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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT EXAMINE LE RAPPORT INITIAL DE LA SUISSE

29 mai 2002



CRC
30ème session
29 mai 2002



Dans ses observations préliminaires, un membre du Comité
suggère que le pays désigne un mécanisme fédéral de coordination
de la mise en œuvre de la Convention



Le Comité des droits de l'enfant a procédé, aujourd'hui, à l'examen du rapport initial présenté par la Suisse sur les mesures qu'elle a prises pour se conformer aux dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant. Présentant des observations préliminaires, la rapporteuse du Comité pour l'examen de ce rapport a notamment estimé que la Suisse devrait désigner un mécanisme de coordination de la mise en œuvre de l'action en faveur de l'enfance, ce qui permettrait notamment de passer au crible les différences qui peuvent exister entre les cantons du point de vue de l'application de la Convention. L'experte a par ailleurs souligné que les membres du Comité souhaitent que la Suisse utilise pleinement les principes généraux énoncés dans la Convention lorsqu'elle procède à des révisions de sa législation.
Le Comité adoptera à huis clos ses observations finales et ses recommandations sur le rapport de la Suisse avant de les rendre publiques à la fin de la session, le vendredi 7 juin 2002.
Présentant le rapport de son pays, M. Nicolas Michel, Directeur de la Direction du droit international public au Département fédéral des affaires étrangères, a notamment fait valoir que la situation des enfants et des adolescents en Suisse est plutôt jugée bonne. Il a souligné que plusieurs révisions de la législation nationale ont néanmoins été menées à bien en vue d'améliorer encore cette situation. Parmi celles-ci, il convient de mentionner, en particulier: le nouveau droit du divorce et de la filiation entré en vigueur en 2000; la révision partielle de la loi sur l'aide aux victimes d'infractions, visant à améliorer la position juridique des enfants dans la procédure pénale, qui doit entrer en vigueur le 1er octobre 2002; ainsi que les différents projets de loi adoptés aux niveaux cantonal et fédéral en vue d'améliorer la situation de la famille.
La délégation suisse est également composée de représentants de la Mission permanente de la Suisse auprès des Nations Unies à Genève, du Département des affaires étrangères, du Département fédéral de l'intérieur, de l'Office fédéral des réfugiés, de l'Office fédéral de la justice, de l'Office fédéral des assurances sociales, de l'Office fédéral des étrangers, du Secrétariat d'État à l'économie, de la Commission fédérale des étrangers ainsi que de la Commission fédérale pour la jeunesse. La délégation intègre également des représentants des Cantons de Genève et du Valais, un professeur de l'Université de Genève, ainsi que Mme Martine Brunschwig Graf, Conseillère d'État de la République et Canton de Genève, Directrice du Département cantonal de l'instruction publique et Vice-Présidente de la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique.
La délégation a répondu aux questions que lui ont adressées les experts s'agissant, notamment, des questions d'éducation; des abus contre les enfants; du traitements par la police des enfants étrangers; de la législation sur les mineurs; des disparités entre les cantons en matière de sécurité sociale; ainsi que des nombreuses réserves que le pays a émises à l'égard de plusieurs dispositions de la Convention.
Plusieurs experts ayant indiqué ne pas comprendre pourquoi le droit à l'éducation n'était pas clairement reconnu en Suisse, Mme Brunschwig Graf a assuré que la Constitution garantit le droit à l'enseignement de base; l'éducation est gratuite dans tous les cantons suisses en ce qui concerne l'éducation obligatoire de base.
Le nouveau projet de loi sur les mineurs prévoit de porter de 7 à 10 ans l'âge minimum de la responsabilité pénale, a par ailleurs indiqué la délégation, qui a rappelé que ce projet a déjà été approuvé par les deux chambres.
La délégation a d'autre part rappelé que les Suisses ainsi que les étrangers détenteurs d'un permis C (autorisation d'établissement) ou B (autorisation de séjour) bénéficient déjà du regroupement familial et qu'avec l'entrée en vigueur dans quelques jours des accords bilatéraux, tous les ressortissants des États de l'Union européenne pourront également faire venir leurs familles. Selon le projet de nouvelle loi sur les étrangers, déjà approuvé par le Conseil fédéral, les personnes résidant en Suisse pour un séjour de courte durée (écoliers, étudiants...) pourront également bénéficier du regroupement familial, a indiqué la délégation.
Demain, le Comité se réunira toute la journée à huis clos pour examiner des observations finales sur des rapports déjà examinés au cours de la présente session. Vendredi matin, à 10 heures, il entamera l'examen du rapport initial des Émirats arabes unis (CRC/C/78/Add.2).

Rapport de la Suisse
Le rapport initial de la Suisse (CRC/C/78/Add.3) rappelle que ce pays fait partie des États à tradition moniste. Tout traité international, dont la Convention, ratifié par le Gouvernement fait donc partie intégrante de l'ordre juridique dès son entrée en vigueur, sans qu'il y ait besoin de le transposer dans l'ordre juridique interne par l'adoption d'une loi spécifique. La Convention est entrée en vigueur en Suisse le 26 mars 1997, rappelle le rapport, qui souligne également qu'une grande part de la politique de l'enfance et de la jeunesse est du ressort des cantons, notamment l'ensemble de l'école obligatoire, le domaine de l'exécution des peines, certaines parties de la politique de santé, l'encouragement de la culture et des secteurs importants de la politique sociale (notamment la prise en charge des enfants hors de la famille). Le rapport précise que, lors de l'adhésion du pays à la Convention, certains domaines dans lesquels le droit fédéral ou cantonal n'était pas compatible avec des dispositions de la Convention ont été identifiés, ce qui a conduit à la formulation de réserves à l'égard de ces dispositions. À diverses reprises, le Gouvernement suisse a exprimé son souhait de créer, par les révisions législatives nécessaires, les conditions favorables à un retrait prochain des réserves, souligne le rapport, daté de janvier 2001.
(Les cinq réserves que la Suisse a émises lors de son adhésion à la Convention concernent les articles 5, 7, 10, 37 et 40 de cet instrument, qui concernent notamment l'autorité parentale, le droit à l'acquisition de la nationalité suisse, le regroupement familial des étrangers, la séparation des jeunes et des adultes privés de liberté, le droit inconditionnel à une assistance, à la séparation entre l'autorité d'instruction et l'autorité de jugement et le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité ou la condamnation.)
La nouvelle Constitution fédérale, entrée en vigueur le 1er janvier 2000, contient désormais, dans la partie consacrée aux droits fondamentaux une disposition expresse sur la protection des enfants et des jeunes. Le rapport indique par ailleurs qu'une révision partielle des normes pénales concernant les infractions contre l'intégrité sexuelle est actuellement en préparation. Il s'agit ici de prolonger le délai de prescription des délits sexuels commis sur des enfants et de rendre punissable la simple possession de pornographie enfantine, précise le rapport. Les actes punissables contre l'intégrité sexuelle, les actes d'ordre sexuel sur les enfants sont les plus fréquents. En 1997, 319 personnes ont été condamnées pour des infractions de ce type. L'emprisonnement est la peine qui est infligée le plus souvent dans ces cas, précise le rapport. Il ajoute que les filles sont notablement plus souvent victimes de mauvais traitements sexuels que les garçons. Les garçons victimes d'agressions sexuelles représentent 30% alors que les auteurs de ces agressions sont des hommes à 82%. La pédophilie comprend pour une part importante les maltraitances d'enfants de caractère homosexuel, poursuit le rapport. Une préférence marquée ressort dans la structure d'âge des victimes, ajoute-t-il: les 12-16 ans constituent en effet le plus grand nombre de victimes. Les chiffres émanant des centres de consultation LAVI (créés en vertu de la Loi sur l'aide aux victimes d'infractions) apportent quelques éléments supplémentaires puisqu'ils indiquent qu'en 1996, 3 493 personnes ont cherché de l'aide auprès d'un centre de consultation suite à un délit sexuel. Pour la même année, elles étaient 2 582 à s'adresser à l'un de ces centres suite à des blessures corporelles. Dix pour cent de ces personnes sont des enfants de moins de 7 ans et la part des 7-16 ans se monte à 11%, précise le rapport. On s'accorde en général pour estimer qu'au moins une fille sur cinq et un garçon sur dix sont victimes d'un abus sexuel avant l'âge de 18 ans, insiste le rapport. Il ajoute que 90% des abus sont commis par des parents, familiers ou personnes connues de l'enfant et beaucoup restent ignorés ou impunis.
En 1990, sur les 1 399 011 enfants et jeunes vivant dans le pays, 1 132 942 étaient de nationalité suisse. La plupart des enfants étrangers possédaient la nationalité italienne (78 157), yougoslave (46 738), espagnole (27 266), turque (27 079) ou portugaise (26 386). Il souligne par ailleurs que la loi sur l'asile totalement révisée et l'ordonnance 1 sur l'asile – toutes deux entrées en vigueur le 1er octobre 1999 – améliorent la position des mineurs dans la procédure d'asile. D'après une enquête réalisée par le Bureau fédéral de l'égalité entre femmes et hommes, 85% des personnes interrogées constatent que les femmes réfugiées rencontrent des difficultés au niveau de l'éducation de leurs enfants, indique par ailleurs le rapport.
S'agissant des enfants en conflit avec la loi, le rapport rappelle que le Code pénal prévoit une réglementation particulière – le droit pénal des mineurs – applicable aux infractions commises par les enfants âgés de 7 à 18 ans. Les sanctions prévues par le droit pénal des mineurs diffèrent selon l'âge de l'enfant, poursuit le rapport. Les mesures et les peines envisageables ne sont en principe pas cumulatives. Il existe toutefois deux exceptions à ce principe: la première permettant le prononcé de mesures éducatives en plus de la détention ou de l'amende et la seconde concernant le cas d'adolescents récidivistes ou faisant déjà l'objet d'une mesure mais pour qui la poursuite de la mesure ou sa modification ne suffit pas. Pour ce qui est des sanctions applicables aux enfants de 7 à 15 ans, le rapport souligne qu'en ce qui concerne les enfants très difficiles abandonnés ou en sérieux danger, l'autorité de jugement peut ordonner des mesures éducatives prévues dans l'article 84 du Code pénal, c'est-à-dire l'assistance éducative ainsi que le placement familial ou dans une maison d'éducation. Le droit pénal des mineurs est en pleine révision, souligne toutefois le rapport et selon le projet de nouvelle loi fédérale sur la condition pénale des mineurs présenté au Parlement par le Gouvernement, en septembre 1998, la limite fédérale sera relevée de sept à dix ans, précise le rapport. En 1997, poursuit le rapport, 9 360 condamnations pénales prononcées à l'encontre d'enfants (de 7 ans à moins de 15 ans) ou d'adolescents (de 15 ans à moins de 18 ans) ont été enregistrées.

Présentation du rapport de la Suisse
Présentant le rapport de son pays, M. NICOLAS MICHEL, Directeur de la Direction du droit international public au Département fédéral des affaires étrangères de la Suisse, a indiqué que la Commission fédérale des étrangers et la Commission fédérale pour la jeunesse constituent des institutions nationales spécialisées. À ce titre, elles contribuent à l'amélioration de la situation de la jeunesse et des étrangers. Elles suivent de près l'évolution de la situation dans le pays et peuvent adresser des propositions au Gouvernement. Conformément au statut juridique de ces commissions, leurs représentants peuvent faire valoir un point de vue indépendant, a insisté M. Michel.
M. Michel a relevé que la situation des enfants et des adolescents en Suisse est plutôt jugée bonne. Il a indiqué que l'élaboration du rapport initial a été l'occasion d'examiner pour la première fois, de manière globale la situation sociale et juridique des enfants et des adolescents dans le pays. Ce rapport constitue aujourd'hui un important outil de travail pour de nombreuses institutions, a-t-il assuré. Il a ajouté que la collaboration a été intensifiée entre Confédération et cantons, entre Confédération et conférences intergouvernementales des ministres cantonaux, ainsi qu'entre les différents offices au sein de l'administration fédérale. De même, les contacts avec les organisations non gouvernementales (ONG) ont été renforcés, a précisé M. Michel. Il a affirmé que d'une manière générale, les conditions de vie et le statut des enfants ont suscité un intérêt grandissant, à la faveur notamment de l'application de la Convention par l'administration et les tribunaux, des cours de formation pour les spécialistes et les milieux intéressés, et des activités d'information.
Plusieurs révisions de la législation nationale ont été menées à bien en vue d'améliorer la situation des enfants et des adolescents, a d'autre part rappelé M. Michel. Parmi celles-ci, il convient de mentionner en particulier: le nouveau droit du divorce et de la filiation, entré en vigueur le 1er janvier 2000; la révision partielle de la loi sur l'aide aux victimes d'infractions, visant à améliorer la position juridique des enfants dans la procédure pénale, dont l'entrée en vigueur est fixée au 1er octobre 2002; ainsi que les différents projets de loi adoptés aux niveaux cantonal et fédéral en vue d'améliorer la situation de la famille. Dans presque tous les domaines touchés par une réserve introduite lors de la ratification de la Convention, des travaux de révision ont été entrepris et parmi eux, certains sont fort avancés, a par ailleurs indiqué M. Michel. Quant aux engagements internationaux de la Suisse, a-t-il poursuivi, d'importants développements se sont produits ou sont en cours. Ainsi, la ratification de la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale est-elle imminente. Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant qui traite de l'implication des enfants dans les conflits armés a été approuvée par le Conseil des États (la Chambre des cantons du Parlement fédéral) le 4 mars dernier par 39 voix sans aucune opposition et le Conseil national (la Grande chambre du Parlement fédéral) devrait se prononcer rapidement, a poursuivi M. Michel. Le Protocole pourrait être ratifié rapidement si le Conseil national suivait le Conseil des États (équivalent du Sénat), a-t-il précisé. Il a en outre indiqué qu'il est prévu d'engager à brève échéance le processus de ratification du Protocole facultatif à la Convention traitant de la vente d'enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants.
Dans le domaine de la politique de l'enfance et de la jeunesse, les cantons ont fait d'importants efforts, a par ailleurs fait valoir M. Michel, avant de préciser que quelques-uns ont élaboré des lois spéciales pour les enfants et les jeunes; d'autres ayant créé une section, une commission ou une autre institution spécialisée chargée de l'enfance.

Examen du rapport
La rapporteuse du Comité chargé de l'examen du rapport de la Suisse, MME SAISUREE CHUTIKUL, a relevé que dans ce pays, de nombreuses activités ont été déployées en faveur de l'enfance, qui ne devraient pas manquer d'avoir des effets positifs sur la situation des enfants et des jeunes. Elle a relevé que la nouvelle Constitution fédérale de 1999 comprend des dispositions relatives à la protection des enfants contre toutes les formes de discrimination. Mme Chutikul s'est interrogée sur la nature des liens entre les cantons et le Gouvernement fédéral en matière de coordination de l'action en faveur de la mise en œuvre de la Convention. Elle a par ailleurs jugé regrettable que la Suisse ait indiqué, (dans ses réponses écrites aux questions du Comité), que le retrait de la réserve qu'elle a émise concernant une disposition de la Convention relative à l'autorité parentale ne constituait pas pour elle une priorité.
Mme Chutikul a constaté l'existence d'une inégalité de traitement entre les enfants du pays, notamment du point de vue de l'éducation et d'autres aspects de la politique sociale, en fonction des cantons dans lesquels ils vivent. Les enfants des requérants d'asile ont-ils accès à l'éducation, a-t-elle par ailleurs demandé? L'experte s'est par ailleurs enquise de la politique mise au point dans le pays en faveur des enfants ayant des difficultés d'apprentissage.
En ce qui concerne les questions d'éducation, un membre du Comité s'est pour sa part inquiété de la baisse constatée du budget consacré à l'éducation, qui est passé de 5,7% du PIB en 1992 à 5,2% en 1998. Un expert s'est inquiété que les enfants de réfugiés semblent devoir s'acquitter d'une taxe préscolaire à laquelle ne semblent pas être soumis les autres enfants du pays. Un autre membre du Comité a relevé que l'âge minimum d'accès à l'emploi est fixé à 15 ans, ce qui certes correspond à l'âge de fin d'obligation scolaire mais peut ne pas correspondre à l'âge de fin de scolarité d'un enfant qui aurait redoublé. Plusieurs experts ont indiqué ne pas comprendre pourquoi il n'y avait pas reconnaissance claire du droit à l'éducation dans le pays.
MME MARTINE BRUNSCHWIG GRAF, Conseillère d'État de la République et Canton de Genève, Directrice du Département cantonal de l'instruction publique et Vice-Présidente de la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique, a rappelé que lors d'un référendum organisé dans le pays, la population a estimé que l'éducation de base devait être prise en charge par les cantons afin de mieux cerner et satisfaire les besoins au niveau local. La Constitution suisse garantit déjà le droit à l'enseignement de base et demande à la Confédération et aux cantons de faire en sorte que les jeunes puissent disposer d'une formation de base et d'une formation continue conformes à leurs aptitudes, a-t-elle fait valoir. Elle a assuré que l'éducation est gratuite dans tous les cantons suisses en ce qui concerne l'éducation obligatoire de base et, qu'à sa connaissance, l'éducation préscolaire est, elle aussi, gratuite dans tous les cantons. Aucun canton «ne lâche dans la nature» des élèves qui n'auraient pas accompli neuf années d'éducation de base, a poursuivi la délégation avant de souligner qu'à quelques exceptions près, la grande majorité des élèves poursuivent leurs études au-delà de la scolarité obligatoire. Il n'y a donc pas lieu d'élever l'âge de l'obligation scolaire dans le pays, a-t-elle affirmé.
Il n'y a pas de règle qui permette de dire qu'il existe des différences de traitement entre les cantons en matière d'éducation, a en outre assuré Mme Brunschwig Graf. Les enfants dont les parents sont sans statut ou n'ont pas de papiers ont accès à l'éducation dans tous les cantons du pays, comme l'atteste une récente enquête intercantonale, a-t-elle par ailleurs fait observer.
S'agissant du budget consacré à l'éducation, Mme Brunschwig Graf a fait observer qu'en matière statistique, il peut arriver qu'un élément enregistre une baisse en termes de pourcentage alors que les chiffres bruts y relatifs sont en réalité en hausse.
En ce qui concerne les abus contre les enfants, la délégation a notamment indiqué que les démarches entreprises par les autorités dans ce domaine intègrent des éléments ludiques ou culturels (théâtre, par exemple) qui permettent aux enfants de parler, tant il est vrai que dans ces affaires, le principal obstacle est «la loi du silence». Ces questions ne sont plus taboues en Suisse, ce qui n'empêche pas qu'apprendre à dénoncer est une entreprise difficile, a ajouté la délégation. Il n'y a pas plus d'actes de ce type aujourd'hui qu'hier, mais aujourd'hui, on ose en parler, a-t-elle souligné.
Un membre du Comité a fait part de ses préoccupations face aux allégations de mauvais traitements infligés par la police à des enfants étrangers. Plusieurs membres du Comité se sont pour leur part inquiétés de la décision prise le 8 mai 1991 par le tribunal fédéral qui a estimé que les châtiments corporels peuvent être autorisés à l'école «en cas d'urgence». Il semble ainsi que la Suisse ait régressé plutôt que progressé dans ce domaine, a regretté un expert.
La délégation a indiqué que le nouveau projet de loi sur les mineurs prévoit de porter de 7 à 10 ans l'âge minimum de la responsabilité pénale. Elle a rappelé que ce projet a déjà été approuvé par les deux chambres. Quoi qu'il en soit, en vertu de la loi actuellement en vigueur, la règle pour les délinquants de moins de 15 ans consiste déjà à ne pas leur appliquer de peines à proprement parler mais uniquement des sanctions à caractère éducatif.
Un expert s'est inquiété des conséquences que pourrait avoir la réforme en cours de la sécurité sociale sur la situation des segments de la population qui vivent déjà en dessous du seuil de pauvreté.
L'article 116 de la Constitution prévoit que la Confédération a compétence pour légiférer en matière d'allocations familiales, a indiqué la délégation. Mais pour l'heure, la Confédération n'a usé de sa prérogative en la matière qu'une seule fois, en 1952, en légiférant pour le secteur agricole. En dehors de ce cas précis, le régime des allocations reste à ce jour purement cantonal, a souligné la délégation avant de faire observer que cinq cantons seulement prévoient des allocations familiales pour les personnes qui n'exercent pas d'activités lucratives. Pour remédier aux disparités dans ce domaine, nombre d'initiatives ont été lancées au niveau fédéral mais, à ce jour, elles se sont toujours heurtées à la résistance de la compétence cantonale, a indiqué la délégation.
Il incombe au gouvernement fédéral de faire en sorte que sur tout le territoire de la Confédération, tous les enfants jouissent des mêmes droits, ont souligné de nombreux experts, appuyés dans ce sens par le Président du Comité, M. Jacob Egbert Doek.
La délégation a assuré que rien de ce que la délégation a dit tout au long de cette journée sur le fédéralisme ne doit être interprété comme visant à soustraire le pays des obligations internationales qui lui incombent.
La délégation a par ailleurs indiqué qu'un projet de loi actuellement pendant devant le Parlement et visant à améliorer l'autonomie des personnes handicapées prévoit d'instituer des allocations d'assistance qui seraient versées à ces personnes dès la naissance et qui seraient plus élevées que l'allocation spéciale déjà existante.
En ce qui concerne le cadre institutionnel de la Suisse, la délégation a souligné qu'il existe dans ce pays des mécanismes permettant d'assurer un certain degré d'harmonisation en matière de mise en œuvre de la Convention. Le fédéralisme comporte un certain nombre d'avantages dont le moindre n'est pas d'offrir la possibilité à un progrès d'apparaître dans un canton pour ensuite s'étendre à d'autres cantons puis à l'ensemble du pays sans attendre que tout le monde soit d'accord en même temps, a fait observer la délégation.
La plupart des experts ont encouragé la Suisse à retirer les réserves qu'elle maintient à l'égard de nombre de dispositions de la Convention. La délégation a expliqué que lorsqu'elle a ratifié la Convention, la Suisse a entrepris un examen très approfondi de la conformité de son droit interne avec les dispositions de cet instrument et, ce faisant, a identifié tous les domaines d'incompatibilité. Aussi, le pays a-t-il pu examiner les possibilités de révision de sa législation. Par conséquent, dès l'entrée en vigueur de la Convention il y a quatre ans, la Suisse a entrepris des travaux de révision dans presque tous les domaines touchés par une réserve, a assuré la délégation. Elle a précisé qu'en mars dernier, les autorités ont procédé à un examen des possibilités de retrait des réserves. La Suisse est disposée dès à présent à entamer le processus de retrait de la réserve émise à l'égard de la disposition de l'article 40 concernant la mise à disposition d'un interprète dans la procédure pénale, a déclaré la délégation. Cette réserve est devenue sans objet depuis que le pays a retiré la réserve similaire qu'il avait émise à l'égard de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, a expliqué la délégation. En effet, les cantons garantissent déjà dans toutes les procédures pénales un interprète gratuit sans l'obligation de remboursement. Par ailleurs, la question de l'assistance juridique (qui fait également l'objet d'une réserve à l'article 40) relève pour l'heure des cantons, a indiqué la délégation avant de préciser qu'en règle générale le mineur a toujours le droit de mandater un avocat. Il n'en demeure pas moins qu'il sera possible d'examiner le retrait de cette réserve lorsque sera entré en vigueur le projet de nouvelle loi pénale sur les mineurs qui règlera la question de la défense au niveau fédéral et permettra donc d'unifier le droit d'assistance.
En ce qui concerne la réserve à l'article 7, sur le droit d'acquérir la nationalité, la situation a déjà été modifiée avec l'entrée en vigueur de la nouvelle Constitution fédérale qui attribue à la Confédération la compétence de régler la naturalisation des enfants apatrides, a souligné la délégation.
Pour ce qui est de la question du regroupement familial, qui fait l'objet d'une réserve émise à l'égard de l'article 10 de la Convention, la délégation a expliqué qu'en vertu du droit suisse, bénéficient du regroupement familial les Suisses ainsi que les étrangers détenteurs d'un permis C (autorisation d'établissement) ou B (autorisation de séjour). Avec l'entrée en vigueur (le 1er juin 2002) des accords bilatéraux, tous les ressortissants des États de l'Union européenne pourront également faire venir leurs familles, a ajouté la délégation. Selon le projet de nouvelle loi sur les étrangers, les personnes résidant en Suisse pour un séjour de courte durée (écoliers, étudiants..) pourront également bénéficier du regroupement familial, a-t-elle indiqué avant de préciser que ce projet de loi a déjà été approuvé par le Conseil fédéral et sera par la suite examiné par le Parlement. Après l'entrée en vigueur de cette loi fédérale, la Suisse examinera le retrait de cette réserve, à la lumière aussi, entre autres, du droit d'asile.
En ce qui concerne la séparation des jeunes et des adultes privés de liberté – question qui fait également l'objet d'une réserve à l'article 37 de la Convention – la délégation a affirmé qu'il semble y avoir un malentendu dans ce domaine. En effet, il existe en Suisse trois types de privation de liberté, a-t-elle expliqué. Le premier type de privation de liberté est la détention avant jugement et dans ce cas, la séparation des jeunes des adultes est obligatoire. Le deuxième type relève des mesures préventives, notamment éducatives ou thérapeutiques, et dans ce cas, la séparation est d'ores et déjà garantie aujourd'hui. Là où subsiste un problème, c'est dans le cas des peines privatives de liberté, a admis la délégation avant de reconnaître que dans ces cas, de nouveaux établissements de détention s'avèrent effectivement nécessaires.
En ce qui concerne l'article 5 de la Convention, la délégation a souligné que c'est une déclaration interprétative et non une réserve à proprement parler que la Suisse a faite au sujet de l'autorité parentale.
En réponse à la question relative aux mauvais traitements infligés par la police à des enfants étrangers, la délégation a reconnu que certains cas de mauvais traitements de ce type se sont effectivement produits, en particulier dans le Canton de Genève. Ces cas sont à mettre en rapport avec des infractions à la loi sur le trafic des stupéfiants et il est un fait que le trafic de stupéfiants a pris une certaine ampleur ces derniers temps, a expliqué la délégation. On rencontre donc dans ces affaires des cas de gestes malheureux et de façon inadéquate d'appréhender les trafiquants, a-t-elle admis. Il est vrai que les techniques utilisées pour «faire cracher les boulettes de cocaïne» (que les trafiquants dissimulent dans leur bouche) peuvent parfois dépasser les normes, a déclaré la délégation. Il n'en demeure pas moins que les requérants d'asile qui sont parfois concernés par ces situations ne sont peut-être pas aussi mineurs que leur déclaration d'âge ne le prétend, ce qui s'avère souvent difficile à vérifier dans la mesure où nombre d'entre eux n'ont pas de papiers. Quoi qu'il en soit, a précisé la délégation, un dispositif d'information et de médiation avec la police a été mis sur pied pour répondre à cette situation et des améliorations notoires ont pu être enregistrées depuis, a-t-elle affirmé.
Les châtiments et punitions corporels sont interdits dans toutes les écoles suisses et dans toutes les législations cantonales du pays, a assuré la délégation. Cette interdiction se double d'une interdiction en vertu du droit pénal suisse, a-t-elle insisté. Les seules mesures disciplinaires autorisées dans les écoles sont l'avertissement oral; les devoirs supplémentaires; la convocation; la suspension disciplinaire et l'exclusion de l'école, a précisé la délégation.

Observations préliminaires sur le rapport
Dans les observations préliminaires qu'elle a présentées en tant que rapporteuse du Comité pour la Suisse, Mme Saisuree Chutikul a jugé fructueux tant pour le Comité que pour la délégation le dialogue qui s'est noué aujourd'hui autour de l'examen du rapport suisse. Elle a assuré que les observations finales du Comité ne demanderont pas au pays de se «débarrasser du système fédéraliste», mais la Suisse devrait désigner un mécanisme de coordination de la mise en œuvre de l'action en faveur de l'enfance, ce qui permettrait notamment de passer au crible les différences qui peuvent exister entre les cantons du point de vue de l'application de la Convention. Les experts souhaitent que la Suisse utilise pleinement les principes généraux énoncés dans la Convention lorsqu'elle procède à des révisions législatives, a souligné Mme Chutikul. Il serait en outre bon que les enfants puissent avoir connaissance de la teneur des observations finales que le Comité présentera à la fin de cette session.
La délégation suisse a notamment souligné que «le Comité a servi de catalyseur en mettant l'administration fédérale devant sa tâche de coordination».



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