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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité des droits des personnes handicapées examine le rapport initial de l'Allemagne

27 mars 2015

27 mars 2015

Le Comité des droits des personnes handicapées a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport initial présenté par l'Allemagne concernant les mesures prises par ce pays en application des dispositions de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Présentant le rapport de son pays, Mme Gabriele Lösekrug-Möller, Secrétaire d'État parlementaire du Ministère fédéral du travail et des affaires sociales de l'Allemagne, a déclaré que l'incorporation au code social allemand de l'élément d'«entrave à la participation» dans la définition du handicap a marqué une évolution décisive, un véritable changement de paradigme dans les politiques suivies par l'Allemagne en faveur des personnes handicapées, passant d'une approche fondée sur la protection sociale à une approche orientée vers la participation. En Allemagne, tous les jeunes ont le droit et l'obligation d'être scolarisés, qu'ils soient ou non handicapés. De nombreux Länder ont amendé leur législation et la majorité d'entre eux aspirent à offrir le choix entre écoles régulières et écoles pour enfants ayant des besoins spéciaux. En outre, l'accord de coalition de l'actuel Gouvernement allemand prévoit le soutien à l'intégration des personnes handicapées sur le marché général du travail. Le chef de délégation a également rendu compte du projet du Gouvernement fédéral visant l'élaboration d'une loi fédérale sur la participation qui devrait être adoptée en 2016. Un autre projet de loi à l'ordre du jour est celui visant à réformer la loi sur l'égalité des chances pour les personnes handicapées.

La Commissaire fédérale pour les questions relatives aux personnes handicapées, Mme Verena Bentele, a pour sa part indiqué que plus de 300 000 personnes travaillent en Allemagne dans des ateliers protégés, aux fins de leur réadaptation et de leur réinsertion; mais ce n'est pas toujours la procédure la plus adaptée pour l'insertion de toutes les personnes handicapées et il faut aussi permettre aux personnes handicapées d'intégrer le marché primaire de l'emploi. Un représentant de l'Institut allemand pour les droits de l'homme est également intervenu.

L'importante délégation allemande était également composée de représentants du Ministère du travail et des affaires sociales; du Ministère des affaires étrangères; du Ministère de l'intérieur; du Ministère de la justice; du Ministère de la santé; du Ministère des affaires familiales, des personnes âgées, des femmes et de la jeunesse, ainsi que de Gouvernements de plusieurs Länder et des membres du parlement (Bundestag). La délégation a répondu aux questions qui lui étaient posées s'agissant, notamment, de la définition du handicap; de la notion d'aménagement raisonnable; de la loi sur l'égalité des chances; de la situation des femmes handicapées et de la questions de l'avortement; des réfugiés et requérants d'asile handicapés; de l'accès à l'éducation; de l'emploi, en particulier s'agissant des «ateliers protégés»; de l'accès aux tribunaux; de l'accès des aveugles et malvoyants aux œuvres publiées; de la pratique en matière d'institutionnalisation et de traitement médical imposé; des mesures de contrainte; ou encore de la tutelle.

La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de l'Allemagne, Mme Diane Kingston, s'est inquiétée que le caractère fédéral de l'État allemand induise un morcellement des lois et politiques concernant les personnes handicapées, ajoutant que toutes les lois des Länder ne sont pas dûment alignées sur la Convention. Elle s'est ensuite dite préoccupée par la ségrégation dont souffrent les personnes handicapées en Allemagne. Elle s'est également inquiétée de la marginalisation croissante de groupes particuliers de personnes handicapées. Pour la rapporteuse, l'Allemagne doit encore veiller à ce que toutes les personnes handicapées soient dûment intégrées dans la société à toutes les étapes de leur vie. Ainsi, en matière d'éducation, il reste encore à l'Allemagne à mettre en place un système d'éducation inclusif. Dans le monde du travail, il semble que l'emploi dans les «ateliers protégés» ait continué à croître et que quelque 300 000 personnes y travaillent sans percevoir le salaire minimum. Enfin, un nombre trop important d'Allemands handicapés vit dans des institutions.

D'autres membres du Comité se sont inquiétés des attitudes discriminatoires qui prévalent en Allemagne et qui ne font l'objet d'aucune mesure corrective, notamment pour ce qui a trait à l'autisme. Ils ont exprimé des inquiétudes face au fait que les filles handicapées sont trois fois plus susceptibles de souffrir de violences dans leur enfance que les autres filles. Il a été rappelé que le Rapporteur spécial sur la torture avait lui-même estimé que les mesures de contrainte dont font l'objet les personnes handicapées constituent des actes de torture ou de traitement cruel, inhumain ou dégradant; or, en Allemagne, de telles contraintes restent une pratique habituelle et courante dans les institutions où vivent les personnes handicapées.

Le Comité adoptera, en séance privée, des observations finales sur le rapport de l'Allemagne, qui seront rendues publiques à l'issue de sa session, le vendredi 17 avril.

Lundi prochain, le 30 mars à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de la Croatie (CRPD/C/HRV/1).

Présentation du rapport de l'Allemagne

Le Comité est saisi du rapport initial de l'Allemagne (CRPD/C/DEU/1), ainsi que d'un document contenant les réponses apportées par l'Allemagne (CRPD/C/DEU/Q/1/Add.1, disponible en anglais) à une série de questions écrites établie par le Comité (CRPD/C/DEU/Q/1).

M. THOMAS FITSCHEN, Représentant permanent adjoint de l'Allemagne auprès des Nations Unies à Genève, a souligné que l'importance numérique de la délégation que présente aujourd'hui l'Allemagne devant le Comité témoigne de l'importance que le pays attache aux droits des personnes handicapées. Elle résulte aussi du caractère fédéral de l'État allemand. M. Fitschen a décrit la constitution de la délégation allemande, composée de plus d'une trentaine de membres.

Présentant le rapport, Mme GABRIELE LÖSEKRUG-MÖLLER, Secrétaire d'État parlementaire du Ministère fédéral du travail et des affaires sociales de l'Allemagne, a exposé l'évolution historique de la politique de son pays à l'égard des personnes handicapées depuis le milieu du XIXe siècle, avant de souligner que c'est en 1974 que fut adoptée la loi sur les personnes gravement handicapées qui, pour la première fois, fixait les normes juridiques pour l'égalité des chances des personnes handicapées et un régime d'assistance en leur faveur. Cette loi incluait également une définition du terme de handicap, a-t-elle précisé, ajoutant qu'à cette époque, un handicap était toutefois encore décrit comme une condition physique, mentale ou psychologique anormale.

Ce n'est que lorsque la loi fondamentale de l'Allemagne de 1994 interdit de défavoriser des personnes en raison de leur handicap que l'élément d'entrave à la participation fut incorporé dans la définition du handicap, a poursuivi Mme Lösekrug-Möller. En 2001, cette définition élargie du handicap fut intégrée au code social allemand, marquant une évolution décisive d'une approche fondée sur la protection sociale vers une approche orientée vers la participation, a-t-elle ajouté. Nous considérons qu'il s'agit là d'un changement décisif de paradigme dans les politiques suivies par l'Allemagne en faveur des personnes handicapées, a-t-elle insisté.

Toutefois, nombre de gens, et en particulier des personnes qui sont elles-mêmes handicapées, estiment que ce processus de transformation ne va pas assez vite, a reconnu la Secrétaire d'État parlementaire. Sans aucun doute, l'une des raisons expliquant que ce processus est plus difficile pour l'Allemagne que pour d'autres tient au fait que non seulement les deux guerres mondiales mais tout particulièrement les atrocités massives infligées par les nazis sur les personnes handicapées ont eu un profond impact sur notre développement politique et social, a expliqué Mme Lösekrug-Möller. Pendant longtemps, ensuite, nous n'avons pas été à l'aise et avons manqué de naturel lorsque nous interagissions avec les personnes handicapées, de sorte qu'il y avait soit une protection excessive, soit une distance impassible à l'égard des personnes handicapées, a-t-elle reconnu.

Il s'agit toutefois là des deux faces de la même monnaie – une monnaie nommée insécurité, a souligné la Secrétaire d'État parlementaire. Ce sentiment d'insécurité ne tient pas compte de manière adéquate du droit naturel des personnes handicapées à l'autodétermination et à l'appropriation; il ne parvient pas non plus à saisir les opportunités qu'offre la diversité pour le développement de tous les membres d'une société, a fait observer Mme Lösekrug-Möller. Fort heureusement, au fil du temps, ce sentiment d'insécurité a diminué et, concomitamment, nous apprenons à valoriser nos différences, a-t-elle ajouté, soulignant que l'entrée en vigueur de la Convention en Allemagne avait donné un nouvel élan à cet égard. «Nous voulons une plus grande participation pour tous. Nous voulons être un pays inclusif», a déclaré la Secrétaire d'État parlementaire.

Rappelant par ailleurs la nature fédérale de l'État allemand, Mme Lösekrug-Möller a indiqué comprendre que certains déplorent que le fédéralisme allemand, en matière d'éducation, agit comme une entrave au développement d'un système d'éducation inclusif. Mais la solution ne saurait en aucune manière consister à remettre en cause la division fédéraliste des pouvoirs, a-t-elle souligné. Quoi qu'il en soit, la Convention a force contraignante au niveau fédéral comme au niveau des Länder; elle s'applique à toutes les entités de l'État fédéral et ne saurait donc être considérée comme un fardeau mais plutôt comme une opportunité, a-t-elle insisté, affirmant que ce caractère fédéral de l'État suscite une compétition entre Länder concernant la meilleure manière de cheminer vers une société inclusive et que cette compétition porte ses fruits.

Mme Lösekrug-Möller a ensuite souligné que tous les jeunes en Allemagne ont le droit et l'obligation d'être scolarisés, qu'ils soient ou non handicapés. Cela inclut les écoles régulières comme les écoles pour élèves ayant des besoins spéciaux lorsque les élèves ont besoin d'un soutien spécialisé. De nombreux Länder ont amendé leur législation et la majorité d'entre eux aspirent à offrir le choix entre écoles régulières et écoles pour enfants ayant des besoins spéciaux, a indiqué la Secrétaire d'État parlementaire. Elle a fait valoir que, ces tout dernières années, la proportion d'enfants ayant des besoins spéciaux qui sont scolarisés dans les écoles régulières s'est régulièrement accrue. Elle a également souligné que le rapport commandité par les autorités et présenté à l'automne 2014, qui contient un examen indépendant du Plan d'action national pour l'application de la Convention, permettra d'adapter le plan d'action national, le plan d'action révisé devant être présenté d'ici la fin de l'année au Cabinet fédéral.

Mme Lösekrug-Möller a par ailleurs souligné que l'accord de coalition de l'actuel Gouvernement allemand prévoit le soutien à l'intégration des personnes handicapées sur le marché général du travail, afin d'améliorer durablement leur situation en matière d'emploi. Avoir un travail est l'une des clefs les plus importantes ouvrant la voie à la participation sociale, a encore souligné la Secrétaire d'État parlementaire, qui a fait observer que le nombre de personnes handicapées occupant un emploi ne cesse de croître en Allemagne, même s'il est vrai que le nombre de chômeurs handicapés augmente lui aussi.

Placer une personne sous tutelle n'a aucune influence sur la capacité juridique de celle-ci; elle n'entraîne pas l'incapacité juridique, a poursuivi Mme Lösekrug-Möller. Selon la loi fondamentale, les membres du Bundestag sont élus au suffrage universel, c'est-à-dire par tous les citoyens; cela, bien entendu, inclut les personnes handicapées et ces dernières ne sont donc pas exclues du vote, pas même les personnes souffrant de handicap intellectuel, les prisonniers, les personnes vivant dans des hôpitaux psychiatriques ou les personnes placées sous tutelle, a-t-elle souligné. Les personnes qui doivent être placées sous tutelle par une décision de justice couvrant tous les domaines de la vie parce qu'elles ne peuvent se charger d'aucun de ces domaines par elles-mêmes ne sont toutefois pas autorisées à voter, car la participation à des élections requiert de l'individu qu'il soit en mesure de prendre ses propres décisions et de participer à un processus de communication démocratique, a-t-elle ajouté.

Étant donné qu'un débat est apparu sur la question de savoir si cette exclusion du droit de vote n'avait pas été appliquée trop largement, la question fait actuellement l'objet d'un examen dans le cadre d'une vaste étude commandée par le Gouvernement fédéral, a précisé Mme Lösekrug-Möller. Elle a ensuite rendu compte du projet du Gouvernement fédéral pour la présente législature visant l'élaboration d'une loi fédérale sur la participation qui devrait être adoptée en 2016.

Un autre projet de loi à l'ordre du jour est celui visant à réformer la loi sur l'égalité des chances pour les personnes handicapées, a ajouté la Secrétaire d'État parlementaire. L'accessibilité et l'interdiction de la discrimination devant être respectées par les autorités publiques sont des éléments centraux de la loi sur l'égalité des chances, a-t-elle souligné, ajoutant que cette loi est en vigueur depuis plus de dix ans mais qu'elle doit néanmoins être maintenant complétée en tentant compte des exigences de la Convention.

MME VERENA BENTELE, Commissaire gouvernementale fédérale pour les questions relatives aux personnes handicapées, a déclaré qu'empêcher par la loi des personnes sous tutelle de voter est incompatible avec la Convention et que de telles dispositions législatives devraient donc être abrogées. C'est la raison pour laquelle en 2017, toutes les personnes handicapées devraient être en mesure de voter en Allemagne, a-t-elle ajouté, avant de préciser qu'il faudrait que soient désignés des médiateurs pour les femmes et fillettes handicapées dans toutes les institutions accueillant des personnes handicapées.

Plus de 300 000 personnes travaillent en Allemagne dans des ateliers protégés, aux fins de leur réadaptation et de leur réinsertion; mais ce n'est pas toujours la procédure la plus adaptée pour l'insertion de toutes les personnes handicapées et il faut aussi permettre aux personnes handicapées d'intégrer le marché primaire de l'emploi, a en outre souligné Mme Bentele.

Un représentant de l'Institut allemand pour les droits de l'homme a rappelé que ce dernier est l'institution nationale des droits de l'homme de l'Allemagne, avant de préciser que l'Organe de surveillance, qui fait partie de l'Institut, est le «mécanisme indépendant» défini au paragraphe 2 de l'article 33 de la Convention. Depuis son entrée en vigueur en Allemagne, en mars 2009, la Convention a suscité un certain nombre d'évolutions positives dans le pays, a-t-il estimé. Néanmoins, des difficultés subsistent. Il convient de clarifier certaines questions clefs, a-t-il expliqué, faisant observer que ces questions cachent parfois des conflits sociopolitiques plus larges qui doivent être résolus. Par ailleurs, il convient pour l'Allemagne de voir où elle en est en termes de mise en œuvre des dispositions de la Convention et de déterminer quelles doivent être les prochaines étapes de cette mise en œuvre. L'Organe de surveillance de la Convention de l'Institut a présenté un rapport parallèle contenant un certain nombre de recommandations à l'intention des autorités allemandes, qui portent notamment sur le droit de vote, la participation, la protection contre la discrimination ou encore la lutte contre les préjugés et stéréotypes au sein de la société.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

MME DIANE KINGSTON, Rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de l'Allemagne, a tout d'abord présenté ses condoléances à tous ceux qui ont été frappés par la tragédie aérienne qui s'est déroulée dans les Alpes. D'autres membres lui ont emboîté le pas pour présenter leurs condoléances au peuple allemand.

Mme Kingston a ensuite félicité l'Allemagne pour avoir présenté dans les délais ce rapport initial. Elle s'est en outre réjouie que la langue des signes soit une langue officiellement reconnue dans ce pays.

La rapporteuse s'est toutefois inquiétée que le caractère fédéral de l'État induise un morcellement des lois et politiques concernant les personnes handicapées. Elle a en outre déploré l'insuffisante coordination entre les Länder et le Gouvernement fédéral. S'il est vrai que les Länder ont procédé à une évaluation de leurs lois et que des révisions législatives ont eu lieu, toutes les lois des Länder ne sont pas dûment alignées sur la Convention, a souligné Mme Kingston, relevant l'absence de garanties structurelles permettant d'assurer que les nouvelles lois seront alignées sur la Convention.

Mme Kingston s'est ensuite dite préoccupée par la ségrégation dont souffrent les personnes handicapées en Allemagne et par les problèmes de discriminations multiples : handicap/sexe; handicap/migrants; handicap/enfants. Elle s'est également inquiétée de la marginalisation accrue de groupes particuliers de personnes handicapées tels que les autistes, les sourds, les aveugles ou encore les personnes souffrant de handicaps psychosocial ou intellectuel.
L'Allemagne doit encore adopter un paradigme permettant à toutes les personnes handicapées à toutes les étapes de leur vie d'être dûment intégrées dans la société, a poursuivi la rapporteuse.

En matière d'éducation, il reste encore à l'Allemagne à mettre en place un système d'éducation inclusif, a ajouté Mme Kingston. En 2012-2013, 72% des enfants handicapés restaient scolarisés dans des «écoles distinctes» (séparées), a-t-elle relevé. En outre, les trois quarts des étudiants qui quittaient des «écoles distinctes» en 2012 n'avaient pas de qualification de fin d'enseignement secondaire, a-t-elle insisté.

Dans le monde du travail, il semble que l'emploi distinct - sous forme d'»ateliers protégés» – ait continué à croître, a poursuivi la rapporteuse. Il semblerait que quelque 300 000 personnes travaillent dans de tels environnements et ne perçoivent pas le salaire minimum, s'est-elle inquiétée. Il y a même des incitations à ne pas intégrer le marché du travail car l'octroi de pensions de retraite généreuses est lié au travail effectué dans de tels ateliers protégés. Bien que la législation allemande affirme que lesdits ateliers devraient préparer les individus à intégrer le marché primaire de l'emploi, ce ne sont pas même 1% des personnes employées dans ces ateliers qui effectuent cette transition vers le marché primaire, a encore fait observer la rapporteuse. Elle s'est également inquiétée du taux supérieur de chômage qui frappe les personnes handicapées, en particulier les femmes handicapées, par rapport au reste de la population.

Mme Kingston a estimé qu'un nombre trop important d'Allemands handicapés vit dans des institutions, les chiffres en la matière restant stables sur ces dix dernières années. Il semblerait que les personnes handicapées soient confrontées à des barrières, financières et comportementales, mais aussi en termes d'infrastructures, pour ce qui est de vivre en toute indépendance et de participer pleinement à la communauté, a-t-elle estimé, soulignant par ailleurs que la vie dans une institution expose la personne handicapée à un risque plus élevé de violence et d'abus. Aussi, Mme Kingston s'est-elle enquise des mesures prises et envisagées par le Gouvernement fédéral et par les différents Länder aux fins de la dé-institutionnalisation des personnes handicapées.

Enfin, la rapporteuse a relevé que les options inclusives dans les sports sont rares, notamment pour ce qui est du marathon de Berlin – qui n'est pas pleinement inclusif.

Parmi les autres membres du Comité, un expert a souhaité savoir si les projets d'amendement à la loi sur l'égalité des chances interdisent explicitement le refus d'un aménagement raisonnable comme une forme de discrimination fondée sur le handicap et si cette loi s'imposait également aux entités privées. Cet expert s'est ensuite enquis de ce qui a été éventuellement fait par la compagnie aérienne Lufthansa pour changer sa règle en vertu de laquelle un passager handicapé doit s'asseoir du côté de la fenêtre.

Un expert s'est enquis de l'accès aux soins de santé et aux services de réadaptation pour les réfugiés handicapés.

Une experte a relevé que de nombreuses préoccupations ont été exprimées face aux attitudes discriminatoires qui prévalent en Allemagne et qui ne font l'objet d'aucune mesure correctives, notamment pour ce qui a trait à l'autisme. Y a-t-il eu de la part des tribunaux allemands des condamnations pour discours haineux à l'égard des autistes?

Des inquiétudes ont par ailleurs été exprimées du fait que les filles handicapées sont trois fois plus susceptibles de souffrir de violences dans leur enfance que les autres filles.

Un expert a plaidé pour une plus grande diffusion en langue des signes à la télévision allemande.

Un membre du Comité a demandé si des personnes handicapées avaient été indemnisées en Allemagne pour traitement forcé ou non consenti.

Une experte s'est inquiétée que la reconnaissance de la pleine capacité juridique des personnes handicapées ne soit pas totale, comme cela transparaît de la présentation du rapport. Des traitements psychiatriques sont parfois imposés alors que le Rapporteur spécial sur la torture considère lui-même ce type de traitement comme relevant d'actes de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants, s'est en outre inquiétée l'experte.

Comment l'État allemand appréhende-t-il la notion d'intérêt supérieur de l'enfant handicapé, s'agissant notamment de la décision concernant sa scolarisation dans une école régulière ou dans une école distincte, a demandé un autre expert. Elle s'est en outre enquise des liens pouvant exister entre exploitation, notamment sexuelle, des femmes et handicap. Cette experte s'est également enquise des mesures prises pour mettre un terme définitif aux avortements forcés et aux mutilations génitales féminines pratiqués sur des personnes handicapées.

Une experte a souhaité en savoir davantage sur les mesures prises pour assurer l'accessibilité des personnes handicapées aux tribunaux et autres organes du système judiciaire. Le personnel de justice a-t-il été dûment formé à l'application des normes juridiques relatives aux droits de l'homme et en particulier de la Convention elle-même? a-t-elle demandé.

Une autre experte a souhaité savoir si la détention d'une personne handicapée pour dangerosité sur soi ou sur des tiers était autorisée en Allemagne.

Un membre du Comité a souligné que tous les enfants placés en institution avaient droit à une vie dans une famille aimante. Aussi a-t-il demandé quelles étaient les possibilités d'adoption d'enfants handicapés offertes dans le pays. Cet expert s'est en outre inquiété que 75% des enfants handicapés quittent le système scolaire sans diplôme. Qu'en est-il de l'accessibilité aux études supérieures jusqu'au doctorat pour les personnes handicapées et de la disponibilité d'enseignements en langue des signes dans ce contexte? a-t-il demandé.

Les efforts déployés par l'Allemagne pour appliquer un système d'éducation inclusif n'ont à ce stade pas été couronnés de succès, a estimé un expert qui a demandé si le Gouvernement allemand envisageait d'incorporer dans la loi fédérale la clause de non-rejet dans l'éducation nationale. L'absence de mise en œuvre du droit à l'éducation inclusive en Allemagne reste un sujet de grande préoccupation, a également souligné une experte, qui s'est en outre inquiétée du taux extrêmement préoccupant du chômage parmi les femmes handicapées avant de s'enquérir des mesures prises pour prévenir et réduire la pauvreté de ces femmes.

Quelles mesures sont-elles prises pour lutter contre la stigmatisation à l'encontre des personnes handicapées? a-t-il en outre été demandé.

Un expert s'est enquis du taux d'emploi des personnes handicapées. Il a rappelé que le Comité, pour sa part, s'efforce d'amener les États à se départir de la pratique consistant à employer les personnes handicapées dans des «ateliers protégés». Moins de 1% des personnes employées dans ces ateliers intègrent ensuite le marché général du travail, dit «marché primaire», a fait observer un autre membre du Comité.

Une experte a rappelé que le Rapporteur spécial sur la torture avait lui-même estimé que les mesures de contrainte dont font l'objet les personnes handicapées constituaient des actes de torture ou de traitement cruel, inhumain ou dégradant. Or, en Allemagne, de telles contraintes restent une pratique habituelle et courante dans les institutions où vivent les personnes handicapées, a-t-elle fait observer. Qu'en est-il des effets de la tutelle sur l'exercice des droits civils et politiques, a par ailleurs demandé l'experte. Les personnes handicapées peuvent-elles adhérer aux partis politiques et participer aux processus électoraux? Plusieurs membres du Comité ont à leur tour soulevé la question du droit de vote des personnes handicapées, ainsi que celle de leur droit de se porter candidats.

Réponses de la délégation

La Convention a été transposée dans le droit allemand interne et cela inclut l'aménagement raisonnable, a souligné la délégation, avant de rappeler que les autorités fédérales travaillent à la révision de la loi sur l'égalité des chances pour les personnes handicapées. Les autorités allemandes considèrent que l'aménagement raisonnable doit se fonder sur des cas individuels, a précisé la délégation. Les amendements qu'il est envisagé d'apporter à la loi sur l'égalité des chances visent à mettre en œuvre les quatre directives anti-discrimination de l'Union européenne, notamment en ce qui concerne la notion d'aménagement raisonnable, même si celle-ci reste difficile à définir avec précision.

D'un point de vue général, il peut y avoir des différences de traitement sans que cela n'implique une discrimination, mais il faut alors qu'elles soient motivées par des raisons explicitement mentionnées dans la loi.

Il ressort de l'étude portant évaluation du Plan national d'action pour l'application de la Convention que ce Plan n'est pas assorti de suffisamment d'indicateurs et objectifs, de sorte qu'il est difficile d'évaluer le chemin parcouru dans sa mise en œuvre.

Les migrants, demandeurs d'asile et réfugiés qui sont handicapés ont bien accès aux soins de santé, conformément aux normes internationales. La délégation a précisé que les services auxquels ont accès les personnes qui se trouvent depuis moins de 15 mois en Allemagne et dont la situation en matière d'asile n'a pas été tranchée sont définis par la loi.

La définition du handicap figurant dans la Convention est contraignante pour l'Allemagne.

S'agissant du Traité de Marrakech visant à faciliter l'accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d'autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées, la délégation a convenu de la nécessité de promouvoir un tel accès. L'Allemagne n'a pas encore ratifié ce Traité, négocié à l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle et il convient pour l'heure de voir si cette ratification devrait intervenir au niveau de l'Union européenne ou au niveau de chacun de ses États membres. Il semblerait que ce traité soit mixte, de sorte qu'il devrait être ratifié à la fois par l'Union européenne et par ses États membres.

Une étude a été menée en 2012 sur la situation des femmes handicapées en Allemagne dont il est ressorti que cette catégorie de la population constituait un groupe particulièrement vulnérable.

S'agissant des questions d'avortement, la délégation a assuré que l'État allemand respecte le droit et le choix des femmes à décider si elles veulent une famille et cela concerne bien évidemment aussi les femmes handicapées. Des programmes de planification familiale ciblant spécifiquement les femmes handicapées ont été mis en place.

En matière d'éducation, les parents peuvent faire appel d'une décision d'un tribunal s'ils ne souhaitent pas que leur enfant soit scolarisé dans une école spécialisée parce qu'ils estiment que cela entraîne pour lui une certaine stigmatisation.

Dès le début du siècle dernier, l'Allemagne a entrepris de mettre en place un système d'éducation spécialisée pour les enfants handicapés, a ensuite rappelé la délégation. Depuis plusieurs années, néanmoins, la société a commencé à changer de mentalité s'agissant de ces questions. En 2011, les Länder se sont mis d'accord sur la nécessité de mettre en place un système inclusif commun et la majorité d'entre eux ont déjà amendé leur loi sur l'éducation en ce sens ou vont le faire cette année. Actuellement, 72% des enfants handicapés restent scolarisés dans des établissements spécialisés. Il a par ailleurs été convenu de modifier la formation des personnels enseignants afin que ceux-ci soient en mesure d'enseigner à des élèves handicapés dans le système d'éducation régulier. Par ailleurs, l'enseignement en langue des signes et en braille a été développé au niveau de l'université.

En Allemagne, c'est la notion d'inclusion qui guide les politiques et programmes appliqués par les autorités à l'intention des personnes handicapées, a souligné la délégation. Le terme d'intégration n'est utilisé que dans un contexte très particulier qui a trait à une prestation dite d'intégration qui avait été mise en place il y a plusieurs années et qui figure dans le code social allemand.

La formation des interprètes en langue des signes est prévue par des accords entre le Gouvernement fédéral et les stations de radiotélévision publiques; ainsi, plusieurs interprètes en langue des signes ont-ils été recrutés. De leur côté, les Länder encouragent les acteurs privés du secteur audiovisuel à recruter eux aussi de tels interprètes. D'ici la fin de l'année, le nombre d'universités à travers le pays offrant une formation de niveau licence en langue des signes pourrait atteindre neuf.

Les personnes handicapées ont exactement le même accès aux tribunaux que les autres personnes et peuvent dans ce contexte bénéficier de diverses aides techniques, y compris pour ce qui est de la mise à disposition d'un interprète en langue des signes. En 2018 la loi sur le système judiciaire sera révisée afin d'améliorer la communication entre les personnes handicapées et le système judiciaire.

Il n'y a en Allemagne aucun cas de torture exercée par l'État, a par ailleurs assuré la délégation. Les institutions pour personnes handicapées sont sous le contrôle d'une autorité nationale de protection. Depuis 2008, une commission des Länder est chargée du contrôle des personnes privées de liberté dans les Länder; cela concerne non seulement les prisons et les commissariats mais aussi les institutions psychiatriques ainsi que les foyers pour jeunes et personnes âgées. Par ailleurs, le Gouvernement allemand ne partage pas l'opinion exprimée par le Rapporteur spécial sur la torture telle que rapportée par un membre du Comité.

En Allemagne, l'institutionnalisation forcée se fait en vertu de la loi; elle ne saurait s'appliquer au seul motif que la personne est handicapée et il faut donc que cette institutionnalisation obligatoire réponde à un certain nombre de critères. Elle est possible si la personne, du fait de sa maladie, ne peut faire valoir sa volonté et a besoin d'une telle aide, si la personne ne peut pas prendre une décision ou risque de commettre une tentative de suicide ou encore s'il existe un risque de préjudice pour la santé de la personne. La décision d'institutionnalisation obligatoire peut faire l'objet d'un recours.

Quant aux questions entourant le traitement médical d'une personne handicapée, la délégation a rappelé que tout traitement médical doit prendre en compte la volonté du patient, ce principe ayant en effet été introduit dans la loi en 2009. Néanmoins, si la personne n'a plus la possibilité d'exprimer son consentement, les médecins peuvent lui administrer un traitement médical. Cela s'est avéré utile, notamment dans le domaine psychiatrique où existe une sorte de contrat entre l'établissement psychiatrique et le patient. Le traitement forcé, ou obligatoire, ne peut se faire que sur mandat judiciaire, c'est-à-dire sur décision d'un tribunal.

Les mesures de contrainte ne peuvent être prises qu'entourées des mêmes garanties que celles qui accompagnent l'institutionnalisation ou le traitement médical obligatoires. Un nouveau régime a été mis en place qui vise à réduire, voire abolir, ces mesures de contrainte sans que cela affecte négativement les personnes concernées. Entre 2010 et 2013, le nombre de mesures de contrainte demandées par les tribunaux a diminué de 25% et atteint actuellement 75 000 par an.

L'article 179 du code pénal incrimine l'agression sexuelle, la peine encourue étant aggravée dans le cas d'une victime particulièrement vulnérable. Il n'y a en la matière aucune discrimination à l'encontre des personnes handicapées.

La tutelle est un système qui consiste à aider la personne à laquelle elle s'applique à prendre une décision, a de nouveau souligné la délégation. Les tuteurs s'efforcent de prendre en compte le point de vue de la personne sur laquelle ils exercent leur tutelle; ils sont là pour aider à prendre des mesures en faveur de la personne handicapée, l'objectif étant que la personne placée sous tutelle reste active, même si son représentant peut ester en son nom en justice.

Les autorités entendent faire en sorte qu'un nombre croissant de personnes handicapées puissent exercer un métier sur le marché général du travail, a souligné la délégation. Il est vrai que le taux de chômage des personnes handicapées est plus élevé que la moyenne; mais ces dernières années, le taux d'emploi des personnes handicapées sur le marché général du travail a augmenté de façon constante.

Un quota de 5% des postes au sein de la fonction publique est réservé aux personnes handicapées et l'Allemagne dépasse ce quota.

La délégation a souhaité marquer son désaccord avec l'impression selon laquelle les personnes handicapées auraient l'obligation d'aller travailler dans des «ateliers protégés» si elles ne trouvent pas de travail sur le marché général du travail. Les personnes handicapées sont libres de travailler ou non dans ces ateliers. Si le nombre absolu de personnes handicapées travaillant dans ces ateliers augmente, le nombre des nouveaux arrivants, lui, n'augmente pas. Les «ateliers protégés» ont l'obligation d'encourager la transition des personnes handicapées qui y travaillent vers le marché général du travail, mais il est vrai qu'il faut encore améliorer les choses de ce point de vue, a ajouté la délégation. Le salaire moyen dans ces ateliers est de 200 euros mais les personnes handicapées qui y travaillent bénéficient de diverses prestations venant s'ajouter à leur salaire et visant à leur permettre de vivre une vie décente.

En Allemagne, toutes les personnes jouissent du droit de vote, a assuré la délégation. Si un bureau de vote n'est pas accessible à un électeur handicapé, l'électeur concerné reçoit des informations sur le bureau de vote le plus proche qui lui soit accessible. Les personnes ayant un handicap intellectuel ont elles aussi le droit de voter. Toutefois, si un tribunal fédéral établit, pour une autre raison, qu'une personne n'est pas en mesure de prendre part à la vie publique, alors, dans des cas exceptionnels, un tuteur peut être nommé, mais il ne pourra pas voter au nom de la personne ainsi placée sous tutelle.

En Allemagne, toutes les personnes handicapées, placées ou non en institution, ont accès aux soins de santé.

En conclusion du dialogue, un représentant de l'Institut allemand pour les droits de l'homme a salué l'ouverture avec laquelle l'Allemagne, à qui il reste encore beaucoup à faire pour mettre en œuvre pleinement la Convention, a abordé ce dialogue. Il a toutefois jugé regrettable que les autorités ne semblent pas encore avoir pleinement pris la mesure de l'ampleur des problèmes de droits de l'homme qui se posent à l'Allemagne dans ce contexte. Au mois de juin, l'Institut organisera une conférence de suivi du présent examen du rapport initial.

Conclusions

MME KINGSTON a remercié la délégation allemande pour l'ouverture et la franchise dont elle a fait preuve. La délégation a mentionné nombre d'initiatives tout à fait louables, ajoutant qu'il fallait dégager davantage de ressources afin de veiller à ce que l'éducation soit véritablement inclusive pour tous les enfants handicapés en Allemagne. La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de l'Allemagne, s'est en outre dite préoccupée par le manque de sensibilisation relative aux personnes souffrant de handicaps psychosociaux et intellectuels et d'autisme. Elle a également déploré que la notion d'aménagement raisonnable soit abordée au cas par cas, au lieu d'être appréhendée globalement en vertu d'une disposition faîtière.

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