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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité des droits de l'homme examine le rapport de Chypre

20 mars 2015

Comité des droits de l'homme

20 mars 2014

Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par Chypre sur les mesures qui ont été prises dans le pays pour assurer la mise en œuvre des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Le rapport a été présenté par Mme Leda Koursoumba,  Commissaire juridique de la République de Chypre, qui a rappelé qu'en raison de la poursuite de l'occupation illégale de 36,2% de son territoire par les forces militaires turques, Chypre n'est pas en mesure d'assurer l'application des droits civils et politiques aux personnes qui résident dans cette partie du pays.  Suite à l'intervention du Médiateur, le Ministère de l'intérieur a préparé un projet de loi sur l'établissement d'un pacte de partenariat civil afin de réglementer la cohabitation, en dehors des liens du mariage, de couples de personnes hétérosexuelles et homosexuelles.  Un programme de soutien psychologique en faveur des détenus du centre de rétention de Menoyia et de leurs familles est en train d'être mis en place, a poursuivi la Commissaire juridique.  La détention de personnes en attente d'être renvoyées n'est utilisée que comme mesure de dernier recours et pour la période la plus courte strictement nécessaire à la procédure, a aussi indiqué Mme Koursoumba.  S'agissant du principe de non-refoulement, elle a souligné que la décision d'expulsion est suspendue lorsqu'un non-ressortissant de l'Union européenne se trouvant en détention présente une demande de protection internationale; si sa demande n'est pas tranchée dans un délai de 30 jours, la personne est libérée. 

La délégation chypriote était également composée de représentants du Ministère de la justice; du Ministère de l'intérieur; du Ministère du travail et de la protection sociale; et du Ministère des affaires étrangères, dont le Représentant permanent de Chypre auprès des Nations Unies à Genève, M. Andreas Ignatiou.  Elle a répondu aux questions qui lui étaient posées par les membres du Comité s'agissant, notamment, des attributions du Médiateur des droits de l'homme; de l'interdiction des châtiments corporels; de lutte contre la violence domestique; des conditions de détention des migrants; de la situation des réfugiés syriens; de l'application du principe de regroupement familial; des conditions carcérales; de la participation des Chypriotes turcs; des allégations d'actes à connotation raciste dont seraient victimes les Chypriotes turcs; de l'objection de conscience; des mesures de prévention de la torture; des questions de nationalité; de la traite de personnes; de la situation des travailleurs domestiques; du projet de nouvelle législation en matière de justice pour mineurs.

Les experts ont salué les efforts déployés par Chypre pour assurer la réalisation des droits prévus par le Pacte.  Ils se sont également félicités de l'abrogation de l'article de loi qui permettait aux parents et enseignants de pratiquer des châtiments corporels sur les enfants.  Mais des obstacles subsistent, dont certains sont liés à la situation de conflit et d'autres à des facteurs économiques ou sociaux; le fait que l'île soit divisée en deux ne manque pas d'entraver la pleine application du Pacte, a-t-il insisté.  Ces dernières années, a par ailleurs relevé l'expert, le nombre de plaintes pour violence domestique a considérablement augmenté, mais il subsiste un fossé considérable entre le nombre de plaintes déposées et le nombre de condamnations prononcées.  Il semblerait d'autre part que Chypre pratique la rétention des demandeurs d'asile de manière systématique et ce, dans des conditions déplorables et durant de longues périodes.  Les experts se sont également inquiétés que la législation relative à la nationalité serait appliquée de manière discriminatoire, en particulier à l'égard de ressortissants de pays asiatiques.

Le Comité présentera le 2 avril prochain, à la fin de la session, des observations finales sur l'examen du rapport initial de Chypre.

 

Lors sa prochaine séance publique, lundi à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de la Croatie (CCPR/C/HRV/3).

 

Présentation du rapport de Chypre

Le Comité est saisi du rapport périodique de Chypre (CCPR/C/CYP/4), ainsi que de ses réponses (CCPR/C/CYP/Q/4/Add.1) aux questions figurant dans une «liste de points à traiter» (CCPR/C/CYP/Q/4 ) que lui a adressée le Comité en août 2014.

MME LEDA KOURSOUMBA, Commissaire juridique de la République de Chypre, a indiqué qu'elle était chargée, sous l'autorité du Président de la République et pour un mandat de six ans, de faire des propositions de réforme de la législation nationale en vue de la rendre pleinement conforme aux instruments internationaux de droits de l'homme, y compris le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et de préparer et présenter les rapports du pays au titre de ces différents instruments des droits de l'homme.

Chypre accorde une grande importance à la protection et au respect des droits de l'homme, a poursuivi Mme Koursoumba, rappelant que la Constitution du pays comprend une charte des droits qui incorpore tous les droits fondamentaux énoncés dans les principaux instruments universels des droits de l'homme.  La Commissaire a par ailleurs rappelé qu'en raison de la poursuite de l'occupation illégale de 36,2% de son territoire par les forces militaires turques, Chypre n'est pas en mesure d'assurer l'application des droits civils et politiques aux personnes qui résident dans cette partie du pays – qui se trouve donc de facto en dehors de son contrôle effectif.

Mme Koursoumba a ensuite fait valoir que, conformément à la recommandation que lui avait adressée la Commission européenne contre le racisme et la discrimination, Chypre a élaboré, par le biais de son Ministère de l'éducation et de la culture, un code de conduite contre le racisme et un Guide pour la dénonciation et le traitement des incidents racistes à l'école.  Mme Koursoumba a en outre indiqué que suite à l'intervention du Médiateur (en sa capacité d'organe antidiscrimination) au sujet de la nécessité de réglementer la cohabitation, en dehors des liens du mariage, de couples de personnes hétérosexuelles et homosexuelles, le Ministère de l'intérieur a préparé un projet de loi sur l'établissement d'un pacte de partenariat civil; ce projet doit prochainement être soumis à la Chambre des représentants pour adoption.

En coopération avec la Croix-Rouge chypriote, la police est en train de mettre en œuvre un programme de soutien psychologique des détenus du centre de rétention de Menoyia pour migrants en situation irrégulière et de leurs familles, a poursuivi la Commissaire juridique.  Lorsque des cas de familles sont examinés aux fins de l'application des lois en la matière (loi sur les étrangers et l'immigration et loi sur les réfugiés), il faut d'abord prendre en considération l'intérêt supérieur de l'enfant, comme le prévoient d'ailleurs ces lois.  La détention de personnes en attente d'être renvoyées n'est utilisée que comme mesure de dernier recours et pour la période la plus courte strictement nécessaire à la procédure, a ajouté Mme Koursoumba. 

S'agissant du principe de non-refoulement, le chef de la délégation a souligné que la décision d'expulsion est suspendue lorsqu'un non-ressortissant de l'Union européenne se trouvant en détention présente une demande de protection internationale; si sa demande n'est pas tranchée dans un délai de 30 jours, la personne est libérée.  Une brochure mentionnant spécifiquement le droit de demander une aide juridique gratuite est donnée à chaque requérant au moment de la soumission de sa demande, a en outre fait valoir Mme Koursoumba.  Le Médiateur contrôle étroitement les autorités et s'assure qu'elles respectent les normes internationales.

Les critères pour l'emploi de travailleurs domestiques font actuellement l'objet d'un examen afin de simplifier les procédures et d'éliminer toute incertitude susceptible d'aboutir à un traitement inéquitable de ces travailleurs, a d'autre part indiqué Mme Koursoumba.

En ce qui concerne les questions de migration, la Commissaire juridique a fait valoir que la capacité du centre de réception de Kofinou a été portée de 70 à 400 places et que les conditions de vie y ont été sensiblement améliorées.  Un nouveau centre de réception d'urgence pour l'hébergement temporaire a été créé en 2014 afin de se préparer à faire face à tout éventuel afflux massif, a ajouté la Commissaire.  En septembre 2014, ce centre a été utilisé pour la première fois pour loger 337 Syriens et Palestiniens qui avaient été secourus en mer.  Mme Koursoumba a indiqué qu'en décembre 2012 avait été signé entre la République de Chypre et l'Organisation internationale des migrations (OIM) un accord sur la base duquel a été convenu l'établissement d'un bureau de l'OIM à Chypre.  Les autorités locales sont de plus en plus impliquées dans les programmes d'intégration progressive des migrants dans leur zone, a par ailleurs affirmé la Commissaire.

Mme Koursoumba a indiqué que le Ministère de l'intérieur avait donné des instructions aux départements compétents - services d'état civil et d'immigration - afin qu'il soit mis un terme à la pratique consistant à demander un test de paternité génétique lors de l'examen des demandes d'enregistrement d'enfants issus de mariages mixtes.

La Commissaire juridique a par ailleurs attiré l'attention sur l'amendement apporté en 2014 à la loi relative au Médiateur en vue de renforcer l'obligation de l'État d'appliquer les recommandations de cette institution.

À Chypre, le plus grand défi pour l'avenir est de maintenir et assurer les ressources nécessaires aux fins d'une mise en œuvre effective des mécanismes institutionnels prévus par les autorités et d'un renforcement des programmes visant le respect de la jouissance des droits civils et politiques, afin d'éviter tout retour en arrière par rapport aux réalisations à ce à quoi le pays est d'ores et déjà parvenu, a conclu la Commissaire.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

Un membre du Comité a déclaré que Chypre avait beaucoup fait pour assurer la réalisation des droits prévus par le Pacte.  Mais le chemin à parcourir reste long car des obstacles subsistent, dont certains sont liés à la situation de conflit et d'autres à des facteurs économiques ou sociaux.  L'expert  a demandé les raisons pour lesquelles le Médiateur n'avait pas encore été en mesure de recruter son propre personnel.  Est-il vrai que le bureau du Médiateur n'emploie pas de personnel de langue maternelle turque?  Les travaux de ce bureau sont-ils publiés en langue turque, a insisté l'expert?  L'île est divisée en deux, ce qui ne manque pas d'entraver la pleine application du Pacte, a-t-il poursuivi; mais il a voulu savoir quels sont les obstacles majeurs rencontrés à cet égard.  Sur le terrain, est-il difficile d'enquêter sur les personnes portées disparues, a interrogé l'expert.  Les femmes chypriotes ont-elles pu, à un moment ou un autre, avoir voix au chapitre dans le processus de négociation, en particulier à un haut niveau, a-t-il aussi voulu savoir.  L'expert a souhaité des informations complémentaires au sujet de la politique mise en place par Chypre en faveur de l'égalité entre hommes et femmes.

L'expert s'est réjoui de ce que, suite à une plainte déposée par une organisation non gouvernementale, l'article de loi qui permettait aux parents et enseignants de pratiquer des châtiments corporels sur les enfants ait été abrogé.  Il a néanmoins souhaité savoir ce qu'il advient des personnes qui continueraient d'exercer des châtiments corporels; quelles sont les sanctions encourues?  Ces dernières années, a par ailleurs relevé l'expert, le nombre de plaintes pour violence domestique a considérablement augmenté; il aurait même triplé au cours de ces quinze dernières années.  Il ne fait aucun doute que cela est à porter au crédit d'une meilleure connaissance au sein de la population de cette problématique et des possibilités de plainte.  Il subsiste néanmoins un fossé considérable entre le nombre de plaintes déposées et le nombre de condamnations prononcées, a fait observer l'expert.

Un autre membre du Comité a fait état d'informations selon lesquelles la législation relative à la nationalité serait appliquée de manière discriminatoire et les principales victimes de cette discrimination seraient des ressortissants de pays asiatiques.  Il s'est inquiété d'informations faisant état d'une pratique limitant le droit à la nationalité d'enfants nés de parents chypriotes turcs.  Le pays ne semble pas disposer de critères clairs quant à la façon dont la nationalité est octroyée, de sorte qu'au sein d'une même famille, un enfant peut avoir la nationalité chypriote alors que son frère ne l'aura pas, a insisté l'expert. 

Selon les informations disponibles, 1534 Chypriotes grecs et 502 Chypriotes turcs sont encore portés disparus, a relevé un expert.

Il semblerait qu'il n'existe dans le pays aucun magistrat d'origine chypriote turque, a fait observer un membre du Comité. 

L'expert a par ailleurs relevé que, d'après un rapport d'Amnesty International pour 2014, des gaz lacrymogènes ont été utilisés contre des migrants dans un centre de rétention, a en outre relevé cet expert.  Il semblerait que c'est parce que le principe du regroupement familial n'est pas respecté que la plupart des réfugiés syriens ne demandent pas l'asile à Chypre, a fait observer un autre membre du Comité, avant de s'enquérir des modifications que les autorités envisagent en la matière.  Selon ce qu'indique Amnesty International, il semblerait en outre que Chypre pratique la rétention des demandeurs d'asile de manière systématique et ce, dans des conditions déplorables et durant de longues périodes de temps, a ajouté l'expert.

Une experte a demandé quelles avaient été les suites des enquêtes et poursuites engagées suite à des décès en détention, aux violences entre détenus et aux pratiques de détention en isolement.  Elle a demandé quel était le nombre des décès récents en détention, et quelles en ont été les causes. 

Il semble que les conditions de détention dans le centre de rétention pour migrants de Menoyia ne soient pas pleinement conformes aux normes internationales; aussi, quelles mesures sont-elles envisagées pour remédier à cette situation, a demandé un expert?

Les travailleurs domestiques n'ont pas le droit de changer d'employeur tant que le permis de séjour associé à leur travail auprès d'un employeur est valable, s'est inquiété un membre du Comité. 

L'expert a en outre fait observer que seuls trois cimetières musulmans sur près de 150 sont opérationnels pour procéder aux inhumations.  Il s'est également inquiété de dizaines de cas de destructions de mosquées.  Relevant l'existence à Chypre d'un certain nombre de minorités religieuses, comme les bouddhistes, les baha'is, les témoins de Jehova et les juifs, un membre du Comité s'est enquis des mesures prises pour protéger la liberté de religion des membres de ces minorités.  Les allégations faisant état de refus des autorités de permettre la construction de lieux de culte et l'établissement de cimetières pour ces minorités sont-elles fondées, a demandé l'expert?

Un expert a souhaité en savoir davantage au sujet de l'objection de conscience, s'inquiétant que la durée du service soit supérieure à celle du service militaire classique.

S'agissant de la justice pour mineurs, un membre du Comité a souhaité en savoir davantage au sujet de la distinction qui est faite en la matière entre les mineurs âgés de 14 à 16 ans et ceux âgés de 16 à 18 ans, les premiers étant – semble-t-il – pris en charge par un comité spécifique.  Il ne semble toujours pas exister à Chypre de tribunaux spécialisés pour les mineurs, a par ailleurs relevé l'expert, avant de s'enquérir de la nature exacte des projets apparemment envisagés par les autorités en vue de remédier à cette lacune.

Les Roms étant nomades, peuvent-ils passer librement de la République de Chypre au nord de l'île, a demandé un expert?

Réponses de la délégation

À Chypre, le Médiateur suscite le plus grand respect de la part de tous ses interlocuteurs, a souligné la délégation.  Elle a toutefois reconnu qu'il faudrait que son bureau dispose de davantage de personnels et de ressources, mais l'actuelle Médiatrice n'a pas fait de requête en ce sens, a précisé la délégation.  «Nos compatriotes turcs ne sont certes pas présents dans toutes les branches des autorités», a reconnu la délégation, précisant qu'en l'occurrence, pour ce qui est du bureau du Médiateur, cela résulte de difficultés techniques et pratiques et non d'une absence de volonté.

Les châtiments corporels sont interdits depuis une quinzaine d'années à Chypre, en particulier au foyer et à l'école, a par ailleurs rappelé la délégation.  Est passible de sanctions toute personne qui ne respecterait pas la législation en la matière, a-t-elle souligné.

Un nombre sans cesse croissant de plaintes pour violence domestique est déposé dans le pays, a poursuivi la délégation.  Cela est le fruit des campagnes d'information et de sensibilisation qui ont été menées et qui amènent les personnes concernées à ne plus avoir peur de porter plainte, a-t-elle expliqué.

S'agissant de l'écart salarial entre hommes et femmes, la délégation a expliqué que la crise financière a placé les femmes dans une position désavantagée; elles occupent souvent un emploi faiblement rémunéré.  Il n'en demeure pas moins que le Gouvernement entend prendre des mesures pour répondre aux causes profondes de cet écart salarial.

La détention des migrants illégaux est utilisée comme mesure de dernier recours et uniquement pour la durée la plus courte possible en attendant qu'une décision soit prise les concernant, a souligné la délégation.  Le Gouvernement ne ménage aucun effort pour faire en sorte que les décisions concernant le renvoi soient prises le plus rapidement possible, a-t-elle ajouté.  Quoi qu'il en soit, personne n'est détenu dans ce contexte pendant plus de dix-huit mois: il s'agit d'un maximum absolu, a-t-elle assuré.  Toutes les décisions de renvoi sont prises conformément au principe de non-refoulement et aux autres normes internationales en la matière.  La décision de renvoi peut faire l'objet d'un appel devant la Cour suprême, a ajouté la délégation.  Conformément aux dispositions des conventions de Genève, le mandat de renvoi est suspendu lorsque la personne qui en est l'objet présente une demande de protection internationale, a insisté la délégation.

En ce qui concerne les Syriens, étant donné la crise humanitaire terrible qui ravage la Syrie, aucun mandat de renvoi n'est émis contre des ressortissants syriens et tous les mandats de renvoi ayant pu antérieurement être émis à l'encontre de ces ressortissants ont été annulés, a indiqué la délégation.  Tout ressortissant syrien détenteur d'un document d'identité valable peut demander un permis de résidence et de séjour, qu'il se trouve en situation régulière ou irrégulière à Chypre, a-t-elle ajouté.

Quant à l'usage de gaz lacrymogènes dans le centre de rétention de Menoyia, la délégation a souligné que l'utilisation de tels gaz ne se fait qu'en tant que mesure de dernier recours; en l'occurrence, l'usage de ces gaz à Menoyia était proportionnel aux incidents visés, a-t-elle assuré, avant de souligner que la Médiatrice supervisait régulièrement la situation dans ce centre.

La loi sur les réfugiés a été amendée et comporte maintenant une disposition sur le regroupement familial des réfugiés reconnus comme tels, a par ailleurs indiqué la délégation.

En ce qui concerne les conditions carcérales, la délégation a rappelé que pour 2012, la capacité des prisons était de 314 places, alors que le nombre de détenus à Chypre s'établissait à 694, selon les chiffres du Conseil de l'Europe.  Aussi, les autorités ont-elles entrepris de procéder à une augmentation sensible des capacités carcérales en 2014 et au mois d'octobre dernier, le pays ne comptait en outre plus que 515 détenus, a indiqué la délégation.   Le placement en isolement n'est pas laissé à la discrétion des gardiens de prison, a par ailleurs indiqué la délégation.  Une procédure a été mise en place en la matière; en cas de manquement à cette procédure, des sanctions sont appliquées.

La question des personnes portées disparues revêt une dimension humanitaire et touche les deux parties de l'île, les Chypriotes grecs et les Chypriotes turcs, a par ailleurs souligné la délégation.  Toutes les personnes concernées s'efforcent de travailler de concert à la résolution de cette question, a-t-elle ajouté.  Rappelant que près de 1600 Chypriotes grecs et plus de 500 Chypriotes turcs sont encore portés disparus, la délégation a souligné que certaines affaires ont été résolues et que certaines sont encore en cours d'examen; les autorités ne ménagent aucun effort pour retrouver les personnes portées disparues, a-t-elle assuré.  Le comité chargé de faire la lumière sur tous ces cas de disparitions se heurte à un grand nombre d'obstacles, mais les autorités de Chypre ont ouvert toutes leurs archives afin que ce comité puisse y accéder, a poursuivi la délégation, avant d'exhorter les autorités turques à ouvrir elles aussi leurs archives, notamment celles de leur armée.

Suite à l'invasion turque de 1974 et l'occupation subséquente d'un tiers du territoire de l'île, Chypre compte la plus forte proportion de population déplacée au monde, a rappelé la délégation.

La délégation a rappelé que les pourparlers de paix avaient repris début 2014 et a souligné que toute solution négociée du problème devra permettre de rétablir les droits de l'homme de tous.  Les femmes participent activement aux pourparlers de paix et ce, depuis le tout début des pourparlers.

Par la suite, la délégation a dénoncé la violation de la zone économique exclusive (ZEE) de Chypre par la Turquie qui a envoyé des vaisseaux militaires dans la région, soulignant que cette violation a amené le Président de la République de Chypre à interrompre sa participation aux négociations.

En ce qui concerne les allégations d'actes à connotation raciste dont seraient victimes des Chypriotes turcs dans la zone se trouvant sous contrôle de la République de Chypre, la délégation a indiqué que le nombre d'incidents signalés chaque année a diminué; en outre, pour l'essentiel, ces actes prennent la forme d'actes de vandalisme sur des véhicules, a précisé la délégation.  Certes, tout incident est un incident de trop, a-t-elle reconnu; mais si l'on tient compte du fait que pour la seule année 2013, près de 900 000 Chypriotes turcs sont passés - dans environ 300 000 véhicules - dans la zone contrôlée par la République de Chypre, ce phénomène, aussi déplorable soit-il, peut être qualifié de très rare et ne mérite pas que l'on s'alarme.  Cela n'empêche pas que l'objectif des autorités de la République de Chypre reste naturellement d'éradiquer totalement de tels cas.

S'agissant des passages de véhicules par la «ligne verte» et de la problématique de la reconnaissance des permis de conduire, la délégation a indiqué que la République de Chypre applique en la matière le règlement de la «ligne verte» et la législation pertinente de l'Union européenne; elle demande à toute personne souhaitant passer cette «ligne» d'avoir un permis répondant aux exigences de l'Union européenne. 

La délégation a attiré l'attention sur les tentatives menées dans le nord de l'île de modifier la toponymie telle que reconnue au niveau international; de telles tentatives constituent une ingérence dans les affaires internes d'un État de l'Union européenne et sont contraires aux résolutions pertinentes des Nations Unies.  Tous les noms géographiques officiels de la République de Chypre ont été soumis aux Nations Unies, a rappelé la délégation.

S'agissant de la participation des Chypriotes turcs, la délégation a déclaré que si Chypre ne compte effectivement aucun juge d'origine turque, il convient de rappeler qu'au départ, au moment de l'adoption de la Constitution de Chypre, les Chypriotes turcs comme les Chypriotes grecs se retrouvaient dans les trois branches du pouvoir; mais par la suite, la communauté turque s'est retirée, a rappelé la délégation.  La police compte en son sein des Chypriotes turcs, a par la suite souligné la délégation.

Toutes les mosquées sont contrôlées par la communauté musulmane, a indiqué la délégation.

Pour ce qui est de l'objection de conscience, la délégation a indiqué que la durée du service civil est de 33 mois contre 24 mois pour le service armé, plus onéreux.  Pour l'heure, aucune plainte n'a été présentée auprès du médiateur ou des tribunaux contre des décisions ayant été prises autour de ces questions, a fait valoir la délégation.

Pour l'octroi de la nationalité, les critères sont clairement énoncés dans la législation, a assuré la délégation.  À cet égard, la nationalité du parent étranger n'est absolument pas un critère à prendre en compte aux fins de l'octroi de la nationalité, a précisé la délégation; en revanche, le parent étranger doit résider sur l'île, ce qui place Chypriotes grecs et Chypriotes turcs sur un pied d'égalité de ce point de vue.

La procédure permettant d'examiner les plaintes pour torture est définie par la législation interne, laquelle prévoit que le plaignant doit consulter un médecin, a par ailleurs indiqué la délégation.  Nul requérant d'asile ne sera renvoyé vers un pays dans lequel il encourt un risque d'être torturé, conformément au principe de non-refoulement.  Tout demandeur d'asile peut bénéficier d'une aide juridictionnelle en première et en seconde instance, a en outre fait valoir la délégation.

En ce qui concerne la justice pour mineurs, la délégation a exposé le projet de nouvelle législation qui a été élaboré dans ce domaine et qui reprend les directives du Conseil de l'Europe en la matière.  Dans ce projet, est d'abord abordée la question de la prévention, puis celle des enfants de plus de 14 ans en conflit avec la loi et de leur traitement par des comités ou des spécialistes pluridisciplinaires (psychologues, pédagogues, juristes..).  L'objectif est de sortir les délinquants juvéniles du système judiciaire en leur proposant des mesures alternatives, tout en maintenant, dans des cas exceptionnels, la possibilité d'un renvoi devant un tribunal, a expliqué la délégation.  Il est envisagé de doter le pays de tribunaux adaptés, c'est-à-dire spécialisés pour enfants, a-t-elle ajouté.

Pour l'heure, Chypre ne dispose pas de centres pour mineurs, mais les délinquants mineurs qui sont détenus le sont dans des unités distinctes et séparées de celles où sont détenus les adultes.

La législation en vigueur permet aux victimes de la traite de personnes de rester à Chypre, pour des raisons humanitaires, plutôt que d'être renvoyées dans leur pays, a en outre fait valoir la délégation.  Elle a rappelé que les requérants d'asile peuvent eux aussi être victimes de ce phénomène de la traite.  Aussi, les autorités chargées de l'octroi du statut d'asile sont-elles dûment formées afin de mieux détecter et gérer les cas susceptibles de requérir des mesures de protection internationale, a insisté la délégation.

La délégation a par ailleurs indiqué que les autorités de la République de Chypre sont en train d'envisager une révision de la loi actuellement en vigueur afin de permettre aux travailleurs domestiques de changer d'employeur; une décision concernant ce nouveau projet de loi devrait intervenir dans les deux mois à venir, a-t-elle précisé.

Conclusion

Le Président du Comité, M. FABIÁN OMAR SALVIOLI, a salué le dialogue riche et fructueux entre les membres du Comité et la délégation chypriote.  Il a relevé que les échanges pour une large part porté sur un principe fondamental des droits de l'homme, à savoir le principe de non-discrimination, dont le respect est une obligation pour tous les États.  Dans ses observations finales, le Comité pourrait demander au pays d'approfondir son travail et d'aller plus loin dans l'application du principe de non-discrimination, a insisté M. Salvioli.  Il pourrait par ailleurs être envisagé d'étendre le mandat du comité chargé des disparitions forcées.  Quant aux personnes détenues, il convient de rappeler que l'État à une grande responsabilité en ce qui concerne la protection des droits de toutes les personnes privées de liberté, a ajouté M. Salvioli.  Des garanties doivent également être accordées aux personnes rendues vulnérables en raison des migrations, a ajouté le Président du Comité.

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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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