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LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT INITIAL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO
13 juillet 2001
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Comité des droits de l'homme
72ème session
13 juillet 2001
Matin
La délégation indique que la peine capitale
a été abolie il y a plus de 40 ans et que
la religion catholique est religion d'État
Le Comité des droits de l'homme a entamé, ce matin, l'examen du rapport initial de Monaco sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Présentant le rapport, M. Bernard Fautrier, Représentant permanent de la Principauté de Monaco auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a rappelé que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques a été ratifié par son pays le 28 août 1997. La délégation a notamment indiqué, en réponse aux experts, que le pays ne disposait pas d'une commission nationale des droits de l'homme et qu'il n'avait pas de projet allant dans ce sens. Étant donné la taille du pays, une commission nationale des droits de l'homme n'est pas nécessaire, ses interventions seraient trop occasionnelles, a estimé la délégation. Elle a en outre indiqué que la peine capitale a été abolie il y a plus de 40 ans.
La délégation a également fourni aux experts des compléments d'information s'agissant de la place du Pacte dans la hiérarchie juridique monégasque, de la participation des femmes à la vie politique, de la transmission de la nationalité monégasque, des droits des enfants nés hors mariage et des droits en matière de divorce. Elle a indiqué, à cet égard, que le divorce par consentement mutuel n'existe pas.
Le chef de la délégation est accompagné de M. Jean-Charles Sacotte, Conseiller technique auprès du Conseiller de gouvernement pour les finances et l'économie et de M. Jean-Philippe Bertani, Deuxième secrétaire à la Mission permanente de Monaco.
Le Comité achèvera son dialogue avec la délégation de Monaco cet après-midi, à partir de 15 heures.
Présentation du rapport de la Principauté de Monaco
Présentant le rapport de la Principauté de Monaco, M. Bernard Fautrier, Représentant permanent de la Principauté de Monaco auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a rappelé que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques a été ratifié par le pays le 28 août 1997 et qu'il est entré en vigueur le 28 novembre 1997. La Principauté a par ailleurs adhéré à diverses conventions internationales, notamment la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et la Convention relative aux droits de l'enfant.
Le rapport initial de Monaco (CCPR/MCO/99/1), en date du 15 mai 2000, indique que la population de la Principauté est composée de 29 972 habitants, dont seulement 5 070 sont des nationaux monégasques, et représente 122 nationalités. Il précise que le concept de «minorité nationale» n'existe pas en droit monégasque puisque les nationaux sont minoritaires dans leur propre pays, les étrangers représentant plus de 80% de la population. Le rapport fait valoir que les droits réservés aux nationaux sont peu nombreux et limitativement énumérés. Ils concernent notamment la liberté d'association, l'exercice de certaines activités économiques et juridiques ainsi que la priorité d'emploi aux nationaux. Le rapport indique que la religion catholique, apostolique et romaine est religion d'État.
La Constitution du 17 décembre 1962 pose le principe de la monarchie héréditaire et constitutionnelle et abolit la peine de mort. Elle consacre la souveraineté de la Principauté «dans le cadre des principes généraux du droit international et des conventions particulières avec la France». Le Conseil communal est compétent pour les affaires de la Cité (état civil, hygiène, etc.) alors que le Conseil national (Parlement), composé de 18 membres élus par les Monégasques, vote les lois. Le rapport précise qu'il n'existe à Monaco aucune institution ni aucun organisme spécialement chargé de veiller au respect des droits de l'homme. L'ensemble du système juridique monégasque est en effet conçu pour de façon à garantir le respect des droits de l'homme. Toute décision administrative portant atteinte aux droits et libertés d'une personne peut faire l'objet d'un recours devant le Tribunal Suprême, lequel peut annuler la décision. Si la violation est le fait d'une personne privée, la victime pourra saisir les tribunaux répressifs ou civils. L'indemnisation pour erreur judiciaire n'est néanmoins pas prévue. Le rapport indique également que les condamnés ne purgent pas de longues peines en Principauté de Monaco mais sont transférés dans des établissements pénitentiaires français. Enfin, il est précisé que la majorité civique est fixée à 21 ans.
Examen du rapport de Monaco
S'agissant notamment des réserves émises par Monaco lors de la ratification du Pacte, la délégation a expliqué que la réserve à l'article 25 du Pacte, relatif à l'accès à la fonction publique, est fondée sur le souci de respecter les dispositions qui résultent d'accords particuliers avec la France sur le sujet. Toutefois, la Principauté ayant engagé un processus d'adhésion au Conseil de l'Europe nécessitant des modifications constitutionnelles, le pays compte, à cette occasion, revoir sa position au sujet des restrictions au Pacte.
S'agissant de la place qu'occupe le Pacte dans la hiérarchie des normes juridiques monégasques, la délégation a précisé que le Pacte a une valeur supérieure à la loi interne. La Constitution demeure néanmoins la norme suprême.
Interrogée sur l'existence d'une commission nationale des droits de l'homme, la délégation a répondu qu'une telle institution n'existe pas et qu'aucun projet allant dans ce sens n'est en cours d'élaboration. La délégation a rappelé aux membres du Comité que la Principauté de Monaco ne forme en effet qu'une seule commune dont les limites se confondent avec celles de l'État. Sa superficie est de 195 hectares et sa population permanente ne représente que 35 000 habitants. Au regard de la taille du pays, une commission nationale des droits de l'homme n'est pas nécessaire, ses interventions seraient trop occasionnelles. Par ailleurs, les institutions judiciaires et administratives du pays sont en charge de veiller au respect des principes fondamentaux des droits de l'homme.
En ce qui concerne la ratification du premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte, la délégation a indiqué qu'avant de s'engager vis-à-vis du Comité, le pays souhaite, dans un premier temps, étudier de façon approfondie tous les autres moyens de recours qu'il pourrait mettre à la disposition des particuliers, tels que les mécanismes proposés par le Conseil de l'Europe. L'année dernière, Monaco a adhéré au deuxième Protocole facultatif relatif à l'abolition de la peine de mort, a indiqué le représentant, qui a rappelé que la peine capitale a été abolie il y a plus de 40 ans.
Interrogée sur les mesures prises pour assurer la participation des femmes à la vie politique, la délégation a indiqué que la législation monégasque ne comporte aucune discrimination à l'encontre des femmes. Les femmes sont largement représentées dans les institutions judiciaires ainsi qu'à l'Assemblée, qui compte quatre femmes sur 18 membres, et à l'Assemblée communale, avec quatre femmes sur 15 membres. En 10 ans, on a pu constater une augmentation de 92 % du nombre de femmes dirigeant des entreprises et une augmentation de 38 % du nombre de femmes exerçant des fonctions de cadre supérieur. La délégation a néanmoins regretté que Monaco n'ait pas encore ratifié la Convention pour l'élimination de toutes formes de discriminations à l'égard des femmes, mais a indiqué que cela fait partie des projets du gouvernement.
Les membres du Comité ayant souhaité des statistiques relatives à la violence contre les femmes, la délégation a indiqué que 22 femmes ont porté plainte pour violences l'année dernière, dont 15 pour violences conjugales.
L'enfant né hors mariage a les même droits et devoirs que les enfants légitimes, a par ailleurs indiqué la délégation. En matière successorale, les enfants légitimes et naturels ont les même droits, à partir du moment où la filiation est légalement établie. Lorsque la filiation n'est pas établie, l'enfant porte le nom de la mère. Toutefois, les enfants incestueux et adultérins demeurent dans une position d'infériorité par rapport aux enfants légitimes et naturels, a reconnu la délégation. Plusieurs experts ont d'ailleurs émis de vives préoccupations au sujet de cette discrimination dont les enfants adultérins sont victimes.
S'agissant de la transmission de la nationalité monégasque par les femmes, la délégation a reconnu que la législation sur le sujet n'est pas satisfaisante. Néanmoins, des progrès ont été accomplis depuis l'adoption, en 1992, d'une législation, qui prévoit que la femme monégasque peut transmettre sa nationalité à ses enfants, sous certaines conditions. La Principauté de Monaco reconnaît que cette loi est trop restrictive et le Conseil national est actuellement saisi d'un projet de révision afin d'instaurer une stricte égalité entre les hommes et les femmes pour ce qui concerne la transmission de la nationalité.
Un expert ayant souhaité connaître les incidences réelles de la notion de «chef de famille», la délégation a indiqué que la seule prérogative qui soit exclusivement réservée à l'époux est le choix de la résidence de la famille. En dehors de cette exception, les époux ont les mêmes droits, devoirs et prérogatives au sein de la famille. La délégation a par ailleurs précisé que les droits successoraux des femmes sont identiques à ceux des hommes.
La délégation a par ailleurs indiqué que le divorce par consentement mutuel n'existe pas. Seul le divorce pour faute ) la liste des fautes admissibles étant restrictive ) peut être invoqué par les Monégasques. Plusieurs experts ayant estimé que les possibilités de divorce sont trop limitées et désuètes, la délégation a expliqué que l'absence de divorce par consentement mutuel s'explique en partie par le fait que la religion catholique, qui est religion d'État, n'est pas favorable au divorce. Toutefois, le droit monégasque appliquant le droit national des résidents étrangers vivant à Monaco, en particulier en matière de divorce, seuls les Monégasques et les résidents issus de pays ne reconnaissant pas le divorce mutuel sont lésés à cet égard.
Par ailleurs, l'interdiction de l'interruption volontaire de grossesse figurant dans le Code pénal s'explique également par le fait que Monaco est un pays de tradition catholique. Toutefois, la proximité et l'absence de tout contrôle à la frontière font que l'avortement peut être pratiqué en France, selon la loi française. L'interruption thérapeutique de grossesse est néanmoins pratiquée à Monaco lorsque la santé de la mère est en danger, a précisé la délégation.
En ce qui concerne l'interdiction de toutes les formes de discrimination raciale, la délégation a indiqué que cette interdiction découle à Monaco du principe de l'égalité de tous devant la loi, énoncé aux articles 17 et 32 de la Constitution. Le gouvernement envisage néanmoins d'interdire explicitement la discrimination raciale, même si, jusqu'à présent, aucune plainte fondée sur la discrimination raciale n'a été déposée auprès des forces de police.
S'agissant du droit d'association, la délégation a indiqué qu'une simple déclaration auprès de l'administration suffit pour qu'une association exclusivement composée de Monégasques soit formée. En ce qui concerne les associations entièrement ou en partie composées d'étrangers, une autorisation doit leur être accordée par l'administration monégasque. Jusqu'à présent, aucune association ne s'est vu refuser cette autorisation. Toutefois, un projet de loi visant à supprimer cette distinction est en cours d'élaboration. Il prévoit néanmoins deux types d'associations : l'association simple, qui peut indifféremment être composée de Monégasques ou d'étrangers, et l'association reconnue d'utilité publique, qui bénéficiera de facilités, notamment financières.
Un membre du Comité ayant souhaité de plus amples informations au sujet du système carcéral monégasque, la délégation a déclaré que la privation de liberté n'est possible qu'à partir de 13 ans et dans des locaux appropriés. Elle a précisé que la prison de Monaco, qui dispose de 99 places, ne contient jamais plus d'une vingtaine de personnes; les détenus ont donc chacun leur cellule.
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