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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité des droits de l'homme examine le rapport du Royaume-Uni

02 juillet 2015

Comité des droits de l'homme 

2 juillet 2015

Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par le Royaume-Uni sur les mesures prises par ce pays pour assurer la mise en œuvre des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Présentant le rapport de son pays, M. Scott McPherson, Directeur du Law, Rights and International Directorate au Ministère de la justice du Royaume-Uni, a rappelé que l'Irlande du Nord, l'Ecosse et le Pays de Galles ont une responsabilité législative pour ce qui a trait aux grands domaines de la politique publique, y compris la santé, l'éducation, le logement, le gouvernement local et même, dans le cas de l'Irlande du Nord et de l'Ecosse, la justice. Pour ce qui est des mesures prises pour assurer la mise en œuvre de tous les droits consacrés par le Pacte qui ne sont pas énoncés dans la Loi de 1998 relative aux droits de l'homme, voire de l'hypothèse de  l'abrogation de cette Loi et de l'adoption d'une nouvelle charte des droits (Bill of Rights), M. McPherson a déclaré que le Gouvernement conservateur avait été élu avec pour mandat de réformer et de moderniser le cadre des droits de l'homme du Royaume-Uni et qu'il y avait bien des propositions de nouvelle charte. Bien que ce projet en soit à ses balbutiements, il ne fait aucun doute que la nouvelle charte servira à protéger les droits de l'homme fondamentaux  qui sont le fondement de toute société civilisée, tout en veillant à la prévention des abus, a indiqué M. McPherson. Il a ensuite indiqué que l'évaluation faite par les services de police d'Irlande du Nord sur l'exercice des pouvoirs d'arrestation en vertu de l'article 41 de la Loi de 2000 relative au terrorisme (arrestation sans mandat) avait conclu qu'il n'y avait pas eu d'abus de pouvoir. Il a d'autre part mis l'accent sur le Stormont House Agreement du 23 décembre 2014 entre les Gouvernements britannique et irlandais, qui fournit une occasion idoine pour régler les questions du passé. La législation est en cours de rédaction au sujet de plusieurs aspects de l'Accord, y compris la création d'une nouvelle Unité d'investigation historique.

Mme Farah Ziaulla, Directrice adjointe du Law, Rights and International Directorate au Ministère de la justice du Royaume-Uni, a complété cette présentation en faisant une synthèse des réponses apportées par le pays à la «liste de points à traiter» qui lui a été préalablement adressée par le Comité.

La délégation du Royaume-Uni était également composée, entre autres, de représentants de la Mission permanente du Royaume-Uni auprès des Nations Unies à Genève, du Ministère de la justice du Royaume-Uni, du Ministère de la justice de l'Irlande du Nord et des Gouvernements écossais et gallois.

La délégation a répondu aux questions qui lui étaient posées par les membres du Comité s'agissant, notamment, des questions relatives à l'applicabilité et à l'extraterritorialité du Pacte; de la Charte des droits (Bill of Rights); des questions intéressant la police de l'Irlande du Nord; de l'avortement; du suicide; de la lutte contre la discrimination, le racisme et les crimes haineux; de la pratique policière du «Stop and Search» (Interpellation et Fouille); de la lutte contre le terrorisme; de l'affaire (David) Miranda; ou encore de l'âge minimum de la responsabilité pénale.    

Dans leurs observations, plusieurs membres du Comité ont plaidé pour une ratification par le Royaume-Uni du premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte (qui traite des plaintes individuelles). Des préoccupations ont en outre été exprimées au sujet des écoutes et de la surveillance britanniques dont Amnesty International aurait fait l'objet. Un expert s'est inquiété des taux élevés de suicide dans les centres pénitentiaires et dans les institutions de santé mentale en Écosse.

Rappelant que le Royaume-Uni est tenu d'assurer le respect des droits énoncés dans le Pacte pour les personnes se trouvant sur tout territoire dont il a l'administration, un expert s'est félicité que le Royaume-Uni considère que son personnel militaire est tenu de se comporter conformément au droit relatif aux droits de l'homme; cet expert s'est toutefois dit gêné dans ce contexte par l'absence d'applicabilité du Pacte aux territoires britanniques de l'Océan indien et par les arguments invoqués par le pays à ce sujet, avant de rappeler l'arrêt (définitif) que (la Grande Chambre de) la Cour européenne des droits de l'homme a rendu le 7 juillet 2011 en réfutant un argument similaire avancé par le Royaume-Uni dans l'affaire Al Skeini et autres c. Royaume-Uni.

Le Comité adoptera, à huis clos, ses observations finales sur les rapports examinés, y compris celui du Royaume-Uni, et les rendra publiques à l'issue de la session, qui doit clore ses travaux le vendredi 24 juillet prochain.


Le Comité entamera cet après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport de l'ex-République yougoslave de Macédoine.

 

Présentation du rapport du Royaume-Uni

Le Comité est saisi du rapport périodique du Royaume-Uni (CCPR/C/GBR/7), assorti d'une «liste de points à traiter» établie par le Comité (CCPR/C/GBR/Q/7) et des réponses de l'État partie à cette liste de questions (CCPR/C/GBR/Q/7/Add.1).

Présentant le rapport de son pays, M. SCOTT MCPHERSON, Directeur du Law, Rights and International Directorate au Ministère de la justice du Royaume-Uni, a expliqué que le Royaume-Uni est un pays multinational. Il en résulte que  l'Irlande du Nord, l'Ecosse et le Pays de Galles ont une responsabilité législative pour ce qui a trait aux grands domaines de la politique publique, y compris la santé, l'éducation, le logement, le gouvernement local et même, dans le cas de l'Irlande du Nord et de l'Ecosse, la justice. De son côté, le Gouvernement du Royaume-Uni a la responsabilité de tout ce qui se passe en Angleterre et de tout ce qui a trait à la sécurité nationale et à l'immigration, entre autres. M. McPherson a expliqué que de ce fait, différentes administrations pouvaient avoir des expériences et approches distinctes au sujet des questions soulevées par le Comité car différents partis politiques exécutent des politiques spécifiques dictées par leurs gouvernements respectifs. M. McPherson a ensuite attiré l'attention sur les liens historiques du Royaume-Uni avec  les dépendances de la Couronne et les Territoires britanniques d'outre-mer, pour lesquels – bien qu'ils ne fassent pas partie du Royaume-Uni – le Royaume conserve la responsabilité de leur défense ainsi que la représentation internationale. Ainsi, trois dépendances de la Couronne - Jersey, Guernesey et l'Ile de Man – ainsi que neuf territoires d'outre-mer sont-ils couverts par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, a précisé M. McPherson.

Le chef de la délégation du Royaume-Uni a ensuite insisté sur l'attachement indéfectible de son pays aux processus onusiens, dont témoignent notamment sa présence au sein du Conseil des droits de l'homme ainsi que le sérieux avec lequel le pays a abordé l'examen périodique universel ou encore son examen par le Comité contre la torture. Le Royaume-Uni continue à encourager les États à ratifier les instruments relatifs aux droits de l'homme et n'a de cesse de jouer un rôle clef en matière de plaidoyer pour l'adoption de nouveaux instruments jugés nécessaires, comme ce fut le cas pour le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, a souligné M. McPherson. Saluant par ailleurs la présence d'institutions nationales et d'organisations non gouvernementales des droits de l'homme, qui n'ont pas manqué de soumettre des rapports au Comité, il a affirmé que cela prouve clairement que le Royaume-Uni dispose d'une société civile robuste et vigoureuse prête à exiger des comptes du Gouvernement.

Apportant une mise à jour aux réponses écrites fournies par le pays à la «liste de points à traiter» qui lui avait été adressée par le Comité, M. McPherson a notamment attiré l'attention sur la tenue, en mars dernier, d'élections générales qui se sont soldées par la réélection du Premier Ministre David Cameron qui dirige maintenant un Gouvernement de majorité conservatrice. Ainsi, convient-il de relever que toutes les mentions du «Gouvernement du Royaume-Uni» qui figurent dans les réponses écrites renvoient au précédent gouvernement de coalition.

Pour ce qui est des mesures prises pour assurer la mise en œuvre de tous les droits consacrés par le Pacte qui ne sont pas énoncés dans la Loi de 1998 relative aux droits de l'homme, voire de l'hypothèse de  l'abrogation de cette Loi et de l'adoption d'une nouvelle charte des droits (Bill of Rights), M. McPherson a déclaré que le Gouvernement conservateur avait été élu avec pour mandat de réformer et de moderniser le cadre des droits de l'homme du Royaume-Uni et qu'il y avait bien des propositions de nouvelle charte. Bien que ce projet en soit à ses balbutiements, il ne fait aucun doute que la nouvelle charte servira à protéger les droits de l'homme fondamentaux  qui sont le fondement de toute société civilisée, tout en veillant à la prévention des abus, a indiqué M. McPherson. Il a exposé l'inquiétude du Gouvernement britannique concernant le fait que la Loi de 1998 sur les droits de l'homme ait pu exposer le système à des abus, ce qui a été nuisible à la crédibilité de ces droits alors que le pays s'enorgueillit de posséder depuis 1679 l'Habeas Corpus Act  (contre la détention illégale). Cette année 2015 marque en outre le 800e anniversaire de la Magna Carta, première déclaration générale sur les droits en Angleterre.

M. McPherson a ensuite indiqué que l'évaluation faite par les services de police d'Irlande du Nord sur l'exercice des pouvoirs d'arrestation en vertu de l'article 41 de la Loi de 2000 relative au terrorisme (arrestation sans mandat) avait conclu qu'il n'y avait pas eu d'abus de pouvoir. Il a précisé que durant les six mois sur lesquels portait l'évaluation, 82 individus avaient été arrêtés sous le coup de l'article 41 de ladite Loi, dont 29 ont été inculpés et 26 se sont avérés impliqués dans des délits liés au terrorisme. Il existe des soupapes de sécurité, notamment une formation poussée et des contrôles externes réguliers pour garantir que le Service de Police de l'Irlande du Nord continue d'utiliser de façon légale les pouvoirs relevant de l'article 41, a assuré M. McPherson. Il a d'autre part mis l'accent sur le Stormont House Agreement du 23 décembre 2014 entre les Gouvernements britannique et irlandais, qui fournit une occasion idoine pour régler les questions du passé. La législation est en cours de rédaction au sujet de plusieurs aspects de l'Accord, y compris la création d'une nouvelle Unité d'investigation historique.

Au sujet de l'Ecosse, M. McPherson a assuré de l'engagement du Gouvernement écossais à protéger les droits de l'homme et l'égalité entre les sexes, en particulier en s'attaquant à toutes formes de violence et en épaulant les victimes de cet «abus historique». Au Pays de Galles, l'égalité et l'inclusion demeurent au cœur des préoccupations et des actions du Gouvernement gallois, a-t-il poursuivi. Le Plan intitulé «Tackling Hate Crimes and Incidents –Framework for Action Delivery» (plan d'action pour remédier aux crimes de haine) est transversal et touche plusieurs domaines de politique clé comme le logement, la santé, les services sociaux et les sports, ainsi que la culture de manière à lutter contre l'hostilité et les préjugés.

M. McPherson a par ailleurs confirmé l'entrée en vigueur de la loi sur l'esclavage moderne, qui contient des outils de lutte contre ce phénomène et prévoit des sanctions sévères pour les auteurs de ce crime, tout en soutenant et protégeant les victimes. 

Complétant cette présentation, MME FARAH ZIAULLA, Directrice adjointe du Law, Rights and International Directorate au Ministère de la justice du Royaume-Uni, a fait une synthèse des réponses apportées par le pays à la «liste de points à traiter» qui lui a été préalablement adressée par le Comité en indiquant que les obligations du Royaume-Uni en matière de droits de l'homme étaient principalement territoriales et que le Pacte ne pouvait avoir effet hors du territoire que dans des circonstances exceptionnelles. Elle a justifié la non-ratification par le Royaume-Uni du premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte par le fait que son pays demeure sceptique quant aux bienfaits pratiques de porter plainte individuellement. S'agissant des allégations à l'encontre des forces britanniques, elle a rappelé que le Gouvernement avait mis sur pied en 2010 une équipe sur les allégations historiques en Iraq et que l'enquête publique Al-Sweady avait fait rapport, en décembre 2014, sur les allégations selon lesquelles les forces britanniques avaient torturé et tué plus de 10 Irakiens en mai 2004. Le Président de  l'enquête avait conclu que toutes les personnes tuées ou capturées durant les combats avaient activement participé à une série d'embuscades coordonnées contre les forces britanniques, a tenu à souligner Mme Ziaulla. Elle a indiqué que les paragraphes 4 et 5 de l'article 134 du Criminal Justice Act (loi de justice pénale) de 1988 concernant la torture ne seront pas abolis et que rien n'était prévu à ce propos.

Mme Ziaulla a par ailleurs souligné que le contenu de la Charte des droits d'Irlande du Nord est tributaire du consensus politique.

Au sujet des crimes motivés par la haine, Mme Ziaulla a indiqué que le plan «Challenge it, Report it, Stop it» (qui consiste à défier, dénoncer et faire cesser ces crimes), qui couvrait toutes les formes de crimes de haine, a été révisé en 2014. Quant au «Talent Action Plan» (Plan d'action Talent) du Gouvernement britannique, il réunit des programmes visant à disposer d'une fonction publique de très haut niveau, a-t-elle ajouté. Elle a en outre fait part des nouvelles dispositions mises en œuvre afin de la promouvoir la diversité au sein du corps judiciaire en Angleterre et au Pays de Galles.

S'agissant des mesures contre le terrorisme, le Counter-Terrorism and Security Act de 2015 a converti le Bureau de l'Examinateur indépendant sur la législation relative au terrorisme en un nouveau Conseil sur les libertés privées et civiles, a d'autre part indiqué Mme Ziaulla. Ce Conseil fournit au public des garanties supplémentaires que les mesures antiterrorisme britanniques respecteront un juste équilibre entre la menace du terrorisme et le respect de la vie privée et des libertés civiles. Mme Ziaulla a par ailleurs rappelé que le rapport sur l'affaire Patrick Finucane avait été publié en décembre 2012 et que le Premier ministre de l'époque avait alors fait une déclaration dans laquelle il reconnaissait qu'il était démontré dans ledit rapport qu'il y avait eu une collusion de l'État dans la mort de l'avocat et dans laquelle il présentait donc des excuses à sa famille.

En Irlande du Nord, le Ministre de la justice a mené des consultations concernant l'éventualité de permettre l'avortement dans les cas de malformation pouvant conduire à la mort du fœtus et de crime à caractère sexuel, a ajouté Mme Ziaulla.  

Examen du rapport

Questions et observations des experts

Un membre du Comité a estimé, concernant la juridiction et l'applicabilité territoriales du Pacte, que le Royaume-Uni avait exprimé sa position avec «une ambigüité constructive»; mais il n'empêche que le Royaume-Uni est tenu d'assurer le respect des droits énoncés dans le Pacte pour les personnes se trouvant sur tout territoire dont il a l'administration. Cet expert s'est félicité que le Royaume-Uni considère que son personnel militaire est tenu de se comporter conformément au droit relatif aux droits de l'homme; mais l'expert s'est dit gêné dans ce contexte par l'absence d'applicabilité du Pacte aux territoires britanniques de l'Océan indien et par les arguments invoqués par le pays à ce sujet, avant de rappeler l'arrêt (définitif) que (la Grande Chambre de) la Cour européenne des droits de l'homme a rendu le 7 juillet 2011 en réfutant un argument similaire avancé par le Royaume-Uni dans l'affaire Al Skeini et autres c. Royaume-Uni.

Concernant l'inclusion des dispositions du Pacte dans la législation nationale, l'expert a rejeté l'approche au cas par cas suivie par le Royaume-Uni. Il a prié la délégation de lui fournir des exemples de ce que le Royaume-Uni considère comme des abus aux droits de l'homme.

L'expert a par ailleurs insisté sur la nécessité de souscrire au premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte (qui reconnaît la compétence du Comité pour examiner des plaintes individuelles) – outil très utile permettant aux États parties de promouvoir une réforme juridique adéquate et d'observer des normes élevées en matière de droits de l'homme. Le Royaume-Uni étant un leader mondial en matière de droits de l'homme, il serait bien inspiré de devenir un modèle à part entière en ratifiant le premier Protocole se rapportant au Pacte, a insisté l'expert. S'agissant de la question des réserves, il s'est réjoui que le Royaume-Uni en ait retiré certaines et l'a encouragé à lever celles qu'il maintient, à l'issue du processus d'examen et de consultation qu'il mène actuellement au niveau national.

Abordant la situation en Irlande du Nord, l'expert s'est notamment enquis des raisons de la non-indépendance de l'Ombudsman de la police d'Irlande du Nord et de sa démission suite à des interférences policières et politiques dans son travail, notamment pour ce qui a trait aux décès liés au conflit. Pourquoi faut-il encore davantage de temps pour créer une nouvelle Unité d'investigation historique, s'est ensuite interrogé l'expert, avant de demander si le Royaume-Uni envisageait de déclassifier des informations sur des incidents violents survenus en Irlande du Nord? L'expert a enfin voulu savoir si le Gouvernement prévoyait encore une enquête publique sur le décès de l'avocat de Belfast Patrick Finucane.

Un autre membre du Comité a déploré le manque de financement de la Commission des droits de l'homme d'Irlande du Nord. Cette Commission ne peut avoir accès aux centres pénitentiaires sans une autorisation formelle, a-t-il regretté, avant de prier le Royaume-Uni de remédier à cet état de chose. Quelles mesures le Royaume-Uni prévoit-il pour remédier à l'incitation à la haine, à l'islamophobie et la xénophobie, a-t-il en outre demandé?

Un autre expert s'est enquis de l'existence d'éventuels plans de prévention et de lutte contre la discrimination raciale à l'égard des Roms et autres minorités et contre la discrimination à l'encontre des LGBT.      

S'interrogeant pour sa part des raisons pour lesquelles les fouilles (corporelles) étaient si fréquentes en Ecosse, un expert a souhaité obtenir des explications plus détaillées sur l'utilisation des Taser et a voulu savoir si les résultats des enquêtes concernant l'utilisation d'armes à feu étaient accessibles au public.

Abordant les questions relatives à l'égalité entre les sexes, un expert s'est enquis du nombre de femmes au Parlement et des mesures prises pour améliorer le nombre de femmes juges. Qu'en est-il des statistiques sur les abus sexuels – et les viols en particulier, a-t-il également demandé? Il a en outre souhaité savoir quand le Royaume Uni allait ratifier la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes (Convention d'Istanbul). Cet expert a par ailleurs souhaité savoir s'il y avait du nouveau sur les consultations publiques lancées autour de la définition du terrorisme.

Un autre expert s'est inquiété des taux élevés de suicide dans les centres pénitentiaires et dans les institutions de santé mentale en Ecosse et s'est enquis des mesures concrètes envisagées pour réduire ces taux. Cet expert a par ailleurs abordé le problème de l'interdiction de l'interruption volontaire de grossesse en Irlande du Nord et a salué les consultations législatives autour d'une éventuelle dépénalisation de l'avortement. L'expert a toutefois mis l'accent sur la stigmatisation dont font l'objet les femmes et filles qui avortent.

Un expert a rappelé  la position de longue date du Comité concernant l'applicabilité du Pacte et la question de l'extraterritorialité et a demandé des informations sur le comportement des forces militaires se trouvant à l'étranger et leur obligation de respecter le Pacte dans l'exercice de leur fonction.  Le Gouvernement britannique est internationalement responsable de la mise en œuvre de toutes les dispositions du Pacte dans tous les territoires sous son contrôle et lors de sa présence, y compris militaire, partout hors de son territoire, a insisté cet expert. Selon ce même expert, les mécanismes déployés pour faire la lumière sur les allégations de crimes commis par les militaires britanniques à l'étranger ne sont pas satisfaisantes. L'expert a fait part de sa préoccupation concernant la suspension de la publication d'éléments découlant des enquêtes. Des informations sensibles n'ont pas été communiquées à l'Intelligence Security Committee (ISC), a-t-il insisté. Il a en outre demandé des éclaircissements sur l'affaire de la bataille dite Danny Boy de mai 2004 au sud de l'Iraq et celle dite Al-Saadoun et Mufdhi vs Royaume-Uni. L'expert a exigé des statistiques concernant le nombre d'enquêtes menées sur les allégations de crimes commis en Iraq, mais également en Libye. Il a aussi demandé des informations sur le transfert au Royaume-Uni (par les États-Unis) de prisonniers du camp Nama de Bagdad.

Un autre membre du Comité a pour sa part demandé des enquêtes sur les crimes sexuels sur enfants dans tous les territoires d'outre-mer et les dépendances de la Couronne, ainsi que sur les châtiments corporels.

Un expert a demandé des précisions sur l'état d'avancement de l'enquête sur les exactions commises contre les patients de l'hôpital de Stafford, au centre de l'Angleterre.

Un autre expert s'est enquis de statistiques sur les cas de personnes souffrant de maladies mentales et placées dans des cliniques psychiatriques sans leur consentement.

Qu'en est-il de la durée maximale de séjour dans un centre de rétention pour migrants, a-t-il été demandé?

Un expert a regretté que la délégation ne fournisse pas d'explications suite au communiqué de presse publié hier par Amnesty international au sujet des écoutes britanniques dont aurait fait l'objet cette ONG.

Réponses de la délégation

La délégation a considéré que le Pacte ne pourrait avoir d'effet hors du territoire que dans des circonstances exceptionnelles que nul ne saurait connaître à l'avance. Le Pacte et la Convention européenne des droits de l'homme recourent à des terminologies différentes concernant l'extraterritorialité, a fait observer la délégation. Une présence anglaise à l'étranger ne signifie pas forcément que le Royaume-Uni exerce un contrôle administratif sur le lieu de cette présence, a-t-elle déclaré. Même si son avis concernant les questions d'extraterritorialité ne coïncide pas avec celui du Comité, le Royaume-Uni reste engagé en faveur du respect des droits de l'homme, a insisté la délégation. La ratification du Pacte par le Royaume-Uni ne s'est jamais étendue aux territoires de l'Océan indien, a-t-elle affirmé.

Quant à l'absence de constitution structurée et fixe au Royaume-Uni, la délégation a estimé que c'était là un point fort pour le pays car en fait, ainsi, les droits de l'homme sont inscrits dans toutes sortes de textes législatifs au fil des besoins et des cas. Le Gouvernement du Royaume-Uni peut assurer que la nouvelle charte des droits (Bill of Rights) continuera de protéger les droits de l'homme, a indiqué la délégation. Pour ce qui est d'une charte des droits de l'Irlande du Nord, les progrès en la matière dépendent d'un consensus à trouver sur le contenu de cette future loi; or, pour l'instant, il n'existe pas de consensus, a expliqué la délégation, ajoutant que les parties sont convenues de veiller à traiter tous les citoyens sur un pied d'égalité en évitant toute forme de discrimination.

Au sujet du bureau de l'Ombudsman de la Police, la délégation a indiqué que beaucoup d'efforts ont été déployés pour régler les cas anciens, avec des procédures de garanties d'efficacité et des évaluations menées par l'Inspection de la police de l'Irlande du Nord. L'indépendance de l'Ombudsman a fini par être restaurée et un accord a été récemment conclu entre celui-ci et la police en vue de donner à l'Ombudsman accès aux archives. A l'évidence, a ajouté la délégation, les solutions sont à trouver au moyen de la coopération et du partenariat. De la même façon, les projectiles à impact réduit ne font pas consensus en Irlande du Nord, a ensuite ajouté la délégation.

La Commission des nominations de l'Irlande du Nord veille à accroître le nombre des avocates, a par ailleurs souligné la délégation, précisant en outre que 11% des parlementaires ainsi que 23% des conseillers municipaux sont des femmes.

Actuellement, 28% des juges et 23% des policiers écossais sont des femmes; cette année, 50% des lauréats de l'académie de police étaient de sexe féminin, a ensuite indiqué la délégation.

Au total, a-t-elle ajouté, ce sont environ 28 millions de livres qui sont prévus pour lutter contre la violence à l'égard des femmes. Le Gouvernement aspire à mettre un terme à toutes les formes de violence contre les femmes et les filles et certaines mesures prises dans le cadre de la stratégie nationale à cet égard ont permis une baisse de la violence sexuelle.

Le Ministre de la justice avait l'intention de présenter dans les semaines à venir à l'Exécutif de l'Irlande du Nord une proposition de loi sur l'avortement, a poursuivi la délégation, confirmant qu'il n'y aura pas de changement à la disposition de la loi relative au viol.

Quant au taux de suicide, il a chuté de 19% suite à l'adoption d'une Stratégie de prévention et de soutien aux personnes suicidaires (2013-2016), a fait valoir la délégation, avant de préciser que les statistiques sur le suicide en Ecosse seront publiées en août prochain. Tout suicide est une tragédie que le Gouvernement s'efforce d'éviter, notamment dans le milieu carcéral, a poursuivi la délégation. Un examen (médical) indépendant a été demandé concernant les décès de jeunes prisonniers de 18 à 26 ans, par souci de comprendre les raisons qui ont présidé à leur décision de se donner la mort, a ajouté la délégation.

Il existe au Royaume-Uni des possibilités de recours multiples et concrètes contre la discrimination, auxquelles sont venues s'ajouter les dispositions du Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées et du Protocole facultatif à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

Le Royaume-Uni prend très au sérieux la lutte contre le racisme et les crimes fondés sur la haine, a assuré la délégation, ajoutant que le pays s'est doté d'un cadre législatif solide à cet égard. Un Plan d'action conjoint impliquant tous les ministères vise à améliorer la réponse face aux manifestations de haine et aux incitations à la haine, notamment à l'encontre des musulmans, mais aussi à l'encontre d'autres personnes sur la base de l'identité et de l'orientation sexuelles. Le Gouvernement britannique s'efforce de prévenir la commission de crimes de haine en encourageant à la tolérance et au respect, a insisté la délégation. Beaucoup a été fait ces dernières années en vue d'améliorer la diversité au sein de la fonction publique, a-t-elle fait valoir; ainsi, désormais, 10% des fonctionnaires appartiennent aux minorités, a-t-elle précisé, avant d'indiquer que les pouvoirs publics s'efforcent de recruter les personnes les plus talentueuses et méritantes, indépendamment de leur appartenance ethnique, religieuse ou autre.

La délégation a d'autre part indiqué que le Royaume-Uni – dans son contexte décentralisé et conformément aux engagements pris au sein de l'Union européenne – a adopté des mesures de protection des Roms, notamment celles favorisant l'éducation des enfants roms et la mise à disposition de lieux et terrains de résidence en vue de l'établissement des membres de cette communauté. Le législateur réfléchit aussi à l'éventualité d'inclure (le critère de) la caste comme élément (de discrimination) ethnique, conformément à l'analyse faite sur la discrimination et le harcèlement de caste dans la Loi sur l'égalité (Equality Act) de 2010, a ajouté la délégation.

Concernant la pratique policière de «Stop and Search» (Interpellation et Fouille), la délégation a expliqué que cette mesure est pratiquée en Ecosse à titre préventif pour protéger la population. En Irlande du Nord également, cette pratique a été jugée nécessaire pour protéger la population contre une menace considérée comme constante, a ajouté la délégation. L'exercice des pouvoirs accordés dans ce contexte est régi par une nouvelle loi adoptée en 2012 et l'interpellation ne peut durer plus de 14 jours, a-t-elle précisé.

La grave menace terroriste constituée par le groupe Daech et autres groupes terroristes et les attentats sanglants de la semaine dernière en Tunisie et au Koweït confortent  la conviction du Royaume-Uni quant à la nécessité de prévoir un mécanisme (ou une personne) indépendant pour le suivi de la question de la lutte contre le terrorisme au Pays de Galles – où avait pourtant été réduite la pratique de l'interpellation et de la fouille, a poursuivi la délégation. Il n'existe pas de définition internationalement agréée du terrorisme et le Pays de Galles utilise celle retenue par le Royaume-Uni, a-t-elle souligné, ajoutant qu'une personnalité indépendante a formulé des propositions de définition du terrorisme qui sont actuellement à l'étude.

Le Gouvernement britannique a pour habitude de ne faire aucun commentaire sur les forces spéciales mais il n'est pas interdit de mener une enquête policière sur ces forces, a ensuite indiqué la délégation.

Plusieurs poursuites ont eu lieu en Irak et en Afghanistan contre les forces britanniques, a ajouté la délégation, indiquant toutefois ne pas disposer de chiffres précis.
La délégation a indiqué que quelque 289 personnes ont été arrêtées pour terrorisme en 2014, dont 111 ont été inculpées. Le Gouvernement reconnaît la nécessité de filets de sécurité dans le traitement de ces personnes dont la détention préventive a été réduite de 28 à 14 jours. Il y a arrestation en cas de suspicion de terrorisme mais parfois le principal chef d'inculpation n'est pas connu lors de l'arrestation, a fait observer la délégation.

Concernant l'affaire Miranda, la délégation a déclaré que pour qu'une activité journalistique constitue  un acte de terrorisme, elle doit rassembler tous les éléments politiques et idéologiques envisagés par la loi antiterroriste avant de justifier l'interpellation du journaliste. Il s'est avéré que David Miranda n'était pas un journaliste mais bien un agent de renseignement, a-t-elle ajouté.

La délégation a ensuite expliqué qu'un ordre d'exclusion concernant un citoyen britannique vise tout Britannique qui retournerait au pays après avoir fait partie de groupes terroristes à l'étranger. La personne concernée n'est pas exclue du pays pendant plus de deux ans, a précisé la délégation.

La délégation a par ailleurs indiqué que c'est un agent de police de rang supérieur qui doit examiner la possibilité de confisquer un passeport pour une durée limitée; cette mesure n'est prise que dans des situations très rares.   

Au Royaume-Uni, les enquêtes publiques sont appréciées comme manifestation de la transparence gouvernementale, a d'autre part souligné la délégation.

S'agissant des abus et châtiments corporels contre les enfants, la délégation a indiqué qu'il était impératif qu'une agence interministérielle soit créée et a assuré que le Gouvernement prenait  cette problématique très au sérieux dans les Territoires d'outre-mer; mais le fait est que chacun de ces territoires dispose de ses propres lois, notamment pour ce qui est doit être considéré comme un châtiment corporels. 

La loi sur l'esclavage moderne, adoptée cette année, n'est pas encore entrée en vigueur, a par ailleurs indiqué la délégation. En Ecosse, a-t-elle poursuivi, le projet de loi sur la traite de personnes prévoit une peine de perpétuité pour les auteurs de ce crime.

En réponse à un membre du Comité qui s'inquiétait que ce délai ait été rallongé, la délégation a indiqué qu'il n'est pas prévu de modifier le délai de notification préalable d'une manifestation pacifique car le délai actuel permet des négociations entre les organisateurs et les pouvoirs publics.

S'agissant de l'âge minimum de la responsabilité pénale, la délégation a indiqué qu'en Ecosse, aucun enfant de moins de 12 ans ne peut être présenté devant la justice; des efforts sont en cours pour relever cet âge minimum à 16 ans. Quoi qu'il en soit, les enfants âgés de 12 à 16 ans peuvent certes être déférés devant la justice mais seulement en cas d'extrême nécessité et en dernier ressort, a assuré la délégation. En revanche, en Angleterre et au Pays de Galles, le gouvernement n'a nullement l'intention de relever l'âge de la responsabilité légale, a-t-elle ajouté, attirant l'attention sur les crimes graves commis par de jeunes enfants.

En conclusion, la délégation a déclaré que le Royaume-Uni a une longue tradition de défense des droits de l'homme à l'intérieur de ses frontières et à l'étranger et a remercié le Comité pour son esprit très positif au cours de ce dialogue.

Remarques de conclusion

M. OMAR FABIAN SALVIOLI, Président du Comité, a insisté sur l'obligation de chaque État partie de garantir les droits de l'homme sur tous les territoires qui se trouvent sous son contrôle. Les recours et systèmes internes ne sont pas infaillibles, raison pour laquelle les membres du Comité ont fait des remarques sur la présomption d'innocence, l'affaire Danny Boy et tout ce qui implique les forces armées en Irak et en Afghanistan, a souligné M. Salvioli. La haine raciale et religieuse est une autre question que le Comité continuera à suivre de près, a-t-il indiqué. Il s'est en outre inquiété qu'une organisation telle qu'Amnesty International apporte la preuve qu'elle peut être placée sous surveillance.
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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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