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Communiqués de presse Conseil des droits de l’homme

Le Conseil des droits de l'homme tient son débat annuel sur l'intégration d'une perspective sexospécifique dans tous ses travaux

26 septembre 2011

MATIN

26 septembre 2011

Le Conseil des droits de l'homme a tenu ce matin son débat annuel consacré à l'intégration d'une perspective sexospécifique dans tous ses travaux et ceux de ses mécanismes. Le débat était axé, cette année, sur «la promotion de l'égalité des sexes en tant que pratique institutionnelle: de la politique à l'action».

Animé par Mme Christin Chinkin, professeur de droit international à la London School of Economics, le panel était composé de Mme Savitri Goonesekere, membre du Comité consultatif de l'International Women's Rights Action Watch Asia Pacific; de Mme Hala Ghosheh, Directrice du Fonds social de Jordanie pour l'égalité entre les sexes; de Mme Reine Alapini Gansou, Présidente de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples; de Mme Aparna Mehrotra, d'ONU-Femmes; et de M. Marcos Nascimento, expert sur les questions de genre et en masculinité. Le Conseil a aussi entendu une déclaration de M. Bacre Wally Ndiaye, de la division du Conseil des droits de l'homme et des procédures spéciales au Haut-Commissariat aux droits de l'homme.

En introduction, Mme Chinkin a observé que le concept de genre recouvre des idées mal comprises: bien souvent, par «genre», on entend uniquement «les femmes». Or, la notion requiert en réalité de procéder à une réévaluation des structures institutionnelles et des relations entre homme et femmes. De fait, l'intégration de la perspective sexospécifique vise un objectif très général: permettre aux femmes de prendre la place qui leur est due dans tous les aspects de la vie, notamment dans les sphères culturelle, sociale et politique. L'experte a jugé exemplaire l'engagement du Conseil des droits de l'homme en faveur de l'intégration de la perspective d'égalité entre les sexes.

Mme Goonesekere a expliqué qu'alors que les organes conventionnels et la coopération avec les organisations non gouvernementales ont permis de renforcer l'expertise, de promouvoir la connaissance des droits fondamentaux des femmes ou de faire entendre les préoccupations quant à la situation réelle dans les différents pays, les institutions nationales manquent pour leur part souvent d'expérience et de ressources.

La Commission de l'Union africaine a fait le choix, depuis quatre ans, de coopter des femmes dans ses organes, a indiqué pour sa part Mme Alapini-Gansou. Elle a toutefois déploré le fait que les décideurs politiques soient quelque peu «inhibés» face au défi posé par la question du genre.

La représentante de l'Entité des Nations Unies pour l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes (ONU-Femmes), Mme Mehrotra, a pour sa part estimé qu'il fallait augmenter le nombre de femmes à des postes de responsabilité. Elle a par ailleurs souligné le rôle d'ONU-Femmes pour assurer la cohérence des actions menées au sein du système.

Mme Ghosheh a insisté sur la nécessité de définir un mandat clair pour le renforcement des capacités et l'augmentation des ressources en vue d'une meilleure prise en compte des droits fondamentaux des femmes au sein l'ONU. Elle a par ailleurs souligné l'importance de responsabiliser les intervenants, notamment sur le terrain, grâce à des cadres d'obligation redditionnelle mieux structurés aux différents niveaux de l'organisation.

Pour M. Nascimento enfin, l'intégration de la perspective de genre impose, d'une part, de travailler avec les hommes et, d'autre part, de prendre en compte tout ce qui concerne la relation de pouvoir entre hommes et femmes, mais aussi entre hommes. Il a aussi plaidé pour le renforcement du statut des hommes en tant que pères.

Au cours de débats qui ont suivi, les délégations ont souligné l'importance de l'intégration de la perspective sexospécifique dans les travaux du Conseil et en général, la qualifiant de «priorité institutionnelle». Elles se sont félicitées du chemin parcouru depuis la Conférence de Beijing en 1995, jusqu'à la création récente d'ONU-Femmes. Plusieurs délégations ont ainsi décrit des initiatives nationales ou régionales mises en place pour cette perspective. L'équilibre des sexes au sein du personnel doit être un objectif, ont également souligné les délégations. Pour l'atteindre, la coopération, l'harmonisation et la coordination sont primordiales.

Les délégations des pays suivants ont participé au débat: Chili, Pakistan (au nom de l'OIC), Cuba, Slovénie, Argentine, Fédération de Russie, Belgique, Azerbaïdjan, Finlande, Suisse, France, Union européenne, Suède, Iran, Maldives, Paraguay, Inde, Brésil, Croatie, Turquie, Canada, Indonésie, Australie, Nouvelle Zélande et Slovénie. Les représentants du Fonds des Nations Unies pour la population (au nom également du Fonds des Nations Unies pour l'enfance), de Worldwide Organization for Women et de Südwind-Verein ont aussi fait des déclarations.

À partir de 15 heures cet après-midi, le Conseil se penchera sur la situation des droits de l'homme en Palestine et dans les autres territoires arabes occupés.

Débat consacrée à l'intégration de la perspective sexospécifique dans le travail du Conseil des droits de l'homme

Présentations et exposés

MME LAURA DUPUY LASSERRE, Présidente du Conseil des droits de l'homme, rappelant qu'elle était la première femme à présider ce Conseil, a mis l'accent sur les droits des femmes et sur l'importance de la lutte contre la discrimination et la violence à leur égard, tant en théorie qu'en pratique: il est capital d'œuvrer à l'élimination de cette forme de violence qui existe dans tous les pays du monde, notamment du fait de la féminisation de la pauvreté. Mme Dupuy Lasserre a souligné que beaucoup reste à faire en matière d'accès des femmes aux soins de santé, en particulier pour en finir avec la mortalité et la morbidité maternelles évitables. Le débat de cette année est axé sur les implications institutionnelles de l'intégration d'une perspective sexospécifique; vu la persistance de nombreuses formes de discrimination, il faut intégrer la perspective sexospécifique dans toute l'action du système des Nations Unies et au sein du Conseil des droits de l'homme. La Présidente a félicité le Chili d'avoir été l'initiateur de cette réunion-débat.

M BACRE WALLY NDIAYE, Directeur de la division du Conseil des droits de l'homme et des procédures spéciales au Haut-Commissariat aux droits de l'homme, a rappelé qu'avec la résolution 6/30, le Conseil a réaffirmé l'engagement du Haut-Commissariat en faveur d'une intégration effective des droits de l'homme de la femme et de l'approche sexospécifique dans ses travaux et ceux de ses mécanismes. M. Ndiaye a aussi rappelé que le Conseil a décidé de créer une nouvelle procédure dans le but de renforcer le travail du Conseil dans la promotion des droits des femmes. Le mandat de ce groupe de travail est de préparer un guide des bonnes pratiques pour l'élimination de toutes les lois discriminatoires à l'encontre des femmes et d'examiner les voies et moyens d'améliorer la coopération avec les États, afin de les aider à remplir leurs obligations dans ce domaine. Le Groupe de travail se focalise sur les discriminations à l'égard des femmes dans les domaines de la vie publique, de la citoyenneté, de la vie économique et familiale, de la santé et de la sécurité. La méthode de travail consistera à échanger des communications et à réaliser de visites dans les pays afin d'engager le dialogue avec les gouvernements.

Pour sa part, le Haut-Commissariat aux droits de l'homme est allé au devant de ses responsabilités, en accordant une attention aux recommandations du Bureau de surveillance interne et des organes extérieurs au Haut-Commissariat. Ainsi, le Haut-Commissariat aux droits de l'homme a récemment adopté une politique pour l'égalité qui indique comment il doit intégrer la sexospécificité dans la formulation de ses politiques, programmes de développement et activités. Par ailleurs, dans le cadre de la mise en œuvre de cette politique, le Haut-Commissariat a tenu une session de formation en méthodologie, dédiée aux facilitateurs, en coopération avec l'Organisation internationale du travail. Une autre session a été organisée dans la région de l'Afrique centrale avec l'Office régional pour les droits de l'homme et la démocratie, à Yaoundé. Par ailleurs, le Haut-Commissariat aux droits de l'homme a poursuivi sa coopération avec ONU-Femmes.

MME CHRISTIN CHINKIN, modératrice du débat, professeur de droit international à la London School of Economics, a observé que le concept de genre recouvre des idées mal comprises: bien souvent, par «genre», on entend uniquement «les femmes». Or, la notion requiert en réalité de procéder à une réévaluation des structures institutionnelles et des relations entre homme et femmes. De fait, l'intégration de la perspective sexospécifique vise un objectif très général: permettre aux femmes de prendre la place qui leur est due dans tous les aspects de la vie, notamment dans les sphères culturelles, sociales et politiques. La poursuite de cet objectif, très ambitieux, doit engager la société civile tout comme les institutions gouvernementales. ONU-Femmes et le Comité sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes doivent faire entendre leur voix avec force. L'experte a jugé exemplaire l'engagement du Conseil des droits de l'homme en faveur de l'intégration de la perspective de l'égalité entre les sexes.

MME SAVITRI GOONESEKERE, Professeur de droit à l'Université de Colombo (Sri Lanka) et membre du Comité consultatif de l'International Women's Rights Action Watch Asia Pacific, a fait remarquer que le Comité ne traite pas exclusivement de la perspective sexospécifique. Les travaux des Nations Unies et les documents adoptés dans les grandes conférences convoquées sous leur égide, notamment la Quatrième Conférence sur les femmes (Beijing, 1995), ont posé des jalons importants. Les organes conventionnels et la coopération avec les organisations non gouvernementales ont permis également de renforcer les compétences, de promouvoir la connaissance des droits fondamentaux des femmes, de faire entendre les préoccupations réelles quant à la situation réelle dans les différents pays et de favoriser la réforme des législations nationales et régionales. Souvent, les institutions nationales manquent d'expérience et ont peu de ressources. Le manque de capacités de leadership et de partenariat est également visible dans les bureaux de pays des Nations Unies, qui ne disposent pas toujours des compétences nécessaires à l'intégration de la perspective sexospécifique dans les stratégies et programmes nationaux.

Mme Goonesekere a souligné que le processus de l'Examen périodique universel pouvait apporter sa pierre à l'édifice. La question du genre étant transversale, on est tout à fait fondé à estimer qu'elle devait s'inscrire au premier plan dans le cadre de ce mécanisme. Si l'universalité des droits est fondamentale, une dynamique plus forte doit être créée à cet égard, certains mettant en avant les différences culturelles pour nier les droits des femmes, a-t-elle rappelé. Le Conseil peut épauler le Comité sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, selon l'experte.

MME APARNA MEHROTRA, de l'Entité des Nations Unies pour l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes, a souligné qu'ONU-Femmes se trouvait encore dans une phase de transition, en raison notamment de la fusion en cours de tous les mandats préexistants en son propre sein. Elle a fait valoir que la Présidente d'ONU-Femmes intègre entièrement les hommes dans la démarche de cette entité, car elle estime qu'ils ont aussi un rôle à jouer dans la promotion de l'égalité des sexes. Mme Mehrotra a encore déclaré avoir l'impression que le système des Nations Unies travaille sur des mandats très vastes, mais oublie souvent de donner des pouvoirs à ceux qui en ont besoin. En conséquence, il faut accroître le nombre de femmes à des postes de responsabilité.

Des progrès ont été faits, a poursuivi Mme Mehrotra, mais beaucoup reste encore à faire. La mise en œuvre de ces mesures n'est pas au rendez-vous et manque encore de soutien. Il importe de comprendre qu'ONU-Femmes ne fera pas tout le travail des Nations Unies, a-t-elle ajouté: elle doit conférer une certaine cohérence à l'action du système, mais non une uniformité.

MME REINE ALAPINI-GANSOU, Présidente de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, a indiqué que l'Afrique s'est efforcée de donner l'exemple en adoptant le Protocole à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples relatif aux droits des femmes, tandis qu'au plan politique, la Commission de l'Union africaine a créé un département chargé des questions de genre. Le département présente des rapports semestriels. Une campagne de sensibilisation des populations est organisée tous les semestres également. Le mécanisme de Rapporteur spécial sur les droits des femmes en Afrique joue aussi un rôle clé.

Mme Alapini-Gansou a observé que si, à ses débuts, la Commission de l'Union africaine n'avait pas pris en compte la question du genre, elle a changé d'attitude ces quatre dernières années en faisant le choix politique de coopter des femmes dans ses organes dirigeants. L'Union africaine est un organe de contrôle qui adopte des stratégies permettant aux décideurs de donner des réponses concrètes aux préoccupations du moment. Mme Alapini-Gansou a déploré le fait que les décideurs politiques soient quelque peu «inhibés» face au défi posé par la question du genre.

MME HALA GHOSHEH, Directrice du Fonds social de Jordanie pour l'égalité entre les sexes, priée par la modératrice de donner son avis sur la levée des résistances d'ordre culturel qui s'opposent à l'intégration de la perspective d'égalité dans les institutions, a observé qu'au niveau pratique, logistique, conceptuel et théorique, de nombreuses difficultés persistent en effet. Il s'agit donc d'incorporer dans les stratégies la question de la résistance, en analysant son origine et son type. Les rapports et les dynamiques de pouvoir sont au cœur de cette analyse. La première résistance est le refus de sortir du statu quo: les personnes ont des préjugés relatifs à l'égalité entre hommes et femmes dont ils ne veulent pas se départir. Il faut donc agir au niveau individuel. Soulignant qu'il n'existe pas de recette en la matière, Mme Ghosheh a recommandé à chaque organisation de se doter d'une approche qui lui soit propre. Elle a préconisé de commencer par s'attacher à la réalisation d'objectifs à court terme, faciles à atteindre.

Il importe par ailleurs de définir un mandat clair de renforcement des capacités et d'augmentation des ressources en vue d'une meilleure prise en compte des droits fondamentaux des femmes au sein l'Organisation des Nations Unies. De nombreux plans adoptés antérieurement ont échoué faute de responsabilisation individuelle des directeurs de bureaux, par exemple, en particulier sur le terrain. Pour responsabiliser ces intervenants, il importe que le système applique des cadres d'obligation redditionnelle mieux structurés aux différents niveaux de l'organisation.

M. MARCOS NASCIEMENTO, expert sur les questions de genre et de masculinité, a déclaré que l'intégration de la perspective sexospécifique impose, d'une part, de travailler avec les hommes et, d'autre part, de prendre en compte tout ce qui concerne la relation de pouvoir entre hommes et femmes, mais aussi entre hommes. De son point de vue d'homme militant pour l'égalité des sexes, il faut avoir clairement à l'esprit un programme politique de dialogue et d'éducation, en particulier vis-à-vis des adolescents.
M. Nascimento a aussi souligné qu'il faut prendre en compte le problème de la violence et de la paternité, qui englobe un ensemble de sous-thèmes. La construction culturelle est aussi essentielle. Dans le cas du Brésil, l'expert a indiqué que la loi sur la violence à l'égard des femmes intègre les hommes non pas seulement comme source de violence, mais aussi comme une partie de la solution. D'autre part, la loi doit renforcer le statut des hommes en tant que pères, a plaidé l'expert, citant en exemple les pays ayant légiféré en matière de congé paternité.

Observations des États membres et des observateurs

Tous les intervenants au débat sont tombés d'accord sur le fait que la question des droits fondamentaux des femmes doit bénéficier d'une action prioritaire. Pour la France, l'objectif avoué doit être de favoriser l'accès des femmes aux espaces décisionnels économiques et politiques, de renforcer leur autonomisation économique et de veiller au respect de leurs droits. Dans cette optique, la France a d'ailleurs été à l'origine de l'élaboration et de l'adoption, par l'Union européenne en décembre 2008, de lignes directrices sur la lutte contre la violence et les discriminations à l'égard des femmes, qui font de ce thème une des priorités de l'Union européenne dans le domaine des droits de l'homme.

Plusieurs pays se sont attachés à mentionner les mesures positives prises récemment, au niveau national, dans le but d'une prise en compte accru des droits des femmes. Ainsi, la Belgique a adopté cette année d'une loi imposant un quota maximal des 2/3 des membres du même sexe dans les conseils d'administration des entreprises publiques et des sociétés cotées en bourse. À ce jour, seules 8% des fonctions supérieures au sein des entreprises belges cotées en bourse sont occupées par des femmes; ces entreprises disposeront de cinq ans pour se mettre en conformité avec la règle et les petites et moyennes entreprises de huit ans. De son côté, la République islamique d'Iran s'est déclaré conscient des efforts soutenus de reconnaissance de l'égalité entre les sexes et espéré que cela soit fait dans le respect des femmes et du contexte culturel, demandant aux panélistes quel rôle le respect du contexte culturel devrait jouer. La délégation iranienne a en outre cité des exemples d'amendements de lois existantes dans le pays en matière de mariage et d'héritage, de même que l'adoption de quotas et d'une retraite volontaire, conçus en faveur des femmes.

Le Canada, qui s'est exprimé également au nom de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande, a exprimé l'intérêt des délégations concernées sur les politiques d'égalité des genres, notamment en matière de recrutement sur le marché du travail et sur la manière de mettre sur pied un cadre de contrôle de la gestion susceptible de favoriser l'égalité. La Slovénie a voulu savoir comment dépasser les modèles sociaux traditionnels du rôle et des responsabilités des hommes et des femmes. Au plan national, les femmes représentent la majorité des fonctionnaires publics et c'est un atout à exploiter dans ce contexte.

Abordant la question sous l'optique d'une intégration au sein de tout le système des Nations Unies, le Chili a souligné les défis dans la prise en compte des droits fondamentaux des femmes dans tous les organismes du système des Nations Unies, a insisté sur les normes et l'institutionnalisation, de même que sur l'élimination des valeurs et notions imposant des restrictions aux femmes. À cet égard, ONU-Femmes a une responsabilité, de même que le Conseil, qui doit pleinement inscrire tous ses travaux dans cette dynamique. Comment renforcer ONU-Femmes, les organisations régionales et surtout les organisations économiques? Le Chili préconise le renforcement de la complémentarité et a interrogé les panélistes sur le rôle des organes des droits de l'homme dans ce contexte.

L'Argentine a proposé la création d'un «groupe d'amis de la prise en compte des droits fondamentaux des femmes au sein du Conseil des droits de l'homme», ce à quoi la Fédération de Russie a ajouté qu'il fallait se concentrer sur la création d'un organe de coordination et souhaite qu'ONU-Femmes jouera un rôle important en matière de coordination, car il faut des travaux aux niveaux local et régional et la participation à des programmes spécifiques mis en œuvre à la requête des États concernés. La Division de la promotion de la femme pourrait en particulier jouer un rôle clé dans cette démarche et tous les organes des Nations Unies devraient s'abstenir d'agir individuellement et dans l'isolement. Cuba a abondé dans ce sens et exhorté à une harmonisation des travaux des organes des Nations Unies pour progresser dans l'autonomisation des femmes.

Les Maldives ont souligné la nécessité pour le Comité sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes de travailler de manière cohérente avec des institutions comme le Conseil des droits de l'homme, lorsque ce dernier traite des questions de genre. Le Paraguay, qui doit présenter cette semaine son rapport périodique au Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, a demandé quel rôle celui-ci pouvait jouer pour participer au progrès dans l'institutionnalisation de l'intégration d'une perspective sexospécifique. Pour la Croatie, le mécanisme de l'Examen périodique universel est un outil important pour le développement de tous les aspects des droits des femmes. Les recommandations qui y sont formulées représentent une contribution significative pour faire avancer la prise de responsabilité des femmes. La Turquie a remarqué qu'un tiers seulement des titulaires de mandat étaient des femmes, rappelant que la Haut-Commissaire avait recommandé que des efforts soient faits pour ajouter des candidates qualifiées à la liste des titulaires de mandats éligibles.

S'exprimant au nom de la Conférence de la coopération islamique, le Pakistan a rappelé l'importance que cette organisation attache à la prise en compte des droits des femmes dans tous les systèmes multilatéraux. Les questions des droits de l'homme qui ont un effet disproportionné sur les femmes et les filles devraient être systématiquement incluses dans les travaux du Conseil. Les discriminations à l'égard des femmes et des filles, la vulnérabilité aux violences, et l'insécurité alimentaire en raison de leur paupérisation galopante, sont parmi les thèmes les plus urgents à intégrer. L'Azerbaïdjan a déclaré que l'intégration de la prise en compte des droits des femmes et son institutionnalisation ne doit pas se limiter à des bureaux mais s'adresser directement à l'opinion publique et à toutes les parties prenantes par une sensibilisation tous azimuts.

La Finlande a mis en relief l'importance du rôle des hommes et des garçons dans le renforcement de l'égalité des chances; comment mieux promouvoir leur implication dans ce contexte? De même, la Suisse a voulu savoir comment mettre au point des programmes dans ce sens et fait part de l'expérience positive du pays notamment par une analyse critique des mesures prises et par une évaluation régulière des résultats obtenus. M. Nascimento a été prié de donner une idée des progrès et des défis s'agissant de la participation des hommes dans cette optique. La Suède a demandé quels mécanismes institutionnels doivent être mis en place aux niveaux local, régional et national pour que l'égalité entre les genres devienne une réalité de tous les jours.

L'Indonésie, à l'instar de nombreuses délégations, a souligné l'importance d'ONU-Femmes, soulignant l'amélioration d'ores et déjà obtenue en matière de renforcement de la coordination et de l'intégration. L'Inde a noté que la notion de l'intégration sexospécifique avait fait son chemin au sein des Nations Unies depuis la Conférence de Beijing en 1995 jusqu'à la création récente d'ONU-Femmes.

Une représentante du Fonds des Nations Unies pour la population et du Fonds des Nations Unies pour l'enfance a mis l'accent sur l'équilibre des sexes au sein du personnel du FNUAP et de l'UNICEF, estimant qu'il faut veiller à une représentation égale des femmes et des hommes à tous les niveaux professionnels.

Enfin, le Brésil a souligné que les exemples des Présidentes Dilma Roussef et Michele Bachelet constituaient une source d'inspiration et la preuve que les femmes étaient prêtes à occuper la place qu'elles méritent.

Worldwide Organization for Womena elle aussi mis l'accent sur le partenariat hommes-femmes, qui conduit à des résultats tangibles en matière de développement, et rappelé que le concept de «genre» ne veut pas dire «questions relatives aux femmes» mais la compréhension de la dynamique, des contraintes sociales et de l'impact du changement du rôle des hommes et des femmes ainsi que leur interaction pour apporter des solutions pratiques aux problèmes auxquelles sont confrontés la société et les familles. On ne saurait admettre que la moitié de l'humanité attende plus longtemps et il faut «lui rendre la moitié du ciel».

Verein Südwind a souligné que les injustices ont rendu les femmes plus actives: nombreuses sont celles qui ont dû manifester et militer pour créer des organisations indépendantes. Dans certains pays, ces militantes sont harcelées, voir réprimées et arrêtées pour «atteinte à la sécurité de l'État». Südwind demande s'il pourrait être envisagé de préparer des rapports de pays pour ceux d'entre eux qui refusent de ratifier la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

Réponses des panélistes

MME ALAPINI-GANSOU a déclaré que la question de la nécessité de l'intégration de genre ne se pose plus. Aujourd'hui, il s'agit de mettre en œuvre les cadres existants et l'obligation redditionnelle, a souligné la Présidente de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples. L'Examen périodique universel est un grand progrès à cet égard, même si d'autres efforts devront être faits pour évaluer l'action des États en matière de promotion des droits des femmes. Au niveau de la région africaine, la Charte de l'Union africaine et l'article 26 de la Charte sur les droits de la femme imposent des obligations aux États. Il n'est donc pas nécessaire de créer des mécanismes nouveaux: il faut veiller à l'application des dispositions existantes. Mme Alapini-Gansou a par ailleurs estimé que la coopération entre organes et institutions peut contribuer à ces efforts. Dans ce cadre, elle plaidé pour un renforcement du rôle de l'Union africaine, en particulier au côté d'ONU-Femmes.

MME GOONESEKERE a déclaré que Sri Lanka participera l'année prochaine à l'Examen périodique universel: on verra alors si des progrès ont été faits, notamment pour donner suite aux recommandations du Comité sur l'élimination de toutes formes de discrimination à l'égard des femmes. Le Professeur de l'Université de Colombo a par ailleurs souligné qu'il fallait créer des mécanismes de pays, non pas pour faire des doublons, mais dans le but de renforcer les mécanismes existants. Elle a cité des exemples de quotas, expérimentés notamment par la Belgique, qui ont permis d'améliorer l'intégration des femmes. S'agissant du rôle d'ONU-Femmes, elle a souligné que, d'expérience, elle sait l'importance d'exercer un leadership en matière de promotion des droits de femmes.

MME MEHROTRA a observé que ONU-Femmes pourra lancer des partenariats formels aussitôt que ses activités auront été consolidées. Entre-temps, un réseau professionnel chargé des questions liées à la sexospécificité travaille tous les jours dans cette perspective. Elle a appelé à la création de synergies à plusieurs niveaux de la gouvernance et à la poursuite des débats interactifs pour faire converger les idées et mieux progresser. D'autre part, le cadre de responsabilité doit être harmonisé à l'échelle du système. Mme Mehrotra a aussi jugé que les quotas ont été une expérience positive. Vingt-huit pays ont atteint la masse critique de 20% de femmes au gouvernement: 23 d'entre eux y sont parvenus grâce à l'imposition de quotas. Mme Michele Bachelet, Présidente d'ONU-Femmes, s'appuyant sur des évaluations des résultats de ces quotas au niveau des pays, compte appliquer une politique de quotas, comme l'encourage la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

MME GHOSHEH a répondu à des questions sur la diversité culturelle, les quotas et l'élaboration d'une feuille de route dans ce domaine, a estimé qu'un quota minimal devrait être établi dans toutes les régions et pays. La Directrice du Fonds social de Jordanie pour l'égalité entre les sexes a souligné qu'il faudra tenir compte ce faisant de la dimension culturelle, certains pays en développement estimant qu'il leur est difficile d'adopter des concepts provenant de pays développés. La participation des femmes à la vie publique, à la prise de décisions et à la vie économique est essentielle, a affirmé l'experte, avant d'appeler à une analyse détaillée des dynamiques actuelles au sein des institutions des Nations Unies, pour aboutir à l'adoption d'un système pratique et concret de prise en compte effective des droits des femmes.

M. NASCIMENTO a souligné l'importance du dialogue qui doit avoir lieu entre les institutions et les titulaires de mandats. Cela suppose une alliance entre organisations mais aussi entre mouvements sociaux – ceux en charge non seulement de la défense des femmes mais aussi des enfants ou des LGBT. L'expert sur les questions de genre et de masculinité a évoqué les progrès faits dans son pays, le Brésil, en matière d'intégration des questions sexospécifiques, grâce à l'implication conjointe des femmes et des hommes. Parler du genre, c'est parler des relations de pouvoir, a-t-il conclu.

MME CHINKIN a conclu l'échange en estimant que l'une des questions posées était celle de savoir quelle valeur ajoutée pouvait apporter le Conseil sur la question de l'intégration de la perspective sexospécifique: de toute évidence, l'angle «droits de la personne» est à la base de cet apport. Si la question des ressources a été évoquée à maintes reprises, il est clair qu'en dépit de limitations incontournables, cela démontrait tout l'intérêt de coopérer avec ONU-Femmes et le Comité sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Enfin, plusieurs intervenants ont mentionné le climat économique difficile qui risque d'avoir un impact encore difficile à évaluer.

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