Skip to main content

Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité des disparitions forcées examine le rapport du Paraguay

17 septembre 2014

17 septembre 2014

Le Comité des disparitions forcées a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport initial présenté par la Paraguay sur les mesures qu'elle a prises pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, à laquelle il est partie depuis le 3 août 2010.

M. Víctor Núñez, ministre à la Cour suprême de justice du Paraguay, a mis l'accent sur le travail effectué depuis plusieurs années par son pays pour réaliser ses engagements internationaux. En attestent en particulier la présentation de tous ses rapports périodiques aux organes des droits de l'homme et la mise en place d'un système public de suivi des recommandations qui permet à chacun de constater les progrès accomplis dans la mise en application des recommandations reçues mais aussi les grands défis à relever. La Constitution consacre la protection des personnes contre les disparitions forcées et l'imprescriptibilité du crime de disparition forcée. Le code pénal sanctionne depuis 2012 toutes les formes de disparition forcée définies par la Convention. Un Mécanisme national de prévention a en outre été créé en 2011. Le Paraguay considère comme une obligation la recherche des personnes disparues sous la dictature, entre 1954 et 1989, et a mis en place une équipe nationale d'enquête, dont les travaux ont permis de retrouver les ossements de 27 personnes, qui sont en cours d'analyse. L'État considère leur identification comme une grande responsabilité à l'égard des familles des victimes mais aussi envers la société paraguayenne.

La délégation du Paraguay était notamment composée de M. Ever Martínez, Vice-Ministre de la Justice au Ministère de la justice; de Mme Nimia da Silva Boschert, Directrice générale des droits de l'homme au Ministère des affaires étrangères; de Mme Clara Robín, Directrice générale des droits de l'homme du Ministère public; M. Juan Alberto Gúzman, de l'unité des droits de l'homme au Ministère des affaires étrangères; et de représentants de la Mission du Paraguay auprès des Nations Unies à Genève. Elle a également répondu aux demandes de précisions des experts concernant, notamment, la question de la prescription, l'indemnisation des victimes, la mise en œuvre de l'habeas corpus, les dispositions relatives à l'état d'exception, la prise en compte du devoir d'obéissance dans le cas d'un ordre illégal, les appropriations d'enfants en relation avec des disparitions forcées. La délégation a assuré le Comité que toutes les autorités du pays étaient pleinement disposées à faciliter et promouvoir toute investigation concernant des violations des droits de l'homme commises sous la dictature mais aussi, le cas échéant, depuis le retour de la démocratie en 1989.

Les deux corapporteurs du Comité pour l'examen du rapport du Paraguay étaient M. Álvaro Garcé García y Santos et M. Juan José López Ortega. M. Garcé García y Santos s'est notamment intéressé au processus par lequel est garantie la connaissance par la personne détenue, mais aussi par ses proches et son avocat, de toute détention et des conditions de cette détention. M. López Ortega a pour sa part souligné que le Paraguay s'était doté d'une définition du crime de disparition forcée, qui correspond parfaitement à la définition de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, ce qui est loin d'être le cas de tous les États parties à la Convention. Dans leurs conclusions, les rapporteurs ont notamment dit comprendre à quel point la disparition forcée était un sujet sensible au Paraguay et ont pris note des importantes mesures prises à cet égard.

Le Comité adoptera des observations finales sur le rapport du Paraguay au cours de la session. Elles seront rendues publiques après la fin de la session, dont la séance de clôture se tiendra le vendredi 15 novembre dans l'après-midi.

La prochaine séance publique du Comité aura lieu demain à 15 heures à l'occasion de réunions avec les États parties à la Convention, puis avec des organes des Nations Unies, des institutions spécialisées et des organisations non gouvernementales.

Présentation du rapport de la Paraguay

Présentant le rapport initial du Paraguay (CED/C/PRY/1), M. Víctor Núñez, ministre de la Cour suprême de justice du Paraguay, a souligné le dialogue constant de son pays avec les mécanismes et organes internationaux des droits de l'homme, que ce soit le système universel ou le système interaméricain. La promotion et la protection des droits de l'homme représentent pour le Paraguay un axe fondamental de sa politique. Depuis plusieurs années, le pays a fait un important effort pour réaliser ses engagements internationaux, comme en témoigne la présentation de tous ses rapports périodiques aux organes de droits de l'homme.

Le Paraguay a mis en place un système de suivi des recommandations qui permet de constater les progrès accomplis dans la mise en application des recommandations reçues mais aussi les grands défis qui doivent encore être relevés. Ce système représente une bonne pratique reconnue, qui ne pourrait exister sans l'engagement et la volonté des institutions de l'État de remplir leurs obligations au regard du droit international.

La Constitution paraguayenne consacre la protection des personnes contre les disparitions forcées et l'imprescriptibilité du crime de disparition forcée. En outre diverses lois ont été adoptées, dont une loi de 2012 qui a modifié le code pénal afin que soient sanctionnées toutes les formes de disparition forcée, et non plus seulement celles commises pour des raisons politiques, comme c'était le cas auparavant. Ceci a permis de donner au crime de disparition forcée une définition en droit paraguayen correspondant à celles de la Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et de la Convention interaméricaine sur les disparitions forcées. En outre, ce crime est imprescriptible.

L'État assume ses obligations d'enquêter sur les faits considérés comme des disparitions forcées et a mis en place à cette fin une Unité spéciale d'enquête. Le Paraguay a par ailleurs achevé la rédaction de l'avant-projet de loi sur mise en œuvre du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, que le pays a ratifié en 2001.

En outre, une loi de 2011 a institué le Mécanisme national de prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, entité autonome et indépendante, afin d'offrir des garanties de non répétition et de contribuer à la prévention des détentions arbitraires ou illégales. Il existe par ailleurs des dispositions prévoyant la communication à toute personne arrêtée et détenue les motifs de sa détention, ainsi qu'une assistance juridique depuis le début du processus de privation de liberté. Si le détenu est un étranger, les autorités consulaires de son pays sont informées. Aucune de ces diverses garanties ne peut être supprimée dans le cadre de l'état d'exception.

Le Paraguay considère comme une obligation la recherche des personnes disparues sous la dictature, entre 1954 et 1989. À cette fin a été créée en 2011 une équipe nationale d'enquête, de recherche et d'identification des personnes détenues, disparues ou ayant été victimes d'exécutions extrajudiciaires. Ses travaux ont permis de retrouver les ossements de 27 personnes, qui sont en cours d'analyse dans un laboratoire de médecine légale. L'État considère leur identification comme une grande responsabilité à l'égard des familles des victimes mais aussi envers la société paraguayenne pour qu'elle soit consciente de son histoire récente. Pour surmonter les nombreuses difficultés, il reçoit l'appui d'une équipe argentine d'anthropologie légale.

M. Núñez a précisé que l'état d'urgence peut, conformément à la Constitution, être déclaré par le Congrès ou par le pouvoir exécutif sur tout ou partie du territoire national pour un maximum de 60 jours. Toutefois, cet état d'exception n'interrompt pas le fonctionnement des pouvoirs public ni ne suspend la Constitution. En particulier, il ne suspend pas les garanties offertes par l'habeas corpus.

Conscient qu'il demeure dans le pays des obstacles et limites à une mise en œuvre efficace de la Convention, le Paraguay estime qu'il a suffisamment témoigné de l'élan acquis dans le domaine des droits de l'homme pendant les dernières années et affirme que cet effort se poursuivra. M. Núñez a conclu sa présentation en rendant hommage aux contributions apportées par le Défenseur du peuple et par la société civile paraguayenne.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. Álvaro Garcé García y Santos, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Paraguay, a demandé quel était le processus de désignation du nouveau Défenseur du peuple et quelles étaient les activités récentes menées par cette institution en matière de disparitions forcées. Il a souhaité une réponse de la délégation aux affirmations selon lesquelles le Défenseur du peuple n'aurait pas les ressources nécessaires à ses activités. Il a demandé ce que le Paraguay entendait par l' «analyse de la possibilité» de reconnaître la compétence du Comité pour recevoir des communications individuelles ou d'États tiers, au titre des articles 31 et 32 de la Convention.

Ayant noté que les dispositions relatives à l'état d'exception - imposé en 2010 et 2011 - ne modifient pas les garanties de l'habeas corpus, le rapporteur a souhaité savoir quels droits étaient suspendus en vertu de ce régime d'exception. Il a demandé quelles raisons avaient motivé le changement du titre du Ministère de la justice, qui ne fait plus mention des «droits de l'homme», et quelles raisons avaient justifié la modification de loi de 1998 sur la défense nationale et le transfert au pouvoir exécutif du pouvoir de prendre des mesures de sécurité exceptionnelles comme la mobilisation des forces armées. Il a demandé si le Service de lutte contre les séquestrations de la police avait compétence pour des enquêtes et quelles étaient ses ressources. Il a aussi voulu savoir s'il est habilité à ouvrir une enquête sur une allégation de disparition forcée. Le service du ministère public chargé des droits de l'homme est-il compétent s'agissant des affaires de disparitions forcées survenues sous la dictature? M. García y Santos a également demandé davantage d'informations sur les disparitions forcées survenues sous la dictature et notamment les résultats récents des enquêtes qui ont été ouvertes. Il s'est intéressé en particulier au cas du Dr. Agustín Goibudu Giménez.

Un expert a fait observer que beaucoup de questions restaient en suspens, notamment en ce qui concerne les chiffres ou encore la législation applicable aux crimes du passé. Par ailleurs, la délégation a expliqué que l'Unité spéciale des droits de l'homme gère 50 cas mais combien de personnes ont été mises en cause, jugées, condamnées? La réponse concernant la disparition forcée comme n'étant pas un délit militaire n'est pas claire : si un militaire commet une disparition forcée, qui le juge? Par ailleurs, quels sont les critères de mise en cause du supérieur hiérarchique comme complice ou responsables, qualification qui emportent des peines différentes dans de nombreux pays. La délégation n'a pas été claire sur les normes applicables pour éviter qu'un policier ou militaire susceptible d'être impliqué dans une disparition forcée ne reste impliqué dans l'enquête.

Le corapporteur a aussi demandé des informations sur les disparitions forcées survenues après la fin de la dictature en 1989 et notamment sur les cas Paredes et Núñez, qui a été transmis à la Commission interaméricaine des droits de l'homme. Il a demandé si un cas de disparition forcée pourrait être considéré comme un délit militaire s'il était commis par un militaire dans l'exercice de ses fonctions. Enfin, il a souhaité connaître l'avis de la délégation sur les allégations de coopération insuffisante des autorités paraguayennes avec les autorités argentines s'agissant des cas de disparitions forcées commise au Paraguay sous la dictature, notamment le fait que les autorités du Paraguay ne réaliseraient pas les tests ADN sur des enfants que des familles argentines considèrent comme leurs.

M. Garcé García y Santos a par la suite demandé des précisions sur le mécanisme national de prévention, les recours et le nombre de fonctionnaires qui s'occupent de ces questions. La définition des victimes en droit paraguayen correspond-elle à la définition de la Convention_ Il a demandé à la délégation de commenter les allégations concernant l'insuffisance des ressources pour les enquêtes et en particulier la banque de données génétiques. Il a demandé des précisions sur le nombre de restes humains découverts identifiés à ce jour. Concernant les adoptions, il a demandé s'il était possible d'annuler des procédures d'adoption liées à des cas de disparitions forcées. Existe-t-il par ailleurs des demandes d'indemnisation non satisfaites et combien? Pourquoi demande-t-on aux familles des personnes disparues une déclaration d'absence avec présomption de décès quand elles font une demande d'indemnisation?

Concernant la mise en place de la banque de données, le corapporteur a demandé quand la convention sera signée avec l'organisation retenue et quand on peut espérer voir l'institution mise en place. Il a demandé combien de temps prenait en général une procédure d'indemnisation. Il a demandé dans combien de cas des dépouilles, outre les 27 en cours d'identification, ont pu être identifiées et remises aux familles. Un expert a demandé quelle était la procédure de remise aux familles, une fois l'identification faite.

M. Juan José López Ortega, corapporteur pour le rapport paraguayen, a dit comprendre les difficultés auxquelles le Paraguay s'est heurté pour répondre à la liste des points à traiter que lui a adressé le Comité, mais les réponses fournies étant parvenues très tard au Comité, elles n'ont pu être traduites pour l'ensemble des membres du Comité. Il a posé une série de questions liées à la définition et l'incrimination de la disparition forcée, qui figure désormais dans le code pénal. La définition correspond parfaitement à celles de la Convention et il faut en féliciter le Paraguay. Toutefois, comme pour d'autres États, la fin de la définition, qui fait état de «la soustraction de la victime à la loi», pourrait être interprétée comme faisant de cette soustraction un élément constitutif de l'infraction, qu'il faudrait donc démontrer, ce qui serait difficile. Un autre membre du Comité a exprimé la même préoccupation, tout en rappelant que le Groupe de travail sur les disparitions forcées avait estimé que cet élément de définition est une conséquence et non un élément pénal.

Constatant que la peine applicable va de cinq à 30 ans, le corapporteur a demandé quelles circonstances pouvaient justifier l'application de la peine minimale ou maximale, d'autant que la législation ne semble pas prévoir les notions de circonstances aggravantes ni atténuantes. Il a par ailleurs demandé si la prescription s'appliquait à la disparition forcée.

Tout en prenant note des réponses déjà fournies par le Paraguay concernant l'applicabilité de la notion de devoir d'obéissance, le corapporteur a suggéré d'inclure spécifiquement dans la législation, au moins pour la disparition forcée, qu'elle ne produit pas d'effet, voire qu'elle est strictement interdite. Il a en même temps demandé comment on tient compte de la responsabilité du supérieur lorsque ce dernier, informé de la commission d'une disparition forcée par un subordonné, n'a pas pris de mesures pour l'empêcher ou la sanctionner. Il a demandé des précisions sur le droit des victimes à participer à l'enquête sur les disparitions forcées. Par ailleurs, la suspension des fonctions du fonctionnaire soupçonné d'implication dans un cas de disparition forcée est-elle garantie systématiquement, afin d'éviter toute influence sur l'enquête? Pour les crimes commis avant la réforme de 2012, quelle a été la législation appliquée?

Le corapporteur a demandé des précisions sur le mécanisme national de prévention, les recours et le nombre de fonctionnaires qui s'occupent de ces questions. La définition des victimes en droit paraguayen correspond-elle à la définition de la Convention. Il a demandé à la délégation de commenter les allégations concernant l'insuffisance des ressources pour les enquêtes et en particulier la banque de données génétiques. Il a demandé des précisions sur le nombre de restes humains découverts identifiés à ce jour. Concernant les adoptions, il a demandé s'il était possible d'annuler des procédures d'adoption liées à des cas de disparitions forcées. Existe-t-il par ailleurs des demandes d'indemnisation non satisfaites et combien? Pourquoi demande-t-on aux familles des personnes disparues une déclaration d'absence avec présomption de décès quand elles font une demande d'indemnisation?

M. López Ortega a constaté qu'il n'existe aucune disposition explicite pour garantir le non-refoulement. Comment ce principe est-il appliqué et ne serait-il pas bon de l'inscrire en droit interne? Il a demandé comment, concrètement était gérée la transmission aux proches d'une personne détenue les informations sur son arrestation, sa détention ou son éventuel transfert. Existe-t-il un registre de la détention? Ces derniers sont essentiels pour connaître le sort d'une personne détenue. Y en a-t-il dans tous les types de centres de détention, y compris les centres pour étrangers ou les centre psychiatrique? Y a-t-il un modèle uniforme? Comment les registres sont-ils tenus? Quelles sont les sanctions en cas de manquement? Y a-t-il eu des cas? De même, comment un détenu est-il informé de son transfert? Concernant l'avocat de la personne détenue, comment est-il informé de la détention et de ses différentes étapes? M. Ortega s'est enquis des possibles restrictions à l'habeas corpus et a souhaité obtenir des statistiques récentes relatives à l'habeas corpus. Il a demandé s'il existait des formations spécifiques des forces de l'ordre ou des acteurs judiciaires concernant les disparitions forcées et lesquelles.

Les deux corapporteurs ont demandé des précisions sur d'éventuels cas d'appropriation d'enfants ou adoptions irrégulières en relation avec des disparitions forcées.

Parmi les autres membres du Comité, un expert a demandé s'il y avait déjà des éléments d'identification des responsables de disparitions forcées sous la dictature et quel était le régime juridique applicable aux personnes responsables de crimes commis avant l'entrée en vigueur de la loi actuelle, en relation car le caractère continu de l'infraction.

Un expert a demandé combien il y avait de personnes disparues au Paraguay et comment elles avaient été comptabilisées. La Commission «Vérité et Justice» a certes fourni des chiffres mais elle n'existe plus, son mandat étant limité dans le temps. Les chiffres fournis sont-ils les chiffres officiels, actuels et définitifs? Par ailleurs, qui comptabilise aujourd'hui les cas de disparitions, forcées ou non? Établit-on une distinction entre ces deux catégories et sur quelles bases? Il s'est enquis du sort de M. Federico Tatter, citoyen allemand poursuivi en Allemagne qui a disparu après avoir quitté le Paraguay. Le cas est-il encore ouvert au Paraguay? Le même expert a en outre rappelé le problème posé par les cas de disparitions communs à l'Argentine et au Paraguay.

Un expert a demandé si le Paraguay applique le principe de personnalité passive [compétence qu'un État peut exercer à l'égard d'un comportement qui se produit à l'étranger et lèse un ou plusieurs de ses nationaux], ainsi que le principe non bis in idem [nul ne peut être condamné deux fois pour la même infraction] si une personne soupçonnée au Paraguay a déjà été jugée pour la même affaire dans un autre État.

Un expert a demandé des précisions sur les cas de disparitions forcées non encore élucidés. Il a jugé faible le chiffre de 50 enquêtes alors que 329 disparitions forcées ont été recensées. Il a jugé regrettable que les ossements de 27 personnes découverts n'aient pas été identifiés à ce jour, au vu des engagements pris par l'État paraguayen. Il a également rappelé le droit des victimes à un traitement digne des restes après leur identification.

Un expert a demandé, en l'absence de loi d'amnistie, combien de personnes avaient été jugées et condamnées pour violations graves des droits de l'homme sous la dictature, y compris pour des cas de disparitions forcées. Il a en outre, demandé s'il existe un cadre juridique de protection pour des violations des droits de l'homme commises après 1989. Outre les possibilités d'indemnisation, y a-t-il des possibilités de réparation, de compensation, de garanties de non-répétition ou autres mesures prévues par la Convention.

Un expert a demandé des informations sur les dispositions garantissant l'accès d'une personne privée de liberté à son avocat. Il a en outre rappelé qu'il est vital que la localisation de la personne soit connue dès le début de sa détention et a demandé quelles dispositions sont prises pour que soient pleinement appliquées les garanties prévues à l'article 17 f) de la Convention concernant les recours à la disposition de la personne privée de liberté, de ses proches et de son avocat et leur permettre de faire vérifier rapidement par un juge la légalité de la privation de liberté et obtenir la libération si cette privation de liberté s'avère illégale. En outre, que ce passe-t-il lorsqu'une requête en habeas corpus est ignorée du fait d'un déni de détention.

Réponses de la délégation

Concernant le Défenseur du peuple, la délégation a déclaré que, conformément à la Constitution, trois candidats doivent être présentés au Sénat. Mais suite à des désistements, la procédure a dû être annulée. Une nouvelle loi dispose que l'élection du titulaire doit intervenir dans les 30 jours après la présentation des trois candidats. La délégation n'est pas en mesure actuellement de fournir la date de l'élection du défenseur du peuple.

Le Réseau des droits de l'homme, qui dépend du pouvoir exécutif et auquel participent tous les organes de l'État, a analysé la possibilité de reconnaître la compétence du Comité pour recevoir des communications individuelles ou d'États tiers, au titre des articles 31 et 32 de la Convention. Cette procédure a l'avantage d'impliquer toutes les institutions nationales concernées par les ratifications d'instruments des droits de l'homme.

Répondant aux questions sur l'application du régime d'exception au Paraguay, la délégation a expliqué que l'état d'exception de 2011, appliqué dans trois départements, n'a entraîné la suspension d'aucun droit constitutionnel et aucune violation des droits constitutionnels n'a été constatée. La loi de 1998 sur la défense nationale a été modifiée au vu des événements de 1989 afin de renforcer la protection des droits dans le cadre du recours à la force publique. L'objectif était de permettre aux autorités de disposer des moyens juridiques et pratiques pour faire face aux menaces et agressions. La loi ne donne pas au pouvoir exécutif un pouvoir absolu, celui-ci peut à tout moment être suspendu par le pouvoir législatif.

Concernant le nom du Ministère de la justice, autrefois «de la Justice et des droits de l'homme», la loi qui a créé le ministère n'impose pas de nom précis. Avant 2009, il s'agissait d'un Ministère de la justice et du travail. En 2009, on a créé un vice-ministère de la justice et des droits de l'homme, qui n'était compétent que pour le système pénitentiaire. En 2013, le Ministère du travail a été séparé du Ministère de la justice mais les droits de l'homme représentent une question transversale. Le Gouvernement a l'intention de modifier de nouveau par la loi le nom du Ministère de la justice qui redeviendrait «ministère de la justice et des droits de l'homme».

La police dispose d'un service de lutte contre les séquestrations de la police.

Depuis la modification du code pénal, le Ministère public a adopté une politique qui rend efficaces les enquêtes sur les violations des droits de l'homme à toutes les époques, y compris les cas de disparitions. La Commission «Vérité et Justice» est devenue une direction générale qui traite les dossiers de disparitions forcées portant sur la période de 1954 à 1989 et définit les enquêtes à mener en veillant à éviter les doublons. L'organisme peut demander la collaboration du Département des droits de l'homme du Ministère public.

Le Paraguay a reconnu le 4 novembre 2009 sa responsabilité internationale devant la Cour interaméricaine des droits de l'homme concernant les affaires Paredes et Núñez, des enfants soldats qui ont disparu de manière forcée alors qu'ils se trouvaient sous la garde de l'armée. Le responsable a été condamné pour négligence mais a bénéficié de l'ancienne procédure et d'un règlement à l'amiable, assorti d'une amende pécuniaire.

La délégation a réitéré les excuses publiques présentées en 1994 par le Gouvernement pour les souffrances générées par la dictature de 1954 à 1989. Dans le cas du Dr. Agustín Goiburu Giménez, l'enquête avance avec un soutien du Paraguay à l'équipe anthropologique des personnes disparues de l'Argentine, la victime ayant été transférée en Argentine après avoir été maltraitée au Paraguay. L'auteur, identifié et jugé, de l'arrestation de la victime ayant plus de 75 ans, il ne peut être emprisonné et purge donc une peine de détention à domicile. À la question de savoir si cette personne était la seule à avoir été condamnée, la délégation a expliqué que les principaux responsables sont décédés et que la justice a dû «se tourner vers les subalternes» en rejetant une défense fondée sur le devoir d'obéissance. La délégation a aussi expliqué que le Paraguay collabore actuellement avec l'Argentine dans des affaires liées à la période de la dictature paraguayenne.

Un cas de disparition forcée ne pourrait pas être considéré comme un délit militaire s'il était commis par un militaire dans l'exercice de ses fonctions, a assuré la délégation.

Il n'y a pas encore eu de verdict prononcé pour des cas de disparitions forcées. Ce n'est que lorsque cela se produira que l'on pourra constater comment le juge a interprété la notion de «soustraction à la loi». Sur le plan de la doctrine, la Commission «Vérité et Justice» a établi les éléments types de la pratique des disparitions forcées, qui comprennent la privation arbitraire de liberté, le refus d'informer les organes compétents d'une privatisation de liberté, les violences physiques, la torture ou autres traitement cruels, inhumains ou dégradants. Il faut que la notion de disparition forcée soit la plus protectrice possible, donc la plus large.

C'est au juge d'apprécier les différents éléments qui lui permettent de fixer la durée de la peine. Une commission nationale de réforme pénale travaille sur la réforme du code pénal et du code de procédure pénale et elle aura à se prononcer sur les éléments aggravants ou atténuants qui peuvent orienter la durée de la peine.

Le Paraguay ne connaît pas le concept de devoir d'obéissance et le subordonné peut – et doit - donc se soustraire à un ordre qui aboutirait à commettre une disparition forcée ou toute autre infraction. En outre, la responsabilité du supérieur qui couvrirait un acte de disparition forcée commis par un subordonné serait engagée.

La Constitution ne reconnaît pas la prescription pour la disparition forcée, qui est une infraction continue. Mais le droit applicable – celui existant au moment de la commission du fait constitutif de l'infraction ou celui applicable au moment du procès - n'est pas précisé. Toutefois, on peut saisir la commission nationale de réforme pénale de la question.

C'est l'unité spéciale sur les actes constitutifs de violations des droits de l'homme qui est chargée des enquêtes sur les disparitions forcées. Cinquante cas sont actuellement examinés. Depuis 2009, des fouilles sont menées et les restes de 27 personnes ont été découverts et sont en cours d'identification. Un aspect important est la préservation des éléments, essentiels à des fins judiciaires mais aussi à la préservation de la mémoire historique. La plupart des sites où les crimes ont été commis sont aujourd'hui protégés et leur accès exige un mandat.

Le code pénal actuel définit la qualité de victime et ses droits mais la réforme en cours devrait permettre d'améliorer cette définition. La délégation a expliqué que les victimes peuvent participer aux procès. La victime a le droit de recevoir un traitement digne et respectueux, à la sécurité et à celle de sa famille, ainsi qu'au respect de sa vie privée. Elle n'est pas non plus obligée de participer au procès. La victime est informée de ses droits lors du dépôt de la plainte ou lors de sa première intervention au procès. Concernant les victimes de disparitions forcées pendant la dictature, un total de 329 victimes de disparitions forcées ont été recensées, dont 220 disparues au Paraguay, les autres ayant disparu en Argentine ou au Brésil dans le cadre de l'opération Condor. Elle a indiqué que 117 cas n'ont pas donné lieu à des constatations. La plupart des enquêtes se sont déroulées sans heurt et portent sur la recherche et la localisation des personnes disparues.

En mai 2014, une loi a été promulguée qui établit la compétence exclusive des juridictions civiles pour toutes les violations graves des droits de l'homme correspondant aux crimes définis par les Conventions internationales auxquelles le Paraguay est partie. Quand un tel crime est commis par un membre des forces armées, ce sont les juridictions civiles qui en connaissent.

Dans les affaires Gómez et Núñez, l'amende dont a été frappée la personne reconnue responsable, un militaire qui avait la garde des deux enfants, correspondait à une sanction militaire. Mais la Commission Vérité et Justice avait été saisie et une commission spécifique, civile, a été créée pour examiner le cas.

La délégation a fait une présentation détaillée du système de suivi des recommandations (SIMORE selon l'acronyme espagnol), imaginé en 2011. Ce système recense les recommandations tant des organes de droits de l'homme du système des Nations Unies que du système interaméricain des droits de l'homme. Cet outil est public et il est mise à jour tous les trois mois.

Depuis la fin de la dictature en 1989, aucune plainte pour disparition forcée n'a été déposée. Le Paraguay a collaboré dès le départ sur les enquêtes sur les disparitions forcées, comme pour les autres crimes graves.

La délégation n'est pas en mesure de donner un exemple de garantie de non-refoulement car il n'y a pas de cas connu dans le cadre de demandes d'extradition.

En cas de détention, les autorités doivent informer la famille et le Ministère public dans un délai de six heures. Après six heures, le Ministère public notifie une seconde fois la détention de la personne à la famille. Le détenu dispose de tous les moyens de communication possible pour contacter sa famille. Le transfert éventuel est notifié à la fois à le personne concernée, à sa famille et à son avocat.

Il existe trois variétés d'habeas corpus en droit national: générique, de prévention et en réparation. Les statistiques relatives à l'habeas corpus seront transmises dès que collectées. En cas de requête en habeas corpus, le juge exige que lui soit présentée la personne détenue. Si les autorités nient avoir détenu la personne en question, le juge a l'obligation d'ouvrir une enquête pour établir la véracité de l'information.

Il existe une mise à jour permanente de toutes les données sur les personnes qui se trouvent dans des lieux de détention. Les détenus sont enregistrés, qu'il s'agisse des détenus dans les pénitenciers ou des personnes arrêtées par la police. Les personnes détenues aux seules fins d'identification sont enregistrées dans les registres des commissariats.

La complexité des cas de disparitions forcées fait que la majorité des dossiers d'enquêtes est constituée d'informations relevant des archives, notamment celles du Défenseur du peuple.

La loi prévoit quatre catégories de personnes victimes pouvant bénéficier d'une indemnisation, en fonction des crimes commis, dont celle des victimes de disparitions forcées. Un des critères d'indemnisation est que la disparition forcée se soit produite pendant la dictature. Depuis 2002, près de 8500 personnes ont été indemnisées mais il n'existe pas de statistiques précises sur les différentes catégories au titre desquelles elles l'ont été. Il existe encore des procédures en cours devant les services du Défenseur du peuple mais, du fait de l'implication du Ministère des finances dans le processus, les délais prévus ne sont pas respectés. Les documents prévus lors de la procédure de demande d'indemnisation témoignent de la présomption de décès. Des discussions avec les associations de familles de victimes ont abouti à un projet de loi visant à obtenir une indemnisation pour absence due à une présomption de disparition forcée, ce qui permettrait de faciliter le démarrage de plusieurs procédures, y compris en matière de succession, tout en permettant à la personnes disparue, en cas de réapparition, de retrouver ses droits et biens.

Les mesures d'indemnisation ne répondent sans doute pas aux normes du droit international en matière de réparation. En 2008 un rapport a fait des recommandations en ce sens mais le Congrès n'a pas encore pris de mesures pour envisager la création du secrétariat dont la mise en place avait alors été suggérée pour assurer une réparation complète et conforme au droit international.

Aucune ressource n'a été épargnée pour enquêter sur les disparitions forcées. Pour la banque de données ADN, une deuxième tranche de 150 000 dollars a été débloquée en vue d'être alloué à une organisation de la société civile. Concernant les ossements retrouvés de 27 personnes, ces chiffres ne traduisent pas le nombre de recherches effectuées mais infructueuses du fait de l'insuffisance des informations. Ceci n'empêche pas qu'il existe une dynamique de recherche, qui s'appuie sur la solidarité de la société civile et bénéficie de l'assistance et de la coopération de l'Argentine.

Les dépouilles sont préservées pour pouvoir être identifiées, notamment par le biais de la banque de données ADN. Mais avant toute identification des dépouilles, il faut d'abord établir une carte génétique des régions dans lesquels des disparitions forcées et exécutions ont été commises, ce qui suppose des prises de sang sur au moins 500 personnes par région concernée. Le Paraguay en est à ce stade de l'enquête, pas encore à celui de l'identification des dépouilles retrouvées.

Il existe des mécanismes et procédures judiciaires pour faire annuler les certificats d'adoption qui auraient eu pour effet de soustraire un enfant dans le cadre d'affaires de disparitions forcées, mais aussi toute autre adoption illégale au regard du droit international comme du droit interne. L'appropriation d'enfants a commencé à être traitée au sein de la Commission Vérité et Justice lorsqu'elle s'est intéressée aux accusations de génocide du peuple aché, une des communautés de langue guaraní. Il est apparu que des enfants de cette communauté – une des «nationalités» selon la terminologie officielle - avaient été enlevés et vendus ou remis en ville, et certaines peut-être à l'étranger. Il n'y pas beaucoup d'éléments actuellement.

Le Ministère public et le procureur général de l'État disposent d'un centre de formation pour l'ensemble du personnel judiciaire. Les formations, annuelles, comportent des volets relatifs aux droits de l'homme. Sont également organisés des séminaires, dont l'un sera consacré en novembre aux crimes contre l'humanité. La formation aux droits de l'homme est très importante car une des causes les plus fréquentes d'atteintes aux droits de personnes est la méconnaissance de ces droits.

Il y a eu plusieurs procès emblématiques, dont les protagonistes sont souvent aujourd'hui décédés, pour faits délictueux commis sous la dictature, qui concernaient entre autres des cas précis de disparitions forcées. La délégation n'a toutefois pas été en mesure d'indiquer combien de procès avaient eu lieu, combien de disparitions forcées cela concernait et s'il y avait aujourd'hui des personnes encore vivantes qui purgent leur peine après avoir des condamnations pour disparitions forcées.

Conclusions

M. LÓPEZ ORTEGA a souligné que le Paraguay s'était doté d'une définition «impeccable» du crime de disparition forcée, qui correspond parfaitement à la définition de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, ce qui est loin d'être le cas de tous les États parties à la Convention. L'autre corapporteur, M. GARCÉ GARCÍA Y SANTOS a dit comprendre à quel point la disparition forcée était un sujet sensible au Paraguay. Il est important de pouvoir effectuer les ajustements encore nécessaires dans la législation nationale en tenant compte des progrès déjà réalisés, a-t-il ajouté, avant de rappeler l'importance du Défenseur du peuple et de prendre note du système de suivi de la mise en œuvre des recommandations.

Le chef de la délégation, M. NÚÑEZ, a déclaré que toutes les autorités du pays étaient pleinement disposées à faciliter et promouvoir toute investigation concernant des violations des droits de l'homme commises sous la dictature mais aussi, le cas échéant, depuis le retour de la démocratie en 1989. Il a dit avoir l'impression d'avoir répondu à un devoir d'information du Comité et a assuré que des réponses et précisions supplémentaires seraient apportées dès que possible. La délégation proposera à la commission de réforme pénale de reprendre dans le nouveau code les dispositions de la Convention non encore mises en œuvre.

M. EMMANUEL DECAUX, Président du Comité, a remercié la délégation pour sa disponibilité, estimant que des enjeux de l'Histoire avaient été abordés, mais aussi des perspectives politiques et des questions juridique précises. Il a rappelé que des réponses complémentaires pouvaient être fournies par écrit dans les 48 heures, sachant que le dialogue contractif se poursuivra ensuite.

__________

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

Mots-clés

VOIR CETTE PAGE EN :