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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité des droits de l'enfant examine le rapport de l' Éthiopie

22 mai 2015

22 mai 2015

Le Comité des droits de l'enfant a examiné aujourd'hui le rapport présenté par l'Éthiopie au titre de la Convention relative aux droits de l'enfant.

Le rapport a été présenté par la Ministre éthiopienne des affaires féminines, de la jeunesse et de l'enfance, qui a souligné que des progrès importants avaient été accomplis par son pays dans la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement, s'agissant notamment de la réduction du taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans, de l'éducation, de la santé et de la pauvreté en général. Parmi les progrès enregistrés figure le taux de scolarisation qui atteint les 100% au niveau primaire. Les châtiments corporels sont interdits dans les institutions, les autorités s'efforçant, par des campagnes de sensibilisation, à amener la population à abandonner cette pratique. Des efforts sont aussi accomplis pour combattre la violence envers les femmes et les filles. Le Gouvernement a adopté un Plan d'action et une Stratégie nationale pour l'élimination des pratiques traditionnelles néfastes, au premier rang desquelles figurent les mutilations génitales féminines. Ces initiatives ont permis une diminution de la prévalence des mutilations, des enlèvements pour mariage forcé et des mariages précoces. L'abandon d'enfants constituant un autre défi, des efforts sont en cours afin d'améliorer le niveau de vie des plus pauvres au travers du Programme national de réduction de la pauvreté, qui a permis de ramener le taux global de pauvreté à 26% contre près de 30% précédemment. Enfin, la délégation a indiqué que la prise en charge des orphelins en Éthiopie était désormais largement privilégiée par rapport à l'adoption internationale.

L'importante délégation de l'Éthiopie était également composée de M. Almaw Mengist Ambaye, secrétaire d'État au Ministère des affaires féminines, de la jeunesse et de l'enfance, ainsi que de hauts-fonctionnaires du même ministère, de représentants des ministères de l'éducation, de la justice, de la santé. M. Negash Kebret Botora, Représentant permanent de l'Éthiopie aux Nations Unies à Genève, participait aussi à l'examen. La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, des mutilations génitales féminines, de la mortalité infantile, du nombre très important des orphelins et des enfants des rues, ainsi que sur d'apparentes restrictions à la liberté d'expression et de rassemblement à la suite de la répression sanglante de manifestations étudiantes l'an dernier à Addis Abeba. La délégation a démenti tout usage excessif de la force lors de ces événements qu'elle a qualifié de coup de force terroriste ayant peu à voir avec des revendications étudiantes légitimes. Quant aux pratiques traditionnelles néfastes, celles-ci sont en net recul, les autorités espérant qu'il y serait mis un terme d'ici 2025, voire avant. La délégation a estimé que les actions de sensibilisation importaient plus que les sanctions, tout en assurant que des condamnations pour excision étaient prononcées par les tribunaux.

M. Hatem Kotrane, l'un des trois rapporteurs du Comité pour l'examen des rapports de l'Éthiopie, s'est demandé si l'intérêt supérieur de l'enfant était pleinement pris en compte par les magistrats. Les enfants sont-ils suffisamment entendus lorsqu'ils sont directement concernés, a-t-il demandé. Le Comité reste préoccupé par le nombre élevé d'enfants privés de milieu familial et par une apparente absence stratégie nationale cohérente à cet égard. M. Bernard Gastaud, également rapporteur, a déploré l'absence d'informations sur le Parlement des enfants et son mode de sélection, ainsi que sur ses prérogatives. Il semble que toutes les formes d'opinion critiques à l'égard des autorités ne soient guère tolérées, a-t-il constaté, s'inquiétant de la surveillance qui pèserait sur les associations. Il a par ailleurs dit avoir le sentiment que le phénomène des enfants des rues était sous-estimé, demandant quelles mesures préventives étaient prises pour dissuader les enfants de fuir leur famille. Enfin, Mme Hynd Ayoubi Idrissi s'est préoccupée de la question des mariages d'enfants, notamment dans le monde rural et dans les camps de réfugiés. Elle a aussi porté son attention sur la question de l'enregistrement des naissances, encore très bas. Par ailleurs, elle a constaté que les châtiments corporels étaient encore admis au sein de la famille et s'est demandé ce qui était fait concrètement pour y mettre un terme. Elle a souhaité savoir si des mesures étaient prises pour lutter contre les violences et les abus sexuels, particulièrement le harcèlement sexuel des filles dans les écoles.

Le Comité adoptera des observations finales sur le rapport de l'Éthiopie dans le cadre de séances privées qui se tiendront avant la clôture de la session, le 5 juin prochain.

Les prochaines réunions publiques du Comité se tiendront mercredi, pour examiner, dans la salle du premier étage du Palais Wilson, le rapport présenté par les Pays-Bas au titre de la Convention (CRC/C/NLD/4), ainsi que celui au titre du Protocole facultatif relatif à l'implication des enfants dans les conflits armés (CRC/C/OPAC/NLD/1). Il examinera les rapports présentés par la République démocratique populaire lao en vertu des deux Protocoles facultatifs (CRC/C/OPAC/LAO/1 et CRC/C/OPSC/LAO/1) dans la salle du rez-de-chaussée du Palais Wilson.

Présentation du rapport de l'Éthiopie

Le Comité est saisi rapport de l'Éthiopie (CRC/C/ETH/4-5), ainsi que de ses réponses (CRC/C/ETH/Q/4-5/Add.1) à la liste de points à traiter que lui a adressée le Comité (CRC/C/ETH/Q/4-5).

MME ZENEBU TADESSE, Ministre des affaires féminines, de la jeunesse et de l'enfance de l'Éthiopie, a indiqué que le rapport sur la mise en œuvre de la Convention ne saurait être envisagé isolément des progrès accomplis dans la large gamme des activités politiques et socio-économiques du pays. Elle a ainsi souligné qu'après-demain 34 millions d'Éthiopiens étaient appelés aux urnes dans le cadre d'élections nationales et régionales, événement qui illustre le plein exercice de ses droits civils et politiques par la population. Elle a souligné que l'Éthiopie avait parcouru une longue route ces vingt-quatre dernières années, depuis le changement de l'ordre politique à Addis Abeba qui a vu souffler le vent de la démocratie et du changement sur le pays. Mme Tadesse est heureuse de constater que l'Éthiopie figurait parmi les économies non pétrolières à croissance rapide. L'Éthiopie s'attend à figurer dans le groupe des pays à revenu intermédiaire d'ici 2025. Des progrès importants ont été accomplis dans la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement, s'agissant notamment de la réduction du taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans, de l'éducation, de la santé et de la pauvreté en général. C'est là le résultat de politiques gouvernementales adéquates, a-t-elle souligné.

La ministre a expliqué que la Constitution garantissait les droits et libertés des enfants. Parmi les progrès enregistrés figure le taux de scolarisation qui atteint les 100% au niveau primaire, 39% pour la première partie du secondaire, 10% pour la seconde. Un troisième Plan national d'action de l'enfance est en cours d'élaboration pour la période 2015-2020. Des services chargés de l'enfance ont été mises en place dans tous les ministères et institutions pertinentes. L'Agence centrale des statistiques a créé un système national d'enregistrement des naissances.

Après avoir énuméré les derniers instruments internationaux ratifiés par son pays, dont la Convention sur les droits des personnes handicapées, la ministre a assuré que les libertés d'expression, d'association et de rassemblement étaient garantis par la Constitution. Les châtiments corporels sont interdits dans les institutions, les autorités s'efforçant, par des campagnes de sensibilisation, à amener la population à en finir avec cette pratique. Des efforts sont aussi accomplis pour combattre la violence envers les femmes et les filles, des services spéciaux du parquet étant chargés de poursuivre les contrevenants. Les centres d'aide juridique mis sur pied par la Commission des droits de l'homme jouent un rôle central à cet égard, notamment en matière d'aide aux victimes.

L'Alliance nationale pour l'abolition du mariage des enfants est animée par des représentants des ministères de la justice, de la santé et de l'intérieur. Le Gouvernement a adopté un plan d'action et une stratégie nationale pour l'élimination des pratiques traditionnelles néfastes, au premier rang desquelles figurent les mutilations génitales féminines, des mesures qui sont mises en œuvre dans chacun des États fédérés. Celles-ci ont permis une diminution de la prévalence des mutilations qui est passée de 74% en 2005 à 23% en 2010; quant aux enlèvements pour mariage forcé, ils sont passés de 23% en 1997 à près de 13% en 2010. Les mariages précoces n'atteignent plus que 8% contre 33% précédemment.

L'abandon des enfants constituant également un défi, les autorités ont mis en place des lignes directrices nationales pour la promotion de la prise en charge au sein de la famille et de la communauté, ainsi que des services de soutien en faveur des orphelins et des mineurs vulnérables. Les autorités collaborent avec les organisations de la société civile et les communautés pour faciliter le soutien technique des services fournis. Des programmes de réunification visent à réunir les enfants à leurs parents, lorsque cela est possible, faute de quoi, d'autres solutions sont envisagées, notamment l'adoption. Ces quatre dernières années, près de cinq millions d'enfants ont bénéficié des services alternatifs en provenance de la communauté.

Pour aller à la racine du problème de l'abandon d'enfant, des efforts sont en cours afin de hausser le niveau de vie des plus pauvres, au travers du Programme national de réduction de la pauvreté, tant dans les zones urbaines que rurales. Celui-ci a permis de ramener le taux global de pauvreté à 26% contre 29,6% précédemment. L'insécurité alimentaire est passée quant à elle d'un taux de 33,6% à 31,8%. Par ailleurs, l'Éthiopie a atteint l'objectifs du Millénaire pour le développement numéro quatre visant à réduire de deux tiers la mortalité infantile, notamment grâce à la vaccination. Elle est passée de 204 pour 1000 en 1990 à 64 pour 1000 aujourd'hui.

La priorité gouvernementale va aussi à l'éducation pour tous, en visant un enseignement de qualité. C'est une véritable «armée du développement» qui a été mobilisée avec pour résultat de ramener dans les enceintes scolaires près de deux millions d'enfants qui ne les fréquentaient pas. Les associations parents-enseignants-élèves s'efforcent de repérer les enfants qui n'ont pas été à l'école l'année précédente ou qui l'ont abandonnée. La Politique de protection sociale s'attelle à identifier les enfants des rues, la lutte contre le trafic d'êtres humains figurant par ailleurs dans les autres priorités de l'État. Quant aux inspecteurs du travail, ils doivent s'assurer qu'aucun enfant n'est employé de manière illicite.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. HATEM KOTRANE, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Éthiopie, a salué la ratification par l'État partie de nombreux instruments internationaux, y compris les deux Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l'enfant. Il s'est toutefois interrogé sur la réticence apparente de l'Éthiopie à ratifier un certain nombre d'instruments. Il a déploré par ailleurs des lacunes dans la tenue de données ventilées. Il a fait part de sa préoccupation quant aux discriminations envers les filles ou les personnes handicapées. Quant au principe de l'intérêt supérieur de l'enfant, il ne s'est pas dit convaincu que celui-ci était pleinement pris en compte, en particulier par les tribunaux éthiopiens. Les enfants sont-ils suffisamment entendus, lorsqu'ils sont directement concernés, notamment par les juges?

Par ailleurs, le Comité reste préoccupé par le nombre élevé d'enfants privés de milieu familial et par l'absence de stratégie nationale et d'un plan d'action mettant l'accent sur la famille alternative et les options communautaires. Tout en se félicitant de l'élaboration d'un plan national d'action pour l'élimination des pires formes de travail des enfants, M. Kotrane s'est notamment inquiété de la situation des enfants employés comme domestiques et du nombre d'enfants des rues. Il s'est aussi félicité de la mise en place de tribunaux spécialisés pour mineurs, d'unités de protection et de l'adoption d'une politique nationale de justice pénale mais a regretté que l'âge de responsabilité pénale demeure fixé à 9 ans. Il a enfin fait part de la préoccupation des membres du Comité face à la traite des enfants, regrettant l'absence d'un cadre juridique suffisant pour lutter contre le trafic de mineurs.

M. BERNARD GASTAUD, corapporteur pour l'examen du rapport de l'Éthiopie, s'est félicité de la volonté réelle d'œuvrer à la résolution des problèmes, ainsi que la réalité des progrès obtenus. Toutefois, les résultats sont souvent modestes face à l'ampleur des efforts menés, ceux-ci manquant peut-être de cohérence, a-t-il affirmé. La loi de 2012 prévoit l'enregistrement des naissances et manifestement des résultats ont été obtenus, dans la capitale et dans les villes. En revanche, cela ne semble pas être le cas dans les campagnes. Les autorités envisagent-t-elles de réévaluer leur action dans ce domaine pour y remédier?

M. Gastaud a déploré l'absence d'informations sur le Parlement des enfants et son mode de sélection, ainsi que sur ses prérogatives. Il semble que toutes les formes d'opinion critiques à l'égard des autorités ne semblent guère acceptées, a-t-il dit, s'inquiétant de la surveillance des associations, sans parler de la sévère répression de manifestations étudiantes l'an dernier qui ont fait des victimes. Il semble qu'aucune enquête sérieuse n'ait été menée, a-t-il dit. Par ailleurs, M. Gastaud s'est inquiété de violences inter-religieuses, s'interrogeant sur la neutralité réelle de l'État dans ces conflits. Il a aussi dénoncé des arrestations arbitraires et demandé si les autorités comptaient revoir les restrictions à la liberté d'expression.

Le corapporteur a rappelé que la malnutrition demeurait un fléau en Éthiopie, provoquant notamment le noma, et il a demandé s'il était envisagé de former davantage de professionnels pour y faire face. Il a demandé par ailleurs quelles étaient les mesures prises contre les grossesses précoces et l'abandon scolaire qu'elles induisent. Quel bilan a-t-il été tiré du plan d'action contre le VIH/sida? L'expert a aussi déploré un manque de promotion de l'allaitement maternel. Il a demandé à la délégation de préciser sa notion d'école «inclusive» pour intégrer les enfants handicapés. Ceux-ci ont-ils été recensés sur l'ensemble du territoire? Si le droit à l'éducation est inscrit dans la Constitution, il n'existe pas de loi générale le garantissant. L'éducation de la petite enfance n'est pas suffisamment prise en considération, particulièrement en zone rurale. Il a énuméré des lacunes telles qu'une formation des enseignants médiocre, des écoles sous-équipées, l'existence de frais scolaires indirects. M. Gastaud a demandé à avoir des précisions sur l'enseignement des langues minoritaires. Il a dit enfin avoir le sentiment que le phénomène des enfants des rues était sous-estimé : quelles mesures préventives sont-elles prises pour dissuader les enfants de fuir leur famille?

MME HYND AYOUBI IDRISSI, également corapporteuse pour le rapport de l'Éthiopie, a relevé que l'Éthiopie disposait d'une Commission nationale des droits de l'homme et a demandé si les autorités avaient pris des mesures pour une meilleure conformité avec les principes de Paris et relever ainsi le statut de l'accréditation de la Commission. Elle a noté que la Commission avait été saisie de plaintes pour violation des droits de l'enfant, déposées souvent par la famille, et a souhaité en savoir plus à ce sujet, notamment quant à la nature des plaintes et les suites qui y ont été données. Elle a demandé si l'État partie avait l'intention de mettre en place un mécanisme de suivi et de recours indépendant spécifiquement dédié aux enfants. Mme Idrissi a demandé par ailleurs si la Convention avait été traduite dans toutes les langues du pays. Des mesures ont-elles été prises pour la diffuser et la rendre accessible aux handicapés, aveugles compris?

La corapporteuse a aussi demandé quelles mesures avaient été prises pour lutter contre le mariage des enfants, notamment dans le monde rural et dans les camps de réfugiés. L'Éthiopie a-t-elle pris des mesures pour garantir l'enregistrement des naissances, qui est encore très bas? Par ailleurs, elle a constaté que les châtiments corporels étaient encore admis au sein des familles et s'est demandé ce qui était fait concrètement pour y mettre un terme. Elle a demandé à la délégation d'informer le Comité des mesures prises pour lutter contre la violence et l'exploitation sexuelle des enfants, particulièrement le harcèlement sexuel dans les écoles. Elle a ainsi noté que les filles semblaient en être particulièrement victimes au sein même de l'école où elles seraient sollicitées pour des faveurs sexuelles en échange de meilleures notes. Elle a enfin demandé quelles mesures avaient été prises pour rendre effective l'interdiction des mutilations génitales féminines, encore pratiquées et peu dénoncées. Y a-t-il eu des poursuites et des condamnations? La prostitution des enfants s'explique comme partout par la pauvreté, par la fuite face à la menace du mariage forcé, a-t-elle dit. Mais, il existe aussi un phénomène de vente d'enfants aux fins de prostitution, a-t-elle ajouté. Le Gouvernement envisage-t-il de s'attaquer à ces phénomènes en les étudiants de plus près? Combien d'enfants ont-ils pu être sauvés de la prostitution et réinsérés? Combien d'entre eux ont bénéficié d'un soutien psychologique?

Parmi les autres membres du Comité, la Présidente a demandé ce qu'il était advenu aux mineurs emprisonnés après les troubles de 2014? Un autre expert a demandé des éclaircissements sur les restrictions à la liberté d'expression. Il a souhaité savoir par ailleurs quel accès les enfants avaient à Internet, si les autorités en restreignaient l'accès et si elles veillaient à surveiller la présence d'éventuels prédateurs sexuels.

Une experte est revenue sur la question de l'élimination des pratiques préjudiciables aux enfants, se félicitant des mesures annoncées, tout en souhaitant un complément d'information sur l'efficacité des mesures prises, s'agissant notamment de la lutte contre les mutilations génitales féminines. Une autre experte s'est inquiétée des restrictions considérables imposées au fonctionnement des organisations non gouvernementales. Par ailleurs, selon un autre membre du Comité, il semble que la Convention n'ait pas été traduite dans toutes les langues du pays. Selon certaines informations, les affaires de violences sexuelles exigeaient la déposition de deux témoins, ce qui est pratiquement impossible, selon l'expert. Faisant état de son expérience de juge, il a en effet affirmé qu'il n'y avait pratiquement jamais de témoins dans ce type d'affaires.

Une experte a souligné que l'adoption était un grand défi, se félicitant que l'Éthiopie envisage d'adopter la Convention de La Haye. Elle s'est étonnée qu'un enfant puisse être adopté dès sa conception. Même si une garantie existe théoriquement avec la possibilité pour la mère de changer d'avis six mois après l'accouchement, cela reste probablement théorique, selon elle. Il s'agit d'un feu vert aux agences d'adoption, a-t-elle dit. L'Éthiopie envisage-t-elle de revoir cette disposition?

Un autre expert s'est interrogé sur la grande disparité des statistiques concernant les personnes handicapées fournies par l'État partie et celles d'organismes tels que l'Organisation mondiale de la santé, qui donnent des chiffres beaucoup plus élevés.

Un membre du Comité s'est interrogé sur le soutien psychologique éventuellement fourni aux jeunes filles victimes d'agressions sexuelles en milieu scolaire, soulignant qu'en absence de soins, il était fort probable qu'elles abandonnent l'école.

Une experte a soulevé le problème du mariage par enlèvement, accompagné parfois d'un viol afin d'ôter toute «valeur» à la jeune fille et contraindre la famille à accepter les épousailles. Quelles mesures l'État partie prend-il pour réprimer ce crime? Une autre experte a posé une série de questions sur l'allaitement, sur l'accouchement par césarienne et sur les fistules obstétricales, souhaitant savoir quelles étaient les appuis fournis par les services de santé pour permettre aux femmes concernées de bénéficier des meilleurs soins et soutiens possibles.

Réponses de la délégation

La délégation a évoqué un certain nombre d'instruments internationaux auxquels son pays serait susceptible d'adhérer, indiquant que l'examen de la Convention des travailleurs migrants était en cours et qu'elle pourrait être ratifiée dans les deux années à venir. Par ailleurs, l'Éthiopie prépare un texte intégrant la Convention de La Haye sur l'adoption internationale.

L'Éthiopie n'exclut pas de rédiger à terme une loi générale, un code de l'enfance, en s'inspirant du droit international mais il estime que, d'ores et déjà, les droits des enfants sont suffisamment protégés dans sa législation. Les magistrats bénéficient de formation aux conventions internationales, leurs connaissances en la matière demeurant lacunaire. La Convention est insuffisamment invoquée par les tribunaux, a concédé la délégation, en réponse à une question sur le nombre d'affaires qui auraient donné lieu à l'invocation de celle-ci. À la question de savoir si les conventions internationales étaient supérieures au droit interne, la délégation a répondu que les instruments internationaux faisaient partie intégrante du cadre juridique interne. Ils peuvent être invoqués directement par un tribunal, sous réserve de l'adoption d'une clause d'habilitation. La délégation a reconnu un vide juridique s'agissant de l'absence d'enregistrement des enfants de réfugiés.

S'agissant des manifestations d'étudiants mentionnées par des membres du Comité, la délégation a affirmé que ces rassemblements n'avaient rien de pacifique, organisés qu'ils étaient par des terroristes manipulant les étudiants. Elles ont donné lieu à des meurtres et pillages commis par ces soi-disant manifestants. Elle a démenti qu'un seul enfant ait été tué, même s'il y a bien eu des décès. À la question d'un expert sur la nécessité de mener une enquête indépendante, il a été indiqué que l'enquête des autorités avait établi qu'il n'y avait pas eu usage excessif de la force. Une telle enquête indépendante n'est donc pas utile. Il s'agissait de sauver des vies face à des menées de nature terroriste.

En ce qui concerne des tensions religieuses évoquées par un expert, il s'est agi là aussi de menées terroristes, islamistes en l'espèce, de la part d'un groupuscule partisan d'un État théocratique. L'État éthiopien, laïc, y a mis bon ordre et des actions en justice sont en cours. S'agissant d'une manière générale de la lutte antiterroriste, il n'est pas envisagé de l'amender. Les chefs d'accusation sont fondés, étant analogues aux lois adoptées en Occident dans ce domaine.

Un expert s'étant étonné de la qualification de «terroristes» s'agissant d'étudiants ou de membres de communautés religieuses, le représentant permanent de l'Éthiopie a déploré «une polémique non souhaitée par la délégation». Il a estimé que les manifestants avaient certainement été influencés sur le plan idéologique, ce qui, de toute façon, est inacceptable. Il a rappelé que c'était désormais à la justice de se prononcer, ajoutant qu'il prenait note des préoccupations des membres du Comité.

La délégation a déclaré que la Commission des droits de l'homme s'était efforcée de se conformer aux Principes de Paris en publiant un rapport exhaustif pour les cinq dernières années. Ayant actuellement le statut B, elle compte demander à bénéficier du statut A. Elle dispose d'un organe chargé des plaintes, qui dispose d'une ligne téléphonique gratuite et d'un site Internet. À la question de savoir si la Commission s'était déjà autosaisie par le passé, la délégation a répondu qu'elle enquêtait sur tout incident porté à sa connaissance.

Les organisations non gouvernementales, qu'elles soient internationales ou nationales, doivent être légalement inscrites et transparentes quant à l'origine de leurs fonds a poursuivi la délégation. Une experte ayant dit disposer d'informations, selon lesquelles elles ne sont pas libres d'intervenir dans le domaine des droits de l'homme et des droits de l'enfant en particulier. La délégation a répondu que la loi n'édictait aucune restriction en la matière. L'inscription légale mentionne le domaine d'activité de l'ONG. Les ONG, qui sont aujourd'hui plus de 9000 contre moins de 3000 avant l'adoption de la loi les réglementant, peuvent avoir des activités à l'appui du Gouvernement et du peuple éthiopiens, dans le domaine social notamment.

Le taux de pauvreté en Éthiopie est de 26%, une proportion qui devait prochainement passer à 24% en tenant compte des données les plus récentes, est à la racine des pratiques traditionnelles préjudiciables. Celles-ci sont en recul net, les autorités espérant qu'il y sera mis un terme d'ici 2025. Le dialogue communautaire, avec les chefs religieux, les chefs de clan, les exciseuses, avec la participation des travailleurs de la santé, permettraient de faire évoluer les mentalités. En ce qui concerne les peines infligées pour les mutilations, elles atteignent entre un et quatre ans, la délégation estimant que les actions de sensibilisation importaient plus que les sanctions. À la question de savoir si l'on pouvait mesurer l'impact des mesures prises contre les mutilations, la délégation a rappelé que l'on était passé de 74% à 23% entre 2005 et 2014. La délégation n'a pas été en mesure de donner des chiffres globaux sur le nombre de condamnations pour avoir effectué des mutilations génitales féminines, se limitant à indiquer que 14 personnes avaient été reconnues coupables dernièrement dans le Sud du pays.

Répondant à des questions sur les mariages précoces et forcés, la délégation a rappelé qu'ils sont très enracinés dans la culture locale. Les associations et clubs scolaires jouent un rôle crucial pour informer les enseignants qui peuvent à leur tour tenter de faire fléchir les parents qui envisagent de marier leur enfant. Une experte ayant demandé ce qui justifiait la date butoir de 2025 pour interdire les mariages forcés et pour quelle raison on n'avait pas envisagé un terme plus rapproché, la ministre a répondu que l'on pouvait s'attendre à y parvenir avant cette date.

La présence de réfugiés n'est pas un phénomène nouveau pour l'Éthiopie, qui se targue d'être une terre hospitalière depuis des temps immémoriaux, a observé la délégation. Elle a ainsi rappelé qu'en 680, le prophète Mahomet avait appelé ses fidèles à se réfugier en Éthiopie. À l'heure actuelle, 660 000 personnes venues du Soudan et du Soudan du Sud, de la Somalie et du Kenya ont trouvé refuge en Éthiopie, la grande majorité étant des enfants. La Convention a été intégrée aux programmes scolaires, les enfants réfugiés pouvant fréquenter les écoles du lieu où ils se trouvent. Il s'agit surtout de leur apprendre un métier, outre une formation aux droits de l'homme. Il s'agit d'une aide généreuse de la part de l'Éthiopie qui fait le choix de partager ses maigres ressources.

La délégation a par la suite démenti toute discrimination envers les réfugiés. Il n'y a aucune différence de traitement avec les communautés locales. Leur sécurité est assurée par les forces de sécurité éthiopiennes alors que les réfugiés du Soudan du Sud demeurent sous une menace constante y compris dans les camps. Il a expliqué qu'il s'agissait d'une solidarité, d'une compassion, d'un amour pour autrui qui va d'autant plus de soi que des deux côtés de la frontière vit un même peuple. Il faut essayer de comprendre l'Éthiopie, a-t-il lancé en direction des membres du Comité, rappelant que pas moins 800 000 personnes avaient trouvé refuge sur son territoire. À cela s'ajoutent les difficultés actuelles des Éthiopiens émigrés dans des pays en crise, au Yémen notamment.

En ce qui concerne les efforts pour faire connaître la Convention, la délégation a fait valoir qu'elle avait été traduite dans cinq langues vernaculaires représentant environ 80% de la population. Elle est également disponible sur Internet, en braille, sa diffusion pour les non-voyants méritant d'être élargie.

La délégation a affirmé que les juges étaient incités à éviter d'incarcérer des jeunes délinquants. À l'heure actuelle, il n'y a d'ailleurs aucun mineur de moins de quinze ans en prison en Éthiopie. Si les plus de 15 ans sont jugés en tant qu'adultes, des circonstances atténuantes peuvent être invoquées et aucune condamnation à mort ne peut être prononcée avant l'âge de 18 ans.

Tout enfant en situation d'adoption âgé de plus de dix ans doit être consulté quant au choix qui lui est proposé.

La police de terrain est sensibilisée à la détection des victimes d'abus sexuels. Toute plainte pour violence doit conduire à l'ouverture d'une enquête. Un appui psychologique doit être fourni et les juges pour enfants ont tous été formés à cet effet. En réponse à une question, la délégation a démenti qu'il faille deux témoins dans les cas de plainte pour agression sexuelle.

Bien qu'elle soit censée être la règle l'absence de séparation adultes-enfants dans les prisons est loin d'être toujours respectée, par manque de moyens essentiellement. Il s'agit d'un engagement très ferme du Gouvernement qui est limité par des incidences budgétaires évidentes. La délégation a bon espoir que cet objectif serait atteint dans un avenir pas trop lointain.

La liberté d'expression des enfants s'exprime notamment par la voix des mineurs dans l'enceinte du Parlement des enfants. L'âge limite pour être élu est de 16 ans, la durée du mandat étant de deux ans. Celui-ci comprend des enfants handicapés.

En matière de lutte contre la pauvreté, les pouvoirs publics s'efforcent de favoriser des conditions matérielles optimales aux familles pauvres, sous forme de microcrédit notamment et d'accès au marché. Malgré ces efforts, il existe toujours des enfants qui ne vivent pas avec leur famille. En matière de protection «de remplacement», l'action publique vise à la prise en charge locale afin d'éviter l'adoption internationale. Pour ce faire un recensement des enfants vulnérables - orphelins et parfois chefs de famille de fait - est effectué au niveau du quartier. Une aide est fournie, sous forme alimentaire en particulier. On est ainsi passé de 3 000 adoptions locales à plus de 10 000 en trois ans contre quelque 400 seulement pour ce qui concerne les adoptions internationales.

L'éducation est gratuite depuis 1994, sans aucun frais d'inscription, a assuré la délégation, en réponse à plusieurs questions sur d'éventuels coûts qui demeureraient à la charge des familles. Le taux d'inscription est passé ainsi en vingt-cinq ans de 32% à plus de 92%. On ne peut refuser à aucun enfant l'accès à l'école et l'éducation pour tous est par conséquent une réalité, selon la délégation. L'instruction primaire se fait dans 44 langues locales. Sur le plan pédagogique, la tendance est à la promotion de l'éducation inclusive. Le taux d'illettrisme global est de 64%. S'agissant des disparités en matière de statistiques par rapport à celles de l'Organisation mondiale de la santé, évoquées par un expert, la délégation s'est engagée à se pencher sur le problème et à apporter une réponse au Comité. S'agissant plus spécifiquement des personnes handicapées, la délégation estime que ces différences pourraient s'expliquer par des différences dans la définition même du handicap.

Pour ce qui a trait à la violence à l'école, les enseignants, comme les élèves, ont l'interdiction absolue d'exercer la moindre coercition physique. Les professeurs sont passibles d'un licenciement s'ils ne respectent pas cette interdiction. Cela inclut aussi évidemment les exactions sexuelles.

La délégation a indiqué que 11% des dépenses de santé sont consacrées aux enfants. La prévalence du VIH/sida chez les adultes est de 1,2%. Pour éviter la transmission «verticale», de la mère au nourrisson, des traitements antirétroviraux sont administrés de manière grandissante. La prévention des fistules implique une prise en charge dans des établissements spécialisés, du porte à porte étant effectué pour identifier les femmes souffrant de cette pathologie. Une stratégie a été développée en matière de santé mentale pour les enfants afin de fournir des soins gratuits.

Même si elle a été réduite, la malnutrition demeure un problème important: elle est passée de 28 à 25%. On sait par ailleurs qu'une part importante des décès de nouveau-nés est due à la malnutrition. Cinquante-deux pour cent des nourrissons seraient allaités au sein. Des campagnes visent à aller contre le préjugé populaire selon lequel le lait maternel n'est pas suffisamment nourrissant. Les taux d'allaitement exclusif ont tendance à augmenter.

Les autorités s'efforcent de réunir les victimes de la traite de leur famille. Cent vingt stages de formation ont été effectués au profit de magistrats l'an dernier pour les sensibiliser à la question de la traite. Par ailleurs, plus de 36 000 enfants ont été concernés par des actions de réunification familiale, 13 000 enfants des rues bénéficiant par ailleurs d'actions d'apprentissage professionnel.

Conclusions

Le rapporteur pour le rapport de l'Éthiopie, M. GASTAUD, s'est félicité des informations actualisées et abondantes fournies, ainsi que des engagements faits. Il a souhaité que les recommandations à venir du Comité aident l'Éthiopie à élaborer sa politique de l'enfance.

MME TADESSE s'est dite encouragée par les échanges de la journée, jugeant le débat très complet et très utiles. La Ministre éthiopienne des affaires féminines, de la jeunesse et de l'enfance a assuré que les questions restées en suspens recevront, dans la mesure du possible, une réponse prochaine. La démocratie participative et les droits de l'homme sont essentiels pour l'Éthiopie dans le cadre d'un projet de développement durable du pays, a-t-elle souligné. Elle a aussi assuré le Comité de la volonté du Gouvernement de garantir la liberté des médias et de fournir à la jeunesse des informations de qualité.
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