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Le Comité des droits de l’enfant relève que l’Ukraine fait le maximum pour atténuer les effets du conflit sur les enfants, mais s’inquiète que les enfants d’aujourd’hui devront vivre avec le traumatisme de la guerre
31 août 2022
Dans la situation de guerre que traverse actuellement l’Ukraine, le Comité des droits de l’enfant est extrêmement préoccupé par la situation des enfants et plus particulièrement par les centaines d’enfants tués et blessés du fait de l’utilisation d’armes explosives dans les zones habitées. Il importe d’autant plus de veiller aux droits de l’enfant en temps de guerre que les enfants sont les plus vulnérables aux conflits. Le Comité est de tout cœur avec l’Ukraine confrontée à la perte de milliers d'adultes et de centaines d'enfants ukrainiens, de même qu’à la destruction que la guerre menée par la Fédération de Russie a infligée au pays. Les enfants d'aujourd'hui devront vivre avec le traumatisme de la guerre, notamment les symptômes de stress post-traumatique, la dépression, l’anxiété, les troubles somatiques et les troubles du sommeil et du comportement.
C’est ce qu’ont déclaré les membres du Comité des droits de l’enfant alors qu’ils examinaient, hier après-midi et ce matin, le rapport soumis par l’Ukraine au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant.
Il a par ailleurs été relevé que le Gouvernement ukrainien faisait le maximum pour atténuer les effets du conflit sur les enfants traumatisés. Nombre d’enfants sans soins parentaux, d’enfants vivant dans la pauvreté, d’enfants handicapés, d’enfants des minorités, particulièrement vulnérables, sont déplacés à l'intérieur du pays ou au-delà des frontières, a souligné un expert, avant de s’enquérir des mesures prises par le Gouvernement pour assurer la sécurité de ces enfants, de même que celle des enfants de familles ayant refusé d'évacuer les zones de guerre.
Un expert a regretté que de nombreux parents en Ukraine pensent que la violence émotionnelle à l'encontre d'un enfant est acceptable à des fins éducatives. Il est très important, en cette période de guerre, que les enfants bénéficient de chaleur et d'amour dans leur éducation et que l'interdiction totale des châtiments corporels soit appliquée, a insisté l’expert.
S’agissant de la situation des enfants sortis d’institutions ou de familles d’accueil pour être évacués à l’étranger, il a été regretté que le Gouvernement ukrainien insiste pour que ces enfants soient placés, à nouveau, dans d’autres institutions à l’étranger.
Une experte a salué l’adoption en 2012 de la loi de prévention et de lutte contre la discrimination en Ukraine. Cependant, a-t-elle observé, cette loi ne semble pas mettre l’accent sur certaines catégories d’enfants qui font l’objet de beaucoup de discrimination : enfants handicapés, enfants roms, enfants déplacés internes, entre autres. Une autre experte s’est dite préoccupée par la discrimination envers les Roms et a fait état d’épisodes de violences collectives contre cette communauté.
Par ailleurs, a-t-il été ajouté, le Comité a l’impression que le droit de réunion pacifique n’est pas suffisamment garanti pour les jeunes et il est regrettable qu’en Ukraine, le droit à la vie privée des enfants soit bafoué non seulement pas les médias, mais aussi par les autorités.
Pendant la période couverte par le présent rapport, l’Ukraine a de fait été en guerre pendant huit ans, a pour sa part rappelé la Ministre ukrainienne des politiques sociales, Mme Oksana Zholnovych, avant d’ajouter que l’agression totale par la Fédération de Russie depuis six mois touche aujourd’hui chaque famille et chaque enfant.
Le Plan d’action national pour l’application de la Convention s’est accompagné de nombreuses mesures relatives, notamment, au droit à avoir une famille ou une famille de remplacement, a ensuite indiqué la Ministre, avant de préciser que de nombreuses familles d’accueil ont été recrutées depuis 2016 pour prendre en charge les enfants qui étaient jusqu’alors placés en institution. S’agissant du droit à l’éducation, Mme Zholnovych a notamment indiqué que son pays avait appliqué avec succès une réforme du système scolaire qui intègre pleinement les élèves ayant besoin de soutien.
La Ministre a ensuite mis en garde contre le fait que pratiquement tous les résultats qu’elle a annoncés devraient être revus étant donné la guerre totale menée par la Fédération de Russie. En effet, le droit à la vie et à la santé est violé quotidiennement par les bombardements, la destruction des infrastructures civiles et l'utilisation de munitions interdites : depuis l'invasion, 379 enfants sont morts et 735 ont été blessés. La majorité des enfants sont aujourd'hui traumatisés psychologiquement et ont besoin de programmes de soutien. La mise en œuvre d’un programme de protection de la santé mentale et du soutien psychosocial pour tous les citoyens a commencé, a indiqué la Ministre.
Autre effet de l’agression russe, en Ukraine, presque tous les enfants subissent l'absence d'un père, de grands frères ou d'oncles, car de nombreux hommes âgés de 18 à 60 ans sont mobilisés, a d’autre part fait observer Mme Zholnovych. Un grand nombre d'enfants dans les territoires occupés se sont retrouvés sans parents ni autres représentants légaux ; beaucoup ont été emmenés de force en Fédération de Russie et placés dans des institutions ou généralement donnés en adoption. Le Gouvernement ukrainien a créé des « quartiers généraux de coordination » pour la protection des droits de l'enfant sous la loi martiale, qui travaillent constamment sur l'évacuation des enfants, a indiqué la Ministre.
Mme Zholnovych a déploré que cet automne seules 50% des écoles ouvriront leurs portes aux écoliers, les autres ne répondant pas aux exigences de sécurité, alors que plus de 859 établissements scolaires ont été endommagés par les bombardements et les tirs d'obus, et plus de 83 d'entre eux ont été complètement détruits. De nombreux écoliers ukrainiens sont contraints d'étudier à l'étranger et sont privés de la possibilité d'étudier leur langue maternelle, leur culture et leur littérature, a fait observer la Ministre, avant de prier le Comité d'appeler les pays à permettre aux enfants ukrainiens qui sont actuellement des migrants forcés d’étudier dans leur langue maternelle.
Outre Mme Zholnovych et plusieurs de ses collaborateurs au Ministère des politiques sociales, la délégation ukrainienne était également composée de nombreux représentants de la Commission des droits et de la réhabilitation des enfants, d’organisations syndicale et de la société civile, ainsi que des Ministères des affaires étrangères, de l’intérieur, de la justice et de la santé.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de l’Ukraine et les publiera à l’issue de sa session, le 23 septembre.
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l’examen du rapport de l’Ouzbékistan.
Examen du rapport
Le Comité était saisi du rapport valant cinquième et sixième rapports périodiques de l’Ukraine (CRC/C/UKR/5-6) ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter qui avait été soumise par le Comité.
Déclaration liminaire
La Présidente du Comité, MME MIKIKO OTANI, a remercié la délégation d’avoir fait le déplacement à Genève. Le Comité, a-t-elle souligné, est extrêmement préoccupé par la situation des enfants dans la situation de guerre que traverse l’Ukraine.
Présentation
Présentant le rapport de son pays, MME OKSANA ZHOLNOVYCH, Ministre des politiques sociales de l’Ukraine, a d’abord indiqué que depuis la ratification de la Convention en 1991, l’Ukraine s’était engagée à appliquer cet instrument sur son territoire, l’intérêt supérieur de l’enfant étant au cœur des politiques publiques. Pendant la période couverte par le présent rapport, l’Ukraine a de fait été en guerre pendant huit ans, a rappelé la Ministre, avant d’ajouter que l’agression totale par la Fédération de Russie depuis six mois touche aujourd’hui chaque famille et chaque enfant.
Le Plan d’action national pour l’application de la Convention s’est accompagné de nombreuses mesures relatives, notamment, au droit à avoir une famille ou une famille de remplacement, a ensuite indiqué Mme Zholnovych, avant de préciser que de nombreuses familles d’accueil ont été recrutées depuis 2016 pour prendre en charge les enfants qui étaient jusqu’alors placés en institution. Le Gouvernement a modifié son approche des orphelins, au profit ici aussi de la prise en charge par des familles d’accueil, a ajouté la Ministre.
Le Gouvernement a aussi mis en place un soutien temporaire pour enfants en situation difficile : quelque 250 familles accueillent des enfants retirés de leur famille, a poursuivi Mme Zholnovych. D’autre part, près de 93% des orphelins et des enfants privés de soins parentaux sont placés dans un environnement familial, soit 15 000 enfants élevés dans 3000 familles de citoyens ukrainiens ou 1320 orphelinats de type familial. Le Gouvernement s’emploie aussi à élargir le nombre de familles prêtes à adopter des enfants et a modernisé la procédure d’adoption.
Depuis 2018, une réforme complète du service de santé a été lancée : elle est axée sur le suivi des familles par des médecins spécialisés. Une fois le médecin de famille choisi, le niveau primaire de soins médicaux couvre tout, y compris la prise en charge des femmes enceintes, les soins néonatals, la vaccination et le travail de prévention, a précisé la délégation.
S’agissant du droit à l’éducation, la Ministre a notamment indiqué que son pays avait appliqué avec succès une réforme du système scolaire qui intègre pleinement les élèves ayant besoin de soutien. Plus de 22 000 enseignants assistants assurent cette éducation inclusive.
Un projet de loi sur la justice pour les enfants a été élaboré, a d’autre part souligné Mme Zholnovych. Il prévoit que les enfants en contact avec la loi en tant que témoins, victimes ou justiciables sont traités selon des normes et pratiques répondant aux normes européennes, a-t-elle précisé. Les enfants victimes – y compris ceux victimes de crimes commis par des militaires russes – sont pris en charge et soutenus dans leurs démarches dans trois établissements de type Barnahus, a indiqué la Ministre.
La Ministre a ensuite mis en garde contre le fait que pratiquement tous les résultats qu’elle a annoncés devraient être revus étant donné la guerre totale menée par la Fédération de Russie. En effet, le droit à la vie et à la santé est violé quotidiennement par les bombardements, la destruction des infrastructures civiles et l'utilisation de munitions interdites : depuis l'invasion, 379 enfants sont morts et 735 ont été blessés. La majorité des enfants sont aujourd'hui traumatisés psychologiquement et ont besoin de programmes de soutien. La mise en œuvre d’un programme de protection de la santé mentale et du soutien psychosocial pour tous les citoyens a commencé, a indiqué la Ministre.
D’autre part, quelque mille hôpitaux étant endommagés ou complètement détruits, a poursuivi Mme Zholnovych, l'Ukraine est reconnaissante à la communauté internationale des oncologues pédiatriques pour leur initiative d'évacuation médicale #SAFERUkraine afin de poursuivre à l’étranger le traitement des enfants atteints de cancer.
Autre effet de l’agression russe, en Ukraine, presque tous les enfants subissent l'absence d'un père, de grands frères ou d'oncles, car de nombreux hommes âgés de 18 à 60 ans sont mobilisés, a d’autre part fait observer Mme Zholnovych. Un grand nombre d'enfants dans les territoires occupés se sont retrouvés sans parents ni autres représentants légaux ; beaucoup ont été emmenés de force en Fédération de Russie et placés dans des institutions ou généralement donnés en adoption. Le Gouvernement ukrainien a créé des « quartiers généraux de coordination » pour la protection des droits de l'enfant sous la loi martiale, qui travaillent constamment sur l'évacuation des enfants, a par ailleurs indiqué la Ministre.
Mme Zholnovych a déploré que cet automne seules 50% des écoles ouvriront leurs portes aux écoliers, les autres ne répondant pas aux exigences de sécurité. Plus de 859 établissements scolaires ont été endommagés par les bombardements et les tirs d'obus, et plus de 83 d'entre eux ont été complètement détruits, a précisé la Ministre. De nombreux écoliers ukrainiens sont contraints d'étudier à l'étranger et sont privés de la possibilité d'étudier leur langue maternelle, leur culture et leur littérature, a-t-elle fait observer, avant de prier le Comité d'appeler les pays à permettre aux enfants ukrainiens qui sont actuellement des migrants forcés d’étudier dans leur langue maternelle.
Questions et observations des membres du Comité
M. BRAGI GUDBRANDSSON, coordonnateur du groupe de travail chargé par le Comité d’examiner plus avant le rapport de l’Ukraine, a souligné qu’il importait d’autant plus de veiller aux droits de l’enfant en temps de guerre que les enfants sont les plus vulnérables aux conflits. Le Comité, a ajouté l’expert, est de tout cœur avec l’Ukraine confrontée à la perte de milliers d'adultes et de centaines d'enfants ukrainiens, de même qu’à la destruction que la guerre menée par la Fédération de Russie a infligée au pays.
M. Gudbrandsson a ensuite constaté que les enfants d'aujourd'hui devront vivre avec le traumatisme de la guerre, notamment les symptômes de stress post-traumatique, la dépression, l’anxiété, les troubles somatiques et les troubles du sommeil et du comportement. Nombre d’enfants sans soins parentaux, d’enfants vivant dans la pauvreté, d’enfants handicapés, d’enfants des minorités, particulièrement vulnérables, sont déplacés à l'intérieur du pays ou au-delà des frontières, a par ailleurs souligné l’expert, avant de s’enquérir des mesures prises par le Gouvernement pour assurer la sécurité de ces enfants, de même que celle des enfants de familles ayant refusé d'évacuer les zones de guerre.
En raison des hostilités, les victimes présumées ne sont pas toujours en mesure, ou désireuses, de déposer plainte devant les autorités chargées de l'application de la loi ou de se tourner vers les prestataires de services, a fait remarquer l’expert, qui a demandé ce que les autorités faisaient pour remédier à cette situation.
M. Gudbrandsson a d’autre part regretté que de nombreux parents en Ukraine pensent que la violence émotionnelle à l'encontre d'un enfant est acceptable à des fins éducatives. Il est très important, en cette période de guerre, que les enfants bénéficient de chaleur et d'amour dans leur éducation et que l'interdiction totale des châtiments corporels soit appliquée, a insisté l’expert.
M. Gudbrandsson a ensuite jugé remarquable que l'Ukraine, en temps de guerre, ait ratifié plusieurs conventions internationales visant à protéger les enfants contre la violence, comme la Convention de Lanzarote et, il y a quelques mois seulement, la Convention d'Istanbul sur la violence domestique. L’expert a aussi félicité l’Ukraine d’appliquer le concept Barnahus de soutien aux enfants victimes de violence ; il a demandé s’il serait possible d’adapter ce modèle aux traumatismes subis par les enfants pendant la guerre.
M. Gudbrandsson a relevé que l'Ukraine avait l'un des plus grands nombres d'enfants séparés de leur famille en Europe centrale et orientale, soit 1,5% de tous les enfants ; si la première phase du plan de désinstitutionnalisation est achevée, il n’y a eu que peu de progrès dans la deuxième phase, qui devrait être prise en charge par les régions, a-t-il souligné.
L’expert a par ailleurs demandé combien d’enfants étaient encore en institution dans les zones de guerre. Il a aussi voulu savoir si le Gouvernement connaissait la situation des enfants sortis d’institutions ou de familles d’accueil pour être évacués à l’étranger. À cet égard, M. Gudbrandsson a regretté que le Gouvernement ukrainien insiste pour que ces enfants soient placés, à nouveau, dans d’autres institutions à l’étranger. Il a jugé urgent de mettre en place un plan d'évacuation systématique pour les enfants ayant des besoins de soutien élevés.
M. Gudbrandsson a d’autre part espéré que les enfants handicapés placés en institution et qui sont en danger en Ukraine pourraient être déplacés vers des régions ou des pays plus sûrs.
MME HYND AYOUBI IDRISSI, membre du groupe de travail chargé par le Comité d’examiner plus avant le rapport de l’Ukraine, a félicité le pays d’avoir ratifié le troisième Protocole facultatif à la Convention (qui institue une procédure de présentation de plaintes individuelles devant le Comité) et a demandé ce qui avait été fait pour faire connaître la possibilité qui est ainsi offerte aux enfants de porter plainte devant le Comité.
L’experte a d’autre part insisté sur l’importance de bien former les professionnels chargés d’appliquer les lois relatives à l’enfance, une tâche difficile étant donné les amendements fréquents apportés à ces lois ; elle a également rappelé l’importance de la coordination de l’action du Gouvernement dans ce domaine.
Mme Ayoubi Idrissi a ensuite constaté que les données statistiques sur les enfants vulnérables étaient éparses et pas toujours utilisées à l’appui de l’élaboration des lois : sans données fiables, il est impossible de prévoir quoi que ce soit, a insisté l’experte.
Mme Ayoubi Idrissi a ensuite salué l’adoption en 2012 de la loi de prévention et de lutte contre la discrimination en Ukraine. Cependant, a-t-elle observé, cette loi ne semble pas mettre l’accent sur certaines catégories d’enfants qui font l’objet de beaucoup de discrimination : enfants handicapés, enfants roms, enfants déplacés internes, entre autres.
L’experte a ensuite noté que le Médiateur – institution nationale de droits de l’homme – pouvait recevoir des plaintes d’enfants. La question se pose de savoir si ce Médiateur dispose des moyens nécessaires pour vérifier de manière indépendante l’application de la Convention, et comment il coordonne son action avec celle du Commissaire aux droits de l’enfant attaché à la Présidence de la République.
L’experte a par ailleurs demandé si une évaluation était faite de toutes les politiques de l’État à l’aune de l’intérêt supérieur de l’enfant et si les acteurs concernés étaient informés de la manière de déterminer cet intérêt.
Dans le contexte actuel, le Comité est extrêmement préoccupé par les centaines d’enfants tués et blessés par l’utilisation d’armes explosives dans les zones habitées, a poursuivi l’experte. Elle a demandé ce que l’État partie envisageait de faire pour renforcer la protection des civils, notamment celle des enfants, donner des instructions très claires aux forces de sécurité en vue d’empêcher les meurtres et blessures, et poursuivre la collaboration avec les mécanismes d’enquête sur les violations du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire.
En posant ses questions, a insisté Mme Ayoubi Idrissi, le Comité prend acte des acquis de l’Ukraine de même que de la particularité de la situation actuelle, tout en se projetant dans un avenir qu’il espère plus certain et plus favorable pour les droits de l’enfant.
M. JOSÉ ANGEL RODRÍGUEZ REYES, membre du groupe de travail chargé par le Comité d’examiner plus avant le rapport de l’Ukraine, a demandé si, dans la situation actuelle, il était possible que des mariages de mineurs aient lieu dans la communauté rom. Ce problème avait cours avant le conflit et il faudrait savoir s’il s’est aggravé, a-t-il expliqué.
M. Rodríguez Reyes a ensuite demandé si le Gouvernement ukrainien avait pu aborder le problème des traitements chirurgicaux inutiles sur les enfants intersexes et s’est enquis des mesures prises en faveur de la santé mentale des jeunes dans le sillage de la guerre. Selon des informations parvenues au Comité, a en outre relevé l’expert, une partie des attaques contre des installations civiles est probablement due au fait que ces installations sont utilisées à des fins militaires : il a demandé si les autorités s’efforçaient d’éviter de telles situations.
M. Rodríguez Reyes a d’autre part salué les efforts du Gouvernement pour assurer aux enfants handicapés la meilleure prise en charge possible. Pour l’avenir, l’expert a voulu savoir si le pays modifierait l’approche actuelle, dont il a estimé qu’elle s’éloignait de la Convention relative aux droits des personnes handicapées – un instrument qui est marqué par l’inclusion des enfants. L’expert a également voulu savoir si, à l’avenir, l’Ukraine remédierait aux causes profondes de l’institutionnalisation d’enfants en favorisant le soutien familial et communautaire – autrement dit, en appliquant les normes internationales acceptées et l’inclusivité.
MME VELINA TODOROVA, également membre du groupe de travail chargé par le Comité d’examiner plus avant le rapport de l’Ukraine, a salué les modifications apportées à la loi pour simplifier l’enregistrement des naissances intervenues dans les territoires ukrainiens non contrôlés par l’État. La pratique de la gestation pour autrui n’est pas réglementée en Ukraine, a aussi fait remarquer l’experte, avant de demander si le projet de loi sur cette question prenait en compte la notion d’intérêt supérieur de l’enfant.
Le Comité a l’impression que le droit de réunion pacifique n’est pas suffisamment garanti pour les jeunes, a par ailleurs déclaré la même experte. Elle a en outre regretté que le droit à la vie privée des enfants soit bafoué non seulement pas les médias, mais aussi par les autorités.
Mme Todorova a ensuite évoqué les droits des enfants immigrés, réfugiés et demandeurs d’asile. Elle a constaté que le droit ukrainien n’accordait aucun statut juridique aux enfants requérants d’asile, ce qui les empêche de bénéficier de certains droits.
Vu la situation actuelle, une grande vigilance s’impose face au risque d’exploitation d’enfants dans tous les domaines, a ajouté l’experte. Elle a jugé alarmante l’exploitation de mineurs pour la vente de substances illégales et pour la production de matériels pornographiques en Ukraine. Mme Todorova s’est aussi dite préoccupée par la discrimination envers les Roms et a fait état d’épisodes de violences collectives contre cette communauté.
Mme Todorova a enfin regretté que les autorités n’aient pas évacué une institution de prise en charge de mineurs délinquants dans la zone de guerre.
Un autre expert du Comité a relevé que le Gouvernement faisait le maximum pour atténuer les effets du conflit sur les enfants traumatisés. Il a demandé si des efforts étaient aussi consentis en faveur d’interventions positives pour préserver la santé mentale des jeunes, par le biais du jeu et des loisirs, par exemple.
D’autres experts se sont interrogés sur le statut juridique des enfants non accompagnés ukrainiens réfugiés à l’étranger et sur la protection dont ils bénéficient en vertu des accords passés entre le Gouvernement ukrainien et ses homologues des pays d’accueil.
Réponses de la délégation
La délégation a indiqué que l’Ukraine disposait d’un mécanisme de coordination entre les institutions publiques en charge de l’enfance, la société civile et les organisations non gouvernementales. Un conseil sera désigné pour coordonner les réformes institutionnelles dans le domaine de la protection des droits de l’enfant, a-t-elle en outre fait savoir.
Un autre comité du Gouvernement est chargé d’élaborer les rapports à rendre aux institutions des Nations Unies, avec la participation également de la société civile. Le processus de réforme de ce comité a été interrompu par le conflit, a indiqué la délégation.
D’autre part, la Présidence de la République a créé une commission de coordination chargée de mieux cibler les mesures de protection de l’enfance pendant la loi martiale, de coordonner les enquêtes sur les crimes commis contre des enfants pendant la guerre et de réfléchir aux formes que devra prendra la protection des enfants après le conflit. Un portail sur Internet présente toutes les informations recensées par les différentes autorités s’agissant des décès, blessures, expulsions et adoptions illégales d’enfants ukrainiens – autant de faits que la délégation a qualifiés de génocidaires.
S’agissant des questions d’éducation, il a été précisé que 540 millions de hryvnia ont été alloués, sur le budget national, aux enfants ayant des besoins pédagogiques spéciaux.
Tous les enfants déplacés en Ukraine ont le droit de s’inscrire à l’école sur simple demande de leurs parents. Environ 2000 écoles, lycées, établissements de formation professionnelle ont été détruits ou endommagés par le conflit, sans qu’il soit possible d’être plus précis étant donné que les destructions se poursuivent, a rappelé la délégation. Cette situation entraîne une augmentation du nombre des élèves dans les classes ouvertes, a-t-elle expliqué.
La rentrée scolaire commencera cette semaine, à savoir le 1er septembre précisément, mais la moitié seulement des établissements ouvriront leurs portes aux élèves, a poursuivi la délégation. Les élèves des zones occupées pourront accéder à un enseignement à distance, lequel sera aussi offert aux enfants déplacés à l’étranger, a précisé la délégation.
Le Ministère de l’éducation dispense aux enseignants des programmes de formation aux obligations découlant des instruments internationaux signés par l’Ukraine, 10% du temps d’enseignement étant consacré à la Convention relative aux droits de l’enfant, a d’autre part indiqué la délégation.
Il a par ailleurs été précisé que les mineurs ont le droit d’exprimer leurs opinions dans toutes les procédures les concernant, y compris lors du divorce de leurs parents. Si l’enfant en a le discernement, il peut aussi prendre une part active à une procédure d’adoption le concernant.
Dans la procédure pénale, les enfants bénéficient de garanties supplémentaires : en particulier, les audiences doivent être menées par des magistrats spécialement formés et en présence d’un avocat.
Les communautés qui accueillent les personnes déplacées n’ont pas toujours les moyens financiers pour ce faire, a fait remarquer la délégation. Le Gouvernement a donc mis en place un mécanisme de financement à cette fin.
L’activité la plus importante en Ukraine en ce moment, ce sont les opérations des forces armées qui se battent pour repousser l’agression, a ensuite déclaré la délégation, ajoutant que le pays agresseur veut contrôler chaque citoyen ukrainien, le priver de sa liberté ou le détruire. La meilleure protection consiste donc à combattre pour protéger les enfants contre l’agresseur, a insisté la délégation ukrainienne.
Tous les efforts sont concentrés sur l’objectif de revenir aux frontières d’avant la guerre, a poursuivi la délégation, avant d’indiquer qu’en attendant, les autorités ont pris des mesures pour protéger les enfants contre les effets négatifs des hostilités. C’est ainsi que, malheureusement, les enfants ukrainiens doivent être formés à manipuler des munitions, à se protéger contre les frappes de missiles ou d’artillerie ou encore à savoir quoi emporter avec eux dans les abris – aussi horrible que cela puisse paraître. Il faut aussi apprendre aux enfants comment se comporter s’ils se trouvent perdus ou seuls, confrontés à des mines ou munitions, ou s’ils apprennent quelque chose sur les crimes commis par les Russes.
Les ministères concernés, de même que la police et l’administration, collaborent avec les partenaires du pays à l’élaboration de matériels pédagogiques sur toutes ces questions qui sont publiés sur les sites web du Gouvernement.
La délégation a ensuite précisé que le Code de famille de 2019 fixe à 18 ans l’âge du mariage pour les femmes comme pour les hommes. Une personne de plus de 16 ans peut demander au tribunal l’autorisation de se marier – une autorisation que le tribunal peut accorder si la jeune fille est enceinte, par exemple. Cela étant, le Code pénal sanctionne tout mariage avec un mineur, a souligné la délégation.
Les Ukrainiens vivant dans les zones occupées restent des citoyens et ont droit aux services de santé, a-t-il par ailleurs été rappelé. Le Gouvernement a introduit un système d’ordonnances numériques, qui permet aux patients d’obtenir des médicaments.
Une procédure civile a été mise en place pour permettre l’enregistrement des naissances dans les territoires non contrôlés par l’État : toute demande peut être déposée auprès de n’importe quel tribunal ukrainien, quel que soit le lieu de résidence. Le même dispositif s’applique aux annonces de décès dans les territoires non contrôlés par l’État, a ajouté la délégation.
L’Ukraine condamne fermement les initiatives de la Fédération de Russie pour changer la nationalité des enfants ukrainiens dans les zones occupées et appelle la population à signaler et documenter tous les cas, a d’autre part déclaré la délégation.
Les autorités s’efforcent de localiser tous les enfants vivant dans les territoires occupés et de les rapatrier. Quelque 53 enfants ont déjà été rapatriés, mais il n’est pas possible, pour des raisons opérationnelles, de donner des détails sur le déroulement de ces opérations, a indiqué la délégation.
La gestation pour autrui est soumise à un ensemble de règles et procédures. Elle n’est possible que lorsque l’homme et la femme ensemble sont passés par une procédure formelle de transfert de matériel biologique à une tierce personne – à savoir la mère porteuse. La nationalité de l’enfant sera celle des parents ayant donné ce matériel biologique, a expliqué la délégation.
Quant au droit de réunion pacifique, il est garanti par la Constitution moyennant notification préalable aux autorités compétentes. Aucune réglementation ne limite le droit des jeunes de se réunir de manière pacifique et de participer à la vie sociale. Ils ont aussi le droit de se regrouper en organisations de jeunes, avec l’autorisation de leurs parents. Ces organisations peuvent recevoir des subventions de l’État pour mener leurs projets et se développer.
En ce qui concerne le droit à la vie privée, le Code civil interdit de photographier ou de filmer un citoyen quel qu’il soit, y compris un mineur, sauf s’il donne son consentement explicite. Les images prises sans l’assentiment du représentant légal d’un mineur doivent être détruites, a insisté la délégation. Le Gouvernement prend des mesures supplémentaires pour faire en sorte que la vie privée des enfants placés en institution soit elle aussi respectée, des manquements ayant été constatés, a-t-elle ajouté.
Le nombre d’enfants intersexes augmente tous les ans en Ukraine, a fait savoir la délégation. Une commission d’éthique sera créée sous l’égide du Ministère de la santé : elle formulera des lignes directrices concernant les interventions chirurgicales sur des enfants intersexes.
Pour ce qui concerne l’accès à la santé, la délégation a rappelé que tous les enfants ont droit aux mêmes soins, l’accent étant mis sur les soins primaires et sur l’amélioration de la qualité des services. Citoyens, réfugiés et apatrides reçoivent tous des soins gratuits, a fait valoir la délégation. Le système de santé fonctionne malgré la guerre totale : les enfants blessés ou brûlés sont soignés puis évacués vers des pays voisins, en Europe ainsi qu’en Amérique du Nord, a ajouté la délégation.
La Présidence de la République a lancé un projet de soutien à la santé mentale des enfants confrontés aux traumatismes de la guerre, un projet de stratégie sur cette question étant en cours d’élaboration. Des travailleurs sociaux se rendent dans les refuges, abris, hôpitaux ou encore gares où se retrouvent de nombreux enfants ayant besoin d’un soutien psychologique, a expliqué la délégation.
Le Gouvernement collabore, d’autre part, avec les pays qui accueillent des enfants ukrainiens pour faire en sorte qu’ils puissent recevoir les soins dont ils ont besoin.
La délégation a donné d’autres renseignements sur le réseau de centres Barnahus pour la prise en charge psychologique et juridique des victimes de violences. Trois centres fonctionnent actuellement et trois autres devraient ouvrir, dont l’un à Odessa.
Les autorités sont conscientes que les enfants déplacés à l’intérieur du pays doivent pouvoir vivre leur enfance et interagir avec leurs pairs dans les communautés d’accueil. Les autorités ont déployé vingt équipes mobiles qui organisent des activités d’adaptation et d’insertion et apportent un soutien psychologique aux jeunes et à leurs parents. Quatre mille activités ont eu lieu à ce jour, dont ont pu bénéficier quelque 38 000 enfants.
Les deuxième et troisième phases du programme national de désinstitutionnalisation doivent durer jusqu’en 2027, a d’autre part fait savoir la délégation. Le Gouvernement juge cette démarche cruciale et redoublera d’efforts pour trouver des familles prêtes à accueillir et à adopter des enfants. Les subventions pour prise en charge en milieu familial ont été augmentées et les formalités administratives simplifiées, ce qui a entraîné une progression du nombre des familles intéressées. La situation actuelle entraîne, d’autre part, un regain de solidarité qui permet d’espérer que les objectifs seront atteints en 2027, comme prévu, a affirmé la délégation.
Depuis le 12 mars, tout départ hors d’Ukraine d’un enfant placé en institution est conditionné à l’accord des services sociaux, ce qui permet au Gouvernement non seulement de savoir où vont les enfants, mais aussi de parer au risque bien réel de traite auquel ils sont exposés. Plusieurs pays européens accueillent, dans des familles ou des institutions, des enfants qui étaient auparavant institutionnalisés en Ukraine. Le Gouvernement s’efforce en même temps de créer au pays les conditions de leur retour dans de bonnes conditions, a expliqué la délégation.
Nombre d’enfants handicapés évacués avec leur famille n’ont pas été enregistrés et le Gouvernement ne sait pas où ils se trouvent à l’étranger. Quant aux enfants handicapés institutionnalisés qui n’ont pas été évacués, ils vivent parfois dans des situations très précaires, sans chauffage voire sans repas. Le plus sûr pour les enfants handicapés serait d’être accueillis à l’étranger, a reconnu la délégation en réponse à une suggestion d’un membre du Comité. Mais, concrètement, cette démarche serait difficile pour les enfants, qui seraient exposés à un stress important. Il serait plus facile de prendre en charge ces enfants à l’ouest de l’Ukraine, qui est plus sûr, a affirmé la délégation.
Le Gouvernement étendra les services fournis aux enfants handicapés institutionnalisés dans la partie occidentale de l’Ukraine. Il s’efforcera parallèlement de renvoyer certains enfants dans leurs familles, pour autant qu’elles aient les moyens de s’occuper d’eux, a ensuite indiqué la délégation. Un autre effort porte actuellement sur l’éducation inclusive, a-t-elle ajouté. Les autorités s’efforceront désormais d’éviter le placement en institution des enfants handicapés à la naissance, a-t-elle assuré.
L’Ukraine est en principe favorable à l’évacuation d’enfants handicapés à l’étranger. Cette démarche est cependant difficile non seulement du fait des contraintes liées aux enfants eux-mêmes, déjà évoquées, mais aussi parce que l’évacuation suppose l’accord des personnels soignants spécialisés et des parents, qui doivent accompagner les enfants, a expliqué la délégation.
Le Ministère de la justice a évacué les personnes détenues, y compris les mineurs, de même que les personnels de onze prisons où se déroulent les hostilités. Deux des trois mineurs détenus dans la prison de Melitopol ont été transférés dans d’autres établissements, a indiqué la délégation.
Remarques de conclusion
M. GUDBRANDSSON a fait savoir que le Comité avait apprécié la décision de l’Ukraine de ne pas demander le report de l’examen du rapport malgré l’agression russe, attitude qui démontre la volonté de l’Ukraine d’appliquer la Convention.
MME ZHOLNOVYCH a remercié les membres du Comité de leur soutien à l’Ukraine dans les circonstances actuelles pour l’aider à protéger les droits des enfants et leur fournir les soins et prestations dont ils ont besoin. Les observations du Comité permettent d’appréhender la situation en Ukraine sous une autre perspective, donnent matière à réflexion et inciteront le Gouvernement à agir différemment, a affirmé la Ministre.
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