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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale examine le rapport de l'Espagne

Le rapport de l'Espagne

27 avril 2016

Comité pour l'élimination 
de la discrimination raciale 

    27 avril 2016

Le Comté pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par l'Espagne concernant les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. 

Présentant ce rapport, Mme Ana María Menéndez Pérez, Représentante permanente de l'Espagne auprès des Nations Unies à Genève, a souligné que l'Espagne, résolument engagée pour l'égalité entre tous et pour l'élimination de la discrimination sous toutes ses formes, a renforcé son appareil normatif et réglementaire.  Amendé en 2015, le Code pénal permet de lutter plus efficacement contre les délits de haine.  Il réprime l'incitation à la haine raciale, la discrimination et le génocide, et introduit des peines proportionnées à ces crimes.  Le contrôle de l'identité des citoyens par la police est régi par un nouvel article de loi qui impose le respect des principes de proportionnalité et de non-discrimination, a ajouté la Représentante permanente.  Également depuis 2015, l'appareil législatif contient des dispositions concernant le statut de victime d'acte de discrimination, l'action législative dans ce domaine étant complétée par la création d'un réseau d'établissements chargés d'apporter une aide matérielle aux victimes.

Mme Menéndez Pérez a ensuite indiqué que le Gouvernement espagnol avait adopté une stratégie complète de lutte contre la discrimination raciale, ancrée non seulement sur les engagements internationaux de l'Espagne dans ce domaine, mais aussi sur les attentes exprimées par la société civile.  Les pouvoirs publics appliquent un protocole normalisé de dénonciation des actes de racisme et de discrimination, a-t-elle indiqué.  L'Espagne lutte contre la xénophobie par le biais d'un plan de prévention portant, entre autres, sur l'intégration sociale de toutes les catégories de la population grâce à la scolarisation, a d'autre part fait valoir Mme Menéndez Pérez.  Elle a par ailleurs fourni des renseignements concernant le renforcement du système judiciaire espagnol aux fins d'une action plus efficace contre la discrimination raciale, précisant que cette action est désormais placée sous la conduite de procureurs spécialisés.  En conclusion, Mme Menéndez Pérez a indiqué que son pays, conscient des progrès qu'il doit encore faire, allait intensifier la lutte contre les discours de haine, y compris sur Internet; veiller au recensement des actes de racisme, de xénophobie et d'intolérance en général; mettre l'accent sur la formation des fonctionnaires de justice; et poursuivre son travail de sensibilisation.

La délégation espagnole était composée de représentants des Ministères des affaires étrangères, de la justice, de l'intérieur, de l'éducation, de la culture et des sports, de l'emploi et de la sécurité sociale, et de la santé, ainsi que de représentants du Conseil général du pouvoir judiciaire et des services du Procureur général de l'État.  Elle a répondu aux questions et observations du Comité qui ont porté, essentiellement, sur les conditions d'accueil des migrants et requérants d'asile et sur les politiques d'intégration en Espagne des personnes issues de l'immigration et des Gitans.  A également été abordée la question des contrôles d'identité. 

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Espagne, M. Pastor Elías Murillo Martínez, a salué les progrès réalisés par l'Espagne dans la lutte contre le racisme et la discrimination raciale.  Mais la situation en Espagne doit être examinée à l'aune de trois circonstances conjoncturelles, a-t-il poursuivi.  Tout d'abord, la réduction des dépenses publiques suite à la crise économique de 2008 frappe de manière disproportionnée les migrants, dans ce pays, a-t-il souligné.  Ensuite, la crise migratoire que traverse l'Espagne, à l'instar de l'Europe tout entière, entraîne également son lot d'injustices et de drames parmi les candidats à l'immigration, a-t-il ajouté, rappelant les événements de février 2014, lors desquels quinze jeunes ont perdu la vie à Ceuta sous les balles de caoutchouc de la Garde civile espagnole.  Enfin, le rapporteur a attiré l'attention sur la crise politique que connaît l'Espagne.  M. Murillo Martínez a ensuite évoqué les conséquences toujours vivaces, pour les personnes d'ascendance africaine, de la colonisation espagnole des Amériques.  Il a souligné que les jeunes Espagnols d'origine africaine se sentent souvent marginalisés dans leur propre pays, dans une mesure comparable à celle des jeunes Français de la troisième génération.  Dans ce contexte, M. Murillo Martínez a fait état de la persistance d'une forme de discrimination raciale de la part des forces de police contre les personnes d'origine africaine en Espagne.  Si cette discrimination est moins marquée en Espagne que dans d'autres pays d'Europe, a relevé l'expert, elle n'en reste pas moins préoccupante et doit inciter l'État espagnol à prendre des mesures correctives.  Une volonté politique plus grande est sans doute nécessaire pour améliorer le traitement réservé aux personnes d'ascendance africaine, a insisté le rapporteur. 

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport de l'Espagne et les rendra publiques à l'issue de la session, qui doit clore ses travaux le vendredi 13 mai prochain.

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport d'Oman (CERD/C/OMN/2-5). 

Présentation du rapport de l'Espagne

Présentant le rapport de son pays (CERD/C/ESP/21-23), MME ANA MARÍA MENÉNDEZ PÉREZ, Représentante permanente de l'Espagne auprès des Nations Unies à Genève, a souligné que l'Espagne, résolument engagée pour l'égalité entre tous et pour l'élimination de la discrimination sous toutes ses formes, a renforcé son appareil normatif et réglementaire.  Amendé en 2015, le Code pénal permet de lutter plus efficacement contre les délits de haine.  Il réprime l'incitation à la haine raciale, la discrimination et le génocide, et introduit des peines proportionnées à ces crimes.  Le contrôle de l'identité des citoyens par la police est régi par un nouvel article de loi qui impose le respect des principes de proportionnalité et de non-discrimination: l'interdiction d'appliquer des critères discriminatoires aux contrôles d'identité est ainsi clairement inscrite dans la loi, a ajouté la Représentante permanente.  Également depuis 2015, l'appareil législatif contient des dispositions concernant le statut de victime d'acte de discrimination, l'action législative dans ce domaine étant complétée par la création d'un réseau d'établissements chargés d'apporter une aide matérielle aux victimes.

Mme Menéndez Pérez a ensuite indiqué que le Gouvernement espagnol avait adopté une stratégie complète de lutte contre la discrimination raciale, ancrée non seulement sur les engagements internationaux de l'Espagne dans ce domaine, mais aussi sur les attentes exprimées par la société civile.  La stratégie centralise l'action des différents ministères concernés et crée un cadre de coopération avec la société civile.  L'objectif est de renforcer la conception et l'application de mesures actives de prévention et de lutte contre les actes à caractère raciste ou discriminatoire, a expliqué la Représentante permanente.  La stratégie mise aussi sur les échanges d'expériences entre les partenaires concernés et contient son propre mécanisme d'évaluation et de suivi; ce mécanisme peut compter sur un système renforcé de recensement des actes de racisme ou de discrimination commis par les agents de la force publique.  Les pouvoirs publics appliquent, en particulier, un protocole normalisé de dénonciation des actes de racisme et de discrimination, a précisé Mme Menéndez Pérez.  Avec l'adoption de ce mécanisme innovant, l'Espagne rejoint les cinq pays européens les plus en pointe dans la lutte contre la discrimination institutionnelle, a-t-elle souligné.

La perception de la discrimination raciale en Espagne a fait l'objet d'une étude scientifique publiée en 2014, a ensuite indiqué la cheffe de la délégation espagnole.  Une enquête de suivi sera réalisée en 2016, pour examen en 2017, a-t-elle précisé, ajoutant que l'objectif est d'évaluer les craintes et les attentes des catégories de population potentiellement victimes de la discrimination, notamment les personnes immigrées.

L'Espagne lutte contre la xénophobie par le biais d'un plan de prévention portant, entre autres, sur l'intégration sociale de toutes les catégories de la population grâce à la scolarisation, a d'autre part fait valoir Mme Menéndez Pérez.  Ce plan prévoit des mesures concrètes de dépistage des comportements discriminatoires, racistes ou xénophobes au sein même des salles de classe; à cet égard, les agents de police ont procédé à plus de 7000 auditions d'écoliers en 2015, a précisé la Représentante permanente de l'Espagne. 

Mme Menéndez Pérez a par ailleurs fourni des renseignements concernant le renforcement du système judiciaire espagnol aux fins d'une action plus efficace contre la discrimination raciale, précisant que cette action est désormais placée sous la conduite de procureurs spécialisés, eux-mêmes coordonnés par le Procureur général de l'État.  La protection des mineurs migrants non accompagnés est désormais encadrée par une procédure unifiée, élaborée et appliquée par les ministères et services publics concernés, et basée sur le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant, a d'autre part indiqué la cheffe de délégation. 

En conclusion, Mme Menéndez Pérez a indiqué que son pays, conscient des progrès qu'il doit encore faire, allait intensifier la lutte contre les discours de haine, y compris sur Internet; veiller au recensement des actes de racisme, de xénophobie et d'intolérance en général; mettre l'accent sur la formation des fonctionnaires de justice; et poursuivre son travail de sensibilisation et d'approfondissement de la collaboration entre les institutions et la société civile pour mieux lutter contre la discrimination tout en prêtant attention aux victimes du racisme et de la discrimination. 

Examen du rapport

Questions et commentaires des membres du Comité

M. PASTOR ELÍAS MURILLO MARTÍNEZ, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Espagne, a salué les progrès réalisés par l'Espagne dans la lutte contre le racisme et la discrimination raciale, évoquant notamment le renforcement du cadre législatif, les mesures de protection des citoyens et la désignation de plusieurs procureurs chargés explicitement des crimes imputables au racisme et à la discrimination.  Mais la situation en Espagne doit être examinée à l'aune de trois circonstances conjoncturelles, a poursuivi le rapporteur.  Tout d'abord, la réduction des dépenses publiques suite à la crise économique de 2008 frappe de manière disproportionnée les migrants, dans ce pays, a-t-il souligné.  Ensuite, la crise migratoire que traverse l'Espagne, à l'instar de l'Europe tout entière, entraîne également son lot d'injustices et de drames parmi les candidats à l'immigration.  Les événements de février 2014, lors desquels quinze jeunes ont perdu la vie à Ceuta sous les balles de caoutchouc de la Garde civile espagnole, suscitent beaucoup d'interrogations parmi les membres du Comité, a fait observer M. Murillo Martínez.  Quelles procédures pénales ont-elles été engagées concernant cette affaire, a-t-il demandé?  Comment les responsabilités politiques en ont-elles été déterminées?  Enfin, troisième et dernière circonstance conjoncturelle à prendre en compte dans le contexte de l'examen du rapport de l'Espagne: la crise politique que connaît ce pays, avec les nouvelles élections parlementaires qui se profilent. 

M. Murillo Martínez a ensuite évoqué les conséquences toujours vivaces, pour les personnes d'ascendance africaine, de la colonisation espagnole des Amériques.  Il a voulu savoir comment l'Espagne assumait, par le biais de l'école notamment, l'obligation d'attirer l'attention du public sur le problème historique qu'a été la traite esclavagiste.  Le rapporteur a souligné que les jeunes Espagnols d'origine africaine se sentent souvent marginalisés dans leur propre pays, dans une mesure comparable à celle des jeunes Français de la troisième génération.  Dans ce contexte, M. Murillo Martínez a fait état de la persistance d'une forme de discrimination raciale de la part des forces de police contre les personnes d'origine africaine en Espagne.  Si cette discrimination est moins marquée en Espagne que dans d'autres pays d'Europe, a relevé l'expert, elle n'en reste pas moins préoccupante et doit inciter l'État espagnol à prendre des mesures correctives.  Une volonté politique plus grande est sans doute nécessaire pour améliorer le traitement réservé aux personnes d'ascendance africaine, a insisté le rapporteur. 

M. Murillo Martínez a enfin demandé à la délégation de dire comment les autorités espagnoles géraient le problème des naufrages en mer Méditerranée de candidats à l'immigration vers l'Espagne et dans quelle mesure la population était informée exactement non seulement de l'ampleur du phénomène migratoire en Espagne, mais aussi de l'apport réel des migrants à la vie économique et sociale du pays. 

D'autres experts du Comité ont fait état des vives critiques formulées par certaines organisations de la société civile contre le nouveau projet espagnol de stratégie sur «les droits de l'homme et les entreprises»: selon des organisations non gouvernementales, ce projet accorde une trop grande place aux prérogatives des grandes entreprises multinationales, au détriment des intérêts des peuples autochtones tels que défendus notamment par la Convention n°169 de l'Organisation internationale du Travail relative aux peuples indigènes et tribaux.  Un expert s'est dit particulièrement préoccupé par la situation des peuples autochtones forestiers du Paraguay, menacés par un projet industriel piloté par une grande entreprise espagnole, et s'est également inquiété de l'impact du projet d'exploitation gazière d'une société pétrolière espagnole au Pérou.  Si ces projets se réalisaient, a mis en garde l'expert, l'Espagne deviendrait un des États auxquels le Comité devrait faire des recommandations assez fermes quant aux effets des activités de grandes entreprises sur la jouissance des droits des peuples autochtones.

Un autre expert a salué les mesures positives prises par l'Espagne contre les manifestations de racisme sur Internet.  L'expert a ensuite voulu savoir si l'État espagnol avait déjà procédé à une évaluation de l'incidence potentielle, à court et moyen termes, de l'afflux actuel de migrants vers l'Espagne.  Il a recommandé à l'Espagne d'investir dans des programmes de développement économique centrés sur les pays d'origine des migrations de masse.  Il a en outre fait part de la préoccupation du Comité face aux expulsions d'immigrants «à chaud» – c'est-à-dire immédiates et hors des procédures légales – telles que pratiquées dans les villes autonomes de Melilla et Ceuta. 

Un expert a noté que si la situation des Roms semblait s'être beaucoup améliorée en Espagne, ce pays restait confronté au problème du profilage racial dont sont victimes les membres de plusieurs minorités.  Un autre membre du Comité a relevé que la loi espagnole oblige les étrangers à toujours porter sur eux des documents établissant leur identité et leur origine.  Or, a souligné l'expert, de nombreux immigrés ne disposent plus de ces papiers. 

Une experte a demandé à la délégation de dire en quoi consistait exactement la politique d'intégration des migrants en Espagne et quel avait été l'impact de la crise économique sur cette politique.  Le rapport ne donne aucune statistique sur les populations immigrées, a regretté cette experte, estimant que cela empêche de dresser un bilan de l'action publique, en particulier d'évaluer la présence et la visibilité dans la vie publique de personnes issues de l'immigration.

Une experte s'est interrogée sur le rôle que peut jouer l'école espagnole dans la création d'une image positive de la communauté immigrée en Espagne.  Elle a voulu savoir si l'Espagne avait ratifié la Convention n°189 de l'OIT sur les travailleuses et travailleurs domestiques (2011).  Elle a constaté qu'un obstacle entravait toujours le dialogue interculturel prôné par l'Alliance des civilisations lancée par l'Espagne: en effet, comment dialoguer tant que ne seront pas abordés ouvertement les problèmes nés du passé colonial de l'Espagne, a-t-elle indiqué?  La Communauté caribéenne (CARICOM) a demandé officiellement à l'Espagne d'ouvrir des discussions franches sur cette question, a-t-elle rappelé.

Un expert a salué la qualité du rapport de l'Espagne, qui répond pleinement aux attentes du Comité dans sa présentation comme dans son contenu.  Cet expert a rappelé que, pour avoir des effets, la loi doit être effectivement appliquée par les tribunaux.  Il s'est félicité que chaque justiciable en Espagne puisse former recours devant la cour constitutionnelle espagnole en vertu de l'article 53 de la Constitution (protection contre la violation des droits fondamentaux).  Aussi, cet expert a-t-il demandé à la délégation de préciser les conditions matérielles d'une telle saisine.  Il a également voulu savoir quelles mesures d'intégration communautaire il serait possible d'envisager en faveur de migrants (Assyriens et Yézidis, par exemple) qui sont en danger d'extermination dans leur pays d'origine. 

Un expert a noté que l'ensemble de la communauté d'origine africaine établie à Madrid vit dans un seul quartier de cette ville.  Le fait qu'une population de même culture ou origine ethnique se retrouve ainsi isolée du reste de la population, comme dans un ghetto, risque d'entraîner – on l'a vu en Belgique – une perte de contrôle par la communauté d'accueil et des actes de violence, a fait observer cet expert.  C'est toute la question de l'intégration des migrants qui est ainsi posée, a-t-il insisté. 

Les Gitans en Espagne seraient au nombre d'environ 750 000, sans pour autant constituer une minorité reconnue, a pour sa part relevé un expert, avant de s'enquérir de l'origine géographique de ces personnes et des mesures d'intégration prises en leur faveur. 

Un expert a plaidé pour le respect d'une certaine équité dans le traitement des demandes d'asile.  Il a regretté que les demandes déposées par des personnes originaires d'Afrique subsaharienne – surtout du Mali – soient examinées à l'aune de critères plus sévères que celles d'autres requérants.  L'expert a par ailleurs estimé  que l'Espagne donnait une interprétation trop restrictive de la qualité de «membre de la famille» dans le contexte de l'examen des demandes de regroupement familial.

Un expert a constaté un écart important entre les informations fournies par la délégation et celles dont le Comité dispose au sujet des conditions de vie dans les centres de séjour temporaire pour migrants de Ceuta et Melilla.  Le rapport officiel d'un expert des Nations Unies montre que le traitement des demandes d'asile déposées par des personnes détenues dans ces deux centres peut durer jusqu'à cinq ans voire davantage.  L'existence d'un tel délai est confirmée par d'autres sources, qui font aussi état de problèmes tels que des abus sexuels et au moins un décès dû à un défaut de traitement médical.  

Des éclaircissements ont été demandés par les experts concernant les circonstances de la mort de migrants à Ceuta en 2014.  Les policiers qui ont utilisé des balles de caoutchouc dans des circonstances qui ne le justifiaient pas doivent rendre des comptes pour leurs actes, a-t-il été souligné. 

Le flux migratoire actuel est anormal et constitue une tragédie, a fait observer un expert.  Dans ces conditions, les États devraient peut-être revoir l'équilibre entre leurs impératifs de sécurité et l'obligation de porter secours aux femmes et aux enfants qui meurent en mer, a-t-il affirmé.

Une experte s'est enquise des résultats concrets des programmes d'intégration des Roms en Espagne. 

Le Comité condamne le colonialisme et l'esclavage dans la mesure où ces phénomènes ont encore des conséquences de nos jours, a expliqué une experte.  Elle a souhaité savoir dans quelle mesure le Gouvernement espagnol dialoguait avec les personnes d'ascendance africaine vivant en Espagne au sujet de leurs demandes de justice et d'indemnisation.

Comment l'État espagnol lutte-t-il contre les agressions et actes de discrimination commis contre des enfants noirs dans les écoles espagnoles, a-t-il par ailleurs été demandé?

Réponses de la délégation

La délégation a souligné que suite aux amendements qu'elle a subis, la loi encadre désormais strictement la possibilité donnée aux forces de police de procéder à des contrôles d'identité.  Ces derniers doivent désormais être pratiqués dans le respect scrupuleux des principes de proportionnalité et de non-discrimination, a-t-elle indiqué.  Fait nouveau, la loi impose en outre aux policiers de justifier chaque procédure de contrôle: toutes les identifications réalisées, avec la mention de leurs motifs, seront inscrites dans un registre consultable par l'autorité de surveillance, a ajouté la délégation.  L'obligation faite aux étrangers de porter des documents d'identité s'accompagne d'une interdiction de confisquer ces documents, a-t-elle en outre souligné.  Cette exigence est à comparer avec l'obligation faite aux citoyens espagnols de plus de 14 ans de pouvoir justifier de leur identité à la demande de la police, a-t-elle ajouté.  Dans les faits, il y a peu de différence entre ces deux exigences, a estimé la délégation.

L'existence de statistiques ethniques entraînant toujours des discriminations, l'Espagne ne récolte d'informations que sur la nationalité des personnes résidentes en Espagne, a expliqué la délégation.

Une étude visant à établir un «profil des discriminations en Espagne» a été réalisée auprès du public espagnol, dont il ressort notamment que si la majorité de la population se déclare favorable en principe à une société multiculturelle, des questions plus précises – sur la cohabitation avec, par exemple, des personnes de couleur – donnent des réponses moins positives, a ensuite indiqué la délégation.  Un cinquième des personnes sondées indique avoir été victime de discrimination, avant tout dans le cadre du travail et des loisirs, a par ailleurs précisé la délégation.  Les plaintes pénales, au demeurant très peu nombreuses, portent avant tout sur les actes de violence à caractère raciste, a-t-elle précisé.

La «cartographie de la discrimination» est un cadre de mesures et d'activités telles que sondages, modèles d'exploitation des données, enquêtes de victimisation, identification des besoins et ressources, qui a pour objectif la mise en place de mesures concrètes de lutte contre les manifestations de racisme.

S'agissant des questions d'asile, la délégation a précisé que l'Espagne dispose de deux types de centres d'accueil pour réfugiés: les centres de rétention administrative pour personnes faisant l'objet d'un ordre d'expulsion, où la durée du séjour est limitée à 60 jours; et les centres de séjour temporaire pour migrants dans les villes autonomes de Ceuta et Melilla. 

Toute personne internée dans un centre de rétention administrative en vertu d'une décision de justice peut faire recours devant les tribunaux et bénéficie des services médicaux qualifiés, a fait valoir la délégation.  Le Ministère de l'intérieur a mandaté la Croix-Rouge et des organisations religieuses pour fournir des prestations sociales dans les centres de rétention administrative.  Les centres de Ceuta et Melilla sont des établissements d'accueil prodiguant des prestations de base aux requérants d'asile: logement, soins de santé primaire, loisirs et éducation, notamment.  Ces deux centres ont accueilli 13 000 personnes en 2015, contre 8000 en 2014, a précisé la délégation.  Le centre de Melilla reçoit le plus grand nombre de demandes, compte tenu de sa localisation géographique.  Les migrants mineurs accompagnés et non accompagnés sont scolarisés en priorité, a indiqué la délégation.  Tous les migrants internés ont le droit d'être informés dans leur langue et de prendre contact avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, a précisé la délégation.

Les expulsions à la frontière sont désormais mieux encadrées par la loi, a poursuivi la délégation.  Ceuta et Melilla, du fait de leur situation géographique particulière, sont malheureusement parfois le lieu d'épisodes de violence que l'Espagne regrette et condamne, a-t-elle déclaré.  Les autorités ont procédé aux aménagements physiques nécessaires (ouverture de postes frontière) pour permettre aux requérants de déposer leur demande d'asile.  Le principe de non-refoulement est ainsi respecté.  Aucune norme de droit ne garantit l'entrée libre dans un pays par des non-ressortissants, a tenu à rappeler la délégation.  C'est pourquoi l'Espagne doit mettre en œuvre des moyens concrets d'empêcher l'immigration illégale sur son sol, a-t-elle souligné.

Les événements de février 2014 à Ceuta (mort de plusieurs personnes tentant de franchir illégalement la frontière) ont fait l'objet d'une enquête officielle, a indiqué la délégation.  Cette enquête a conclu à un manque de preuves permettant de poursuivre les auteurs d'éventuels homicides par négligence, a-t-elle précisé.  L'enquête n'a pas pu déterminer non plus la cause exacte de tous les décès, a ajouté la délégation.  L'enquête a établi que les agents de la Garde civile n'avaient pas été à l'origine du drame, sauf dans un cas de décès imputable, selon les médecins, à des balles en caoutchouc, a-t-elle indiqué. 

Revenant par la suite sur ces événements de février 2014 à Ceuta, la délégation a déclaré que l'enquête médicale avait montré que les corps des victimes ne portaient pas de trace de violence.  La Garde civile n'a pas tiré sur des personnes en mer, mais sur des personnes tentant de traverser la frontière à pied, a ajouté la délégation.  L'expertise médicale a d'ailleurs constaté un nombre très restreint de blessures par balle.  Quoi qu'il en soit, la procédure judiciaire pourra encore faire l'objet d'un recours, a précisé la délégation. 

La délégation a précisé que l'objectif des mesures de sécurité qui entourent Ceuta et Melilla était avant tout de lutter contre l'immigration illégale et contre l'entrée de criminels en Espagne.  Elle a aussi mis en avant le fait qu'en tant que membre de l'Union européenne et dans le contexte de la crise migratoire actuelle, l'Espagne avait déjà adopté, pour aider les demandeurs d'asile, des mesures exceptionnelles faisant exception au régime de Dublin. 

Par ailleurs, il est exact qu'au moins une personne a succombé (en 2011) à une méningite dans l'un des deux centres de séjour pour migrants de Melilla et Ceuta, a indiqué la délégation.  Il est également exact que des agents de sécurité ont eu des relations sexuelles en 2006 avec une personne retenue: leur procès a eu lieu l'année dernière, a-t-elle ajouté.

Depuis 2015, les autorités sont parvenues à réduire la durée moyenne du séjour dans les centres de séjour de Ceuta et Melilla à trois mois et demi et deux mois respectivement, a ensuite indiqué la délégation.  Le retard dans le traitement des demandes d'asile (de deux à cinq ans) est en effet regrettable, a reconnu la délégation en réponse à certaines préoccupations exprimées par le Comité.  Mais ce retard peut s'expliquer en partie par la difficulté à récolter les éléments de preuve nécessaires, a-t-elle expliqué.  La délégation a d'autre part précisé que l'Espagne peut soumettre les migrants qui se déclarent mineurs à un protocole médical pour déterminer leur âge exact; dans ce cas, les intérêts du mineur sont défendus par la justice et le principe de présomption d'innocence prévaut toujours. 

La délégation a ajouté qu'elle fournirait par écrit des informations complémentaires concernant les demandes déposées par des ressortissants du Mali.

L'Espagne contribue solidairement à la résolution de la crise humanitaire qui secoue actuellement l'Europe, a assuré la délégation.  La position de l'Espagne consiste à proposer à ses partenaires européens une politique migratoire globale visant à réduire l'incitation à la migration, à renforcer les contrôles aux frontières et à mieux gérer la migration légale.  L'Espagne s'efforce de combattre les causes de migrations en partenariat avec les pays d'origine, a ajouté la délégation.  Une cinquantaine de militaires et policiers espagnols sont affectés à l'agence européenne Frontex.  En outre, l'ambassade d'Espagne à Ankara dispose d'un point focal chargé des questions migratoires, a précisé la délégation. 

Le recours devant la Cour constitutionnelle est ouvert à tous les citoyens, a confirmé la délégation.  Il peut aussi porter sur l'application des dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, a-t-elle précisé.

La loi sanctionne désormais plus durement les actes visant à discréditer et humilier certains groupes: l'inscription d'une croix gammée sur une synagogue sera ainsi poursuivie, a d'autre part fait valoir la délégation.  La justice est habilitée à interrompre les services médiatiques qui contreviennent à ces dispositions et à fermer des lieux d'endoctrinement de la jeunesse, par exemple, a-t-elle précisé. 

En Espagne, le terme «Gitans» désigne les mêmes catégories de personnes que celles appelées, dans le reste de l'Europe, «Roms»: cela renvoie tant à une pratique historique qu'à la volonté des personnes concernées elles-mêmes, a rappelé la délégation.  Depuis les années 1970, la population gitane a refusé – à de rares exceptions près – d'être considérée comme une minorité nationale de peur d'être victime de stigmatisation, a-t-elle expliqué.  L'Espagne part du principe que dans leur majorité, les Gitans sont bien intégrés, a poursuivi la délégation.  En 1989, l'Espagne a mis en place, dans les administrations générales de l'État, les mesures nécessaires pour répondre aux besoins spécifiques de cette catégorie de population, en concertation avec elle, a-t-elle fait valoir.  En 2012, en écho aux initiatives de l'Union européenne, le Conseil des ministres a adopté une stratégie d'inclusion nationale qui est aujourd'hui l'inspiration centrale des politiques de soutien en direction des Gitans, dans le domaine économique en particulier.  Les investissements publics en faveur de l'intégration des Gitans ont été maintenus même pendant la crise économique, a souligné la délégation.  La population gitane d'Europe de l'Est récemment installée en Espagne a des besoins spécifiques auxquels l'Espagne répondra par des mesures spécifiques qui seront élaborées avec l'aide d'experts, a-t-elle ajouté. 

Le succès des politiques d'intégration en faveur des Gitans est mesuré notamment à travers les études sectorielles réalisées par certaines organisations non gouvernementales, a par la suite indiqué la délégation.  Les autorités espagnoles peuvent aussi s'appuyer sur des chiffres concernant des objectifs spécifiques, dans le domaine de l'éducation (taux de scolarisation), par exemple.  Les contacts officiels avec les organisations représentatives ont permis aux autorités de constater que les Gitans sont confrontés à une détérioration de leur situation du fait de la crise, a indiqué la délégation, avant d'ajouter qu'une évaluation globale de la situation aurait lieu en juin prochain. 

Les Gitans d'Espagne parlent leur propre langue, d'origine indoeuropéenne mais incompréhensible par les autres Roms d'Europe, a ensuite souligné la délégation.  On constate donc un regain d'intérêt pour le romani, qui pourrait servir de langue de communication avec le reste de la communauté rom en Europe, a-t-elle indiqué. 

La formation des forces de l'ordre aux normes juridiques relatives à la lutte contre le racisme et la discrimination est axée sur la qualité, a ensuite indiqué la délégation, précisant que leur formation initiale est complétée par des formations continues et spécialisées qui portent, par exemple, sur la répression des crimes de haine.

L'intégration des migrants et demandeurs d'asile incombe au Ministère de la santé et des affaires sociales, a d'autre part indiqué la délégation.  Le budget de l'État contribue à hauteur de 101 millions d'euros par an au financement des organisations non gouvernementales qui participent à cette intégration.  Onze millions d'euros sont affectés à la prise en charge des mineurs non accompagnés, a précisé la délégation.  Grâce à l'aide des fonds européens, l'Espagne a pu minimiser les conséquences financières des mesures d'austérité sur la prise en charge des migrants.  Dans le domaine du logement, a ajouté la délégation, l'État espagnol applique un plan de réorientation en direction des personnes les moins bien loties vivant sur le territoire espagnol.  Cette stratégie, basée sur une hiérarchisation des besoins, s'accompagne de mesures de lutte contre la discrimination sur le marché du logement.

Les étrangers en situation irrégulière en Espagne bénéficient d'une aide sanitaire d'urgence, en cas de maladie ou d'accident ainsi que lors d'une grossesse ou de l'accouchement, a par ailleurs fait valoir la délégation.  Les étrangers clandestins plus âgés bénéficient de nouveaux programmes d'aide sanitaire.  L'Espagne est fière de son système de santé universel et de qualité, comme en témoigne le fait que l'espérance de vie en Espagne est la plus élevée de toute l'Europe, a souligné la délégation. 

La délégation a ensuite indiqué que les programmes d'histoire en Espagne contiennent un enseignement sur la colonisation et la décolonisation de l'Afrique et de l'Amérique latine, le commerce triangulaire des esclaves et le mouvement des droits civiques aux États-Unis, entre autres. 

L'Espagne est consciente du débat en cours au sein de la Communauté caribéenne au sujet des conséquences de l'esclavage, a ajouté la délégation.  Le meilleur moyen de se confronter aux actes du passé consiste à indemniser les victimes, adopter des mesures de prévention et contribuer aux initiatives des Nations Unies contre l'esclavage, a-t-elle indiqué.  L'Espagne, qui a joué un rôle important dans l'adoption de la Décennie des personnes d'ascendance africaine, plaide également en faveur du dialogue avec les communautés autochtones de l'Amérique latine, a-t-elle ajouté.

La stratégie nationale contre le racisme (2011) est un document-cadre, sans calendrier: il est en effet destiné à être modifié en fonction des besoins du moment, a fait savoir la délégation en réponse à la demande d'un expert.  Quant au deuxième Plan national des droits de l'homme, il a été décidé de le faire adopter après les prochaines élections législatives, a indiqué la délégation.

Les autorités ont obtenu de bons résultats dans leurs efforts pour augmenter le taux de fréquentation scolaire parmi les minorités, a par ailleurs fait observer la délégation.

En moyenne, plus de 8% des enfants scolarisés en Espagne sont d'origine étrangère, a-t-elle d'autre part souligné.  Pour refléter cette diversité et pour mieux lutter contre l'afrophobie, l'Espagne veille d'abord à ancrer les valeurs de non-discrimination et de tolérance dans les écoles et dans le secteur de l'éducation en général, a-t-elle expliqué. 

Ce sont des raisons tenant à la fois à l'histoire et à la proximité culturelle et linguistique qui expliquent que les personnes originaires d'Amérique latine doivent justifier de deux ans seulement de séjour en Espagne avant de pouvoir en obtenir la nationalité, alors que ce délai est de cinq ans pour les personnes originaires d'autres pays, a enfin déclaré la délégation. 

À l'issue de ce dialogue, MME MENÉNDEZ PÉREZ, Représentante permanente de l'Espagne auprès des Nations Unies à Genève, a estimé que l'engagement politique de son pays en faveur de l'application de la Convention se manifestait très clairement dans la composition de sa délégation, qui rassemble des experts de tous les ministères et services de l'État concernés.  Mme Menéndez Pérez a indiqué que l'Espagne ne partage pas la tendance de certains organes conventionnels à se pencher sur le passé lointain, même s'il est vrai qu'il faut enseigner le passé pour comprendre le présent.  L'Espagne est d'avis qu'il faut se concentrer sur l'application ici et maintenant de la Convention, a-t-elle souligné.  La Représentante permanente a attiré l'attention sur l'action des autorités espagnoles dans le domaine de la protection des lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels (LGBT) contre toute discrimination et a regretté que le Comité n'ait pas abordé cette question. 

Remarques de conclusion

MME ANASTASIA CRICKLEY, Présidente du Comité, a recommandé à l'Espagne de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles.  Elle a dit être consciente de la portée de la discrimination des Roms dans l'éducation et a encouragé l'Espagne à adopter les meilleurs pratiques au niveau européen dans la promotion des droits de l'homme. 
M. PASTOR ELÍAS MURILLO MARTÍNEZ, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Espagne, a exprimé l'espoir que les nouvelles autorités que les Espagnols éliront prochainement poursuivront l'action menée jusqu'ici.  Il a recommandé un examen plus approfondi des conditions de rétention des migrants à Ceuta et Melilla, sachant que ces lieux étaient autrefois des prisons et n'offrent pas des conditions adéquates.  M. Murillo Martínez a en outre estimé que les actes manifestement irréguliers commis à Ceuta par la Garde civile méritaient de faire l'objet d'un contrôle judiciaire au niveau du ministère public.  Le rapporteur a par ailleurs demandé aux autorités espagnoles de prendre des mesures renforcées contre le profilage racial, dont les victimes sont toujours plus nombreuses.  La possibilité de dénoncer de manière anonyme une personne dont on soupçonne qu'elle tombe dans l'extrémisme pourrait entraîner l'Espagne sur une pente dangereuse, a d'autre part mis en garde le rapporteur.  Il a enfin appelé l'Espagne à reconnaître que l'esclavagisme constitue un crime contre l'humanité, qu'il ne tombe pas sous le coup de la prescription et qu'il justifie des mesures de réparation.

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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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