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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité pour l'Élimination de la discrimination raciale examine le rapport de la Pologne

11 février 2014

Comité pour l'élimination   
  de la discrimination raciale 

11 février 2014

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par la Pologne concernant les mesures prises par ce pays en application des dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
 
Présentant le rapport de son pays, M. Piotr Stachańczyk, Secrétaire d'État au Ministère de l'intérieur de la Pologne, a notamment attiré l'attention sur l'entrée en vigueur, en 2011, d'une loi portant application de certaines dispositions de l'Union européenne relatives à l'égalité de traitement.  Des amendements ont été apportés au code pénal, s'agissant plus particulièrement des crimes motivés par les préjugés.  Par ailleurs, un réseau de procureurs spécialisés dans la poursuite des crimes de haine a été mis sur pied.  Le Secrétaire d'État a précisé que sur les quelque 1 150 499 affaires enregistrées par les bureaux de procureurs en 2012, seules 362 ont concerné des crimes de haine.  Suite aux inspections menées, en coopération avec les organisations non gouvernementales, dans les établissements de détention pour étrangers, des amendements ont été apportés à la législation, qui entreront en vigueur le 1er mai prochain, s'agissant du champ d'application de l'admissibilité de ce type de détention et, notamment, la possibilité d'appliquer des mesures alternatives à la détention.  Par ailleurs, la détention d'étrangers mineurs non accompagnés âgés de moins de 15 ans a été interdite.  Le nombre de mineurs non accompagnés placés en détention «est insignifiant et continue de diminuer» grâce à la pratique de plus en plus courante de les placer dans des centres de soins éducatifs.  Enfin, M. Stachańczyk a attiré l'attention sur les mesures prises par le Gouvernement polonais pour assurer l'égalité des chances pour la communauté rom.
 
La délégation polonaise était également composée du Représentant permanent de la Pologne auprès des Nations Unies à Genève, M. Remigiusz A. Henczel, ainsi que de représentants du Ministère de l'intérieur, du Ministère de l'administration et de la numérisation, du Ministère du travail et de la politique sociale, du Ministère de l'éducation nationale, du Ministère de la justice, du Ministère des affaires étrangères, du Bureau pour les étrangers et du Bureau du Plénipotentiaire gouvernemental pour l'égalité de traitement.  Elle a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, en particulier, de la situation des Roms, ainsi que des crimes de haine, de l'interdiction des slogans racistes lors des manifestations sportives, de la formation aux droits de l'homme et à la lutte contre les discriminations, du Défenseur des droits de l'homme, de l'absence de définition de la discrimination raciale, de la situation des personnes appartenant à des minorités.
 
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Pologne, M. Dilip Lahiri, a félicité le Gouvernement polonais mérite d'être félicité pour les mesures qu'il a prises aux fins de l'amélioration du cadre juridique et institutionnel.  Mais en dépit de certains efforts les questions liées à la lutte contre les crimes de haine en Pologne restent un grave problème et l'augmentation du nombre de crimes racistes et motivés par les préjugés est préoccupante.  Il faut déplorer une augmentation du nombre d'incidents racistes et xénophobes dans les stades de football, essentiellement contre les personnes d'ascendance africaine et contre les Juifs.  Les Roms et les personnes d'ascendance africaine et moyen-orientale sont les plus vulnérables aux actes racistes, et les incidents antisémites restent courants.  Les crimes de haine restent un problème essentiel auquel il convient d'apporter une réponse.  Il semblerait selon certains observateurs que les autorités polonaises ne considèrent pas que le racisme et la discrimination soient des questions importantes.  Il en résulte une inaction et une passivité qui contribuent à créer un environnement favorable à la haine, au racisme et à la discrimination.
 
Le Comité adoptera en séance privée des observations finales sur le rapport de la Pologne qui seront rendues publiques à l'issue de la session, qui se termine le vendredi 21 mars prochain.
 
 
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de l'Ouzbékistan (CERD/C/UZB/8-9).
 
 
Présentation du rapport
 
Présentant le rapport de son pays (CERD/C/POL/20-21), M. Piotr Stachańczyk, Secrétaire d'État au Ministère de l'intérieur de la Pologne, a assuré que le Gouvernement polonais n'avait ménagé aucun effort pour donner suite à toutes les recommandations que lui avait adressées le Comité à l'issue de l'examen du précédent rapport de la Pologne, considérant ces recommandations comme des directives pour le développement de sa politique en matière de prévention de la discrimination.  Au cours de la période couverte par la présent rapport, le Gouvernement polonais a pris un certain nombre d'initiatives en vue de renforcer ses garanties juridiques en matière d'égalité de traitement indépendamment de toute considération de sexe, de race, d'origine ethnique, de nationalité, de religion, d'opinion politique, d'âge ou d'orientation sexuelle, ainsi qu'en matière de prévention des crimes de haine.  La Pologne a élargi la portée des dispositions juridiques garantissant l'application pratique du principe d'égalité de traitement, a poursuivi M. Stachańczyk.  En décembre 2013, le Conseil des Ministres a entériné le Plan national d'action pour l'égalité de traitement (2013-2016), élaboré dans le contexte de l'application de la loi du 3 décembre 2010 portant application de certaines dispositions de l'Union européenne relatives à l'égalité de traitement.
 
Parallèlement, le Gouvernement polonais a entrepris un certain nombre de mesures visant à accroître la sensibilisation et la connaissance concernant l'égalité de traitement.  Plusieurs projets ont été élaborés à cette fin par le Plénipotentiaire gouvernemental pour l'égalité de traitement, a précisé M. Stachańczyk.  Il a en outre indiqué qu'un Conseil pour l'élimination de la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée avait été mis sur pied en février 2013, sous la houlette du Ministre de l'administration et de la numérisation, dont l'objectif principal est d'assurer la coordination des actions des organes administratifs gouvernementaux et leur coopération avec les organes gouvernementaux locaux aux fins de l'élimination et de la prévention de ces phénomènes.  En novembre 2013, le Conseil a adopté un plan-cadre d'action pour définir ses objectifs et ses priorités.
 
Le Secrétaire d'État polonais a ensuite attiré l'attention sur un certain nombre d'amendements apportés au code pénal durant la période couverte par le rapport, s'agissant plus particulièrement des crimes motivés par les préjugés.  En réponse aux ventes sur Internet de produits ayant un contenu d'incitation à la haine, a ainsi été introduite dans le code pénal l'incrimination de la production, de la possession et de la distribution de produits dont le contenu incite à la haine fondée sur la différence nationale, ethnique, raciale et religieuse; le commerce de tels produits n'est acceptable qu'aux seules fins de mener des opérations artistiques ou scientifiques.  D'autre part, une définition du trafic d'êtres humains, basée sur les Protocoles de Palerme et sur la Convention du Conseil de l'Europe relative à la lutte contre la traite de personnes, a été introduite dans le code pénal en mai 2010.
 
M. Stachańczyk a ensuite fait part des mesures prises par les autorités polonaises pour mettre sur pied un réseau de procureurs spécialisés dans la poursuite des crimes de haine.  Il a attiré l'attention sur le faible nombre de ces crimes, soulignant que sur les quelque 1 150 499 affaires enregistrées par les bureaux de procureurs en 2012, seules 362 avaient concerné des crimes de haine.  Depuis 2009, a-t-il ajouté, les agents de police suivent une formation au titre du Programme de lutte contre les crimes haineux destiné aux agents responsables de l'application des lois; quelque 70 000 policiers ont d'ores et déjà suivi cette formation. 
 
Évoquant l'action des autorités polonaises aux fins de l'élimination de toutes formes de discrimination raciale dans les médias, M. Stachańczyk a notamment attiré l'attention sur la nomination, au sein des structures du bureau du Conseil national de la radiotélévision, d'un porte-parole pour la liberté d'expression.  Le Secrétaire d'État a également attiré l'attention sur les mesures prises au sein des établissements scolaires afin de diffuser la connaissance de la diversité culturelle et d'enseigner l'histoire et la culture juives, y compris sur l'Holocauste.
 
Le Gouvernement polonais accorde une grande importance à la lutte contre la xénophobie et toutes les formes de discriminations dans les localités et les régions où l'on trouve des installations pour les étrangers requérants une protection internationale, a poursuivi M. Stachańczyk.  À l'appui de cet objectif, des actions permanentes sont menées en coopération avec les milieux et les ONG locaux afin de rapprocher les communautés étrangères et locales.  En 2012 et 2013, le Ministère de l'intérieur et des douanes a mené plusieurs actions visant à assurer que les étrangers sont maintenus dans des conditions humanitaires dans les centres de détention pour étrangers, a d'autre part fait valoir le Secrétaire d'État.  À cette fin, des inspections ont été menées dans ces établissements, en coopération avec les organisations non gouvernementales, mettant l'accent sur la détention de mineurs.  Suite à ces inspections, des amendements ont été apportés à la législation, qui entreront en vigueur le 1er mai prochain, relativement au champ d'application de l'admissibilité de ce type de détention; des changements ont également été apportés appliqués avec succès depuis 2012 à l'organisation de la détention.  À notamment été introduite la possibilité d'appliquer toute une gamme de mesures alternatives à la détention.  La détention d'étrangers mineurs non accompagnés âgés de moins de 15 ans a en outre été interdite.  D'autre part, les gardes-frontières ont été habilités à prendre des décisions d'expulsion, a précisé M. Stachańczyk.  Pour ce qui est des conditions de détention, l'obligation a été introduite de placer tout étranger et ses enfants mineurs ou tout autre membre de sa famille ensemble dans une même pièce dans l'établissement concerné.  Le mineur doit en outre se voir accorder la possibilité d'apprendre et de participer aux activités sportives et de loisirs conformes à son âge et à la durée de son séjour en Pologne. 
 
En outre, un juge pénitentiaire doit surveiller la légalité et le bon déroulement du placement et du maintien des étrangers dans les centres de détention gardés.  Le nombre de mineurs non accompagnés placés en détention «est insignifiant et continue de diminuer» a assuré M. Stachańczyk, précisant qu'ils étaient 14 en 2011, 16 en 2012 et 4 en 2013.  Cela s'explique par la pratique de plus en plus courante de les placer dans des centres de soins éducatifs, méthode appliquée en 2011 à 13 mineurs non accompagnés, en 2012 à 50 mineurs non accompagnés et en 2013 à 21 mineurs non accompagnés.  En vertu de l'amendement apporté à la loi sur le système éducatif, les migrants adultes seront habilités, à compter du 1er mai prochain, à étudier dans les écoles publiques pour adultes dans les mêmes conditions que les ressortissants polonais, c'est-à-dire gratuitement. 
 
Entre janvier 2012 et septembre 2013, le Centre polonais pour les victimes de traite a apporté un soutien à quelque 356 personnes (dont 198 étrangers, majoritairement de Roumanie, d'Ukraine, de Bulgarie et du Vietnam), a par ailleurs indiqué M. Stachańczyk.
 
Enfin, le Secrétaire d'État à l'Intérieur a attiré l'attention sur les mesures prises par le Gouvernement polonais pour assurer l'égalité des chances pour la communauté rom.  Une stratégie d'intégration des Roms communauté longtemps marginalisée a été mise en place, mais ce processus s'inscrit dans le temps.  M. Stachańczyk a fait valoir que le degré d'antipathie déclarée de la population polonaise à l'égard des Roms était passé de 73% au milieu des années 1990 lorsque l'on comptait dans les rues polonaises le plus grand nombre de mendiants venus de Bulgarie à 52% en 2013.
 
Examen du rapport
 
Questions et observations de membres du Comité
 
M. DILIP LAHIRI, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Pologne, a félicité la Pologne pour avoir respecté les délais prescrits pour la présentation des rapports périodiques.  L'histoire de la Pologne est marquée par des traumatismes et des troubles récurrents.  Alors que la communauté juive de Pologne était, il fut un temps, la plus grande du monde et atteignait encore 3 millions de personnes avant la première Guerre mondiale, elle n'est plus aujourd'hui que d'environ 20 000 personnes, a fait observer le rapporteur, avant de s'inquiéter d'informations faisant apparaître une antipathie persistante des lycéens à l'égard des Juifs.
 
Lors du dernier recensement général de la population, mené en 2011 et au cours duquel la population polonaise fut interrogée sur son origine ethnique et nationale, sur les quelque 39 millions d'habitants que compte le pays, seuls 1,4% se déclaraient d'origine nationale ou ethnique non polonaise, a fait observer le rapporteur. 
 
Relevant qu'en vertu de la loi antidiscrimination adoptée en décembre 2010, le Défenseur des droits de l'homme (Ombudsman) s'était vu habilité à aider les victimes de discrimination à porter plainte et à faire des recommandations visant à parvenir à l'égalité de traitement, M. Lahiri a souhaité savoir si les ressources allouées à l'Ombudsman peuvent être considérées comme suffisantes pour lui permettre de s'acquitter de ces nouvelles responsabilités.  Il a ensuite relevé que le Défenseur des droits de l'homme n'a aucune autorité statutaire pour agir en soutien des plaintes déposées par des victimes de discrimination dans la sphère privée.  Le rapporteur s'est toutefois réjoui que le Défenseur se soit vu accorder de nouveau en 2012 le statut «A» par le Comité international de coordination (CIC) des institutions nationales des droits de l'homme.
 
Relevant que la Constitution polonaise prévoit qu'un traité international dûment ratifié par le pays fait partie intégrante de l'ordre juridique interne et est d'application directe (sauf si son application dépend de l'adoption d'une loi statutaire), M. Lahiri a demandé si la délégation pouvait fournir des exemples de l'application directe de la Convention par les tribunaux polonais.
 
Il semblerait qu'il n'existe pas en Pologne de politique d'État globale visant à lutter contre le racisme et les actes discriminatoires motivés par le racisme, l'intolérance et la haine, de sorte que ces actes sont souvent sous-estimés et font rarement l'objet d'enquêtes et de poursuites, a fait observer le rapporteur.  À cet égard, M. Lahiri a fait remarquer que si l'article 53.2 du code pénal stipule que le tribunal doit prendre en considération la motivation de l'auteur du crime, aucune mention explicite n'est faite dans ce contexte à la nécessité d'identifier et de sanctionner la motivation raciale en tant que circonstance aggravante.
 
Au premier semestre 2013, seules huit plaintes fondées sur la loi antidiscrimination ont été déposées devant les tribunaux polonais, s'est étonné M. Lahiri.
 
En dépit de certains efforts, a poursuivi le rapporteur, les questions liées à la lutte contre les crimes de haine en Pologne restent un grave problème et l'augmentation du nombre de crimes racistes et motivés par les préjugés est préoccupante.  Il y a eu une augmentation du nombre d'incidents racistes et xénophobes dans les stades de football, essentiellement contre les personnes d'ascendance africaine et contre les Juifs, a souligné le rapporteur.
 
Selon les informations disponibles, il subsiste en Pologne au moins quatre groupes et organisations d'extrême droite encore actifs dans le pays, a ajouté M. Lahiri, s'inquiétant d'informations selon lesquelles le site web Red Watch fonctionnerait toujours alors que trois personnes ont été condamnées en décembre 2010 à Wroclaw pour avoir lancé ce site.
 
La discrimination raciale dans le système de justice pénale n'a pas beaucoup baissé, a poursuivi le rapporteur.  Alors que, selon les statistiques du bureau du Procureur général, les attaques racistes ont augmenté en 2011, moins de cas ont été déférés cette année-là devant les tribunaux; apparemment, les procureurs, mais aussi les policiers et les juges, manquent d'information et de compréhension quant aux délits à motivation raciale.  La majorité des délinquants condamnés dans de telles affaires se voient imposer une amende.
 
Les Roms et les personnes d'ascendance africaine et moyen-orientale sont les plus vulnérables aux actes racistes, a ajouté M. Lahiri.  D'autre part, les incidents antisémites restent courants et seul un nombre limité de cas est examiné par les bureaux du Procureur, a-t-il poursuivi.
 
S'agissant des minorités nationales et ethniques, M. Lahiri a fait observer que les personnes d'ascendance africaine et asiatique, ainsi que les migrants roms et musulmans sont particulièrement vulnérables au profilage ethnique et aux attaques violentes.  Il est largement admis que l'inclusion de modules d'enseignement à la tolérance, à la non-discrimination et au dialogue interculturel s'avère nécessaire dans les écoles polonaises, a souligné le rapporteur.  En Pologne, la discrimination est généralisée à l'encontre des Roms, lesquels restent menacés d'expulsion forcée, a-t-il insisté; en dépit des mesures prises dans nombre de domaines, les indices socioéconomiques des membres de cette communauté restent en deçà de deux de la population globale.  Le pays continue en outre de connaître le problème de la faible fréquentation scolaire des enfants roms et de leur fort taux d'abandon scolaire.
 
Lors de l'examen périodique universel du pays par le Conseil des droits de l'homme, la Pologne a rejeté la pleine application des recommandations issues de cet examen s'agissant d'une interdiction juridique du placement de mineurs en détention, a par ailleurs fait observer M. Lahiri, s'inquiétant d'une grave entrave au droit de ces enfants à un accès adéquat à l'éducation.
 
De nombreuses études menées par des centres universitaires indépendants et par des ONG montrent que le phénomène de discrimination raciale reste un problème visible et grave en Pologne, a conclu le rapporteur, soulignant que les discours et crimes de haine sont en hausse dans ce pays.  Il semblerait, selon certains observateurs, que les autorités polonaises ne considèrent pas que le racisme et la discrimination soient des questions importantes.  Il en résulte une inaction et une passivité qui contribuent à créer un environnement favorable à la haine, au racisme et à la discrimination, a insisté M. Lahiri.
 
Plusieurs autres membres du Comité ont salué la régularité avec laquelle la Pologne présente ses rapports périodiques au Comité et ont pris acte d'un certain nombre de mesures positives prises par le pays.
 
Plusieurs experts se sont inquiétés que la promotion de la croix gammée ne soit pas poursuivie en Pologne au prétexte qu'elle est un symbole de bonheur en Asie.
 
Un membre du Comité a estimé que l'un des problèmes les plus urgents auxquels est confrontée la Pologne est celui de la situation des Roms; tant que le niveau d'éducation des Roms n'aura pas été élevé, il est à craindre qu'il ne s'agisse là d'un combat de Sisyphe pour la Pologne, a affirmé cet expert.  Il s'est en outre inquiété du phénomène des hooligans et du racisme dans le sport.  Aussi, conviendrait-il pour le pays de mettre en place une politique de tolérance zéro à l'égard du racisme dans les clubs.  L'expert a par ailleurs déploré la persistance de pratiques de profilage racial dans le pays, notamment à l'entrée dans les lieux publics tels que les restaurants.
 
Un membre du Comité a voulu savoir qui étaient les 600 000 individus qui, lors du recensement de 2011, n'ont déclaré appartenir à aucune nationalité; trouve-t-on parmi ces personnes des apatrides?  L'expert a par ailleurs salué les mesures ayant permis d'en finir avec la ségrégation scolaire des enfants roms dans des classes distinctes.  Il s'est par ailleurs demandé pourquoi, contrairement à ce qui se passe dans d'autres pays confrontés au même problème, les clubs sportifs concernés ne sont, en Pologne, jamais poursuivis et condamnés pour les manifestations de racisme dans le cadre des rencontres sportives.  La hausse substantielle, ces deux dernières années, du nombre des agressions perpétrées par des nationalistes, montre qu'il est grand besoin de renforcer encore la formation des policiers aux fins de la prévention et de la lutte contre de telles agressions.
 
Un autre expert a souhaité en savoir davantage au sujet de la communauté cachoube en Pologne.
 
À qui incombe la charge de la preuve dans les affaires de discrimination, a demandé un autre expert?
 
Sur quelles bases les Roms séjournent-ils en Pologne, selon qu'ils ont la nationalité polonaise, la nationalité d'un pays de l'Union européenne ou encore la nationalité d'un pays tiers, a demandé un expert?  Quels sont leurs droits, notamment en termes d'accès aux prestations sociales, en fonction de leur nationalité? 
 
Un membre du Comité a fait observer que sous couvert d'interculturalité, l'enseignement d'une langue puisse viser l'assimilation.  Un autre expert a relevé que les Roms veulent une langue écrite alors que les Sintis n'en veulent pas.  En Pologne, un nombre disproportionné d'enfants roms sont placés dans des écoles spécialisés sur la base de certificats attestant d'un certain nombre de handicaps, s'est en outre inquiété cet expert avant de recommander au pays de veiller à ce que les enfants roms soient pleinement intégrés dans les écoles ordinaires.
 
Un autre expert a fait observer que si l'on peut évidemment comprendre qu'il soit interdit dans les stades d'arborer des slogans fascistes et nazis, puisque cette idéologie établit une distinction entre les races, il semble plus malaisé de comprendre pourquoi devraient être interdits les slogans communistes, cette idéologie n'établissant pas de telle distinction.  D'ailleurs, a insisté cet expert, il existe dans le monde des pays communistes Chine, Cuba, entre autres.
 
Réponses de la délégation
 
La délégation a assuré que, depuis quelques années, rares sont les incidents où certaines personnes se voyaient refuser l'entrée dans un restaurant ou un club.  Les coupables de tels actes ont en effet été poursuivis en justice, grâce à l'action du parquet qui s'efforce de lutter contre les discriminations, y compris lors des manifestations sportives, a souligné la délégation.
 
D'importants progrès ont été réalisés en matière de prise en charge des problèmes rencontrés par les Roms en Pologne, a assuré la délégation.  La problématique des Roms n'est pas limitée à la Pologne mais concerne l'ensemble de l'Europe, a-t-elle souligné.  Depuis plusieurs années, les autorités polonaises se sont efforcées de prendre à bras le corps le problème de l'éducation des Roms, a poursuivi la délégation, qui a fait valoir que 247 Roms ont indiqué être diplômés de l'enseignement supérieur lors du recensement de 2011, alors que ce nombre n'était que de 13 dix ans plus tôt.  La majorité de ces diplômés roms sont des femmes, a précisé la délégation.  À l'heure actuelle, ce sont quelque 75% des enfants roms en âge scolaire qui sont effectivement scolarisés, a-t-elle fait valoir.  La ségrégation scolaire n'est pas un problème en Pologne puisqu'il n'existe pas dans le pays d'école accueillant uniquement des Roms.  Les classes qui avaient été créées dans les années 1980 pour un enseignement spécifique aux élèves roms n'existent plus aujourd'hui, a souligné la délégation.  Elle a rappelé que cette politique s'était parfois heurtée à l'opposition de certains parents roms qui avaient menacé de ne plus envoyer leurs enfants à l'école si les classes qui leur étaient spécifiquement destinées venaient à être fermées.  Pour ce qui est de l'enseignement bilingue, le fait est qu'aujourd'hui même, les Roms ne souhaitent pas recevoir un enseignement dans leur langue dans le cadre d'un enseignement officiel, a ajouté la délégation.  D'une manière générale, les Roms ne souhaitent pas que la langue romani soit mise à la disposition, portée à la connaissance, des personnes qui n'appartiennent pas à la communauté rom, a insisté la délégation.
 
S'agissant du nombre de Roms en Pologne, la délégation a rappelé que ce sont près de 13 000 personnes qui, lors du recensement de 2002, s'étaient dites d'origine rom.  Lors du recensement de 2011, ce chiffre était de 16 000.  Il est clair qu'il y a davantage de Roms dans le pays que ne l'indiquent les statistiques, a admis la délégation, précisant que leur nombre est en effet évalué entre 20 et 25 000.  Certains affirment même qu'il y aurait entre 30 et 50 000 Roms en Pologne, a ajouté la délégation mais ces chiffres s'appuient davantage sur le sentiment personnel des auteurs de certaines études que sur des faits concrets, a-t-elle souligné.
 
Les chiffres du recensement de 2011 montrent qu'aucune minorité nationale ou ethnique en Pologne n'est lésée du point de vue socioéconomique par rapport au reste de la population, à l'exception des Roms, a en outre indiqué la délégation.  La délégation a reconnu que les autorités ont eu quelque mal à évaluer la mise en œuvre des initiatives lancées en faveur de la communauté rom.  Il n'en demeure pas moins que les résultats des deux évaluations qui ont été menées en la matière ont été positifs, a-t-elle indiqué.
 
La délégation a fait valoir que des postes de représentants de la communauté rom dans les écoles ont été créés et officiellement reconnus en tant que profession; ces représentants aident les enfants roms et servent notamment d'intermédiaire entre l'école et la famille de l'enfant, ce qui a incontestablement contribué à accroître le nombre d'enfants roms fréquentant l'école.  Le nombre d'assistants d'enseignement pour les Roms dans les écoles s'établit actuellement à une centaine à travers le pays, et il s'agit de fonctionnaires bénéficiant d'un contrat de travail permanent, a par la suite précisé la délégation.
 
Aux yeux de la communauté rom, l'enseignement officiel n'est pas une valeur très prisée, a poursuivi la délégation.  Il y a là un obstacle culturel à surmonter, car pour la communauté rom, par exemple, une mère qui envoie son enfant dans un jardin d'enfants n'est pas une bonne mère car c'est à la mère qu'il revient de s'occuper de son enfant.  L'éducation n'est pas une valeur pour les Roms, pour qui l'éducation, dans la vie, n'est pas liée à l'achèvement d'un cycle d'enseignement ou l'obtention d'un diplôme.  Pour les Roms, qui fondent leur famille parfois dès l'âge de 15 ans et peuvent être grands-parents à 30 ans, l'éducation c'est en quelque sorte la connaissance et l'intelligence de la vie, a expliqué la délégation.
 
Le fait que les Roms considèrent généralement la police comme un agent de répression explique que peu d'entre eux sont désireux de devenir policiers et envisagent mal de pouvoir dire un jour qu'ils font partie de la police.
 
Le nombre de plaintes pour crimes de haine s'est élevé à 184 en 2011, à 200 en 2012 et à davantage encore en 2013.  Le fait que davantage de crimes soient dénoncés à la police ne signifie pas nécessairement qu'il y en ait réellement eu davantage cela peut aussi signifier que le public est davantage informé de la possibilité de dénoncer de tels crimes.  La délégation a fait valoir que, face au nombre croissant de plaintes déposées pour crimes de haine, les policiers parviennent désormais à mieux traiter ces affaires grâce à la formation qui leur est dispensée à cette fin depuis quelques années.  En outre, les personnes ont davantage conscience de la possibilité qui leur est offerte de porter plainte pour de tels crimes et hésitent donc moins à le faire, a-t-elle ajouté.
 
Depuis 2010, les policiers, durant le processus de recrutement, se font poser des questions destinées à voir s'ils ont des préjugés; ils sont ensuite formés à la manière de lutter contre les crimes de haine, a fait valoir la délégation, rappelant que quelque 70 000 policiers ont déjà suivi une telle formation.  La délégation a ensuite attiré l'attention sur les nombreuses formations aux droits de l'homme, et notamment à la lutte contre la discrimination, dispensée aux divers personnels de justice.  Entre 2012 et 2013, plus de 8000 gardiens de prison ont suivi une telle formation, a-t-elle précisé. 
 
En Pologne, l'incitation à la haine raciale ou ethnique fait l'objet de sanctions adéquates et les tribunaux polonais ne font preuve d'aucun laxisme en la matière, a par ailleurs assuré la délégation.
 
Lorsqu'ils prennent leurs décisions, les tribunaux invoquent les normes internationales applicables dans le domaine des droits de l'homme, a ajouté la délégation.
 
La Pologne a condamné sans ambiguïté tout type de discrimination dans les sports, a poursuivi la délégation.  Il se peut certes qu'il y ait des cas de discrimination raciale dans les stades, a-t-elle reconnu mais il n'en demeure pas moins que des mesures adéquates ont été prises pour assurer l'interdiction des slogans racistes, discriminatoires, fascistes ou communistes dans les stades, de sorte que les auteurs de tels actes n'ont désormais plus le sentiment de pouvoir bénéficier d'une quelconque impunité, a fait valoir la délégation.  Près de 70 fédérations sportives en Pologne ont signé une déclaration «Non au racisme dans le sport» et la plupart des fédérations sportives du pays ont adopté des règlements visant directement les manifestations de racisme et de xénophobie.  Pour ce qui est des matches de football, les peines encourues pour infraction à l'interdiction des slogans prohibés sont imposées par la Fédération polonaise de football, a précisé la délégation.  En deuxième division, 16 amendes ont été imposées à des clubs, a-t-elle fait valoir.
 
La législation en vigueur en Pologne stipule que les personnes qui promeuvent une idéologie fasciste ou associée à un autre régime totalitaire sont passibles de sanctions, a ensuite indiqué la délégation.
 
Le Défenseur des droits de l'homme (Ombudsman) est, selon la loi portant création de cette institution, le gardien du principe de l'égalité de traitement, a par ailleurs rappelé la délégation.  Le poste d'Ombudsman est financé par l'État et le budget qui lui est alloué a augmenté, passant de 34 millions de złoty en 2011 à 36 millions en 2012 et près de 40 millions en 2013, a précisé la délégation.  Il ne fait aucun doute que la promotion de l'égalité de traitement fait partie des priorités du Défenseur, a-t-elle souligné.
 
La délégation a ensuite reconnu que peu de décisions ont été prises par les tribunaux polonais en application de la loi sur l'égalité de traitement adoptée il y a trois ans.  Le nombre de plaintes pour inégalité de traitement reste assez limité, a-t-elle expliqué, ajoutant que des mesures techniques ont été recherchées afin d'assurer une meilleure pertinence de l'action en la matière.
 
Concernant la discrimination indirecte, il existe une certaine jurisprudence en Pologne, notamment au regard de certains arrêts de la Cour suprême, a par ailleurs souligné la délégation.
 
Il n'existe pas en Pologne de définition de la discrimination raciale en tant que telle, a par ailleurs souligné la délégation: néanmoins, la race et l'origine constituent l'un des motifs permettant de constater qu'il y a eu discrimination.
 
Les minorités en Pologne jouissent de droits politiques à tous les niveaux, notamment au niveau des communes et à celui du Parlement, a d'autre part indiqué la délégation, avant de préciser que la minorité allemande était la plus grande minorité du pays.  Il existe en Pologne une loi qui définit la notion de minorité et énumère les minorités existantes dans le pays: neuf minorités nationales et quatre minorités ethniques y sont mentionnées.  La délégation a aussi attiré l'attention sur le fonctionnement de la commission conjointe gouvernement-minorités.
 
Interpelée sur la situation des groupes minoritaires qui ne figurent pas parmi les 13 minorités nationales et ethniques mentionnées dans la loi sur les minorités, la délégation a indiqué que depuis que cette législation existe, les autorités n'ont eu aucune remontée d'informations concernant une minorité qui ne serait pas mentionnée dans la loi et d'éventuelles préoccupations à cet égard.
 
Observations préliminaires
 
M. LAHIRI, rapporteur du Comité pour la Pologne, a jugé très positif le débat qui s'est déroulé avec la délégation polonaise, laquelle a fourni beaucoup d'informations en répondant aux questions qui lui étaient posées.  Le Gouvernement polonais mérite d'être félicité pour les mesures qu'il a prises au cours de la période couverte par le rapport aux fins de l'amélioration du cadre juridique et institutionnel.  Néanmoins, l'impression générale demeure que les crimes de haine restent un problème essentiel auquel il convient d'apporter une réponse, notamment eu égard au fait que certaines motivations d'un crime ne sont toujours pas expressément mentionnées dans les textes de loi pertinents.  Des préoccupations subsistent en outre face aux incidents à caractère antisémite et à l'encontre des minorités nationales ou ethniques telles que les Roms ou les personnes d'ascendance africaine, entre autres, a ajouté M. Lahiri.
 
Plusieurs membres du Comité ont regretté que les trois quarts de la discussion aient été consacrés aux Roms.  Une experte a toutefois souligné que les Roms constituent bien en Pologne la minorité la plus souvent victime de discrimination, y compris indirecte.
 
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