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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité des droits de l'homme examine le rapport de la Croatie

24 mars 2015

24 mars 2015

Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par la Croatie sur les mesures qui ont été prises pour assurer la mise en œuvre dans le pays des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Le rapport a été présenté par la Vice-Ministre de la justice de la Croatie, Mme Sandra Artuković Kunšt. Elle a affirmé que la protection des droits de l'homme en Croatie s'est grandement améliorée, notamment en raison du processus d'adhésion à l'Union européenne, dont le pays est devenu membre en 2013. Avec l'adoption de la nouvelle loi sur l'aide juridique gratuite, l'accès au système judiciaire a été amélioré pour les catégories économiques vulnérables de citoyens, a-t-elle aussi fait valoir. La Croatie a en outre adopté une loi autorisant la conclusion de partenariats civils entre personnes de même sexe. Plusieurs lois ont aussi été adoptées afin d'assurer une représentation équitable entre les sexes lors des élections parlementaires et locales. Le nouveau code pénal est aligné sur les documents internationaux et les acquis de l'Union européenne, en particulier dans le domaine de la lutte contre la traite de personnes et contre l'exploitation sexuelle des enfants. Mme Artuković Kunšt a également souligné que la Croatie n'a ménagé aucun effort pour réaliser des progrès dans le domaine du fonctionnement du système carcéral s'agissant en particulier du traitement des prisonniers. La Vice-Ministre a aussi rendu compte du Programme national de soutien psychologique et médical en faveur des participants et victimes de la «guerre patriotique», de la seconde Guerre mondiale et des personnes de retour de missions de la paix. Pour ce qui est de la poursuite des crimes de guerre, la Croatie a continué d'enquêter et de poursuivre les auteurs et a signé un mémorandum d'accord en 2014 avec le Procureur du Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux.

La délégation croate était également composée, notamment, de la Représentante permanente de la Croatie auprès des Nations Unies à Genève, Mme Vesna Vukovic, ainsi que de représentants du Bureau des droits de l'homme et des droits des minorités nationales du Gouvernement; du Bureau pour l'égalité entre les sexes du Gouvernement; du Ministère de la politique sociale et de la jeunesse; du Ministère de l'intérieur; et du Ministère de la justice. Elle a répondu aux questions qui lui étaient posées par les membres du Comité s'agissant en particulier du fonctionnement de la Commission nationale des droits de l'homme et du bureau du Médiateur; de la prévention et de la lutte contre la discrimination; des déplacements de populations suite à la guerre de 1991 à 1995; de la question de la restitution des droits de propriété; de la situation des Roms; de la lutte contre la traite de personnes; de l'assistance juridique gratuite; des mesures de contrôle du commerce des armes; ou encore du problème des crimes de guerre qui n'ont pas été poursuivis.

Dans leurs observations, des membres du Comité se sont notamment dits préoccupés par les cas d'intimidations et de poursuites contre des journalistes menant des enquêtes sur affaires de corruption, ainsi que par le rétablissement du délit de diffamation qui permet de poursuivre des journalistes même lorsqu'ils ont publié des informations réelles et vérifiées. Les experts ont aussi déploré le phénomène extrêmement présent de la traite de personnes reste. Ils ont par ailleurs déploré le manque de participation des minorités, notamment rom et serbe, à la vie politique et à tous les niveaux de prise de décision dans la vie du pays. Les membres de la minorité serbe continueraient de se heurter à des obstacles lorsqu'ils veulent retourner dans leurs lieux d'origine ou accéder à un logement et à un emploi public, a fait observer une experte. Le problème de la ségrégation de fait des enfants roms dans les écoles reste bien présent dans le pays, notamment au niveau de l'école primaire. Par ailleurs, le pays compterait encore quelque 900 personnes toujours disparues et les efforts en vue de leur identification semblent avoir ralenti.

Le Comité présentera à la fin de la session, le 2 avril prochain, des observations finales sur l'examen du rapport de la Croatie.

Cet après-midi à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport périodique de Monaco (CCPR/C/MCO/3).

Présentation du rapport de la Croatie

Le Comité est saisi du rapport périodique de la Croatie (CCPR/C/HRV/3), soumis selon la procédure facultative d'établissement des rapports sur la base d'une «liste de points à traiter» (CCPR/C/HRV/Q/3) établie par le Comité.

MME SANDRA ARTUKOVIĆ KUNŠT, Vice-Ministre de la justice de la Croatie, a souligné que son pays était engagé en faveur de la mise en œuvre du Pacte et a affirmé que la protection des droits de l'homme en Croatie s'est grandement améliorée. L'une des raisons en a été le processus de négociations en vue de l'adhésion à l'Union européenne, à l'issue duquel la Croatie en est devenue membre à part entière le 1er juillet 2013, a-t-elle souligné.

Attirant l'attention sur les progrès enregistrés par le pays depuis la soumission du présent rapport, en décembre 2013, la Vice-Ministre de la justice a fait valoir qu'avec l'adoption de la nouvelle loi sur l'aide juridique gratuite, l'accès au système judiciaire a été amélioré, depuis le 1er janvier 2014, pour les catégories économiques vulnérables de citoyens. Par ailleurs, a-t-elle poursuivi, sur la base de la nouvelle loi sur la protection des personnes souffrant de troubles mentaux, entrée en vigueur le 1er janvier 2015, ces personnes peuvent devenir parties à des procédures, conformément à la Convention relative aux droits des personnes handicapées qui a remplacé l'approche médicale par une approche fondée sur la protection des droits de l'homme. Ainsi, le droit de participer aux procédures susceptibles de les concerner est garanti à ces personnes, a insisté Mme Artuković Kunšt. Elle a en outre attiré l'attention sur l'entrée en vigueur le 1er janvier 2014 de la nouvelle loi sur la réhabilitation professionnelle et l'emploi des personnes handicapées, qui a notamment introduit un quota obligatoire pour l'emploi de personnes handicapées. La Vice-Ministre de la justice a également mentionné la nouvelle loi de protection sociale entrée en vigueur le 1er janvier 2014.

Attirant ensuite l'attention sur les efforts déployés par la Croatie en faveur de la suppression de la discrimination, Mme Artuković Kunšt a indiqué que, outre les droits et libertés garantis par la Constitution, des droits et libertés figurent également dans la loi constitutionnelle sur les droits des minorités nationales et dans d'autres lois spécifiques. En septembre 2014, a-t-elle ajouté, des membres d'un groupe de travail ont été nommés afin d'élaborer un nouveau régime national d'élimination de la discrimination pour la période 2015-2020.

Mme Artuković Kunšt a par ailleurs rappelé que le 15 juillet 2014, la Croatie avait adopté une loi autorisant la conclusion de partenariats civils entre personnes de même sexe. Elle a en outre attiré l'attention sur les diverses lois adoptées afin d'assurer une représentation équitable entre les sexes lors des élections parlementaires et locales. Elle a également fait état de la Politique nationale d'égalité entre les sexes adoptée pour la période 2011-2015 et axée sur la promotion de la femme dans le milieu des affaires, l'accroissement de la participation des femmes sur le marché du travail et la participation équilibrée des femmes dans les domaines de l'éducation et de l'emploi.

Évoquant ensuite «certains incidents survenus sur le territoire croate durant les années 90», pendant les conflits, la Vice-Ministre de la justice a rendu compte du Programme national de soutien psychologique et médical en faveur des participants et victimes de la «guerre patriotique», de la seconde Guerre mondiale et des personnels de retour de missions de la paix, adopté en janvier 2014. Pour ce qui est de la poursuite des crimes de guerre, la Croatie a continué d'enquêter et de poursuivre les auteurs, a en outre assuré Mme Artuković Kunšt, attirant l'attention sur le mémorandum d'accord signé en septembre 2014 entre le Bureau du Procureur de la République de Croatie et celui du Procureur du Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux (qui continuera d'exercer certaines fonctions essentielles du TPI pour le Rwanda et du TPI pour l'ex-Yougoslavie après la fin de leurs mandats). Ce mémorandum a été signé dans le but d'assurer des poursuites plus efficaces contre les auteurs de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991, a précisé la Vice-Ministre de la justice.

Depuis le 1er janvier 2013, le nouveau code pénal est entré en vigueur en Croatie. Il est en conformité avec les textes internationaux et les acquis de l'Union européenne, en particulier dans le domaine de la lutte contre la traite de personnes et contre l'exploitation sexuelle des enfants, a poursuivi Mme Artuković Kunšt. Elle a également souligné que la Croatie n'a ménagé aucun effort pour réaliser des progrès dans le domaine du fonctionnement du système carcéral s'agissant en particulier du traitement des prisonniers. Il en a résulté une réduction constante du nombre de prisonniers, qui est passé de 5165 en 2010 à 3763 au 31 décembre 2014, alors que les capacités d'accueil dans les prisons sont passées de 3771 à 3900 places et sont donc désormais plus que suffisantes pour accueillir le nombre réel de prisonniers, a fait valoir la Vice-Ministre. Elle a également fait état d'avancées réalisées en matière de soins de santé aux prisonniers grâce à la nouvelle loi sur l'assurance santé obligatoire en vertu de laquelle les prisonniers détenus en Croatie bénéficient d'une assurance médicale. Afin de se conformer à la Convention européenne pour la prévention de la torture, la Croatie a adopté en juin 2014 un Décret sur l'admission et le traitement des personnes arrêtées et détenues dans des commissariats de police; ainsi, un degré plus élevé de protection des droits de l'homme a-t-il été atteint pour les personnes privées de liberté, a fait valoir Mme Artuković Kunšt.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

Un expert s'est enquis des mesures prises par les autorités croates pour faire connaître les recommandations adressées au pays par le Comité et pour y donner suite. Le pays s'est-il doté d'un plan visant la mise en œuvre systématique des recommandations figurant dans les dernières observations finales du Comité, a-t-il demandé? Qu'en est-il de l'implication de la société civile dans le dialogue social qui devrait présider à la mise en œuvre des droits de l'homme? Relevant que la Constitution croate accorde la primauté aux traités internationaux sur le droit interne, l'expert a demandé à la délégation si elle pouvait mentionner des cas où les tribunaux avaient invoqué le Pacte ou l'auraient directement appliqué. Il semble qu'il soit très rare que des tribunaux croates invoquent les dispositions des traités internationaux ratifiés par le pays, qu'il s'agisse du Pacte ou d'autres traités internationaux de droits de l'homme, a ajouté l'expert. Aussi, s'est-il enquis de la formation dispensée aux magistrats, juges et avocats. L'expert a également demandé quelles mesures avaient été prises par la Faculté de droit aux fins du renforcement de la diffusion des droits de l'homme.

Comment la Croatie donne-t-elle suite aux constations adoptées par le Comité dans le cadre de l'examen des plaintes individuelles (communications), a demandé un autre expert? Dans deux affaires où le Comité avait conclu à une violation du Pacte, les auteurs des plaintes se sont dits insatisfaits des réparations accordées, a-t-il relevé. Il s'est par ailleurs inquiété que la Constitution croate comporte toujours des dispositions indiquant qu'elle ne s'appliquerait qu'aux ressortissants croates. Il a en outre fait état d'informations selon lesquelles les ressortissants étrangers ne pourraient pas se prévaloir de l'aide juridictionnelle. Se félicitant de la création en 1992 du Bureau du Médiateur, qui jouit du statut A auprès du Comité international de coordination des institutions nationales de droits de l'homme (CIC), l'expert s'est enquis des crédits budgétaires alloués au Médiateur eu égard au renforcement de son mandat en juillet 2012. L'une des principales problématiques à laquelle se heurte le Médiateur a trait au fait que certaines entités normalement chargées de traiter les plaintes émanant des citoyens semblent tarder à donner suite aux plaintes qui leur sont adressées. Certaines des dispositions constitutionnelles relatives à l'état d'urgence ne sont pas compatibles avec les dispositions du Pacte, s'est en outre inquiété l'expert.

Une experte s'est enquise des mesures prises pour protéger les membres de la minorité serbe victime de discrimination. Selon certaines informations, les membres de la minorité serbe continuent de se heurter à des obstacles lorsqu'ils veulent retourner dans leurs lieux d'origine ou encore pour accéder au logement et à l'emploi public. Qu'en est-il en outre de la restitution des biens fonciers spoliés lors du conflit qu'a connu le pays entre 1991 et 1995, a demandé l'experte? Elle s'est également enquise de la situation des Roms: des enfants roms vont-ils encore dans des classes spécialisées, ce qui alimenterait un sentiment de ségrégation, a-t-elle demandé? L'experte a par ailleurs demandé quelles mesures sont prises pour permettre aux membres de minorités de parler leur propre langue et d'exercer leur propre culte. Quelle est l'ampleur des crimes de haine recensés dans le pays, a-t-elle également demandé?

Un membre du Comité s'est étonné d'informations selon lesquelles, en cas de violence domestique, les femmes sont elles aussi arrêtées dans près de 43% de ces affaires, alors que c'est l'homme qui est l'auteur des violences dans 95% des cas.

D'autres questions ont porté sur les mesures prises en matière de contrôle des exportations d'armes produites en Croatie; l'absence d'implication des organisations non gouvernementales pour ce qui est des activités liées aux droits de l'homme; les agressions dont ont été victimes les participants à une gay pride; les cas personnes victimes de travail forcé.

Un membre du Comité a rappelé que dans ses précédentes observations finales, le Comité avait relevé que de nombreuses questions relatives aux crimes de guerre - avant et après l' «Opération tempête» menée entre août et novembre 1995 - restaient non résolues. Qu'en est-il à ce jour des poursuites engagées et des sentences prononcées, a demandé l'expert. La délégation croate a parlé d'un nouveau mémorandum d'accord conclu aux fins du suivi du travail avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, mais il semble que ce travail n'ait pas pu aller plus loin, s'est en outre inquiété l'expert, avant de s'inquiéter des ressources dont disposent les quatre parquets censés prendre en charge les affaires concernées. L'expert s'est en outre enquis de ce qu'il en est désormais des procès in abstentia, qui ont été privilégiés à un moment donné, relevant que ces procès concernaient des suspects serbes et non pas des croates.

Les mesures prévues pour le soutien aux victimes et aux témoins sont certes encourageantes; mais un certain nombre d'ONG indiquent qu'il conviendrait d'élargir ce soutien à l'assistance juridique et psychologique en faveur des victimes et témoins dès le tout début de l'enquête, a en outre indiqué l'expert.

Dans certaines prisons, les taux d'occupation dépassent les 140 voire les 150%, s'est par ailleurs inquiété ce membre du Comité, avant de s'enquérir des mesures prises pour y remédier. L'objectif des autorités croates est-il de mettre fin à la surpopulation carcérale dans toutes les institutions pénitentiaires ou seulement de la réduire, s'est-il interrogé? Enfin, l'expert s'est félicité que la Croatie ait aboli la pratique des lits-cages et lits munis de filets en institution psychiatrique mais a souhaité en savoir davantage au sujet de la surveillance de ce qui se passe dans les institutions psychiatriques.

Un expert s'est enquis des mesures prévues en Croatie en cas d'apatridie. Cet expert a en outre relevé que dans un rapport de suivi sur la Croatie, la Commission européenne avait relevé que ce pays condamne moins de personnes pour la traite de personnes que pour les autres délits relevant du crime organisé et n'est donc pas assez dissuasif dans ce combat.

Selon nombre d'experts, la traite de personnes reste en Croatie un phénomène extrêmement présent, a insisté cet expert, précisant que plus de 170 victimes ont été enregistrées entre 2011 et 2013.

L'expert a ensuite insisté sur la nécessité de trouver une solution durable pour le problème des personnes déplacées. Des inquiétudes subsistent notamment au sujet du programme de logement et de prise en charge en faveur de ces personnes, qui semble avoir marqué le pas à compter de 2012. Selon le HCR, est estimé à 30 000 le nombre de familles de réfugiés ayant perdu leurs droits, c'est-à-dire qui n'ont pu obtenir ni la restitution de leur logement, ni une indemnisation pour la perte de leur logement, a insisté l'expert. Il a en outre insisté sur la marginalisation particulière de la communauté rom.

S'agissant des libertés d'expression et d'association et du droit de réunion pacifique, un membre du Comité a indiqué avoir l'impression que les restrictions imposées par la loi dans ces domaines menacent les journalistes qui enquêtent sur les cas de corruption, ce qui constitue un péril pour la démocratie. Nous sommes très préoccupés par les cas d'intimidations et de poursuites contre des journalistes menant des enquêtes sur affaires de corruption, a déclaré l'expert, évoquant les agressions perpétrées contre de tels journalistes entre 2008 et 2010. L'expert a attiré l'attention sur la concentration de la propriété des médias aux mains de quelques-uns, ce qui amène les journalistes à devoir s'adapter à cette situation et à la ligne éditoriale qui en découle et provoque alors une certaine autocensure des journalistes, par crainte, probablement, de perdre leur emploi. Le délit de diffamation a été réintroduit et permet de poursuivre des journalistes même lorsqu'ils ont publié des informations réelles et vérifiées, s'est en outre inquiété cet expert.

Déplorant par ailleurs que cinq participants à la gay Pride aient été blessés par des manifestants hostiles, ce membre du Comité a rappelé que l'État a le devoir de promouvoir une culture de respect de la différence, en l'occurrence à l'égard des membres de la communauté des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres.

L'expert a en outre déploré le manque de participation des minorités, notamment rom et serbe, à la vie politique et à tous les niveaux de prise de décision dans la vie du pays. Il ne semble pas y avoir en Croatie d'incitation à utiliser les langues des minorités. Le groupe ethnique serbe est confronté à un certain nombre d'obstacles pour ce qui est d'accéder au droit de propriété, a également souligné l'expert. L'expert a d'autre part fait observer que le problème de la ségrégation de fait des enfants roms dans les écoles reste bien présent dans le pays, notamment au niveau de l'école primaire.

Environ 900 personnes sont toujours portées disparues et il semble que les efforts en vue de leur identification aient ralenti ces dernières années, s'est inquiété un autre expert, avant de s'enquérir des mesures envisagées pour faire aboutir les efforts déployés jusqu'ici en faveur de l'éclaircissement des cas de disparitions. Il a fait état d'allégations selon lesquelles les exhumations menées jusqu'ici auraient davantage porté sur les fosses communes héritées de la période 1991-1992 plutôt que sur celles en rapport avec les opérations militaires de l'ensemble de la période 1991-1995.

En ce qui concerne la préservation de l'identité culturelle des minorités nationales, la pratique peut encore s'améliorer, eu égard aux nombreuses allégations de violation du droit à l'utilisation des langues des minorités nationales, notamment le serbe et le cyrillique, a souligné une experte.

Réponses de la délégation

La délégation a attiré l'attention sur les centaines de lois adoptées par la Croatie afin d'aligner l'ensemble de la législation nationale sur ce qu'il est convenu de nommer les «acquis de l'Union européenne», reconnaissant que beaucoup restait à faire.

La Commission nationale des droits de l'homme a été créée en 2012, d'autre part indiqué la délégation. Son objectif est de veiller à donner effet aux différentes politiques nationales adoptées dans le domaine des droits de l'homme; elle veille également à ce que les amendements nécessaires soient apportés aux différentes lois nationales pertinentes, a-t-elle précisé. Des comités parlementaires sont quant à eux chargés de promouvoir les droits des citoyens et des membres des minorités nationales et jouent également un rôle de coordination, de sensibilisation et de formation, a ajouté la délégation. Quant au Bureau du Médiateur, qui exerce les fonctions traditionnelles de toute institution de ce type, il est notamment chargé de surveiller et de coordonner les activités visant l'intégration des Roms au sein de la société. Il apporte aussi un soutien technique au groupe de travail chargé de la lutte contre les crimes de haine.

Interpellée au sujet des mesures de protection contre la discrimination, la délégation a rappelé que la Loi sur la lutte contre la discrimination est entrée en vigueur le 1er janvier 2009. C'est désormais le Médiateur qui est l'organe responsable de la lutte contre la discrimination, a précisé la délégation, soulignant combien la Loi sur la lutte contre la discrimination a renforcé cette institution. La législation en vigueur protège également les témoins de discrimination, a ajouté la délégation. Le Plan national de lutte contre la discrimination adopté pour la période 2008-2013 a permis au pays de prendre toute une série de mesures aux fins de la prévention et de la lutte contre la discrimination, tout en suivant les recommandations, entre autres, de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) du Conseil de l'Europe.

La Croatie dispose d'un nouveau Code pénal dans lequel la discrimination raciale est considérée comme un délit, tout comme le sont la haine et la violence raciales, a par ailleurs indiqué la délégation.

En matière de prévention de la discrimination, la Croatie a une expérience unique en Europe et dans le monde, a insisté la délégation. Le pays a traversé dans les années 1990 une guerre dont elle ressent encore les conséquences, a-t-elle rappelé : il y a eu des déplacements de personnes et il s'agit pour la Croatie de lutter contre la discrimination à l'encontre de ces personnes. Depuis la fin de la guerre, les autorités croates s'intéressent beaucoup aux questions intéressant les logements et services mis à disposition de ces personnes. Un cadastre a été établi, mais certains biens immobiliers sont utilisés depuis longtemps par certaines personnes; aussi, la question est délicate et les autorités s'efforcent-elles de maintenir un équilibre entre les droits et intérêts des uns et des autres, a expliqué la délégation. La Croatie a accueilli 400 000 réfugiés de Bosnie-Herzégovine, a en outre indiqué la délégation, rappelant par ailleurs que 250 000 personnes avaient quitté la Croatie.

La délégation a indiqué qu'au total, quelque 17 820 demandes de restitution de droits de propriété ont été reçues par les autorités pertinentes de la Croatie : 9566 de ces demandes ont été résolues de manière positive et 3820 ont été rejetées, 4434 cas restant à résoudre.

Depuis le début des activités réalisées en faveur des personnes rentrant au pays, ont été enregistrées quelque 354 000 personnes rentrées au pays. La Croatie a besoin de 5,5 milliards d'euros pour mettre en place un programme de logement adéquat en faveur de ces personnes et l'essentiel de cette somme doit être assumée par les autorités, a expliqué la délégation. Depuis 2001, environ 18 000 demandes de logements ont été faites dont 13 000 ont déjà été réglées, a précisé la délégation.

Il semblerait que le nombre de réfugiés présents dans la région connaisse une diminution et c'est là un fait qui nous réconforte, a d'autre part déclaré la délégation.

Le problème des crimes de guerre qui n'ont pas été poursuivis est un problème de taille pour la Croatie, a affirmé la délégation. Quant à la question de savoir pourquoi ont été davantage poursuivis les auteurs de ces crimes qui étaient d'origine serbe, la délégation a affirmé que le TPI pour l'ex-Yougoslavie a poursuivi ces affaires en toute objectivité; la majorité des auteurs des crimes poursuivis par ce Tribunal étaient serbes. Mais aujourd'hui, un grand nombre de poursuites ont été engagées à l'encontre des membres des forces militaires et policières croates, a souligné la délégation. La Croatie coopère pleinement avec le TPI, a-t-elle assuré, faisant valoir qu'à ce jour, le pays a répondu favorablement à 979 requêtes présentées par ce Tribunal. Si certains crimes ne font pas l'objet de poursuites en Croatie, c'est qu'il n'y a pas suffisamment de preuves ni suffisamment de témoins et que les auteurs ne peuvent pas être retrouvés. Le Tribunal de l'ONU, lui, est parvenu à trouver des preuves et des témoins, ce que ne sont pas parvenues à faire les juridictions croates, a expliqué la délégation. En raison du nombre très important de crimes commis, la Croatie a dû se fixer des priorités, réparties entre 8 priorités nationales et près de 200 priorités régionales; à ce jour, il reste une priorité nationale et 70 priorités régionales à mettre en œuvre, a par ailleurs indiqué la délégation.

S'agissant de la situation des Roms, la délégation a rappelé que 22 minorités nationales ont été identifiées en Croatie et sont reconnues par la Constitution. La délégation a rendu compte des sommes allouées à l'éducation des minorités nationales, y compris des Roms. La stratégie d'inclusion des Roms 2013-2020 est assortie d'un plan d'action qui porte sur la prise en charge quotidienne, sous l'égide du Ministère de l'éducation, des enfants issus de la minorité rom. Aujourd'hui, la situation en matière de scolarisation des Roms s'est beaucoup améliorée, a assuré la délégation. Un nombre sans cesse croissant d'enfants achèvent aujourd'hui le cycle d'enseignement primaire et même secondaire et le nombre d'abandons scolaires chez ces enfants a diminué, a-t-elle insisté.

Les minorités nationales représentent 7,5% de la population, a par ailleurs indiqué la délégation.

La délégation a d'autre part souligné que les mesures développées dans le cadre du plan national de lutte contre la traite de personnes étaient ciblées sur la formation des forces de police, qu'il s'agisse de la police de l'intérieur ou de celle des frontières. Les autorités croates travaillent actuellement à l'élaboration du nouveau plan national de lutte contre la traite, qui couvrira la période 2016-2019, a précisé la délégation. Le pays compte deux foyers d'accueil – l'un pour adultes et l'autre pour enfants – pour les victimes de la traite de personnes; ces foyers sont gérés par la société civile, a-t-elle en outre indiqué. La plupart des victimes de la traite de personnes sont originaires de la Croatie, a d'autre part souligné la délégation, avant de préciser que le nombre de victimes, qui s'établissait à 11 en 2012, s'est élevé à 37 en 2014. Le chiffre de 18 000 victimes de traite en Croatie, cité par certains et qu'un membre du Comité a repris, est totalement irréaliste : c'est une exagération, a par ailleurs déclaré la délégation.

Les mesures de traitement psychosocial applicables à l'auteur de violences familiales peuvent être appliquées dans ou en dehors d'une institution pénitentiaire selon que l'auteur des violences a déjà ou non un casier judiciaire, a ensuite indiqué la délégation. Le Ministère de la justice tient un registre de toutes les personnes qui sont ainsi traitées, a-t-elle précisé. C'est au tribunal qu'il incombe d'évaluer les mesures à appliquer dans de tels contextes, a-t-elle ajouté.

L'assistance juridique gratuite est également disponible pour les étrangers disposant d'un permis de séjour temporaire, a ensuite indiqué la délégation. Elle a renvoyé à une décision de la Cour européenne des droits de l'homme qui indique que l'assistance juridique gratuite n'est pas absolue et que chaque État peut y apporter des limites.

En ce qui concerne le contrôle du commerce (exportation) d'armes, la délégation a indiqué que la Croatie a signé le Traité sur le commerce des armes. Le pays a toujours appuyé les efforts déployés au niveau international pour mettre en place une forme de contrôle et de surveillance du commerce des armes, a souligné la délégation. En Croatie, a-t-elle précisé, c'est le Ministère de l'économie qui exerce ce contrôle et délivre donc les permis nécessaires pour toute vente d'armes (mais aussi pour toute importation d'armes), sur la base d'une série de critères. Compte tenu de sa situation stratégique – au cœur de la route des Balkans bien connue pour ses trafics – la Croatie a adopté en 2009 un plan d'action stratégique pour le contrôle des armes, a ajouté la délégation.

S'agissant de l'administration de la justice, la délégation a fait valoir que des peines alternatives à l'emprisonnement sont désormais proposées, notamment sous forme de travail dans la construction.

Le taux de surpopulation carcérale reste maîtrisé en Croatie, même si ce problème n'est pas totalement résolu, a en outre fait valoir la délégation.

Conclusion

Le Président du Comité, M. FABIÁN OMAR SALVIOLI, a souligné que la Croatie disposait de 48 heures pour fournir par écrit des renseignements et réponses complémentaires au Comité. Il a jugé très intéressant le dialogue qui s'est noué entre les membres du Comité et la délégation croate et qui a permis d'aborder des thématiques telles que les disparitions forcées, le traitement des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, la coopération avec le TPI pour l'ex-Yougoslavie, tout ce qui touche à l'égalité et à la non-discrimination, ou encore la question de la diffamation. Il est essentiel de travailler à l'amélioration des conditions de détention, a en outre souligné M. Salvioli.
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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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