire de la MONUC devrait être atteint au plus tôt. De même, un accroissement important du personnel civil serait souhaitable afin de permettre à la Mission de mener à bien ses politiques d’accompagnement.

Le Conseil se doit d’assumer pleinement ses responsabilités et mettre sur pied un tribunal pénal international pour la RDC. A défaut d’un pareil tribunal, le Conseil pourrait opter pour un Tribunal pénal spécial calqué sur le modèle de celui de la Sierra Leone. Concernant les actes de cannibalisme commis dans l’Ituri, le représentant a indiqué que son Gouvernement se réserve le droit de saisir la Cour pénale internationale. Il a conclu en demandant le Conseil à appliquer à l’encontre des parties récalcitrantes, signataires ou non de l’Accord de Lusaka, toutes les mesures que lui autorise la Charte de l’ONU. Le représentant a, une nouvelle fois, souligné la nécessité de convoquer une conférence internationale sur la paix et la sécurité dans la région des Grands Lacs comme moyen pacifique de faire régner la paix et l’entente dans la région.

M. AUGUSTIN MUVUNYI (Rwanda) a déclaré que son pays appuyait le rétablissement de la situation dans la région des Grands Lacs. La délégation du Rwanda dément que son pays appuie l’UPC et rejette les accusations portées contre lui par les précédents intervenants. Le MLC a toujours été une force négative soutenue par le Gouvernement de la RDC. Ses exactions doivent donc être condamnées dans ce contexte, comme les actes de cannibalisme commis dans l’Ituri. Nous demandons à la RDC d’appliquer intégralement les accords signés à Pretoria et de mettre en place un gouvernement représentant toutes les factions congolaises. La RDC devrait répondre aux besoins de sécurité des pays voisins. Les forces rwandaises se sont retirées de la RDC, et nous condamnons tous les rapports qui prétendent le contraire et veulent simplement porter atteinte à l’image de notre pays.

Répondant aux questions des délégations, le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix a d’abord souligné l’importance qu’il y a à éviter toute ingérence extérieure dans une situation extrêmement précaire. Il a espéré que toutes les parties extérieures encourageront les parties en RDC à mettre en place des mécanismes de pacification de l’Ituri. Concernant le renforcement du rôle de la MONUC dans la protection des civils, il a souligné que la responsabilité ne peut qu’incomber aux parties étant donné la taille du pays. Toutefois, a-t-il souligné, la présence de la MONUC reste un élément rassurant. Aujourd’hui, 4 400 hommes en uniforme sont déployés sur le terrain et commencent à se diriger vers l’est du pays. Pour ce qui du renforcement des capacités de la MONUC en matière des droits de l’homme, il a estimé qu’il s’agit surtout, à l’heure actuelle, de multiplier les facteurs de dissuasion dont un consiste à braquer les phares de la communauté internationale sur le plus d’endroits possibles en RDC. Concluant sur la volonté politique des protagonistes congolais de traduire les coupables en justice, il a estimé que le processus politique peut jouer un rôle important. Ce processus ne doit pas encourager les dirigeants à essayer de gagner de nouvelles positions sur le terrain pour renforcer leur pouvoir de négociations mais plutôt les encourager à renforcer leur légitimité. A cet égard, la manière dont les autorités transitoires aborderont les problèmes des droits de l’homme et de justice est extrêmement important, a conclu M. Guéhenno, en faisant part des discussions en cours avec le Haut Commissaire aux droits de l’homme sur la façon dont la MONUC pourrait appuyer ce processus.

Répondant aux observations des délégations le Haut Commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies, a dit qu’il remerciait le Conseil pour l’appui qu’il apporte aux doits de l’homme et à l’état de droit. Ces objectifs ne peuvent être atteints que si la paix règne, ce qui en RDC dépend de la mise en œuvre de l’Accord de Pretoria. L’Accord de l’Ituri, conclu entre les Présidents Kabila de RDC et Museveni de l’Ouganda doit lui aussi se concrétiser. La MONUC et le Haut Commissariat aux droits de l’homme auront besoin de moyens pour mener à bien les missions que semblent lui désigner les Etats membres du Conseil. Nous estimons qu’il faut procéder à l’arrestation des responsables militaires coupables de violations des droits de l’homme. Le mécanisme de justice transitoire de l’Accord de Pretoria pourrait permettre de rendre justice. Quant à l’aide à apporter aux populations, nous estimons que l’accès aux personnes dans le besoin ne doit pas être négocié. Concernant la mission du Rapporteur spécial des droits de l’homme, nous pensons qu’il sera sur le terrain le 27 février. Le Haut Commissariat aux droits de l’homme a cependant un problème aigu de ressources, qui nous empêche d’envoyer une équipe importante sur le terrain. Quant au tribunal militaire mis en place par le MLC à Gbadolite, nous estimons que M. Bemba doit accepter la responsabilité des actes commis par ses miliciens, mais le Haut Commissariat aux droits de l’homme ne saurait donner de la légitimité à un organe judiciaire mis en place par un groupe rebelle. Concernant l’accès aux populations vulnérables, nous avons besoin de la coopération de toutes les parties et notamment des groupes rebelles. Nous avons aussi besoin que la MONUC puisse assurer une protection efficace aux travailleurs humanitaires. Concernant la possibilité d’une saisine de la Cour pénale internationale, elle est possible, la RDC ayant ratifié le Statut de Rome.




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