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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DU SURINAME

24 février 2004

24 février 2004



Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport initial du Suriname sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. La situation des populations autochtones et des Marrons au Suriname, eu égard en particulier à leur participation à la vie de la société et à l'incidence des activités d'exploitation minière et forestière sur leurs droits, était au centre des discussions. Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Suriname, M. Régis de Gouttes, a notamment déclaré que, malgré les textes constitutionnels et législatifs existants, les populations autochtones et tribales continuent de souffrir de discriminations et ce, principalement dans trois domaines : les droits civils et politiques; les droits économiques, sociaux et culturels; et les droits sur la terre.

Présentant le rapport de son pays, M. Ewald W. Limon, Représentant permanent du Suriname auprès des Nations Unies à Genève, a souligné que la Constitution surinamaise consacre les principes d'égalité et de non-discrimination. Il a fait valoir que le Suriname ne condamne pas seulement la discrimination raciale sous toutes ses formes; il l'érige en délit sanctionné par la loi. Aucune des données dont dispose le Gouvernement ne permet de penser que certains groupes parmi les diverses composantes ethniques de la population auraient besoin d'une protection spéciale visant à leur garantir, dans des conditions d'égalité, la jouissance ou l'exercice des droits de l'homme, a affirmé M. Limon. Si une telle protection s'avèrait nécessaire, le Gouvernement n'hésiterait pas à agir en conséquence, a-t-il assuré. Il a par ailleurs fait valoir que la plupart des populations autochtones vivent dans l'intérieur du pays et disposent souvent de davantage de privilèges que les populations qui vivent le long des zones côtières.

Un membre du Comité a souligné qu'en ce qui concerne les autochtones, il s'agit de droits et non pas de privilèges. Le fait de considérer que les autochtones sont des privilégiés semble dénoter une différence de perception à cet égard entre les organes de contrôle des droits de l'homme et le Gouvernement, a estimé un autre expert.

La délégation du Suriname, également composée de représentants du Ministère de la justice et de la police, a fourni aux experts des compléments d'information, faisant notamment valoir que la Constitution de 1992 accorde des droits fonciers aux peuples autochtones. Le Gouvernement reconnaît que les populations autochtones ont une relation particulière à la terre, ce qui leur confère des privilèges.

Dans ses observations préliminaires, présentées en fin d'examen, M. de Gouttes s'est dit satisfait de l'ouverture du dialogue avec le Suriname. Il a notamment indiqué que les observations finales que le Comité adoptera devront relever non seulement les aspects positifs, lesquels concernent notamment la définition de la discrimination raciale ou encore la législation pénale relative à l'incrimination de la discrimination raciale, mais aussi un certain nombre d'interrogations ou d'insuffisances qui ont été identifiées.


Le Comité entamera cet après-midi, à 15 heures, l'examen du dix-septième rapport périodique de l'Espagne (CERD/C/431/Add.7).


Présentation du rapport du Suriname

M. EWALD W.LIMON, Représentant permanent du Suriname auprès des Nations Unies à Genève, a présenté le rapport de son pays. Il a expliqué que si le Suriname n'avait pas jusqu'ici présenté de rapport au Comité, cela s'explique en particulier par la situation incertaine qu'a connue le pays entre 1980 et 1987; par le deuxième coup d'État de 1990, qui a mis fin à un État de droit encore fragile; ainsi que par les troubles à l'intérieur du pays. La population du Suriname est multiethnique et parle une quinzaine de langues différentes, a par ailleurs rappelé M. Limon. Il a mis l'accent sur l'importance que le pays accorde aux principes de la démocratie et de l'égalité de chances pour tous les citoyens. Depuis son accession à l'indépendance en 1975, le Suriname a choisi de reconnaître tous les droits de l'homme et a accédé à cette fin à de nombreux instruments internationaux, dont la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Le Représentant permanent a ajouté que la Constitution du Suriname consacre les principes d'égalité et de non-discrimination.

M. Limon a souligné que le Suriname ne condamne pas seulement la discrimination raciale sous toutes ses formes; il l'érige en délit sanctionné par la loi. Tandis que l'article 126 du Code pénal définit la discrimination, différents autres articles détaillent les sanctions qu'elle entraîne, a-t-il précisé. Aucune des données dont dispose le Gouvernement ne permet de penser que certains groupes parmi les diverses composantes ethniques de la population auraient besoin d'une protection spéciale visant à leur garantir, dans des conditions d'égalité, la jouissance ou l'exercice des droits de l'homme, a affirmé M. Limon. Si une telle protection s'avère nécessaire, le Gouvernement n'hésitera pas à agir en conséquence, sans que cela puisse être assimilé à une discrimination raciale, a-t-il assuré. Il a par ailleurs fait valoir que la plupart des populations autochtones vivent dans l'intérieur du pays et disposent souvent de davantage de privilèges que les populations qui vivent le long des zones côtières.


Le dixième rapport périodique du Suriname, qui regroupe en un seul document (CERD/C/446/Add.1) le rapport initial et les deuxième à dixième rapports périodiques de ce pays, indique que le Suriname a une population multiethnique composée d'Amérindiens (3%) et de Marrons (10%), de Créoles (35%), d'Indiens (35%), de Javanais (16%), de Chinois (2%), de Libanais et d'Européens (1%). On estime qu'il y a 170 000 chrétiens, 109 350 hindouistes, 81 000 musulmans et 44 550 personnes professant d'autres religions (dont les Amérindiens, les Marrons et les Juifs). Une quinzaine de langues sont parlées à travers le pays, poursuit le rapport. Il précise en outre que le chômage touche environ 30% de la population active. Le rapport rappelle par ailleurs que les années 1980 ont été marquées par le non-respect de l'État constitutionnel, par des violations graves des droits de l'homme et par un conflit dévastateur dans l'arrière-pays. Le processus de démocratisation officiellement engagé en janvier 1988 avec le Président Shankar a été freiné par le coup d'État intervenu le 24 décembre 1990, poursuit le rapport. Depuis mai 1991, ajoute-t-il, le Suriname a de nouveau un gouvernement civil démocratiquement élu. Dans la partie du rapport énonçant diverses raisons pour lesquelles le Suriname n'a pas fait rapport, jusqu'ici, au Comité, il est notamment affirmé que «plusieurs problèmes internes sont dus au fait que les militaires précédemment au pouvoir ont réussi à occuper des positions clefs au sein de la société, empêchant ainsi les institutions démocratiques de l'État de se développer.

La politique culturelle appliquée par le Suriname est fondée sur la pluralité de sa population. C'est donc une politique de démocratie culturelle caractérisée par l'égalité de toutes les cultures et l'acceptation et l'appréciation mutuelles de chacune de leurs expressions. L'éducation des enfants dans l'arrière-pays a été négligée dans le passé, reconnaît le rapport. L'une des stratégies novatrices visant à résoudre ces problèmes consiste à créer un réseau de centres éducatifs qui, implantés chacun dans une zone géographique déterminée, desserviront les villages alentour. Un des principaux problèmes qui se posent est celui de la langue. Le hollandais étant la langue officielle du Suriname, l'enseignement est dispensé presque exclusivement dans cette langue, qui est aussi celle des manuels et autres matériels didactiques. Or, à la maison et dans leur famille, les enfants parlent leur langue tribale. Le Département de l'éducation a donc effectué plusieurs études en vue d'une révision du programme d'études des premiers niveaux de l'enseignement, l'objectif étant de permettre aux enfants de se familiariser avec le système et avec la langue hollandaise avant de poursuivre leurs études. Bien que les enfants vivant dans l'arrière-pays doivent surmonter davantage d'obstacles que les autres, un nombre croissant d'entre eux accèdent à l'enseignement secondaire et supérieur dans les districts et à Paramaribo, souligne le rapport.

Le rapport indique par ailleurs que les groupes ethniques vivant dans l'arrière-pays, populations autochtones et Marrons se plaignent de ce que l'exploitation, notamment minière, des ressources naturelles, les empêche de préserver et de pratiquer leur culture propre. L'État reconnaît l'existence de diverses formes d'exploitation minière dans l'arrière-pays. Il se peut que cette exploitation donne lieu, dans l'intérieur du pays, à des agissements dont l'État n'a pas connaissance. Si de tels agissements sont signalés aux autorités compétentes, l'État n'hésitera pas à prendre les mesures voulues pour y remédier, souligne le rapport. Le rapport rappelle que pendant l'esclavage et quelque temps encore après, les Hollandais qui ont colonisé le Suriname pendant plus de trois siècles avaient institué un système de ségrégation raciale obligeant plusieurs groupes ethniques à vivre entre eux, à l'exclusion des autres, dans certaines parties de la colonie. Certains districts étaient ainsi principalement habités par des groupes ethniques particuliers. Les résultats de cette politique de division sont encore visibles aujourd'hui dans certains secteurs de la capitale, Paramaribo. Le Gouvernement actuel et ceux qui l'ont précédé depuis l'indépendance ont hérité de cette situation, qui tend à créer une ségrégation entre les divers groupes ethniques. La politique du Gouvernement actuel est d'encourager ses ressortissants à se déplacer librement au sein de l'État et à élire domicile où ils le souhaitent. La Constitution garantit ce droit, insiste le rapport.


Examen du rapport

En réponse aux questions écrites qui lui avaient été adressées par M. Régis de Gouttes, membre du Comité et rapporteur pour l'examen du rapport du Suriname, la délégation a notamment indiqué que la Cour constitutionnelle n'a pas encore vu le jour, un projet de loi étant en cours de discussion à l'Assemblée nationale.

La délégation a par ailleurs indiqué que le Gouvernement a créé un Conseil de développement des régions de l'arrière-pays, conformément aux accords de paix de 1992.

Pour ce qui est de la situation de l'éducation dans l'arrière-pays, la délégation surinamaise a fait valoir que des classes supplémentaires sont créées afin de faire face à l'accroissement du nombre d'enfants scolarisés dans ces zones. Un système d'enseignement à distance est également en train d'être développé. Une partie des subventions octroyées par l'Unesco est utilisée pour soutenir le plan d'action adopté afin d'améliorer la situation en matière d'éducation dans l'arrière-pays, a ajouté la délégation.

La Constitution de 1992 accorde des droits fonciers aux peuples autochtones, a rappelé la délégation. La loi sur les titres fonciers est considérée par le Gouvernement comme revêtant une importance particulière; mais la question est complexe et mérite des discussions approfondies, a-t-elle déclaré. Le Gouvernement reconnaît que les populations autochtones ont une relation particulière à la terre, ce qui leur confère des privilèges. Ainsi, le chef de la communauté tribale concernée par une demande de concession sur son territoire doit donner son accord avant que ne puisse être accordée la concession dans la zone visée. Le droit interne prévoit un recours effectif pour quiconque estime que ses droits ont été lésés, a par ailleurs souligné la délégation. Une nouvelle loi sur les exploitations minières est actuellement en cours d'examen, a-t-elle indiqué.

La délégation a par ailleurs indiqué qu'aucune mesure spécifique n'a encore été prise pour répondre aux recommandations formulées au sujet des problèmes d'empoisonnement par le mercure liés à l'extraction artisanale de l'or.

La délégation a indiqué que le Suriname a reçu, par le biais de la Commission interaméricaine des droits de l'homme, des plaintes dénonçant les conséquences de l'exploitation des ressources naturelles dans l'arrière-pays. Mais les autochtones et les Marrons n'ont jamais eux-mêmes déposé plainte, de sorte que l'État estime que les recours internes sont loin d'avoir été épuisés, a indiqué la délégation.

Interrogée sur la participation effective des Marrons et des autochtones à la vie de la communauté et sur leur accès à des postes de responsabilité, la délégation a reconnu qu'il y a un fossé à combler dans ce domaine mais a souligné que les statistiques attestent d'une amélioration de la situation puisqu'un certain nombre de Marrons et d'autochtones occupent des postes importants dans le pays, y compris au sein de leur communauté.

Interrogée sur la question de savoir si le Suriname prévoyait, d'une façon ou d'une autre, de fixer à 18 ans l'âge minimum de consentement au mariage pour l'ensemble des groupes ethniques, la délégation a fait valoir que l'État respecte les cultures et pratiques de tous les groupes ethniques au sein de la société. Interrogée sur les mesures prises pour lutter contre les mariages célébrés sans le consentement de la femme, la délégation a en outre expliqué qu'avec l'introduction de la nouvelle loi sur le mariage, le Suriname estime que ces pratiques ne se reproduiront plus.

Quant à savoir si la loi d'amnistie de 1992 avait mis fin aux procédures relatives aux violations des droits de l'homme commises pendant la période du conflit civil de 1985 à 1991, la délégation a indiqué que les violations commises durant cette période font toujours l'objet d'enquêtes.


M. Régis de Gouttes, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Suriname, s'est félicité de l'ouverture du dialogue avec le Suriname, dont témoignent la présentation du rapport ainsi que les réponses que la délégation vient d'apporter aux questions qui lui étaient adressées. Il a néanmoins estimé que le rapport, qui répond de façon partielle à certaines questions, n'éclaire pas suffisamment le Comité sur la situation concrète et sur la réalité quotidienne vécue notamment par les populations indigènes et tribales dans le pays.

M. de Gouttes a attiré l'attention sur le problème démographique qu'a rencontré le Suriname du fait de l'immigration clandestine d'un nombre important de ses ressortissants vers les territoires voisins, notamment vers la Guyane française, à la recherche de travail ou de conditions de vie meilleures et, dans le passé, à la recherche de la sécurité à l'époque de la guerre civile qui sévissait au Suriname. Le rapatriement volontaire et la réintégration de ces Surinamais, réfugiés en Guyane française dans les années 1992-1994, aurait laissé encore des séquelles, du fait notamment du non-rapatriement de nombreux hommes laissant leurs familles, femmes et enfants dans une situation de pauvreté préoccupante, a déclaré M. de Gouttes.

L'expert a par ailleurs relevé qu'il semble que la question de savoir si la Convention est directement applicable en droit interne relève de l'appréciation des tribunaux. Il a en outre rappelé l'importance qu'accorde le Comité à la ratification de la Convention n°169 de l'Organisation internationale du travail relative aux populations autochtones et tribales. L'un des points positifs du rapport est la présentation de la définition de la discrimination raciale qui figure à l'article 8 de la Constitution et à l'article 126 du Code pénal, a poursuivi M. de Gouttes. Cette définition est en effet conforme à celle qui est donnée par l'article premier de la Convention, s'est-il félicité. Il a relevé que les dispositions du Code pénal permettent de sanctionner les injures et diffamations raciales; l'incitation à la discrimination raciale; la diffusion de propos, d'objets ou d'informations incitant à la discrimination raciale; la participation à des activités racistes; et le refus de biens ou de services pour des motifs raciaux. L'ensemble de cette législation apparaît globalement conforme aux exigences de l'article 4 de la Convention, sous réserve peut-être de l'interdiction des organisations qui incitent à la discrimination raciale et de l'incrimination de la participation à de telles organisations, qui ne paraissent pas figurer expressément dans la législation nationale.

Malgré les textes constitutionnels et législatifs existants, a poursuivi M. de Gouttes, les populations autochtones et tribales continuent de souffrir de discriminations et ce, principalement dans trois domaines: les droits civils et politiques; les droits économiques, sociaux et culturels; et surtout la question des droits sur la terre. Selon la mission spéciale de l'Organisation des États américains sur le Suriname, malgré la création de conseils de districts et de conseils locaux destinés à permettre la représentation d'élus locaux dans l'Assemblée nationale, la question de la démocratie, de la participation et de la représentation des populations de l'intérieur du pays reste non résolue, a notamment relevé M. de Gouttes. Aussi, l'expert s'est-il notamment enquis des obstacles qui s'opposent à la constitution de partis politiques sur une base ethnique.

M. de Gouttes a par ailleurs souhaité connaître les mesures prises par le Gouvernement pour remédier aux déplacements forcés de populations autochtones et tribales par l'effet des activités forestières et minières. Il s'est également enquis des suites qui ont été données aux exactions commises par les forces armées contre les civils, notamment en ce qui concerne le massacre des habitants du village de Moiwana en 1986 et les exécutions extrajudiciaires de civils marrons à Atjoni et Tjon Galanga Pasi en 1987.

En dépit des textes constitutionnels et législatifs garantissant formellement les droits économiques, sociaux et culturels, il existe des indicateurs sérieux de discriminations qui peuvent affecter encore les populations autochtones et tribales de l'intérieur, a poursuivi M. de Gouttes. On assiste à une progression préoccupante de la malaria, des maladies sexuellement transmissibles (liées au développement de la prostitution), ainsi que des maladies découlant du mercure et de la pollution des eaux, a-t-il précisé. Dans le domaine de l'éducation et des droits culturels, le rapport reconnaît avec franchise que les autorités ne sont pas toujours en mesure de pourvoir pleinement aux besoins des écoles et qu'il est nécessaire de solliciter les parents pour contribuer aux frais de fonctionnement des établissements scolaires. Il est en outre fait état du taux d'analphabétisme très élevé de l'intérieur du pays. Le reproche est fait au Gouvernement de ne pas faire d'efforts suffisants pour incorporer l'usage des langues locales dans l'enseignement, a souligné M. de Gouttes. Un effort devrait donc être entrepris pour promouvoir l'usage du sranan tongo, la langue véhiculaire parlée par la plupart des Surinamais, et pour préserver les langues natives des différentes communautés indigènes, a-t-il affirmé.

M. de Gouttes a par ailleurs rappelé que les études effectuées par l'Institut national de l'environnement et du développement du Suriname et par l'auteur d'une thèse sur la toxicologie humaine au Suriname (M. Julius de Kom - 2001) ont révélé l'existence de problèmes d'empoisonnement par le mercure, en liaison avec l'extraction artisanale de l'or dans l'arrière-pays et l'exposition de la population de ces régions à l'absorption de mercure, probablement par inhalation d'émanations toxiques ou par la consommation de poissons des rivières. En outre, selon les informations contenues dans le rapport (document E/CN.4/2003/90 de janvier 2000) du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme des populations autochtones, M. Rodolfo Stavenhagen, «plusieurs communautés autochtones et maronnes ont subi les conséquences des activités minières d'or et de bauxite et de l'exploitation forestière menées par des sociétés nationales et étrangères, sans leur consentement». «En conséquence, de nombreux villages ont dû être déplacés contre le gré de leurs habitants et l'environnement a été perturbé, ce qui a porté un coup à l'économie de subsistance traditionnelle», affirme également le rapport de M. Stavenhagen. Ces informations sont corroborées par les observations provisoires puis les questions qui ont été formulées par le Comité des droits de l'homme en 2002 et en 2003 lorsqu'il s'est saisi de la situation au Suriname, a souligné M. de Gouttes. Le Comité des droits de l'homme a relevé l'absence de reconnaissance légale des droits à la terre; a regretté que des concessions d'exploitation forestière et minière aient été accordées à des sociétés étrangères sans que les populations autochtones et tribales aient été consultées ou informées; et a fait part de sa préoccupation face au déversement de mercure par ces compagnies près des lieux où vivent ces communautés.

De leur côté, les rapports du groupe d'organisations non gouvernementales baptisé «The Forest Peoples Programme» font état de la pétition présentée en 2000 à la Commission interaméricaine des droits de l'homme par des représentants de la communauté saramaka, a poursuivi M. de Gouttes. Dans sa réponse du 8 août 2002, la Commission interaméricaine a informé les requérants qu'elle avait adopté des mesures conservatoires demandant au Suriname de suspendre l'exploitation forestière et minière sur les terres en question jusqu'à ce qu'elle ait fini d'enquêter sur les points soulevés. La Commission interaméricaine a également demandé au Suriname de prendre des mesures adaptées afin de protéger l'intégrité physique des membres des communautés concernées. Le Comité serait intéressé de savoir si le Gouvernement du Suriname a pris effectivement des mesures conservatoires pour se conformer aux demandes de la Commission, a déclaré M. de Gouttes. Outre le problème des Saramakas, les rapports d'ONG mentionnent plusieurs autres cas de risques de mise en danger des populations autochtones par des projets d'exploitation de différentes compagnies étrangères.

M. de Gouttes a souhaité savoir si l'Accord de paix de Lelydorp de 1992 et le Protocole de Buskondre Dey de 2001, présentés par le Gouvernement comme devant garantir les droits des populations indigènes, ont un caractère obligatoire. Ont-ils effectivement été mis en œuvre? Des initiatives ont-elles été prises pour identifier, délimiter et enregistrer les terres et territoires occupés et utilisés traditionnellement par les Amérindiens et les Marrons? Quelle est la politique du Gouvernement en ce qui concerne l'octroi de permis d'exploitation minière et forestière sur les terres des populations autochtones ou tribales, a encore demandé M. de Gouttes? Relevant que la délégation avait indiqué qu'une nouvelle loi sur les mines est en cours d'élaboration, l'expert a souhaité savoir si une consultation des populations autochtones et tribales était prévue dans ce contexte. Quelles sont les mesures envisagées pour effectuer des contrôles sanitaires de l'extraction artisanale de l'or, a-t-il demandé?

Un autre membre du Comité s'est enquis du statut juridique des droits traditionnels et, le cas échéant, de la possibilité de leur en octroyer un.

Est-il exact que les mariages hindous et musulmans bénéficient d'un statut juridique au Suriname alors que les mariages marrons n'en bénéficient pas, s'est interrogé un expert soulignant qu'il pourrait s'agir là d'une discrimination?

Un membre du Comité s'est enquis des mesures prises pour assurer un logement convenable aux membres des groupes ethniques défavorisés.

L'éducation des enfants dans l'arrière-pays exige une attention particulière, a souligné un expert. Il ne faut pas oublier que dans l'arrière-pays, nombre d'enfants ne parlent pas le hollandais mais seulement leur propre langue, a rappelé cet expert. La situation économique inférieure que connaissent les autochtones et les Marrons par rapport aux autres habitants du pays mérite également de retenir particulièrement l'attention du Gouvernement, a-t-il été affirmé.

Lorsque l'on parle des droits des autochtones, il ne faut pas les qualifier de privilèges, a souligné un membre du Comité. Il s'agit bien de droits et non pas de privilèges, a-t-il insisté. Il semblerait qu'il n'y ait pas de problèmes particuliers de coexistence entre les groupes majoritaires, c'est-à-dire entre les Créoles, les Indiens et les Javanais, qui constituent environ 85% de la population du Suriname, a noté un autre expert. En revanche, des problèmes touchent les populations autochtones et tribales. Aussi, serait-il intéressant de comprendre pourquoi la majorité du pays considère que les autochtones sont des privilégiés, ce qui semble dénoter une différence de perception à cet égard entre les organes de contrôle des droits de l'homme et le Gouvernement.


En ce qui concerne le recensement de mai 2003, la délégation a assuré que tous les habitants du pays, y compris les Brésiliens et autres immigrés au Suriname, ont été soumis à ce recensement et ont donc été enregistrés. Certains Surinamais qui avaient fui les troubles civils des années 1980 sont revenus dans le pays après 1986 et sont donc également inclus dans ce recensement. Les Surinamais qui vivent en Guyane française ne sont en revanche pas inclus dans le recensement, a insisté la délégation.

S'agissant du statut de la Convention en droit interne, la délégation a indiqué que c'est toujours en dernière instance le pouvoir judiciaire qui détermine si c'est la Convention ou la Constitution qui doit prévaloir. Aucun tribunal n'a jamais été saisi d'aucune affaire intéressant la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, a précisé la délégation.

La délégation a par ailleurs reconnu que la législation du Suriname ne contient pas de disposition interdisant expressément les organisations qui incitent à la discrimination raciale. Néanmoins, la combinaison de plusieurs articles existants du Code pénal permet de conclure que de telles organisations sont bien interdites, a expliqué la délégation.

Quant à la question de savoir si les agents responsables de l'application des lois sont formés aux droits de l'homme, la délégation a indiqué que, sur décision du Gouvernement, le programme de formation des officiers de police devait désormais inclure une telle formation.

En ce qui concerne la situation des populations autochtones et des Marrons, la délégation a assuré que ces populations participent à la vie du Suriname. L'Assemblée nationale du Suriname comprend plusieurs membres des communautés marronnes ou autochtones. Les membres de ces communautés travaillent souvent dans les secteurs du bois et des mines, a par ailleurs indiqué la délégation. Le premier citoyen du Suriname à avoir obtenu un doctorat en 2004 est d'ascendance marronne, a-t-elle précisé. Le nombre de Marrons ou d'autochtones intégrant l'université est également en augmentation, a-t-elle ajouté. Il ne s'agit pas de prétendre que la situation est idéale mais elle évolue, a affirmé la délégation.

Pour un Surinamais, il est très difficile de parler de race, car le Suriname est une société multiraciale au sein de laquelle tout le monde est Surinamais et jouit des mêmes chances, a par ailleurs souligné la délégation. Si l'on commence à parler de race au Suriname, on risque de faire surgir des éléments qui n'ont pas leur place au sein de cette société, a-t-elle insisté.

Un expert a noté que, s'il y a des problèmes au Suriname, le Gouvernement s'efforce de les résoudre de manière positive; il faut donc que le Comité prenne acte de ces efforts.

La délégation a fait appel à l'indulgence des membres du Comité afin qu'ils acceptent qu'il leur soit répondu ultérieurement aux importantes questions concernant les droits à la terre et les langues. Pour ce qui est de la question de l'empoisonnement dû à la pollution au mercure en rapport avec l'exploitation minière, la délégation a assuré que le Gouvernement a parfaitement conscience de la situation. Les grandes compagnies minières sont soumises à une série de réglementations protégeant l'environnement et les populations autochtones, a expliqué la délégation. Pour les petites exploitations minières, des mesures ont été prises afin d'atténuer les effets de l'exploitation entraînant une pollution au mercure, a-t-elle indiqué.


Observations préliminaires

Le rapporteur du Comité chargé du rapport du Suriname, M. Régis de Gouttes, a remercié la délégation pour toutes les réponses qu'elle a apportées. Il s'est dit satisfait de la réouverture du dialogue avec le Suriname. Ce dialogue a été particulièrement riche, a-t-il estimé. Il a relevé que d'importantes questions ont été soulevées, s'agissant notamment de la nécessaire conciliation du droit de l'État à promouvoir une langue nationale, d'une part, et du respect des langues traditionnelles, de l'autre.

M. de Gouttes a indiqué que les observations finales que le Comité adoptera ultérieurement devront relever les aspects positifs, lesquels concernent notamment la définition de la discrimination raciale énoncée dans la Constitution, qui est conforme à la Convention, ou encore la législation pénale relative à l'incrimination de la discrimination raciale, qui est conforme à l'article 4 de la Convention. Mais il faudra aussi qu'elles relèvent un certain nombre d'interrogations ou d'insuffisances qui ont été identifiées et au sujet desquelles le Comité attend des réponses. Ainsi, a précisé M. de Gouttes, le Comité attend-il de recevoir des renseignements ultérieurs concernant la composition actualisée de la population (dès que les résultats du recensement de mai 2003 seront connus); la suite donnée au projet de création de la Cour constitutionnelle; les perspectives de ratification de la Convention n°169 de l'OIT sur les populations autochtones et tribales; les perspectives d'acceptation par le Suriname de la déclaration prévue au titre de l'article 14 de la Convention, relatif aux communications; la mise en œuvre des accords de paix de 1992, du point de vue du développement des populations de l'intérieur; les suites judiciaires réservées au massacre de Moiwana de 1986.

Surtout, le Comité attend de recevoir des informations sur la situation des populations autochtones et tribales, en particulier les Marrons et Amérindiens, s'agissant plus précisément des mesures prises pour promouvoir leur participation aux activités de la société. Des informations sont également attendues sur les mesures prises pour assurer la protection des enfants et des femmes de l'intérieur du pays. En outre, quelle est la place laissée aux langues locales dans l'enseignement? Sans contester le droit de l'État d'exploiter les ressources naturelles du pays, ni son droit de promouvoir économiquement le pays, le Comité souhaitera également recevoir des informations sur les mesures prises pour permettre que soit reconnu le droit des populations autochtones et tribales sur les terres et pour permettre que ces populations soient consultées au sujet de l'octroi de concessions à des sociétés d'exploitation forestière et minière. Le Gouvernement du Suriname est donc invité à fournir ces éléments de réponse dans son prochain rapport, en sollicitant si nécessaire, pour ce faire, les services consultatifs du Haut Commissariat aux droits de l'homme.

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