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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité des droits de l’enfant examine le rapport du Bénin

Situation des enfants au Bénin

20 janvier 2016

GENEVE (20 janvier 2016) - Le Comité des droits de l’enfant a examiné aujourd’hui le rapport présenté par le Bénin sur l’application dans ce pays des dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant.
 
Présentant ce rapport, M. Eloi Laourou, Représentant permanent adjoint du Bénin auprès des Nations Unies à Genève, a indiqué que le Bénin vient d’engager le processus législatif de ratification du troisième Protocole facultatif à la Convention, qui instaure une procédure de plaintes individuelles.  Par ailleurs, l’entrée en vigueur du deuxième Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques «rend effective l’abolition de la peine de mort et renforce les dispositions internes qui consacrent le droit à la vie», a souligné M. Laourou.  En 2014, a-t-il ajouté, le Bénin a enclenché le processus d’adhésion à la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale.
 
M. Laourou a ensuite attiré l’attention sur un certain nombre d’initiatives législatives et administratives, citant notamment l’adoption en 2012 du décret fixant les normes applicables au centres d’accueil et de protection des enfants, ainsi que la création de l’Office central de protection des mineurs, de la famille et de la répression de la traite des êtres humains.  Il a aussi mentionné l’adoption en 2011 du décret dressant la liste des travaux dangereux interdits aux mineurs, ainsi que la mise en place dans deux juridictions pilotes en 2014 de tribunaux «adaptés aux enfants».  Il a en outre souligné que la loi créant un Code de l’enfant adoptée l’an dernier consacrait l’intérêt supérieur de l’enfant. En matière d’éducation et de santé, le taux de scolarisation primaire est très élevé, tandis que le taux de mortalité infanto-juvénile a diminué sensiblement ces vingt dernières années, a fait valoir M. Laourou.  Tout en insistant sur les «avancées importantes» de son pays, il a reconnu que subsistaient au Bénin «des défis et des contraintes que le Gouvernement s’emploie à surmonter avec détermination».  
 
La délégation du Bénin était également composée de représentants du Ministère de la justice, de la législation et des droits de l’homme; du Ministère du travail, de la fonction publique et de la réforme administrative et institutionnelle; du Ministère de l’intérieur, de la sécurité publique et des cultes; et du Ministère de la famille, des affaires sociales, de la solidarité nationale, des handicapés et des personnes du troisième âge.
 
La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, de la Commission nationale des droits de l’homme et de sa Sous-Commission chargée des droits de l’enfant; de la diffusion de la Convention; de l’intérêt supérieur de l’enfant; de l’enregistrement des naissances; de l’âge minimum du mariage; de la justice pour mineurs; des questions d’éducation et de santé; des infanticides; du placement d’enfant en soins de substitution, notamment pour ce qui a trait au système des familles hôtes; ou encore des enfants «talibés» et du travail des enfants.
 
La corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport béninois, Mme Hynd Ayoubi Idrissi, a déclaré que d’une manière générale, le manque de ressources est notable et la corruption fait sentir ses effets dans les domaines de la santé, de l’éducation et de la justice.  Elle a en outre indiqué que le Comité demeurait préoccupé par les lacunes persistantes dans l’enregistrement des naissances en milieu rural et dans le nord du pays.
 
Corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Bénin, Mme Renate Winter, a salué l’excellence de l’arsenal juridique mis en place par le Bénin, mais a relevé que les choses pêchaient surtout au plan de la mise en œuvre.  Les dispenses permettant de ne pas respecter l’âge minimum du mariage sont courantes, notamment en cas de grossesse, s’est-elle notamment inquiétée.  D’autre part, la discrimination est courante, notamment à l’égard des enfants handicapés, qui sont victimes de superstitions voire associés à une malédiction, a poursuivi la corapporteuse, avant de faire part de son inquiétude face aux meurtres rituels, en particulier dans le nord du pays. Elle a en outre constaté que l’intérêt de la famille semblait toujours primer sur l’intérêt supérieur de l’enfant. Globalement, des difficultés subsistent au Bénin pour ce qui est, en particulier, des enfants les plus vulnérables, du mariage précoce – qui concernerait une fille sur trois avant l’âge de 18 ans – et des pires formes de travail des enfants, a souligné Mme Winter.  Elle a également fait état d’informations préoccupantes concernant les enfants privés de liberté, dont 90% se trouveraient en fait en détention préventive.  Ces enfants sont souvent victimes de mauvais traitements voire de torture de la part de membres de forces de l’ordre, a-t-elle affirmé.
 
Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Bénin et les rendra publiques à l’issue de la session, qui doit clore ses travaux le vendredi 29 janvier prochain.
 
Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen des rapports présentés par Brunei Darussalam (CRC/C/BRN/2-3) en salle XXIV du Palais des Nations et par le Kenya (CRC/C/KEN/C/3-5), en salle XXV.
 
Présentation du rapport du Bénin

Le Comité est saisi du rapport périodique du Bénin (CRC/C/BEN/C/3-5, ainsi que des réponses du pays (CRC/C/BEN/Q/5/Add.1) à la liste de points à traiter que lui a adressée le Comité (CRC/C/BEN/Q/5).
Présentant ce rapport, M. ELOI LAOUROU, Représentant permanent adjoint du Bénin auprès des Nations Unies à Genève, a fait part des regrets de Mme Evelyne da Silva Ahouanto, Garde des sceaux, Ministre de la justice, de la législation et des droits de l’homme du Bénin, de n’avoir pu se rendre à Genève comme cela était initialement prévu et a donc lu en son nom la déclaration que la Ministre avait prévu de faire devant le Comité.  Ainsi, le présent rapport a-t-il été élaboré dans le cadre d’un processus inclusif de consultation nationale dans lequel les structures étatiques et les acteurs de la société civile ont contribué à la collecte des informations, a-t-il indiqué.  En matière d’application de la Convention, a poursuivi M. Laourou, la Constitution de 1990 consacre la suprématie de tout accord international ratifié par le Bénin, le Gouvernement s’étant employé à «internaliser la Convention relative aux droits de l’enfant».
 
Le Bénin vient d’engager le processus législatif de ratification du troisième Protocole relatif à une procédure de plaintes, a indiqué M. Laourou.  Par ailleurs, l’entrée en vigueur du deuxième Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques «rend effective l’abolition de la peine de mort et renforce les dispositions internes qui consacrent le droit à la vie», a souligné M. Laourou.  En 2014, a-t-il ajouté, le Bénin a enclenché le processus d’adhésion à la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale.
 
M. Laourou a ensuite attiré l’attention sur un certain nombre d’initiatives législatives et administratives, citant notamment l’adoption en 2012 du décret fixant les normes applicables au centres d’accueil et de protection des enfants, ainsi que la création de l’Office central de protection des mineurs, de la famille et de la répression de la traite des êtres humains.  Il a aussi mentionné l’adoption en 2011 du décret dressant la liste des travaux dangereux interdits aux mineurs, ainsi que la mise en place dans deux juridictions pilotes en 2014 de tribunaux «adaptés aux enfants».  Il a en outre souligné que la loi créant un Code de l’enfant adoptée l’an dernier consacrait l’intérêt supérieur de l’enfant.
 
En matière d’éducation et de santé, le taux de scolarisation primaire est très élevé, tandis que le taux de mortalité infanto-juvénile a diminué sensiblement ces vingt dernières années, «du fait des mesures sanitaires en faveur des enfants, de la gratuité de la césarienne, de la couverture vaccinale et de la mise en place d’infrastructures sociosanitaires», a poursuivi M. Laourou.  Il a indiqué que la Politique nationale de protection de l’enfant adoptée en 2014 vise à ce que tous les enfants béninois vivent à l’horizon 2025 «dans un cadre familial communautaire et institutionnel exempt de toutes formes de violences, abus et exploitation à leur égard».  Cette politique comporte sept axes dont l’un tourne autour de l’information et de la formation des enfants relativement à leurs droits.  M. Laourou a également mis l’accent sur le Plan national pour l’élimination des pires formes du travail des enfants mis en œuvre ces dernières années.  L’an dernier, des études ont été réalisés sur le phénomène des enfants «talibés» (étudiant le Coran), mendiants et handicapés, dont les résultats sont en cours d’analyse.  Une étude sur la vente, la prostitution des enfants et la pornographie est en cours, a ajouté M. Laourou.  Le Bénin, qui agit contre le mariage des enfants, a développé une charte de bonne conduite contre les abus sexuels en milieu scolaire, a-t-il également fait valoir.
 
Plusieurs initiatives ont été lancées en faveur des enfants en situation de vulnérabilité, par la mobilisation de la gendarmerie, de la police et des centres d’accueil et de protection des enfants, a d’autre part indiqué M. Laourou.  En collaboration avec l’association Terre des hommes, «le Bénin a développé l’approche famille hôte comme une alternative à l’institutionnalisation de la protection», a-t-il expliqué.  Le pays compte 44 familles hôtes qui ont accueilli 747 enfants dont 396 filles en situation difficile.
 
Par ailleurs, des assistants sociaux, des magistrats, des officiers de police judiciaire, des agents de santé, des journalistes, des élus locaux sont formés par l’Etat «sur plusieurs thématiques relatives à la protection de l’enfant» avec l’appui de partenaires techniques et financiers.  Le Bénin a également développé la notion de participation des enfants, avec la mise en place en 2012 du premier Conseil consultatif national des enfants, dont les membres ont été élus; vingt-cinq enfants et adolescents âgés de 8 à 17 ans ont exercé un premier mandat qui vient d’expirer et ont notamment été consultés sur le Code de l’enfant.  Le Bénin a pris d’autres initiatives, dont le «recensement des enfants par leurs pairs pour lutter contre la déperdition scolaire, les mariages précoces et forcés» - action qui a été menée dans 18 communes du pays.  Les enfants sont aussi consultés dans les comités villageois de développement.
 
Un Comité directeur national a été créé par le Ministère du travail afin de lutter contre le travail des enfants, a poursuivi M. Laourou.  Avec l’appui du Fonds des Nations Unies pour l'enfance, celui-ci a commandité une enquête statistique dans les trois principales régions du pays.  Cette enquête a révélé que près de 8000 enfants âgés de 5 à 17 ans étaient exploités, a indiqué M. Laourou.  Le Ministère du travail a élaboré trois «outils»: une Charte des usagers des marchés, un Protocole d’accord entre les acteurs et un Plan d’action qui définit les actions à mener pour lutter contre l’exploitation économique des enfants, a-t-il précisé, ajoutant qu’une centaine de journalistes ont aussi été sensibilités au problème.
 
En 2013, a été votée la loi créant la Commission béninoise des droits de l’homme, conforme aux Principes de Paris et dotée d’une Sous-Commission chargée des droits de l’enfant qui est compétente pour recevoir les plaintes de mineurs.  Par ailleurs, le Bénin a accueilli, la même année, la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, dont les recommandations ont fait l’objet d’un plan d’action.  Le pays a aussi accueilli ces derniers jours les membres du Sous-Comité des Nations Unies pour la prévention de la torture.  En tant qu’acteur sur la scène internationale, le Bénin a siégé au Conseil des droits de l’homme de 2011 à 2014 et s’est soumis en 2008 et 2012 à son Examen périodique universel, a rappelé M. Laourou.
 
En conclusion, tout en insistant sur les «avancées importantes» de son pays, M. Laourou  a reconnu que subsistaient au Bénin «des défis et des contraintes que le Gouvernement s’emploie à surmonter avec détermination», raison pour laquelle le pays reste ouvert à toute forme de coopération.  
 
Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité


MME HYND AYOUBI IDRISSI, corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Bénin, s’est notamment réjouie de l’adoption du Code de l’enfance.  Elle s’est toutefois inquiétée du retard pris dans l’adoption du nouveau Code pénal.  En outre, l’institution nationale en charge des droits de l'homme et plus particulièrement des droits de l’enfant pâtit d’une absence de notoriété, y compris parmi les acteurs les plus directement concernés, a-t-elle fait observer.  Cette institution souffre également d’un manque de ressources financières et humaines, a-t-elle ajouté.  La politique nationale en faveur de l’enfance devait être accompagnée d’un plan d’action pluriannuel, dont le Comité ne trouve pas trace dans le rapport, a-t-elle par ailleurs relevé.  D’une manière générale, le manque de ressources est notable et la corruption fait sentir ses effets dans les domaines de la santé, de l’éducation et de la justice, a-t-elle souligné.  Aussi, s’est-elle enquise des mesures prises ou envisagées par le Bénin pour mieux doter de ressources budgétaires la politique en faveur de l’enfance.
 
Faute d’une collecte adéquate de données, de nombreuses questions restent sans réponse, a poursuivi la corapporteuse, souhaitant savoir ce que fait le Bénin pour améliorer le recueil de statistiques.  Il s’agit d’une question fondamentale pour qui entend mettre en œuvre des politiques ciblées, a-t-elle rappelé.  Tout en reconnaissant que des progrès importants ont été faits dans la diffusion de la Convention, elle a souhaité en savoir davantage sur les mesures prises à cet égard à l’intention des magistrats.
 
Que fait le Bénin vis-à-vis du secteur privé, dans le secteur du tourisme notamment, en matière de  travail des enfants et de prévention d’une éventuelle exploitation sexuelle dans ce contexte, a par ailleurs demandé Mme Ayoubi Idrissi?  Elle a en outre indiqué que le Comité demeurait préoccupé par les lacunes persistantes dans l’enregistrement des naissances en milieu rural et dans le nord du pays.  En dépit de l’existence de mécanismes de surveillance, la prolifération des clubs vidéos et des cybercafés est susceptible de permettre l’exposition des enfants à des images et films néfastes pour eux, a-t-elle en outre souligné.
 
MME RENATE WINTER, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport béninois, a salué l’excellence de l’arsenal juridique mis en place par le Bénin, mais a relevé que les choses pêchaient surtout au plan de la mise en œuvre.  Elle a jugé difficile d’établir une liste de points et de questions à traiter, le rapport étant en effet pauvre en données concrètes.  Si l’âge de responsabilité pénale est fixé à 13 ans, la majorité est quant à elle fixée à 18 ans, de même que l’âge minimum du mariage, a-t-elle poursuivi.  Or, sur ce dernier point (le mariage), les dispenses (permettant de ne pas respecter l’âge minimum fixé) sont courantes, notamment en cas de grossesse, a-t-elle fait observer.  Etant donné que la corruption des fonctionnaires est importante dans le pays, de telles dispenses sont sans doute faciles à obtenir, alors que le Bénin affirme vouloir lutter contre les mariages précoces et forcés, s’est-elle inquiétée.
 
D’autre part, la discrimination est courante, notamment à l’égard des enfants handicapés, qui sont victimes de superstitions voire associés à une malédiction, a poursuivi la corapporteuse; leur droit à la vie peut même être menacé et les institutions dans lesquelles ils sont placés perpétuent cette discrimination, a-t-elle insisté.  Les meurtres rituels sont particulièrement inquiétants, des chiffres faisant état d’un enfant sur trois tué dans le Nord dès lors qu’il y a soupçon de sorcellerie, s’est par ailleurs inquiétée Mme Winter.  Pour que de tels soupçons apparaissent, il suffit que l’enfant naisse avec des caractéristiques un peu particulières, par le siège ou en ayant déjà des cheveux, par exemple.  Le Bénin engage-t-il des poursuites contre les auteurs présumés de ces meurtres, a demandé la corapporteuse, soulignant que le Comité n’a pour sa part eu connaissance d’aucun cas de poursuites en justice à l’encontre d’auteurs présumés de tels actes?
 
Mme Winter s’est ensuite enquise de l’appui apporté aux familles adoptantes ainsi qu’aux institutions en charge des orphelins.  Elle a constaté que l’intérêt de la famille semblait toujours primer sur l’intérêt supérieur de l’enfant. Elle s’est par ailleurs étonnée que 44 familles hôtes puissent accueillir quelque 750 enfants, ce qui en fait davantage des refuges que des familles d’accueil au sens propre.  Les autorités entendent-elles mener des actions de sensibilisation sur les droits de l’enfant, a-t-elle demandé? 
 
S’agissant de l’éducation, le Bénin agit-il pour réduire l’analphabétisme, dont le taux reste très important, a par ailleurs demandé Mme Winter?  
 
Globalement, des difficultés subsistent au Bénin pour ce qui est, en particulier, des enfants les plus vulnérables, du mariage précoce – qui concernerait une fille sur trois avant l’âge de 18 ans – et des pires formes de travail des enfants, a souligné la corapporteuse.  Plus de 40 000 mineurs seraient victimes de la traite, soit plus d’un enfant sur trois dans certaines tranches d’âges, a-t-elle ajouté.  Elle s’est en outre inquiétée du nombre de grossesses très précoces, de la prévalence des maladies sexuellement transmissible, des avortements clandestins ou encore des suicides, avant de suggérer au Bénin de s’inspirer des mesures prises dans les pays voisins pour lutter contre ces phénomènes.
 
Mme Winter a ensuite fait état d’informations préoccupantes concernant les enfants privés de liberté, dont 90% se trouveraient en fait en détention préventive.  Ces enfants sont souvent victimes de mauvais traitements voire de torture de la part de membres de forces de l’ordre, a-t-elle affirmé.  Elle a estimé que le Bénin avait les moyens d’intervenir pour y remédier.  Mme Winter s’est inquiétée que des magistrats soient nommés juges pour enfants contre leur gré, alors que bien souvent, ils estiment que l’État ne leur fournira pas les moyens nécessaires à l’accomplissement de leur tâche, notamment en termes d’infrastructures.
 
Un autre membre du Comité a demandé ce qu’il advenait des enfants devant être placés en soins de substitution mais qui ne sont pas hébergés en famille d’accueil.
 
Une experte a souhaité savoir de combien de cas d’infanticides les autorités judiciaires avaient été saisies, s’inquiétant d’une impunité apparemment totale dans ce domaine.  Une autre  experte a demandé ce qui était fait pour donner effet à l’interdiction des châtiments corporels.  Les mutilations génitales féminines, elles aussi interdites, sont apparemment en très forte augmentation, a-t-il en outre été souligné: des poursuites sont-elles engagées et des condamnations prononcées pour de telles pratiques?  A par ailleurs été dénoncée la prévalence du harcèlement sexuel à l’encontre des enfants dans le cadre scolaire qui, semble-t-il, constitue un énorme problème ; il convient de mettre un terme aux arrangements à l’amiable dans ce contexte, a-t-il été souligné.  Il est semble-t-il courant qu’un élève puisse obtenir de bonnes notes en échange de faveurs sexuelles, ce qui provoquerait un fort taux d’abandon scolaire chez les filles, s’est inquiétée une experte.
 
Si l’on en croit les statistiques officielles, plus de 91% des enfants âgés de 11 à 14 ans feraient l’objet de châtiments corporels, a fait observer un membre du Comité.
 
Un expert s’est enquis des mesures prises en matière de lutte contre le VIH/sida et contre le paludisme.
 
L’avortement est-il légal, a-t-il en outre été demandé? 
 
Un expert a souhaité savoir ce qui est fait pour prendre en charge les jeunes «talibés» qui étudient le Coran et mendient pour payer leur formation et leur hébergement.  Comment les dignitaires religieux sont-ils sensibilisés au problème et y a-t-il eu des actions en justice en rapport avec cette question, a-t-il été demandé?
 
Un expert a demandé des précisions sur les dispositions du droit du travail en rapport avec la grossesse et l’accouchement. Il s’est en outre inquiété du phénomène de l’absentéisme des enseignants.
 
Un membre du Comité a émis l’espoir que le Bénin ratifierait dès cette année le troisième Protocole facultatif à la Convention, qui instaure une procédure de plaintes individuelles.
 
Réponses de la délégation
 
Tout en reconnaissant l’insuffisance des moyens mis à disposition de la Sous-Commission chargée des droits de l’enfant dont est dotée la Commission nationale des droits de l'homme, la délégation a souligné qu’un projet de décret est en voie d’adoption qui prévoit de rendre cette institution pleinement conforme aux Principes de Paris.  Le Bénin disposait depuis longtemps d’une institution nationale des droits de l’homme mais qui ne répondait pas aux Principes de Paris, a rappelé la délégation.  La future nouvelle Commission béninoise des droits de l’homme remédiera à cette lacune une fois que les décrets d’application auront été publiés, a-t-elle insisté, avant d’ajouter que le retard pris dans la désignation des membres de la Commission par l’Assemblée nationale est dû au renouvellement récent de cette dernière.
 
La diffusion de la Convention – et des instruments internationaux au sens large – est problématique, a par ailleurs reconnu la délégation.  Un kit de brochures sur les droits de l’homme – dont l’une est relative aux droits de l’enfant – a été diffusé dans tout le pays, a-t-elle fait valoir.  Elle a en outre attiré l’attention sur les formations aux droits de l’enfant dispensées aux magistrats et a souligné que des clubs scolaires consacrés aux droits de l’homme sont mis place dans chaque commune, les élèves qui y participent ayant pour rôle d’informer leurs pairs.  Tous les documents d’information émanant du Ministère de la famille sont publiés dans les neuf langues les plus pratiquées au Bénin, a d’autre part indiqué la délégation.
 
Au Bénin, l’état civil est en voie d’informatisation et les centres de promotion sociale présents dans toutes les communes du pays effectuent un travail auprès des mairies pour enregistrer les enfants, ce processus ayant permis d’en répertorier plus de 7000 l’an dernier – un résultat non négligeable – , a indiqué la délégation.
 
Généralement, les enfants recueillis en institution arrivent sans aucun document d’identité, ce qui est problématique puisqu’il est alors difficile de vérifier s’ils ont été enregistrés à l’état civil, a ajouté la délégation.
 
La délégation a par ailleurs assuré qu’un effort est actuellement déployé en matière de collecte de statistiques.
 
L’intérêt supérieur de l’enfant est pris en compte par les magistrats, l’avis du mineur étant demandé lorsque se pose la question de son placement en famille d’accueil ou d’une éventuelle alternative à la détention, a d’autre part assuré la délégation. 
 
Les familles d’accueil sont sensibilisées aux notions et principes relevant des droits de l’enfant, a poursuivi la délégation.  Les familles hôtes ne sont pas des familles adoptantes et le séjour des enfants y est limité dans le temps, a-t-elle expliqué; il s’agit de «familles relais» - une option que le Bénin entend d’ailleurs développer.  À partir de 2016, c’est l’État lui-même qui prendra le relais de l’association Terre des hommes qui gère actuellement ce programme, a précisé la délégation.  Elle a ajouté que les chiffres communiqués (747 enfants pris en charge par 44 familles) renvoient au nombre total d’enfants pris en charge sur une période donnée et non pas à une photographie instantanée de la situation à un moment donné, de sorte que les 44 familles concernées n’ont pas accueilli tous ces 747 enfants en même temps.  Concrètement, si une famille hôte peut recevoir jusqu’à une vingtaine d’enfants par année, elle ne peut en accueillir plus de deux à la fois, a insisté la délégation.
 
Il n’existe pas de problème de contournement du seuil fixé pour l’âge minimum du mariage, a par ailleurs déclaré la délégation, assurant que les dispenses en la matière étaient loin d’être automatiques et que la corruption est inexistante dans ce domaine.
 
Quant à la participation des enfants, chaque commune du Bénin dispose d’une «cellule communale» au sein de laquelle siègent deux représentants des enfants; ceux-ci sont des écoliers, des apprentis, des membres d’associations religieuses, ce qui signifie que les membres ainsi désignés par leurs pairs reflètent la diversité sociale locale, a expliqué la délégation.  C’est de ce vivier que sont issus les 25 membres du Conseil consultatif national des enfants, a-t-elle précisé.
 
Les exactions commises à l’encontre des «enfants sorciers» sont devenus l’exception, grâce aux efforts menés dans le nord du pays par un certain nombre d’organisations, a par ailleurs assuré la délégation.  L’infanticide est réprimé par la loi et le Code de l’enfant promulgué à la fin de l’année dernière prévoit d’éradiquer ce phénomène, a-t-elle ajouté.  Si les tribunaux ne sont pas saisis de telles affaires, c’est à cause de la crainte qu’éprouvent les personnes ayant connaissance de tels faits à l’idée de les dénoncer, a expliqué la délégation, avant de se dire convaincue qu’à l’avenir, les tribunaux se saisiraient de ces affaires en s’appuyant sur la législation en vigueur.  La délégation a rejeté le ratio d’un enfant sur trois qui serait tué dans le Nord mentionné par un membre du Comité, indiquant que tout cela renvoie à une pratique ancestrale qui est limitée à certaines régions et qui est destinée à disparaître, à l’instar des mutilations génitales féminines.
 
Une «union sacrée» des parents s’est faite autour de la question des châtiments corporels afin que toutes les questions en rapport avec le harcèlement ou la violence à l’encontre des enfants puissent être portées à la connaissance des autorités, sans que ceux qui dénoncent de tels faits ne soient stigmatisés ou ne subissent de représailles, a affirmé la délégation, ajoutant que les autorités béninoises ont conscience de la faiblesse de la répression à ce stade.
 
Le secteur privé est de plus en plus impliqué dans la lutte contre le travail des enfants, a poursuivi la délégation.  Le Bénin manque en outre de spécialistes pour faire face au problème de la traite de personnes, d’autant que ce problème concerne généralement plusieurs pays à la fois et peut se confondre avec la question de la migration de mineurs en quête d’une vie meilleure qui se rendent à l’étranger pour travailler, a expliqué la délégation. Un projet de loi est en cours d’élaboration afin de combler les lacunes existant dans ce domaine, a indiqué la délégation.
 
Au Bénin, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) appuie le fonctionnement de la justice pour mineurs par des actions de formation, entre autres.  Tout est fait pour que l’incarcération d’un mineur reste une mesure de dernier recours, a indiqué la délégation.  De plus en plus fréquemment, a-t-elle assuré, les juges prennent des décisions alternatives à la détention, par le placement du délinquant mineur en institution ou auprès de personnes dignes de confiance.  À l’heure actuelle, 82 enfants sont incarcérés au Bénin, a précisé la délégation.
 
Dans le cadre du programme de modernisation du système pénitentiaire, le Bénin entend se hisser au niveau des normes internationales en la matière, a ajouté la délégation.
 
S’agissant des questions de santé, la délégation a attiré l’attention sur l’existence d’un système d’assurance-maladie universelle.  Des hôpitaux sont construits au Bénin dans le cadre de l’assistance et de la coopération multilatérale fournies par les pays francophones ainsi que par les pays d’Asie et du Golfe, a-t-elle ajouté.
 
L’information sur la contraception se fait par le biais des centres d’écoute et de conseil et les autorités béninoises envisagent d’instaurer la gratuité des moyens contraceptifs, a poursuivi la délégation.  Les organisations non gouvernementales jouent un rôle clé s’agissant de ces questions, l’État se bornant à un travail de coordination, a-t-elle ajouté.
 
L’interdiction de l’avortement vise à protéger l’enfant à naître, a d’autre part déclaré la délégation, avant d’assurer que les mineures victimes de viols bénéficient d’une application «bienveillante» de la loi en la matière.  L’avortement est interdit mais les femmes victimes d’un viol peuvent renoncer à élever l’enfant qu’elles portent contre leur gré en le confiant à un centre d’accueil, a ensuite indiqué la délégation.
 
Le Bénin souhaite que les enfants handicapés soient scolarisés normalement, ce qui exige une formation adaptée des enseignants, a par ailleurs souligné la délégation.  Elle a fait part de la création d’un fonds visant à faciliter le déplacement des enfants concernés et à financer leurs études jusqu’à l’université.  Le problème qui se pose n’est pas tant celui de la scolarisation mais celui de la prise en charge dans le réseau des établissements classiques, a ajouté la délégation.
 
S’agissant précisément des questions d’éducation, la délégation a indiqué que la politique nationale d’éducation suivie par le Bénin donne la priorité à l’enseignement primaire.  Les parents ayant des enfants âgés de 4 à 12 ans se doivent de les envoyer à l’école, a-t-elle souligné.  La scolarité est gratuite pour les filles, y compris au niveau secondaire, a-t-elle ajouté, précisant que cela a eu pour résultat une augmentation du taux de scolarisation des filles.  L’éducation représente environ le tiers du budget de l’Etat, a en outre indiqué la délégation.
 
Les établissements scolaires seront désormais tenus de disposer d’une cantine, d’un point d’eau et de toilettes dans le cadre d’un programme visant à combattre la malnutrition qui a été validé en décembre dernier, a par ailleurs fait valoir la délégation.
 
Avec l’aide de l’organisation Plan International, le Bénin a développé un programme de «tolérance zéro» envers la violence à l’école, a indiqué la délégation.
 
Des organisations non gouvernementales (ONG) prennent en charge des enfants «talibés» en vue de les réinsérer, le Bénin n’ayant pas de stratégie spécifique en faveur de ces enfants, a par ailleurs indiqué la délégation.  Le phénomène des enfants «talibés» est marginal dans le pays, à l’exception de la région septentrionale, a-t-elle ensuite précisé.  Une réflexion est en cours au sujet de ces enfants, mais le Bénin ne dispose pas encore d’une stratégie précise, les dignitaires religieux étant en train d’être consultés à cet égard, a-t-elle ajouté.
 
La délégation a d’autre part indiqué que le Bénin avait renforcé le cadre normatif existant en adoptant un code de l’information qui permet de régir l’activité des clubs vidéos.
 
La lutte contre la corruption implique une volonté politique très forte, ce dont le Bénin et son Président entendent faire preuve, a par ailleurs déclaré la délégation.  Désormais, tous les hauts fonctionnaires et les magistrats doivent déclarer leur patrimoine et une Autorité de lutte contre la corruption a été mise en place, a-t-elle fait valoir.  Des contrôleurs financiers vérifient la régularité des dépenses dans chaque ministère et veillent à détecter les éventuelles dérives telles que la surfacturation.  Des organisations comme Transparency International signalent les abus qu’elles peuvent déceler.  Quant au chef de l’État, il a saisi la Haute cour de justice au sujet de malversations supposées impliquant une dizaine de ministres.
 
Pour ce qui a trait à la responsabilité sociale des entreprises à l’égard des femmes et des enfants, la délégation a fait valoir que tout licenciement d’une femme enceinte est interdit au Bénin.  L’embauche d’un mineur est possible à partir de l’âge de 14 ans, seuil qui concerne aussi les apprentis, a-t-elle ajouté.  La délégation a toutefois reconnu que la notion de la responsabilité sociale des entreprises n’était guère connue dans le pays; elle a indiqué vouloir et pouvoir jouer un rôle pour faire connaître cette responsabilité, en s’appuyant sur les futures recommandations du Comité.
 
Si le cadre législatif et réglementaire s’est amélioré au Bénin depuis 2006, il convient de poursuivre et de renforcer cet effort national, a souligné la délégation, avant d’exhorter les partenaires du Bénin à continuer d’accompagner ce pays.  Le Bénin accueille favorablement la perspective de partager les bonnes expériences de ses voisins ou de pays plus lointains, tout en s’inspirant des recommandations du Comité, a conclu la délégation.
 
Conclusions
 
MME WINTER, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport béninois, a souligné que le Bénin dispose de lois qui fonctionneraient si elles étaient appliquées.  Parmi les problèmes qui perdurent, a-t-elle ajouté, figure en premier lieu la violence – une violence qui s’exprime partout: à l’école, dans la rue, au travail, en prison.  Il s’agit moins d’un problème gouvernemental que d’un problème de la société toute entière, laquelle a tendance à considérer l’enfant comme une source de revenus plutôt que comme un être humain, a-t-elle estimé.  Il existe des bonnes pratiques chez les voisins du Bénin que des organisations comme le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, Terre des Hommes ou encore Franciscains International peuvent faire connaître au pays, a ajouté la corapporteuse.

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