Michelle Bachelet demande au Mexique de redoubler d’efforts alors que le pays franchit le triste cap des 100 000 personnes disparues
17 mai 2022
GENÈVE (17 mai 2022) – La Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme Michelle Bachelet est intervenue mardi afin de demander aux autorités mexicaines de redoubler d’efforts pour garantir la vérité et la justice aux victimes de disparitions, qui se chiffrent aujourd’hui à plus de 100 000 personnes, selon des données officielles.
« Le fléau des disparitions et une tragédie humaine d’une ampleur considérable », a déclaré Mme Bachelet. « Aucun effort ne doit être épargné pour mettre fin à ces graves atteintes et violations des droits de l’homme, et pour faire respecter les droits des victimes à la vérité, à la justice, à la réparation et à des garanties de non-répétition. »
Un registre national a été mis en place pour recenser les disparitions depuis 1964. Selon la base de données, environ 25 % des personnes répertoriées comme ayant disparu sont des femmes et 20 % avaient moins de 18 ans au moment de leur disparition. Plus de 97 % des disparitions dont la date est connue se sont produites après décembre 2006, lorsque le Mexique est passé à un modèle militarisé de sécurité publique.
Sur l’ensemble des disparitions enregistrées, 35 seulement ont donné lieu à la condamnation de leurs auteurs. Ce taux d’impunité stupéfiant est principalement attribuable à l’absence d’enquêtes efficaces. Les familles des victimes, déjà profondément affectées par la disparition de leurs proches, se retrouvent alors seules avec la lourde responsabilité d’essayer de déterminer ce qui leur est arrivé.
« Durant ma visite au Mexique en 2019, j’ai pu voir de mes propres yeux le courage des familles des victimes, qui ont joué un rôle déterminant dans l’organisation et la proposition de solutions, et dans la réalisation de progrès juridiques et institutionnels afin de reconnaître l’ampleur de ce problème au Mexique », a expliqué la Haute-Commissaire.
Michelle Bachelet a rendu hommage à tous les membres des familles qui ont persévéré pendant des décennies en quête de vérité et de justice, dont Rosario Ibarra de Piedra, dont le fils Jesús Piedra Ibarra a été victime de disparition forcée en 1975. Grâce à Mme Ibarra de Piedra, décédée en avril dernier, environ 150 personnes disparues ont été retrouvées en vie et ont pu retourner dans leur famille.
Le Mexique a pris des mesures importantes, notamment l’adoption de la loi générale sur les disparitions, la création de comités de recherche dans tous les États et, plus récemment, la création d’un centre national d’identification des personnes. Il a également mis en place des comités chargés d’examiner les graves violations des droits de l’homme survenues entre 1965 et 1990, ainsi que la disparition forcée en 2014 de 43 étudiants d’Ayotzinapa, et a créé le Mécanisme extraordinaire d’identification médico-légale.
En 2020, le Mexique a reconnu la compétence du Comité des disparitions forcées des Nations Unies pour examiner les plaintes émanant de particuliers. En juin 2021, dans une décision historique, la Cour suprême a reconnu le caractère contraignant des actions en urgence du Comité. En novembre 2021, le Mexique est devenu le premier pays à accepter une visite du Comité, qui s’est rendu dans 13 États mexicains et a tenu plus de 150 réunions avec les autorités, des organisations de victimes et des ONG.
Michelle Bachelet espère que ces mesures positives permettront d’ouvrir la voie à la prévention de nouvelles disparitions, de faire la lumière sur le sort des personnes disparues, d’améliorer l’accès à la justice et de garantir les droits des victimes.
La Haute-Commissaire a appelé les autorités à placer les familles des personnes disparues au centre de leurs efforts et à mettre à disposition les ressources nécessaires pour garantir l’efficacité des enquêtes et des recherches.
Elle a également appelé le Mexique à véritablement mettre en œuvre toutes les recommandations du Comité des disparitions forcées, ainsi que toutes les dispositions de la loi générale sur les disparitions, notamment en créant la Banque nationale de données médico-légales et le Programme national d’exhumations et d’identification médico-légale.