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Communiqués de presse Conseil des droits de l’homme

Le Conseil des droits de l'homme tient une réunion-débat sur les droits fondamentaux des victimes du terrorisme

01 juin 2011

Conseil des droits de l'homme
APRES-MIDI

1er juin 2011

Le Conseil des droits de l'homme a tenu cet après-midi une réunion-débat consacrée à la question des droits fondamentaux des victimes du terrorisme, à laquelle participaient six experts qui ont fait des présentations suite aux déclarations liminaires du Président du Conseil et de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme: Mme Anne Wu, membre du Bureau de l'Équipe spéciale de lutte contre le terrorisme de l'ONU; M. Martin Scheinin, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans le cadre de la lutte antiterroriste; Mme Maite Pagazaurtundua, Présidente de la Fondation des victimes du terrorisme; Mme Rianne Letschert, Professeur de droit international et de victimologie; M. Mauro Miedeco, Chef du Service de la prévention du terrorisme à l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime; Mme Yakin Ertürk, Membre du Comité pour la prévention de la torture du Conseil de l'Europe et ancienne Rapporteuse spéciale sur la violence à l'égard des femmes.

Mme Navi Pillay, Haut-Commissaire aux droits de l'homme, a rappelé que le Haut-Commissariat collabore étroitement avec ses partenaires au sein du système des Nations Unies en vue d'une meilleure prise en compte des droits de l'homme dans la manière de traiter le terrorisme et le contre-terrorisme. Elle a souligné que le point de départ de l'élaboration de politiques et de mécanismes de soutien aux victimes devait être le droit des victimes à la reconnaissance du préjudice subi et à réparation. Elle a aussi fait remarquer que les attentats terroristes sont perpétrés par des individus vivant et agissant en marge de la société: c'est pourquoi il faut se garder d'associer les actes terroristes à des groupes ou communautés spécifiques.

La représentante de l'Équipe spéciale de lutte contre le terrorisme a pour sa part rappelé que le Secrétaire général des Nations Unies avait convoqué en 2008 le premier Symposium international de soutien aux victimes du terrorisme, ce qui a permis «de donner un visage, une voix, une audience internationale et une plateforme à des gens qui ont ainsi pu partager leur épreuve avec le reste du monde». Trop souvent, a remarqué Mme Wu, la voix des victimes est couverte par celle des terroristes. Le Chef du Service de la prévention du terrorisme à l'ONUDC, a pour sa part souligné que les États devraient aider les victimes du terrorisme en reconnaissant leur place dans les procédures judiciaires. M. Miedico a regretté que les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme n'accordent pas de statut particulier aux victimes dans les processus judiciaires.

Le Rapporteur spécial sur les droits de l'homme dans le cadre de la lutte antiterroriste a déclaré que les États qui ignoraient les droits de l'homme dans leur lutte antiterroriste ignoraient aussi les droits des victimes. M. Scheinin a dit avoir toujours plaidé pour la création d'un mécanisme rendant les acteurs «non étatiques» responsables des violations de droits de l'homme, par exemple un tribunal mondial des droits de l'homme qui pourrait juger non seulement des États mais aussi d'autres acteurs. Mme Ertürk a quant à elle souligné que le terrorisme touche particulièrement les femmes, certaines étant soupçonnées de terrorisme uniquement parce qu'elles portent le voile. Elle a aussi mis l'accent sur la stigmatisation de l'Islam à cause de groupes extrémistes qui veulent réduire cette religion à leur propre interprétation reposant sur des motivations politiques étroites.

La Présidente de la Fondation des victimes du terrorisme a souligné l'importance de donner un visage humain aux conséquences douloureuses du terrorisme afin de contribuer à instaurer une culture mondiale de lutte contre le terrorisme. Mme Pagazaurtundua a estimé que le Conseil devrait désigner un rapporteur spécial chargé d'étudier les conséquences des actes, méthodes, pratiques et stratégies des groupes terroristes, ainsi que la situation des droits de l'homme des victimes du terrorisme. Pour Mme Letschert, professeure de droit international et de victimologie, la grande question est de savoir si les instruments juridiques actuels relatifs aux victimes de crimes sont suffisants ou non pour répondre aux besoins des victimes du terrorisme.

Convenant que les victimes devaient retrouver la place qui leur est due, de nombreuses délégations ont énuméré les mesures prises en leur faveur en termes d'assistance et de réparation. Les orateurs se sont félicités de l'évolution du débat sur le terrorisme, l'attention passant des auteurs aux victimes. Il est important d'écouter la voix des victimes et de reconnaître que davantage doit être fait par la communauté internationale s'agissant des questions qui concernent les victimes d'actes terroristes. Il a notamment été proposé d'organiser un second symposium, à l'instar de celui organisé en 2008 par le Secrétaire général de l'ONU.

Les pays suivants ont pris la parole dans le cadre de ce débat: Espagne, Turquie, Colombie, Inde, Cuba, Union européenne, Iran, Maroc, France, Algérie, États-Unis, Palestine, Pérou, Israël, Conseil de l'Europe, Indonésie, Royaume-Uni, Autriche, Pakistan, Chine, Suisse, Afghanistan, Finlande, Fédération de Russie, Sri Lanka et Iraq. Les organisations non gouvernementales suivantes se sont également exprimées: Fundación para la Libertad, Amnesty International, Rencontre africaine de défense des droits de l'homme (RADDHO) et la Fondation Al-Hakim.

Le Conseil reprendra ses travaux vendredi en achevant son débat sur le droit à la santé et la traite des êtres humains. Il se saisira ensuite de rapports sur la liberté d'expression et sur la violence contre les femmes.

Réunion-débat sur la question des droits fondamentaux des victimes du terrorisme

Déclarations liminaires

M. SIHASAK PHUANGKETKEOW, Président du Conseil des droits de l'homme, a déclaré qu'elle sera l'occasion de sensibiliser davantage sur la question des droits fondamentaux des victimes du terrorisme. Les débats seront inspirés par les recommandations issues du Symposium du Secrétaire général sur le soutien aux victimes du terrorisme (9 septembre 2008, New York), première réunion au niveau international entre victimes, gouvernements, experts et acteurs de la société civile en vue de la prise en considération des préoccupations et des besoins des victimes, aujourd'hui encore trop largement ignoré.

MME NAVI PILLAY, Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a observé qu'au fil des ans, la communauté internationale prend conscience de la nécessité de mieux cerner les causes profondes du terrorisme. La Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée générale en 2006, reconnaît de manière explicite qu'il faut mieux comprendre ce phénomène pour mieux le combattre. Lors du Symposium de 2008, des victimes d'actes arbitraires de terrorisme sont venues du monde entier pour témoigner. Une de ces personnes travaille à l'heure actuelle au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme.

Mme Pillay a ajouté que le Haut-Commissariat collabore étroitement avec ses partenaires au sein du système des Nations Unies, notamment l'Équipe spéciale de lutte contre le terrorisme de la Stratégie antiterroriste mondiale, en vue d'une meilleure prise en compte des droits de l'homme dans la manière de traiter le terrorisme et le contre-terrorisme. À travers son groupe de travail voué aux victimes du terrorisme, cette Équipe spéciale a amené le système des Nations Unies à admettre l'importance de cette question et à réfléchir aux moyens de répondre aux victimes. Quant aux procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme, elles œuvrent inlassablement pour le respect des droits de l'homme dans la lutte antiterroriste, a rappelé Mme Pillay, citant notamment les travaux de M. Martin Scheinin, Rapporteur spécial pour la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte contre le terrorisme.

Les législations et politiques nationales en matière de lutte contre le terrorisme sont appliquées, d'une manière ou d'une autre, pour aider les victimes, a affirmé Pillay. Les difficultés sont énormes à cet égard. Le point de départ de l'élaboration de politiques et de mécanismes de soutien aux victimes doit être le droit des victimes à la reconnaissance du préjudice subi et à la réparation. Il faut aussi prendre en considération le fait que le terme «victime» est générique, car il englobe non seulement les victimes directes d'un acte terroriste mais également les membres de leur famille, leur communauté, voire les personnes qui ont tenté de leur porter secours. D'autre part, les victimes acceptant de témoigner ou de porter plainte risquent aussi leurs vies et doivent donc bénéficier d'une protection policière et judiciaire. Très souvent aussi, les victimes ne sont pas originaires du pays où l'attentat a eu lieu. Les attentats terroristes sont perpétrés par des individus vivant et agissant en marge de la société, a précisé la Haut-Commissaire: c'est pourquoi il faut se garder d'associer les actes terroristes à des groupes ou communautés spécifiques.

Présentations des panélistes

MME ANNE WU, membre du Bureau de l'Équipe spéciale de lutte contre le terrorisme, a noté que le terrorisme affecte tous les pays, petits ou grands, pauvres ou riches. Ces actes empêchent la jouissance des droits fondamentaux, a rappelé l'experte, qui a déploré que, bien souvent, les victimes sont les «grandes oubliées» de ce fléau. Mme Wu a rappelé que la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies offre le cadre stratégique, la ligne politique et le plan d'action dont ont besoin les efforts antiterroristes aux niveaux national, régional et international. Cette Stratégie est unique de par sa démarche globale, proposant une gamme complète de mesures, des plus modérées aux plus fermes. Elle repose sur quatre piliers: traiter les conditions favorisant le terrorisme; prendre toutes les mesures politiques, opérationnelles et juridiques pour prévenir et combattre le terrorisme; renforcer la capacité des États et des Nations Unies à agir en ce sens; et assurer le respect des droits de l'homme et de l'état de droit en tant que base fondamentale dans la lutte antiterroriste, ce dernier point n'étant pas le moins important.

L'an dernier, a ajouté Mme Wu, l'Assemblée générale a réaffirmé son engagement en faveur de la Stratégie mondiale en institutionnalisant le Bureau de l'Équipe spéciale de lutte contre le terrorisme (en anglais: Counter-Terrorism Implementation Task Force – CTITF) au sein de l'ONU. Ce groupe de travail a été mandaté pour coordonner les activités au sein du système des Nations Unies en vue d'aider les États membres à mettre en œuvre la Stratégie. Il regroupe 31 institutions, dont le Haut-Commissariat aux droits de l'homme. Au nombre de ses activités figurent la protection des droits de l'homme et le soutien aux victimes, a expliqué Mme Wu, ce dernier point étant l'une des priorités de l'Équipe spéciale. Le Secrétaire général de l'ONU a pris la tête de cette action en convoquant le premier Symposium international de soutien aux victimes du terrorisme, ce qui a permis de donner un visage, une voix, une audience internationale et une plateforme à des gens qui ont ainsi pu partager leur épreuve avec le reste du monde. Dans le sillage de cette réunion, le CTITF a lancé une étude sur les meilleures pratiques de soutien aux victimes de crimes terroristes. Trop souvent, a remarqué Mme Wu, la voix des victimes est couverte par celle des terroristes. Ce mois-ci, le CTITF organisera un programme de formation afin d'aider les victimes à faire connaître leur propre part de vérité.

M. MARTIN SCHEININ, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans le cadre de la lutte antiterroriste, a précisé que son mandat ne concerne pas les droits de l'homme des terroristes ou des personnes suspectées de terrorisme. La perspective des victimes est importante pour disposer d'une vision complète de l'importance du respect des droits de l'homme dans la lutte contre le terrorisme, a déclaré M. Scheinin, précisant que la promotion et la protection des droits de l'homme sont des piliers de la Stratégie antiterroriste mondiale. Le Rapporteur spécial a rappelé avoir toujours plaidé pour la création d'un mécanisme rendant les acteurs non-étatiques responsables des violations de droits de l'homme, par exemple un tribunal mondial des droits de l'homme qui pourrait juger non seulement des États mais aussi d'autres acteurs, y compris des particuliers. Évoquant ses visites de pays, le Rapporteur spécial a déclaré être arrivé à la conclusion qu'il n'y a pas de contradiction entre défendre les droits de l'homme, défendre les droits des victimes du terrorisme et défendre les droit de toutes les victimes de la lutte antiterroriste. Il lui est aussi apparu que les États qui ignorent les droits de l'homme dans leur lutte antiterroriste ignorent aussi les droits des victimes. Cependant, ses visites lui ont aussi permis de recueillir de bonnes pratiques. L'usage d'une rhétorique démagogique n'est certainement pas la meilleure des pratiques. Elle nourrit le cercle vicieux du terrorisme, en déshumanisant les victimes par la réduction de leurs souffrances afin de justifier les politiques agressives de lutte contre le terrorisme. Le Rapporteur spécial a ajouté que son rapport contient des propositions dans divers domaines, notamment le dédommagement des victimes du terrorisme sur fonds publics, et ce, en conformité avec le droit international humanitaire. Il propose en outre que les personnes qui ont subi des dommages, physiques ou autres, à cause d'actes de terrorisme ou commis au nom de la lutte antiterroriste, bénéficient d'une aide juridique complémentaire et pour leur réhabilitation.

MME MAITE PAGAZAURTUNDUA, Présidente de la Fondation des victimes du terrorisme, a cité le Secrétaire général de l'ONU qui avait affirmé, à l'occasion du Symposium de 2008: «En donnant un visage humain aux conséquences douloureuses du terrorisme, vous contribuez à instaurer une culture mondiale de lutte contre le terrorisme», et d'ajouter: «vous méritez que l'on vous rende justice; vous méritez que l'on défende vos droits fondamentaux; vous méritez la justice». Mme Pagazaurtundua a déclaré être venue offrir l'expérience de sa douleur et de sa réponse civique pacifique aux violations très graves des droits de l'homme. Elle a rendu hommage aux membres du personnel des Nations Unies victimes d'attentats terroristes. Elle a regretté que les victimes du terrorisme et de la persécution ne disposent pas d'un espace spécifique dans les mécanismes des droits de l'homme des Nations Unies.

Mme Pagazaurtundua a indiqué être âgée de 46, être née et avoir grandi et étudié au Pays basque; elle est devenue, il y a de nombreuses années, une victime de l'organisation séparatiste basque ETA: son frère a été tué par l'ETA, laissant une famille en désarroi et incapable de comprendre les raisons d'un tel acte. Mme Pagazaurtundua a expliqué la riposte pacifique de sa famille, qui consiste en particulier à dénoncer le terrorisme dans le cadre de la légalité démocratique. Elle a appelé le système international à se prémunir contre tout excès dans la lutte contre le terrorisme. Cependant, a-t-elle dit, il est difficile de comprendre que les victimes soient peu ou pas prises en considération. Aussi a-t-elle invité la Haut-Commissaire à favoriser la dissémination des revendications des victimes s'agissant de leurs droits fondamentaux, en particulier le droit à l'assistance et à l'assistance à long terme, le droit d'enquêter sur l'acte terroriste et d'en poursuivre les auteurs, ainsi que le droit d'avoir accès à la justice et à une indemnisation.

Mme Pagazaurtundua a demandé au Conseil de donner suite aux conclusions de la présente réunion-débat et de mentionner les résolutions et décisions adoptées depuis 1994 contre le terrorisme, ainsi que le travail de l'ancienne Rapporteuse spéciale spécial sur les droits de l'homme et le terrorisme, Mme Kalliopi Koufa. Le Conseil devrait aussi adopter une résolution demandant d'inclure la dimension des droits de l'homme des victimes du terrorisme dans les mécanismes et procédures des droits de l'homme des Nations Unies. Mme Pagazaurtundua a aussi souhaité que le Conseil désigne un Rapporteur spécial chargé d'étudier les conséquences des actes, méthodes, pratiques et stratégies des groupes terroristes, ainsi que la situation des droits de l'homme des victimes du terrorisme. Une norme juridique internationale devrait aussi définir le statut juridique des victimes du terrorisme, avec un catalogue des droits inhérents à cette condition.

MME RIANNE LETSCHERT, Professeur de droit international et de victimologie, Directrice adjointe de l'Institut international de victimologie à l'Université de Tilburg aux Pays-Bas, a constaté que si la problématique du terrorisme a acquis un retentissement planétaire, du fait de l'ampleur mondiale des actes commis, en revanche l'attention portée aux victimes du terrorisme a toujours été très limitée, et ce jusqu'à une date récente. Ainsi la législation s'est-elle longtemps cantonnée à une approche très générale, pour ne pas dire abstraite, des victimes du terrorisme, celles-ci n'étant couvertes que par les lois relatives aux victimes de crimes en général. Par ailleurs, les lois varient de manière considérable d'un pays à l'autre. Depuis le milieu des années 1980, plusieurs instruments internationaux ont été adoptés afin de définir les droits minimaux des victimes de crimes, comme par exemple la Déclaration des Nations unies des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d'abus de pouvoir.

La grande question est de savoir si les instruments juridiques actuels relatifs aux victimes de crimes sont suffisants ou non pour répondre aux besoins des victimes du terrorisme, a ajouté Mme Letschert. En 2008, une étude a été menée par un consortium de centres de recherche, sous les auspices de l'Union européenne, afin de répondre à cette question. Il en est ressorti que la position juridique des victimes du terrorisme est pratiquement identique à celle des victimes de crimes violents. Des questions plus complexes doivent cependant trouver des réponses: par exemple, le problème du versement d'indemnités peut sembler plus urgent pour les victimes du terrorisme. Des considérations similaires ont trait aux structures d'assistance psycho-sociale. Sur la base de cette étude, le consortium mandaté par l'Union européenne a formulé une série de recommandations contenant des lignes directrices à l'attention des États sur la manière de mieux garantir les droits des victimes du terrorisme (Recommandations de l'UE sur l'assistance aux victimes d'actes de terrorisme). Ces experts recommandent notamment de distinguer légalement les victimes de crimes des victimes du terrorisme. En conclusion, Mme Letschert a suggéré au Conseil d'étudier ces recommandations.

M. MAURO MIEDECO, Chef du Service de la prévention du terrorisme à l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, a présenté les propositions de son Service relatives à l'action des États contre le terrorisme. Les États devraient aider les victimes du terrorisme en reconnaissant leur place dans les procédures judiciaires et en leur accordant un traitement adéquat. Les États peuvent par ailleurs améliorer leurs systèmes judiciaires. M. Miedeco a regretté que les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme n'accordent pas de statut particulier aux victimes dans les processus judiciaires. Il a cependant reconnu que l'on constate, niveau international, une meilleure reconnaissance du statut de victime. M. Miedeco a jugé aussi important que les États échangent des normes et pratiques relatives à l'assistance aux victimes. Dans ce cadre, son Service entend recueillir les bonnes pratiques en vigueur dans les pays. Pour l'heure, elle se livre à la collecte des mesures législative prises au niveau national.

Le tout premier droit d'une victime est d'être reconnue en tant que telle, a déclaré M. Miedeco. Mais ce droit doit s'accompagner de droits connexes: droit d'avoir accès à l'information, de faire recours ou de bénéficier d'une protection, y compris pour sa famille. M. Miedeco a aussi indiqué que son Service avait organisé deux réunions d'experts pour détecter les lacunes, mais aussi les bonnes pratiques observées dans les systèmes judiciaires. Leur objectif était de proposer des formations dans plus de 140 pays, dans le cadre du renforcement des capacités. Le Service de la prévention du terrorisme propose par ailleurs un tour d'horizon complet de ce qui se fait au niveau régional et national. D'autres types d'informations fournies par des experts sont aussi disponibles, par exemple des lois adoptées récemment par plusieurs pays.

MME YAKIN ERTÜRK, Membre du Comité pour la prévention de la torture du Conseil de l'Europe, ancienne Rapporteuse spéciale du Conseil des droits de l'homme sur la violence à l'égard des femmes, a indiqué qu'après s'être rendue dans 17 pays dans le cadre de son mandat en tant que Rapporteuse spéciale sur la violence à l'égard des femmes, elle a remarqué que les autorités avaient du mal à aborder cette question. Mme Ertürk a aussi observé que le terrorisme touche particulièrement les femmes, certaines étant soupçonnées de terrorisme uniquement parce qu'elles portent le voile.

Mme Ertürk a dénoncé le militarisme, le chauvinisme et les abus généralisés contre les femmes, considérant qu'une analyse intersectorielle serait très utile à cet égard car elle permettrait d'identifier les segments les plus vulnérables de la société. Mme Ertürk, qui vient d'un pays musulman, a également mis l'accent sur la stigmatisation de l'Islam à cause de groupes extrémistes qui veulent réduire cette religion à leur propre interprétation reposant sur des motivations politiques étroites. Elle a fustigé l'approche sélective des droits de la femme et donné pour exemple la collusion entre les Taliban et «certains États occidentaux». La Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique vient d'être ouverte à la signature, en mai à Istanbul, s'est réjouie Mme Ertürk, ajoutant que c'est le premier instrument contraignant dans le domaine de la violence à l'égard des femmes. Les mécanismes tels que ceux du Conseil de l'Europe peuvent grandement contribuer à combattre cette forme de violence, a-t-elle conclu.

Résumé des débats

L'Inde et l'Union européenne ont convenu qu'il était grand temps de prendre en compte les victimes du terrorisme et d'entendre leur voix. Le représentant indien a ajouté qu'il était plus que temps, en effet, que l'on débatte enfin de cette question, 75 ans après l'adoption, en 1937, de la Convention pour la prévention et la répression du terrorisme par la Société des Nations, ancêtre des Nations Unies.

Plusieurs pays frappés par des attentats ont détaillé les mesures qu'ils avaient prises pour porter assistance aux victimes du terrorisme. Le représentant du Maroc, qui a rappelé que cette discussion se tient un mois presque jour pour jour après l'attentat de Marrakech, a indiqué par exemple que son pays adoptait une approche axée sur le respect des droits des victimes et de leur famille, approche déclinée en trois axes: prévention, assistance et sensibilisation. Ce troisième axe vise à privilégier la promotion des droits de l'homme, la tolérance et la «mise en œuvre d'une société ouverte et moderniste permettant de parer aux idéologies obscurantistes». La délégation de l'Algérie a indiqué que son gouvernement avait créé un fonds national d'indemnisation des victimes du terrorisme ainsi qu'un fonds national de solidarité. La Colombie considère que les soins à apporter aux victimes doivent être une orientation prioritaire; le Parlement vient d'adopter une loi de restitution foncière, l'un des projets les plus ambitieux dans lequel le pays se soit engagé, qui devrait s'étendre sur une dizaine d'années et concerner quatre millions de personnes au total. Parmi les mesures prises par la Turquie, figure le dédommagement des personnes chassées de leurs terres pour cause de terrorisme.

Pour sa part, la France a souligné que les victimes représentaient «un acteur de la prévention du terrorisme» car elles illustrent de manière tragique les conséquences visibles et irréparables des attaques, attentats, enlèvements et autres procédés terroristes. C'est la raison pour laquelle la France accueillera à la mi-septembre le septième Congrès international des victimes du terrorisme, qui réunira des associations du monde entier et sensibilisera l'opinion publique, tout en affirmant la nécessité de rejeter catégoriquement la violence terroriste.

De son côté, la délégation des États-Unis a observé qu'une association telle que le Global Association Network ou celle des Familles du 11 septembre (Families of September 11th) jouent un rôle constructif de premier plan en montrant à la fois l'épreuve des victimes et en plaidant en faveur de la paix, de la réconciliation et du pardon.

La délégation de l'Espagne a souligné la nécessité de se baser sur les instruments dont le monde dispose déjà pour lutter contre le terrorisme. Il conviendra d'organiser un nouveau Symposium pour les victimes, à l'instar de celui qui a été organisé en 2008 à New York et qui s'était révélé extrêmement utile par ses recommandations. L'Espagne souhaite que l'on établisse à l'avenir le mécanisme de dédommagement des victimes auquel fait référence la Stratégie mondiale, ainsi que le Fonds fiduciaire envisagé par la résolution 1566 du Conseil de sécurité. Le représentant espagnol a souhaité que le Conseil des droits de l'homme vote une résolution lors de l'une de ses prochaines sessions afin d'avancer dans cette direction.

Pour sa part, le représentant de Cuba a condamné les actes hostiles contre son pays organisés depuis le territoire des États-Unis et dont certains des auteurs vivent en toute tranquillité dans ce pays. Il a dénoncé en particulier un attentat commis contre un avion, dont l'organisateur vit paisiblement à Miami où il n'a jamais été poursuivi. Le représentant a aussi demandé la libération de cinq combattants antiterroristes emprisonnés aux États-Unis. Le représentant de la République islamique d'Iran a dénoncé de son côté les opérations militaires illégales, aussi disproportionnées que meurtrières, menées sous couvert de lutte antiterroriste au Pakistan et en l'Afghanistan. Il a aussi dénoncé le «terrorisme d'État «du «régime sioniste». Le représentant iranien a déploré que ceux qui s'autoproclament les leaders mondiaux de la lutte contre le terrorisme en adoptent une définition étroite et sélective. La communauté internationale devrait plutôt mettre l'accent sur la recherche des causes et des racines du terrorisme.

Cette réunion consacrée aux victimes du terrorisme intervient alors que, ce matin même, un attentat manqué a été perpétré contre le Ministre chargé des droits de l'homme de l'Iraq alors qu'il se rendait sur son lieu de travail, a informé le représentant de l'Iraq.

Des pays comme le Pérou, qui a connu un période noire d'une violence inouïe ayant entraîné plus de 79 000 victimes, ou encore Israël, qui compte aujourd'hui plus de 11 000 hommes, femmes et enfants juridiquement déclarés victimes du terrorisme, ont mis l'accent sur la reconnaissance des victimes et sur l'importance de l'assistance et de la réparation. La représentante du Pakistan, autre pays en proie à des actes terroristes, a décrit la situation dramatique de son pays mais a rejeté les tactiques de certains États qui consistent à utiliser la menace du terrorisme pour refuser à certains peuples leur droit à l'autodétermination. «Il faut traiter des causes sous-jacentes de ce fléau» a affirmé la déléguée pakistanaise.

La représentante de la Palestine a rappelé en particulier la résolution A/RES/46/51 de l'Assemblée générale des Nations Unies, du 9 décembre 1991, sur les mesures visant à éliminer le terrorisme. Pour la Palestine, cette résolution établit une distinction entre terrorisme et le droit des peuples à résister à l'occupation étrangère. La représentante a également exhorté à ne pas associer le terrorisme à un groupe ou à une culture spécifiques.

La déléguée de l'Indonésie a indiqué, quant à elle, que l'attentat de Bali a été l'une de pires atrocités vécues par son pays. L'aide aux victimes est devenue une priorité, notamment dans le cadre du respect des droits de l'homme. La représentante a cité à cet égard la loi sur la protection des témoins comme étant l'un des exemples les plus concrets des mesures législatives récemment prises par l'Indonésie. Le représentant du Royaume-Uni a jugé nécessaire de veiller à ce que «justice soit faite» et d'aider les victimes d'actes terroristes à faire entendre leur voix.

Traitant de l'aspect régional des efforts de prise en compte des victimes, la représentante du Conseil de l'Europe a déclaré que la principale difficulté réside dans la mise en œuvre des mesures adoptées par les mécanismes des droits de l'homme et de lutte contre le terrorisme. En juin prochain, la Commission européenne organisera une conférence internationale sur les victimes du terrorisme pour renforcer le soutien qui leur est accordé, a-t-elle annoncé.

Le représentant de l'Afghanistan a enfin annoncé qu'il proposera la proclamation de la journée du 16 août comme «Journée internationale à la mémoire des victimes du terrorisme».

Réponses des panélistes

MME WU a estimé important que les victimes soient mieux outillées pour faire connaître leur cause. Il faut donc les aider à mieux communiquer avec et dans les médias. Dans ce cadre, son Équipe dispose d'un atelier de formation pour aider les victimes à interagir avec les médias.

M. SCHEININ s'est félicité qu'aucune délégation n'ait cherché à dissocier les droit des victimes des droits de l'homme dans le cadre de la lutte antiterroriste. Les droits des victimes doivent être intégrés dans une approche plus large de la lutte antiterroriste. Le Rapporteur spécial a par ailleurs suggéré que le prochain Rapporteur spécial consacre un rapport thématique aux droits des victimes et qu'il émette des recommandations en ce sens au Conseil ainsi qu'aux gouvernements. S'adressant pour la dernière fois au Conseil en tant de titulaire de mandat, M. Scheinin s'est déclaré déçu par l'attitude du Conseil qui n'a pas toujours été attentif aux questions soulevées dans le cadre de son mandat.

MME PAGAZAURTUNDUA a déclaré qu'un écrivain avait écrit que le fanatisme faisait partie de la condition humaine. Les terroristes se considèrent comme des «virtuoses», souhaitant être eux-mêmes perçus, en fin de compte, comme des victimes. Ils causent des dommages aussi bien publics que privés, a-t-elle ajouté. En sus des dommages qu'ils causent directement à leurs victimes, ils entendent viser l'ensemble de la société, voire la communauté internationale, en vue de la satisfaction de leurs exigences. Il convient donc de délégitimer les causes du fanatisme. Les Nations Unies peuvent élaborer des mécanismes permettant cette délégitimation.

MME LETSCHERT a constaté qu'il est pratiquement impossible de se faire indemniser par l'auteur de l'attentat, ce qui distingue ce type de crime de ceux de droit commun.

M. MIEDICO s'est dit encouragé dans son travail par les remarques formulées par les participants sur l'identification de bonnes pratiques. La démarche de l'ONUDC est empreinte de pragmatisme, a-t-il observé, en réponse à la délégation finlandaise qui demandait si l'on pouvait différencier les victimes du terrorisme de celles de crimes plus «classiques». Certains pays créent des pages Internet avec accès limité aux victimes, qui leur permettent de suivre l'évolution des procédures judiciaires les concernant. Les orientations proposées par l'ONUDC seront bientôt proposées dans six langues aux États membres. La justice pénale n'est pas la seule réponse à apporter aux victimes, a-t-il conclu.

MME ERTÜRK, a déclaré qu'en tant qu'ancienne titulaire de mandat de procédure spéciale, elle partage le sentiment de M. Scheinin: plutôt que de créer de nouveaux mandats, il faut renforcer les mandats actuels et leur donner les soutiens politiques nécessaires.

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