Communiqués de presse Haut-Commissariat aux droits de l’homme
La cheffe des droits de l'homme affirme que le Sénégal a fait d'importants progrès, mais des lacunes subsistent
Pillay au Sénégal
18 mars 2011
18 Mars 2011
La cheffe des droits de l'homme affirme que le Sénégal a fait d'importants progrès, mais des lacunes subsistent
DAKAR, SÉNÉGAL - La Haut- Commissaire aux droits de l'homme des Nations Unies (HCDH), Navi Pillay, a déclaré vendredi que le Sénégal a fait des progrès considérables en vue de protéger les droits de l'homme de ses citoyens ces dernières années, mais a noté qu'une plus grande attention est nécessaire dans un certain nombre de domaines, y compris les droits des femmes et la lutte contre la traite des enfants en Afrique de l’ouest.
La Haut-Commissaire a également appelé à une action urgente du Sénégal en vue de débuter le procès contre l'ancien dictateur tchadien Hissène Habré au plus vite. Elle a rappelé que le Sénégal ayant la garde d'un suspect de crimes internationaux, il est «dans l'obligation de juger ou d'extrader M. Habré ». Notant qu'une réunion entre l'Union africaine et le Sénégal aura lieu à Addis-Abeba la semaine prochaine à ce sujet, la HC a invité les autorités sénégalaises «à trouver une solution raisonnable avec l'Union africaine en vue d'aller de l'avant avec le procès le plus rapidement possible ». Elle a souligné les implications pour la réputation internationale du Sénégal si des progrès rapides ne sont pas réalisés.
Au cours de sa visite de trois jours au Sénégal, Mme Pillay a rencontré le président de la République du Sénégal, Maitre Abdoulaye Wade, le ministre des Affaires étrangères, le ministre de la Justice, le ministre du Genre et des Relations avec les Associations Féminines africaines et étrangères, et le Ministre des Droits humains. Elle a également rencontré d'autres responsables gouvernementaux, le Représentant spécial du Secrétaire général pour l'Afrique de l’Ouest, les organisations de la société civile et d'autres acteurs.
La Haut-Commissaire a également rencontré les chefs de toutes les présences du HCDH dans la sous-région. Lors de cette réunion, la question des droits de l'homme dans les processus électoraux, la lutte contre l'impunité, les questions de genre et les droits économiques, sociaux et culturels ont été examinés.
« Dans une partie du monde qui a connu des nombreux conflits et des violations des droits de l’homme durant les dernières décennies, le Sénégal se distingue par sa démocratie stable et une amélioration progressive des droits de l'homme», a déclaré Mme Pillay. " Cette visite m’a permis de constater que le Sénégal est déterminé à poursuivre ce processus afin de surmonter certaines des lacunes et insuffisances dans ses systèmes de protection nationaux ».
Mme Pillay et le ministre sénégalais des Affaires étrangères, Maitre Madické Niang, ont signé un accord de siège prorogeant le mandat du Bureau régional pour l'Afrique de l'Ouest du HCDH pour une durée indéterminée. Le bureau a été créé en 2008, initialement pour une période de deux ans.
« Il est malheureusement très rare que les États acceptent de conclure des accords à durée indéterminée», a déclaré Mme Pillay. « Cet accord permet au HCDH de s'engager sérieusement dans une planification à long terme au niveau régional, ainsi qu’au niveau du Sénégal ». Lors de la conférence de presse qui a suivi la signature de l’accord de siège, Mme Pillay a salué l’annonce par Maitre Niang d’une invitation permanente que le gouvernement sénégalais entend ouvrir à tous les experts indépendants des Nations Unies à visiter le pays; le Sénégal sera le cinquième pays africain à émettre une telle invitation.
La Haut-Commissaire note que le Sénégal a pris des mesures visant à mettre en œuvre les recommandations formulées par d'autres Etats lors de l'Examen Périodique Universel (EPU) du Conseil des droits de l'homme à Genève en 2009. Au cours de ses rencontres avec les autorités, elle a souligné l'importance d’un plan national pour la mise en œuvre de ces recommandations, et a offert l’assistance du Haut-Commissariat à cet égard.
Tout en notant les efforts visant à faire avancer les droits des femmes, la Haut-Commissaire a exhorté le gouvernement à lever un certain nombre d'éléments discriminatoires encore présents dans la législation nationale, et qui entravent les efforts vers une égalité réelle entre les hommes et les femmes. Elle a souligné, en particulier, les dispositions consacrant l’époux en tant qu’unique chef de famille, les dispositions limitant la possibilité pour les enfants d'acquérir la nationalité sénégalaise par leur mère, insi que les dispositions discriminatoires en matière d'héritage. La Haut-Commissaire a également fait référence aux pratiques traditionnelles néfastes, soulignant que ces atteintes nuisent gravement aux droits des femmes et des filles et que le gouvernement devait poursuivre ses efforts afin d’éradiquer ces pratiques.
«L'adoption de bonnes lois et plus encore leur mise en œuvre de ces lois - est fondamentale», a déclaré Mme Pillay ». « Vous ne pouvez pas attendre de la société une changement d’attitude à l'égard des droits des femmes, si la discrimination demeure institutionnalisée dans le cadre juridique d'un pays. »
Au cours de ses rencontres avec le Président Wade et certains ministres, la Haut-Commissaire a reçu l'assurance que le gouvernement attache une grande importance à la nouvelle loi sur l'égalité des sexes, et qu'il mettra en œuvre cette loi dès que possible, y compris les dispositions relatives à l'égalité entre les sexes dans les listes électorales qui seront appliquées lors des élections législatives e 2012.
La Haut-Commissaire a également exprimé sa préoccupation quant au sort des enfants ‘Talibés’, souvent victimes de la traite et de l'exploitation. Dans de nombreux cas, ils sont privés d'éducation, de soins de santé, d’un logement décent et de nourriture. Mme Pillay s'est déclarée préoccupée par le nombre croissant d'enfants victimes de la traite dans la sous-région - en particulier en Guinée, en Guinée-Bissau, au Mali et au Sénégal - et a encouragé le Sénégal à jouer un rôle actif dans la lutte contre ce fléau, notamment par la mise en œuvre de la législation et des accords régionaux en la matière.
« Nous ne pouvons tolérer, en aucune circonstance, les violations des droits fondamentaux des enfants. C'est une question d'urgence », dit-elle. « La vie des enfants est définitivement gâchée par la traite. Les gouvernements de la sous-région doivent agir rapidement et résolument pour punir tous les responsables, notamment les trafiquants, et libérer les enfants de cette exploitation déplorable ».
Jeudi, la Haut-Commissaire a visité un centre qui soigne les victimes de la torture de toute la région, situé à Thiès, à 60 km à l'est de la capitale Dakar. Le centre, VIVRE-CAPREC, est principalement financé par le Fonds de contributions volontaires pour les victimes de la torture.
«La torture est odieuse. C'est un crime contre l'humanité et, sans équivoque, une violation du droit international », a déclaré Mme Pillay. « Bien que ceci soit largement reconnu, la torture reste répandue dans de nombreux pays et les victimes, trop souvent, ne reçoivent que peu de soutien psychologique, médical, économique ou social. C’est pour cette raison que le travail de centres comme celui de Thiès est si important ».
Mme Pillay a pu entendre les témoignages de plusieurs victimes. Elle a notamment rencontré une femme qui avait trouvé refuge au centre après qu'elle et sa mère aient été violées par les forces de sécurité après avoir fui des troubles en Mauritanie. Elle a également entendu le récit déchirant d'un homme rendu aveugle par la torture durant la brutale guerre civile au Liberia.
Mme Pillay a exhorté le gouvernement sénégalais à présenter un certain nombre de rapports en retard auprès des organes de traités des Nations unies, qui contrôlent régulièrement si les États se conforment aux traités internationaux relatifs aux droits de l'homme qu'ils ont ratifiés. Elle a également demandé l’harmonisation de la législation nationale avec tous les instruments internationaux que le Sénégal a ratifiés à ce jour.
Tout en soulignant que la liberté d'expression est largement respectée au Sénégal, la Haut-Commissaire a insisté sur le droit des personnes à se réunir de manière pacifique. Plusieurs ralliements liés au mécontentement populaire croissant face à un certain nombre de questions sociales et économiques sont prévus dans les prochains jours. «Il est essentiel que le gouvernement respecte le droit a la liberté de réunion pacifique," a déclaré la Haut-Commissaire, ajoutant qu'elle était heureuse de noter que le ministre des Affaires étrangères Maitre Madické Niang a garanti qu'il en serait ainsi.
La Haut-Commissaire a également appelé le gouvernement sénégalais à ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits des personnes handicapées.
Finalement, la Haut-Commissaire a lancé un appel a la communauté internationale a renforcer ses efforts pour accompagner les pays de la sous-région dans leurs tentatives pour faire face a certains des problèmes majeurs qui affectent les droits de l’homme en Afrique de l'Ouest, notamment dans les domaines des violences faite aux les femmes, la traite des enfants, et les efforts visant à accorder la priorité à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels.
FIN
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